Tribune : Pour une souveraineté stratégique : la raison d’être… d’un débat

En résumé : face à l’urgence planétaire et à la quête de sens, la politique a sommé les entreprises de manifester leur adoration de l’écosystème et de mettre en conformité leur marché avec cette injonction. Et ces dernières se sont oubliées dans une pratique mimétique. Chacun « agit pour accélérer la transition vers une économie neutre en carbone », « concilie performance économique et impact positif sur les personnes et la planète », « donne les clés d’un monde numérique responsable », « veille à une mobilité respectueuse »… Pour obtenir un tel résultat : des mois de travail, des codir spécifiques, l’interne interrogé participatif oblige, le tout pour une divine révélation souvent banale.

Ce sont les conditions matérielles et sociales de l’existence qui ont déterminé la conscience d’une entreprise et lui ont donné sa raison d’agir.

La pratique de la raison d’être aide à se situer dans la société, ce n’est pas rien… Mais l’expérience montre qu’elle ne permet pas d’intégrer une vision stratégique souveraine.

À l’étranger, cette pratique est intégrée dans un purpose la liant aux offres et aux actifs.

Les réactions : excellente surprise, un raz de marée de gens ravis de se libérer du dogme ; et d’autres, minoritaires heureusement, arguant qu’il n’y avait ni effet du temps ni injonction politique dans le fait d’avoir le titre de… directeur du pôle raison d’être, ou d’être à la tête d’entreprises nommées « raison d’être conseil ». Mais l’intégration du purpose en France, il y a vingt ans, n’a pas vu éclore de « directeur du purpose ». Le refus, dans la discussion, de voir le conflit d’intérêts est abyssal, comme la confusion entre l’existence (être) et la foi (croire).

Mais rien n’est plus passionnant que de confronter les écoles.

La finance durable fait l’objet de batailles et, jusqu’ici, a peu d’impact sur la valorisation des entreprises : on en pense quoi ?

Des actionnaires minoritaires s’opposent à des conseils d’administration que la raison d’être ne protège pas : on change quoi ?

Le terme « extra-financier » semble condamné à être différent de celui de « financier » : quelle stratégie donne une vision unifiée de l’action ?

À Reputation Age, nous avons assumé l’immense responsabilité de proposer au marché la « souveraineté stratégique », une urgence à l’heure où les entreprises s’épuisent à courir après des positionnements à la mode, des captations d’externalités insoutenables, les doxas durables. Le succès est étonnant et nous touche énormément. D’immenses entreprises armées pour vingt ans de stratégies professionnelles complètes, mais banales et non souveraines, nous ont demandé de travailler pour elles.

Ce débat est un signal faible de l’époque. De plus en plus de gens amoureux d’un futur durable, extérieurs au marketing, n’ayant été ni nourris à la micro-économie compétitive ni habitués génétiquement à lier la communication des entreprises aux demandes de vertu, s’emparent de celle-ci. C’est la version 2023 des communicants de 1990-2010.

Ce n’est pas grave, mais on perd du temps. La France n’est ni anti-économie ni pro-économie, elle demeure pour une partie… a-économie.

L’ère du « bottom up » : le cas Michelin

Comment le collectif One Planet est-il né ? 

Hacer Us : One Planet est né de la fusion de plusieurs collectifs qui ont émergé dans différents départements du groupe (R&D, Services et solutions, programme interne Graduate…). Au cours des deux dernières années, un peu partout dans l’entreprise, des employés ont ressenti le besoin de s’emparer plus précisément des enjeux écologiques. La stratégie People, Profit, Planet – que vous connaissez bien – avait été partagée en 2018, des objectifs du groupe mis en place, l’analyse du cycle de vie du pneu lancée. Mais le temps de diffusion en interne était long, trop long, ce qui a fait naître notre besoin de passer à l’action. En effet, nous ressentions l’urgence d’agir. Et, de discussion en discussion, les premières personnes ont su créer des espaces de réflexion. Nous sommes aujourd’hui plus de 800 personnes sérieusement attachées à faire prendre en compte l’aspect « planète » à la hauteur des enjeux environnementaux qui sont notre vocation première. En mars, nous avons obtenu la reconnaissance officielle du groupe avec un sponsor – le responsable corporate du développement durable et de l’impact (RSE) – qui se dit aujourd’hui très fier de nous accompagner. Et le président du groupe qualifie notre démarche d’innovation sociale ! Nous avons acquis la reconnaissance et la légitimité d’agir. 

Quels sont les avantages et les objectifs d’une telle démarche à l’intérieur même d’une organisation ? 

Benoît Chéhère : Avec ce collectif, l’entreprise dispose également d’un interlocuteur qui peut faire remonter les préoccupations des salariés. L’avantage pour ceux qui s’investissent dans ce collectif est de trouver des collègues qui partagent les mêmes préoccupations pour agir. L’objectif de One Planet est d’accélérer, chez Michelin, la prise en compte de l’aspect « planète » à la hauteur des enjeux environnementaux. 

Le changement de l’intérieur apporte-t-il davantage d’efficience ? 

Soéli Mennuni : Avec ses centaines de membres, notre collectif regroupe des personnes qui occupent différents postes, à différents niveaux hiérarchiques, qui ont différents parcours. Cela nous permet d’avoir une bonne vision de ce qui se passe à l’intérieur du groupe afin de proposer les explorations les plus adéquates, pertinentes et efficaces, avec le meilleur impact positif possible. L’efficience réside dans la mise en réseau, le partage des connaissances et la coopération que nous voyons naître au sein du collectif. 

Quels sont vos champs d’action ? 

Hacer Us : Nous contribuons aux déploiements de nombreux outils de sensibilisation tels que la Fresque du Climat, la Fresque du Numérique, l’Atelier 2tonnes, la Fresque du Facteur Humain – notamment en usine, où il est plus difficile de sensibiliser nos collègues qui sont sur les machines – ou le dispositif The Week, de Frédéric Laloux. Nous avons même organisé une Deep Time Walk avec les 100 dirigeants du groupe ! Nous organisons aussi des conférences et sommes très heureux d’avoir pu offrir à tous nos collègues un échange avec Marc-André Selosse, le Shift Projet ou Diego Landivar. Dans nos activités quotidiennes, une exploration a été lancée sur les déplacements professionnels, les marques d’attention plus responsables ou les goodies – qui ont été remplacés par des produits locaux, comme des pots de miel. Agir en collectif donne une tout autre force aux actions. Et nous avons la chance d’avoir des échanges directs avec nos dirigeants. Nous avons lancé les « Questions (im)pertinentes », un fichier où chaque membre peut proposer une question « qui pique » aux dirigeants. On se sent moins seul et on ose plus facilement s’exprimer quand on sait qu’on a potentiellement 800 personnes prêtes à liker ou à rebondir. Nous avons la chance d’être dans un groupe qui laisse la place aux initiatives. 

En quoi la sensibilité et l’action climatique d’une entreprise aussi emblématique sont-elles un levier de performance ? 

Soéli Mennuni : Notre objectif est de garantir la prise en compte de l’impact que notre entreprise peut avoir sur l’habitabilité de la Terre et d’accélérer la mise en place d’actions à tout niveau. Cela dit, nous voyons que l’émergence de ce collectif permet de renforcer la cohésion, le sentiment d’appartenance, l’engagement et la motivation des personnes qui trouvent un sens fort à agir au sein de Michelin. 

Selon vous, comment améliorer l’impact de la stratégie RSE du groupe ? 

Benoît Chéhère : La RSE a un vrai pouvoir pour faire bouger l’entreprise, à condition de ne pas uniquement rechercher la conformité à la réglementation. La RSE a aussi la possibilité de réinterroger les business models, à condition que l’entreprise lui en laisse la place. Ce qui est le cas chez Michelin Et c’est là qu’un collectif de salariés peut avoir de l’influence pour que la RSE soit considérée à sa juste valeur dans l’entreprise. Il ne faut pas oublier que la voix des salariés c’est aussi la voix des futures recrues, des talents que l’entreprise cherche à embaucher, et cette voix compte beaucoup auprès de la direction. Tant que la RSE se contente de viser la compliance, on n’atteindra jamais les objectifs. Si la RSE ose attaquer la question du business model, on a une chance d’avancer… 

De la peur à l’opportunité

 Quelques observations en préambule : 

Les faits sont là et indéniables : les ressources planétaires, humaines, sociétales sont appauvries, voire taries dans certains cas. Il ne s’agit pas d’un futur probable mais d’un présent avéré. En d’autres termes, l’urgence est documentée objectivement. 

Nous faisons face à une situation extrêmement complexe et systémique. Nous avons collectivement créé le problème et devons ensemble apporter des solutions. La bonne nouvelle, c’est que les réglementations progressent, notamment en matière d’environnement ; les technologies « réparatrices » existent et continueront à se développer. Les exemples incarnés d’activisme et de génération de ressources deviennent visibles et nous inspirent. La voie nous est montrée. En matière de prise de conscience des enjeux RSE, nous n’avons pas atteint le point de bascule sociologique où nous mettons nos énergies en commun pour nous adapter collectivement. Je veux citer ici le livre de Malcolm Gladwelln Le Point de bascule, qui donne trois clés à réunir pour atteindre celui-ci : la loi des petits nombres (environ 20 % de personnes suffisent à réaliser 80 % du travail) ; le facteur d’adhérence (une histoire mémorable et porteuse de sens, pas de peurs) ; un contexte favorable (notre environnement détermine pour partie nos comportements). 

Le cerveau humain est notre meilleur ami, mais aussi notre pire ennemi. Nous opérons la plupart du temps en mode automatique grâce à sa mémoire phénoménale. Face au changement, même infime, sa stratégie naturelle est le refus d’obstacles, la fuite, par peur de la perte, par incapacité à se projeter dans un avenir incertain. 

Alors, comment pouvons-nous sécuriser notre changement personnel et celui de ceux qu’on embarque avec nous en tant que leaders ? 

Tout d’abord, attaquons de front un certain nombre de croyances très limitantes pour aborder ce changement de manière sereine, concernant la performance, le bonheur, la place de l’homme et de la femme vis-à-vis de la nature. 

Performance : pour affronter la complexité, il faut de la complexité, c’est-à-dire une pensée diverse qui représente la voix de toutes les parties prenantes. Le « héros » visionnaire ne peut que proposer des réponses sous-optimales. Nous avons besoin de la puissance du groupe et d’intégrateurs-médiateurs. Cela ne signifie pas consensus à tout prix mais plutôt écoute de prérogatives parfois opposées puis décision courageuse. 

Bonheur : la surconsommation matérielle ne rend pas heureux, c’est mesuré. La reconnexion à soi, par une pratique créative ou spirituelle ; aux autres, par le don ; à la nature sont des alternatives bien plus probantes pour atteindre le bonheur que l’achat d’une nouvelle robe. 

L’humain dans la nature : nous sommes des vivants parmi le vivant. 

Ensuite, adopter une approche de petits pas. Nous sommes tous intéressés par des sujets différents. Le point d’entrée de l’activisme RSE est individuel – ce ne sont pas les problèmes qui manquent aujourd’hui. Commencez par vous sensibiliser à ce qui vous gratte le plus. Les rapports des Nations Unies sur les objectifs de développement durable sont une source pédagogique et activiste intarissable. Affrontez vos peurs, faites votre deuil du passé et rejoignez un collectif engagé près de chez vous ou devenez fer de lance sur les thèmes qui vous engagent émotionnellement. Par exemple la sensibilisation aux dérives de la pensée unique 

Enfin, en tant que leaders en entreprise, nous avons une responsabilité à développer et à accélérer les engagements RSE de celle-ci, en lien avec sa raison d’être et son modèle d’affaires. La période actuelle est propice à réinterroger la notion de valeur créée pour ses parties prenantes (vues au sens large) et les compromis que l’on fait entre celles-ci (c’est un exercice difficile car il existe des tensions opposées). Introduire une « triple bottom line » comptable est sur le chemin critique du point de bascule sociologique. Se montrer exemplaires au quotidien dans les décisions et les orientations opérationnelles pour rendre concrets ces engagements relève de la nécessité. Accompagner les équipes dans leur adaptation l’est également. 

L’avenir est devant nous, comme une page blanche. Il n’y a pas de raison de le subir. Nous avons une occasion unique de retrouver un esprit d’entreprendre, une dignité humaine par la contribution à quelque chose de plus grand que nous. 

Tribune : Vive la RSE… personnelle

Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais nous n’agissons pas de la même manière en tant que citoyen qu’en tant que salarié. En tant que citoyen, nous avons conscience de notre impact individuel, ne serait-ce que par notre droit de vote, par le fait que l’on va rouler à vélo plutôt qu’en SUV ou par notre engagement pour telle ou telle association caritative. Alors qu’en tant que salarié nous nous en remettons pleinement à notre entreprise, inconditionnellement. Si l’entreprise est « vertueuse », tant mieux. Si elle ne l’est pas… 

Et c’est ainsi que nous attendons de notre entreprise qu’elle ait une politique RSE de qualité. Or si notre entreprise n’est pas « au top » de ce point de vue là, que pouvons-nous faire ? 

Je vous propose quelques gestes simples qui ne semblent pas grand-chose, mais qui, si nous nous y mettons toutes et tous, apporteront leur pierre à l’édifice. 

Éteignez votre ordinateur… et le reste 

Saviez-vous qu’un ordinateur en veille consommait entre 20 et 40 % de sa consommation en marche ? C’est moins qu’un photocopieur, qui, lui, est à 80 %, mais tout de même… Combien de fois fermons-nous notre ordinateur sans l’éteindre en fin de journée ? 

Videz vos boîtes e-mail 

Un e-mail stocké, c’est une trace carbone de 10 g par an (source : 

je réponds à tous, souvent à la surprise de mes interlocuteurs. 

Soyez disponibles 

Votre travail n’est pas plus important que celui de votre voisin. Nous pouvons parfois avoir tendance à générer notre propre stress en nous fixant des objectifs trop ambitieux, nous poussant à nous renfermer sur nous-même et à imaginer que nul autre que nous ne connaît une telle pression. 

Se rendre disponible, ce n’est pas être corvéable à merci. Au lieu de dire « non » de façon définitive à un collègue qui sollicite votre aide, vous pourriez juste répondre : « Non, désolé, je ne peux pas maintenant, mais ce sera avec plaisir dans une heure une fois que j’aurai fini ce que je suis en train de faire. » 

Alors oui, bien entendu, il y aurait mille autres petites choses que vous pourriez faire dans votre travail au quotidien, comme prendre les escaliers plutôt que l’ascenseur de temps à autre, le métro ou le vélo plutôt que votre voiture, avoir une tasse plutôt que d’utiliser des gobelets en papier pour votre café matinal… Mais l’essentiel est de commencer. C’est l’action cumulée de toutes et de tous qui aura in fine un impact significatif.

La force de l’optimisme

 L’accélération du progrès et la société dans laquelle nous vivons ne sont plus en adéquation avec la mythologie négative associée au travail depuis plusieurs siècles. De plus en plus de voix s’élèvent pour remettre au centre du débat une définition plus large du travail, autour de la notion de dépense d’énergie en vue d’accomplir un objectif. 

Il s’agit aujourd’hui de repenser le travail à l’aune de tous les changements et bouleversements que nous traversons. Plus que jamais, nous avons conscience d’être dans une aventure collective dans laquelle nous avons tous un rôle à jouer. 

Ainsi, le travail peut devenir un espace de résonance, pour reprendre le concept du sociologue et philosophe allemand Hartmut Rosa. La résonance, c’est le fait d’entrer dans une relation de réciprocité avec le monde. On peut changer de regard sur les évolutions du monde du travail, on peut changer de prisme, de charge sémantique. On peut changer notre rapport au travail, et c’est maintenant que cela a le plus de sens car nous sommes dans une époque charnière, principalement en raison du défi environnemental qui redéfinit tout. 

Chacun peut être acteur. Nous nous rendons compte à quel point chaque individu peut prendre sa place et faire évoluer les choses. C’est aussi cela que nous incarnons. On peut agir seul et collectivement. Travailler sur soi et au bénéfice de la communauté. 

Au sein des entreprises, chacun peut porter un message, une conviction, partager des ressources, influencer son environnement par des communications porteuses d’espoir et, bien sûr, avec optimisme ! 

Le monde du travail bouge. Nous cassons les codes pour en créer de nouveaux. Nous participons à ces transformations. Nous souhaitons être un modèle et surtout accompagner ces changements concrètement pour que rayonne un autre rapport au travail ! 

Pourquoi l’optimisme ? 

L’optimisme, c’est la possibilité d’entrevoir une situation de manière positive, la capacité à le faire. C’est percevoir le monde et l’univers avec confiance et enthousiasme. Pour parvenir à être optimiste dans un monde du travail toujours plus rude, il faut imaginer qu’une autre réalité collective est possible. C’est la première étape pour impulser le changement. Et c’est à l’organisation d’écouter ce besoin de renouvellement des perspectives et de le rendre possible. Décortiquer les nouveaux modèles qui le permettent, et partager la puissance de l’inspiration, pour retrouver de l’énergie et comprendre que c’est possible, c’est notre dada au sein du collectif Sowow. 

Ce qui nous rend optimistes pour l’avenir, c’est de voir que nous sommes loin d’être seules à oeuvrer. Nos idées sont partagées, des milliers de gens agissent, sont actifs, solidaires. Nous le voyons de manière concrète grâce à nos explorations. Jeanne a fait une saison de podcast sur la semaine de quatre jours pour comprendre ce nouveau modèle, Sophie réalise une saison sur l’impact positif, Delphine se plonge dans les nouveaux modes de leadership, Léa dans les choix des talents, et de mon côté je m’intéresse à l’écriture collective du nouveau récit du travail. 

Nous sommes aussi optimistes parce que nous sommes dans un monde du travail qui nous permet aujourd’hui de créer ce collectif : en matière d’ouverture d’esprit, d’outils, de forme juridique. Et nous avons besoin de ces élans pour avancer. 

Ensemble, résolument ! 

Le nouveau récit ne peut s’écrire que collectivement. Les mots « oeuvre » et « ouvrage » reprennent de la place, on parle d’artisanat dans le travail. À une époque où le virtuel semble occuper tout l’espace, ce sont pourtant des actions concrètes et des initiatives de préservation de nos liens qui font le socle de notre humanité et la maintiennent. 

Alors donnons de la force aux initiatives enthousiasmantes, aux explorations optimistes et à la force du collectif qui nous permettra de créer ce monde plus vertueux tant attendu ! l 

5 clés pour s’épanouir au travail quand on est introverti

 

Qu’est-ce qu’être introverti ?

Il s’agit du besoin de se tourner vers soi pour se ressourcer. A l’inverse de l’extraversion qui est la tendance à puiser son énergie du monde extérieur.

Chacun ressent plus ou moins d’introversion ou d’extraversion suivant son tempérament. Les personnes très introverties auront tendance à rechercher souvent la solitude pour se ressourcer, à être plutôt réfléchies, introspectives, calmes, discrètes. Le problème, c’est que l’on peut facilement culpabiliser d’être ainsi.  Notamment au travail, où l’extraversion est très appréciée. Il n’est pas rare de se voir reprocher votre « trop grande discrétion », et de se voir conseiller d’être plus visible dans l’entreprise. Il est également de bon ton de participer à toutes les rencontres, déjeuners, réunions… pour montrer qu’on participe à la vie de l’entreprise. A la longue, beaucoup d’introvertis ont l’impression d’être dans une course permanente pour donner une meilleure image d’eux-mêmes (une image plus extravertie), qui leur prend une énergie folle et sape leur moral.

5 clés pour changer la donne :

 

  1. Prenez en compte votre besoin de calme et de solitude

 

C’est fondamental quand on est introverti. Et la plupart sous-estiment largement ce besoin. En acceptant votre manière de fonctionner et en organisant différemment votre quotidien, vous pouvez ressentir rapidement un regain d’énergie et de confiance en vous.

Les solutions sont infinies :

  • ne pas aller systématiquement manger avec les collègues
  • demander un jour de plus de télétravail
  • mettre un casque antibruit quand on a besoin de se concentrer
  • demander si votre présence à telle réunion est indispensable

Attention : il ne s’agit pas de s’isoler ! Il s’agit simplement de trouver un équilibre entre le rythme intense dont les extravertis ont besoin et vos besoins fondamentaux à vous.

 

  1. Prenez conscience de vos qualités

Beaucoup d’introvertis s’en veulent de n’être pas assez spontanés, pas assez bavards en groupe, pas assez à l’aise en réunion, etc.C’est voir le verre à moitié vide.Car si vous demandiez à vos collègues pourquoi ils vous apprécient, ils vous diraient probablement que vous êtes une personne à l’écoute, empathique, calme, sérieuse, sur laquelle on peut compter… Autant de qualités grandement appréciées en milieu professionnel.Faites le point sur ces qualités, et vous vous ouvrirez de nouveaux horizons.

 

 

  1. Préparez-vous.

L’improvisation n’est souvent pas le fort des personnes introverties. Elles ont besoin de mûrir leurs pensées avant de les exprimer. Être pris au dépourvu est difficile. La solution : se préparer. Plus que d’autres ne le feraient. Par exemple : un tour de table aura lieu à la fin de la réunion ? Préparez votre prise de parole minutieusement : écrivez-là, et répétez-la plusieurs fois à voix haute chez vous.

 

  1. Acceptez votre discrétion

Il faut mettre un terme à la culpabilité : vous avez le droit d’être discret, rêveur, réfléchi… C’est dans votre nature, et c’est très bien comme ça. Est-ce que J.K. Rowling aurait écrit Harry Potter si elle n’avait pas aimé rester des semaines seule chez elle à rédiger ces lignes ? C’est peu probable. A chacun son style et ses qualités.

 

  1. Construisez-vous un charisme introverti

 

On retrouve beaucoup d’introvertis à très haut niveau en entreprise. Sans aller jusqu’à Bill Gates, introverti notoire, vous en côtoyez certainement dans votre quotidien professionnel. Observez leur manière de faire.Souvent, ces personnes en imposent par leur calme, leur manière d’être réfléchie. Ce sont des personnes respectées et écoutées.Elles assument leur besoin de solitude, parlent moins que d’autres, et n’hésitent pas à dire en réunion qu’elles ont besoin de réfléchir avant de se prononcer. Ne cherchez plus à jouer un rôle extraverti pour donner une certaine image de vous-même : assumez qui vous êtes ! C’est la meilleure manière d’être apprécié, de faire du bon travail, de s’épanouir personnellement, et d’obtenir éventuellement les évolutions que vous souhaiteriez.

 

Pour en savoir plus sur Julien et son activité : Site web : https://unmondepourlesintrovertis.fr/Facebook : https://www.facebook.com/Unmondepourlesintrovertis/Youtube : https://www.youtube.com/@unmondepourlesintrovertis/

 

IA : que dit la loi en 2023 ?

Les récentes avancées en matière d’intelligence artificielle (IA) représentent « une grave menace pour les droits humains » (alerte du 18 février par le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme). L’inquiétude de l’ONT est-elle justifiée ?

L’inquiétude est élevée car la réglementation n’est pas encore claire en termes de classification des risques et de mise en œuvre et la surveillance par les autorités compétentes. La menace que l’on vit est celle du changement de valeurs de l’humanité, par des décisions qui sont de plus en plus automatisées. L’IA, à terme, peut ébranler notre sécurité, voire, notre santé mentale, notre façon de vivre. Les relations interpersonnelles sont également touchées, j’en veux pour preuve, le succès de certains algorithmes de recommandations, employés sur les réseaux sociaux. Cela nous donne une idée précise : de ce que certaines décisions indicible, impalpable, immatérielle, peuvent avoir comme conséquence.   En outre, l’UE ne peut ignorer les risques incertains, ceux auxquels les générations futures seront confrontées. Nous avons besoin d’une bonne gouvernance pour résoudre ce problème, et je ne suis pas sûr que la proposition actuelle de loi sur l’IA y réponde. Au niveau de l’entreprise, les travailleurs devraient également disposer de cette capacité critique.

IA : Beaucoup de collaborateurs se disent préoccupés. De quels outils dispose-t-on pour protéger leurs données personnelles ?

La loi sur la vie privée qui existe depuis longtemps, et récemment mis à jour au niveau de l’UE. Il s’agit du RGPD . C’est un aspect fondamental du droit humain., qui a une connotation d’extra-territorialité. D’autres pays ont importé les dispositions  de la RGPD dans leurs juridictions telles que l’Australie, le Canada, le Chili, ou bien le Japon. Un autre outil consiste à sensibiliser chaque individu à la protection de ses propres données personnelles et à sa capacité à s’interroger de manière critique sur l’opportunité de fournir ses données personnelles aux nombreuses entreprises qui les collectent pour leur propre profit.

Quelles propositions pourraient-être faites pour que l’Europe assume une position de leader numérique en garantissant les droits fondamentaux des salariés ?

L’Europe est un leader numérique au niveau de la gouvernance. C’est la première juridiction  à avoir fait passé des lois sur des systèmes d’IA, c’est très pertinent en termes de positionnement géopolitique . Au niveau technique, l’Europe n’est pas séduisante comme l’Asie ou l’Inde ou bien les les États-Unis. Elle veut faire une sorte de contre-poids, mais l’UE ne peut se contenter de proposer de nombreuses directives et règlements, le véritable pouvoir résidera dans leur mise en œuvre effective. La proposition législative actuelle sur la prise de décision et la surveillance algorithmique ne s’appliquera qu’aux travailleurs des plateformes. Les législateurs ont la responsabilité d’étendre ces dispositions à tous les travailleurs afin qu’ils bénéficient d’une prévention et d’une protection réelles sur leur lieu de travail.  Je pense qu’un nouveau cadre juridique dans le contexte de l’emploi est nécessaire. Les travailleurs ne devraient pas avoir des droits « théoriques », mais des droits qu’ils peuvent effectivement exercer à l’ère de l’IA. La Course à l’IA est économique.

Témoignage : comment j’utilise ChatGPT pour optimiser mon recrutement

Alors comment un service recrutement peut-il utiliser ChatGPT ?

L’idée est de tirer parti cette révolution sans trop bouleverser les processus.

La première application consiste à générer des descriptifs de postes attractifs pour les offres d’emploi ou des fiches de postes internes. Il faut tout d’abord fournir à ChatGPT les informations clés sur les postes en question, telles que le contexte, les missions, les exigences ou les compétences requises… Ensuite, demandez à ChatGPT de rédiger votre texte en utilisant ces informations. Vous pouvez aussi lui demander d’adopter un ton spécifique, humoristique par exemple.

Un autre usage est d’automatiser la réponse aux questions fréquentes des candidats lors du processus de recrutement.

Pour cela, il nous faut tout d’abord identifier les questions fréquentes des candidats, telles que les informations sur les missions, les horaires de travail, les avantages sociaux… Puis brancher un chat conversationnel tel que ChatGPT sur notre ATS (Applicant Tracking System, ou système de suivi des candidatures) afin d’automatiser les réponses.

Vous pouvez aussi employer ChatGPT pour évaluer les compétences linguistiques ou techniques des candidats. Demandez-lui de rédiger un QCM[1] et proposez aux candidats d’y répondre. Ainsi, vous obtenez des résultats fiables et cohérents qui vous permettront d’améliorer la présélection, d’économiser du temps et de mieux préparer vos entretiens physiques. Les champs d’application sont nombreux : langues étrangères, langages de programmation, connaissances techniques…

Poussons cette dernière pratique : vous pouvez aussi utiliser ChatGPT pour analyser les réponses des candidats aux questions posées préalablement afin de déterminer leur adéquation au poste. Ainsi, vous optimisez vos décisions de recrutement grâce à une évaluation objective et précise de la pertinence des candidats. Cela vous permet également d’économiser du temps et de standardiser vos processus pour une évaluation plus cohérente.

À l’aide de ChatGPT, vous pouvez aussi travailler votre marque employeur, en rédigeant du contenu qualitatif en un rien de temps, pour votre site carrières ou vos réseaux sociaux. Demandez-lui aussi de revoir votre communication écrite avec les candidats afin de fluidifier, de professionnaliser et d’améliorer l’expérience candidat.

Pour être franc avec vous, cette révolution me fascine autant qu’elle me fait peur, mais elle est bien réelle. Je pense qu’en tant que recruteurs nous devons nous adapter et intégrer cette nouvelle technologie à nos processus de recrutement, car les avantages sont nombreux. Je préciserai que cette intelligence artificielle doit rester au service de l’humain et non l’inverse.

[1] Questionnaire à choix multiples.

La transition numérique de Sanofi

Quelles sont vos missions au sein du groupe Sanofi ?

Avec mes équipes, nous travaillons pour améliorer l’expérience sur les outils digitaux. Et ce durant tout le parcours du collaborateur dans l’entreprise, de son intégration en passant par son développement et ses évolutions de carrière. La vocation de Sanofi est de poursuivre les miracles de la science pour améliorer la vie des gens, et notre mission est d’améliorer la vie de tous nos collaborateurs.

L’IA est-elle intégrée au cœur des métiers de Sanofi ?

Oui. Nous avons beaucoup de partenariats avec des start-up françaises mais aussi internationales pour, par exemple, accélérer le diagnostic des personnes atteintes de maladies rares. Aujourd’hui, près 3 millions de Français en souffrent, dont la moitié sont des enfants. Le délai moyen de diagnostic en France est de deux à trois ans, et 25 % des malades restent en errance diagnostique entre cinq et seize ans. Avec ce partenariat, nous avons donc une belle opportunité d’accélérer le diagnostic des malades. Autre exemple, nous développons également des méthodes de machine learning et d’intelligence artificielle de pointe afin d’exploiter au mieux les données durant toutes les étapes que comprend le développement de nouveaux médicaments ou de vaccins, puisque la recherche est l’un de nos métiers d’expertise. En 2022, nous avons lancé notre « accélérateur digital », dont la vocation est d’aider l’entreprise à concrétiser son ambition de figurer parmi les leaders de la santé digitale. Il vise à développer des produits et solutions au service de la mission du groupe grâce au numérique, aux données et à l’IA. Implanté à Paris, il s’appuie déjà sur une équipe de plus de 75 spécialistes du monde entier et continuera de recruter des talents de premier ordre, spécialisés dans le product management, le développement full stack et la data science. On accélère l’adoption de cette technologie dans un grand nombre de solutions afin d’apporter de la valeur à nos collaborateurs, à nos chercheurs, aux patients et aux professionnels de santé.

Quel est le rôle de la DRH dans cette implémentation de l’IA ?

L’expérience de nos collaborateurs est une priorité, et les RH s’appuient beaucoup sur cette technologie, et plus largement sur les outils digitaux, pour améliorer leur bien-être dans l’entreprise, leur développement professionnel et personnel, qui sont deux grandes priorités, et surtout pour être dans l’air du temps, en accélérant leur adoption du digital. Si l’IA est importante, il ne faut pas négliger le volontariat des collaborateurs, la RGPD, la qualité, car nous évoluons dans un secteur réglementé, et ces éléments sont essentiels à prendre en compte. Notre stratégie n’est pas de surfer sur la vague mais de le faire intelligemment, de savoir comment s’en servir pour apporter de la valeur à nos collaborateurs.

Comment l’IA peut-elle améliorer l’expérience collaborateur ?

Nous l’utilisons à travers deux domaines : le développement et la formation, qui sont pour nous le même sujet, et l’engagement, le bien-être des salariés. Sur la partie développement personnel, nous avons mis en place un outil RH depuis un an où les collaborateurs ont leur profil détaillé et où ils peuvent, sur la base du volontariat, trouver tous les postes proposés ainsi que les différentes organisations internes, leur permettant de se connecter avec d’autres collaborateurs. Cet outil interne recense l’historique des postes qu’ils ont occupés tout au long de leur carrière, les compétences et les aptitudes qu’ils ont indiquées, comme sur un profil LinkedIn, et l’IA permet de faire correspondre leur profil avec des opportunités de développement. Cela peut être du networking, de la connexion au sein de l’entreprise avec des personnes qui ont les mêmes aspirations de carrière, les mêmes compétences, ou des postes à pourvoir. C’est un peu comme un réseau social, mais interne.

Une partie dite projets est également visible : il s’agit de projets internes postés par des managers ou des collaborateurs et pour lesquels sont recherchés des talents au sein du groupe. Cela amène une grande amélioration de la diversification de nos talents dans leur développement personnel. Par exemple, j’ai pu recruter des personnes en Afrique du Sud qui évoluaient dans le domaine de la finance, dans des métiers qui n’avaient rien à voir avec le mien et que je n’aurais jamais pu rencontrer par le réseau classique. Cela permet ainsi d’agrandir et d’apporter beaucoup plus de diversité, d’interconnexion et d’inclusion au sein du groupe, et surtout d’enlever les biais cognitifs que peut avoir une personne lorsqu’elle recrute en interne, parce que les profils correspondent aux compétences et non pas à la personne.

Et qu’apporte l’IA en matière de formation ?

Sur le même concept, l’IA va venir regarder de façon anonyme, toujours sur la base du volontariat, le profil et les compétences d’un collaborateur et lui proposer des formations en lien avec son parcours de développement et qui correspondent aux objectifs du groupe. La valeur ajoutée de l’IA permet d’apporter de la personnalisation, c’est-à-dire que nous avons des solutions adaptées aux besoins, qui sont faites de façon automatique pour que les collaborateurs puissent se focaliser sur leur développement personnel et se libérer du temps pour apporter plus de valeur, en se focalisant sur leur accompagnement personnalisé. C’est un sujet passionnant qui favorise aussi la cross-fertilisation. Cela permet vraiment de casser les silos que l’on peut avoir dans les grandes entreprises et de faire ressortir le potentiel des collaborateurs.

Vous parliez également d’engagement. Comment les outils d’IA peuvent-ils aider sur ce sujet ?

Depuis plusieurs années, l’engagement est une des priorités chez Sanofi, que ce soit le bien-être, la diversité, l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, le développement personnel. Nous faisons régulièrement des enquêtes anonymes auprès de nos collaborateurs sur ces thèmes. Par exemple, fin 2021, nous avons mis en place un outil interne pour aider les managers à soutenir leurs talents dans leur parcours « bien-être ». L’IA va regrouper les réponses par thématiques, les scores, et transmettre en très peu de temps au manager les points forts de son équipe comme les points d’amélioration, et ainsi proposer des plans d’action concrets. Les collaborateurs ont connaissance des résultats ce qui permet à toute l’équipe de mettre en place ces plans d’action et de les suivre. C’est très important pour un collaborateur de savoir qu’il y a un plan d’action derrière.

Les collaborateurs participent-ils à l’élaboration de ces outils ?

Toutes les solutions qui touchent aux salariés sont faites en collaboration et font appel au design thinking. Nous prenons des échantillons représentatifs de notre population, auxquels nous présentons ce que nous pensons faire, les besoins autour de certaines thématiques. Il s’agit d’un vrai échange. Comme mentionné précédemment, tous nos outils en développement font l’objet d’enquêtes de satisfaction et de comptes rendus : nous co-construisons les solutions que nous apportons. Et ce cercle vertueux ne s’arrête pas là, car nos outils sont développés en mode agile, avec des petits cycles de développement très courts basés sur le retour des collaborateurs. Cette pratique se fait pour tous les outils qui apportent une amélioration en continu. Dans tous les cas, je dirai que, si le potentiel de l’IA semble illimité, il ne remplace pas la compétence humaine. Le plus important est d’associer les deux pour pouvoir progresser.

L’IA à la Une de People At Work #8 : au sommaire ?

Intelligence Providentielle ?

IA : atout ou danger pour l’Expérience Collaborateur ?

C’est avec cette question que la rédaction de People at Work a entamé ses travaux pour ce numéro, il y a quelques semaines. À ce moment-là est intervenu le raz-de-marée ChatGPT. Et comme tout le monde, nous l’avons testé. À la question qui nous occupait, sa réponse :

« Cela dépend de la façon dont elle est utilisée et de la manière dont elle est intégrée dans l’environnement de travail. L’utilisation de l’IA peut aider les employés à se concentrer sur des tâches à plus haute valeur ajoutée. Par exemple, l’utilisation des chatbots peut leur permettre de répondre aux demandes des clients, ce qui peut améliorer la satisfaction des clients et la motivation des employés. Cependant, il est important de veiller à ce que l’utilisation de l’IA ne se fasse pas au détriment de l’emploi et de la QVT. Si elle est mal utilisée, l’intelligence artificielle peut entraîner la suppression de certains emplois et une augmentation de la pression sur les employés qui restent. Il est donc important de mettre en place des mesures pour gérer l’intégration de l’intelligence artificielle de manière équitable et responsable. »

Tout est dit.
À nos lecteurs de décider s’ils feraient la différence entre un éditorial « signé de la patte d’un vrai journaliste » ou un texte « tout droit sorti d’un ordinateur », comme disait l’un de mes anciens patrons de presse.

Anne-Cécile Huprelle,
Rédactrice en chef de People At Work

main robot

Au sommaire de People At Work #8 – IA, tout va bien se penser

Dans le dossier spécial IA

UN GRAND ENTRETIEN : Benoît Coquart, DG du Groupe Legrand

UN VISIONNAIRE :  Cédric Villani

UN EXPERT : Sylvain Letourmy, directeur stratégie applications chez Oracle

 

DES FOCUS :

-MANAGEMENT : Premiers pas avec l’IA, par Myriam Faivre, PDG de la Coopérative d’entrepreneurs CAE CLARA et CLARAbis

-MÉTIERS BOULEVERSÉS : focus en entreprise avec Agnès Duroni, fondatrice d’Adevea et spécialiste du futur du travail, et dans l’industrie avec Xavier Brucker, spécialiste de l’IA dans l’industrie, et Jean-Baptiste Latour, philosophe d’entreprise

BCG X : à l’assaut des transformations digitales

-La transition numérique de Sanofi

-Le leadership génératif selon Fanny Potier-Koninckx Partner & Director, Boston Consulting Group

EDF : une IA pour améliorer l’expérience candidat

-Tribune : comment j’utilise ChatGPT dans mon recrutement ? Par Dan Guez, président du cabinet de recrutement opensourcing.com

-Legislation et IA : que dit la loi en 2023 ? Avec Aida Ponce Del Castillo, avocate

-IA et éthique :  avec Laetitia Orsini Sharps, directrice grand public d’Orange France et présidente de POSITIVE IA

-L’OEIL DE : Luc Ferry, « l’IA forte est une utopie, un pur fantasme ».

 

& aussi

DE LA PROSPECTIVE : Les promesses organisationnelles de l’IA

DES CAS D’ENTREPRISES GREAT PLACE TO WORK

EXPERTISE : La RSE Version BUT

UN DÉBAT : Manager, un poste en désamour ?

 

LA BOITE À OUTILS d’Ilona Boniwell

ENVIRONNEMENTS : le bureau totem

PORTRAIT : Michel Haas, le DRH Pèlerin

 

Acheter et s’abonner à « People at Work »

People At Work #8, le nouveau numéro spécial IA
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Couverture du magazine People At Work n°8, robot intelligence artificielle

 

 

Edgar Grospiron : « Motiver durablement quelqu’un, c’est le rendre libre et autonome dans ses aspirations »

Quelle part la motivation a-t-elle jouée dans votre réussite sportive ?

La motivation, c’est l’énergie qui va faire prendre la mayonnaise. Quand on demande à un sportif ou à un chef d’entreprise pourquoi il a réussi, il explique souvent que le secret c’est du travail, de la chance, du talent, des moyens, un entourage, un environnement, un métier, des produits, tout un tas de choses qui forgent la performance. Mais pour que tout cela soit révélé et maximisé, il faut de la motivation. C’est pour ça que je dis que la motivation, c’est 100 % de ma réussite.

 

 

Pourquoi avoir choisi de vous reconvertir dans le domaine de la motivation ?

Pour deux raisons : j’avais envie de retransmettre ce que le sport m’avait transmis. Et puis, ce sont les rencontres. Il y a eu une rencontre décisive avec Jean-Noël Gaume, un consultant spécialisé dans le management et la motivation qui m’a fait découvrir les mécanismes qu’il y a derrière la motivation individuelle et la dynamique collective. Un sujet riche, vaste et intéressant. C’est pour ça que je me suis formé en coaching, puis sur des outils de profils de personnalité, par exemple. J’ai fait des conférences, des ateliers de formation et du coaching individuel jusqu’en 2008, puis j’ai considéré que ma valeur ajoutée se trouvait dans la conférence, donc je me suis concentré là-dessus.

 

Pourquoi les entreprises font-elles appel à vous ?

À un moment donné, il y a besoin de rebooster les équipes. Une entreprise, c’est de l’énergie humaine. Face aux difficultés, aux enjeux, aux challenges, on a besoin de booster cette énergie que j’appelle motivation. Après, il y a des situations auxquelles sont confrontées les entreprises et on se dit qu’un sportif, peut-être Edgar, peut venir les illustrer à travers son parcours : quand des changements s’opèrent, on veut éviter que les gens y résistent ; dans une situation de conquête, on se demande comment atteindre ses objectifs ; en cas de rebond, il faut se réinventer ; ou bien on est au top, ça cartonne et on se demande comment rester performants alors qu’on est déjà très bons et que nos marges de manœuvre ne sont plus aussi importantes. À travers ma carrière de sportif, je me suis retrouvé dans ces quatre situations.

 

Quels sont vos méthodes et vos discours ?

J’ai trois sources d’inspiration : ma carrière, où je vais puiser des anecdotes ; la théorie, qui m’a été transmise par Jean-Noël et d’autres ; et la pratique liée aux rencontres avec mes clients. Je donne à peu près 80 conférences par an, et ce sont des rencontres très riches avec des patrons, des cadres dirigeants et des collaborateurs qui me permettent d’avoir un regard assez complet sur ce qui motive les gens aujourd’hui en entreprise. Le message à faire passer à ses équipes peut perdre de sa vigueur au fil du temps. Je le vois depuis la reprise : les gens ont besoin d’être ensemble, apprécient ces moments où ils se retrouvent, ça met de l’oxygène dans les relations. Et puis je viens avec des discours assez positifs, pêchus et agréables à entendre, avec des clés qui recadrent un peu. Comme le besoin de se retrouver et d’entendre des discours positifs est plus grand qu’hier, l’impact de ce que je raconte est sans doute plus fort.

 

Vos interventions aident-elles les managers à mieux motiver leurs équipes ?

On n’apprend pas à motiver mais à créer des conditions pour que les gens trouvent leur motivation. Et le meilleur moyen de motiver durablement quelqu’un, c’est de le rendre libre et autonome, dans ses aspirations et dans sa vie. Capable de prendre des initiatives, de faire face à des obstacles, à des échecs, de se relever, de repartir. Quelqu’un qui aura une certaine indépendance se laissera moins manipuler par son environnement.

 

Vous êtes actionnaire de la start-up Roadoo Network, qui a développé une application spécialisée dans la « gamification » des challenges commerciaux. Comment se déroule ce type d’incentives ?

C’est très souple : les challenges peuvent durer une journée, une semaine, un mois ou une année. Le but est que les collaborateurs soient efficaces, bien dans leur job, heureux d’être ensemble et motivés. Par exemple, on a fait un challenge pour des chauffeurs routiers autour de l’empreinte écologique et de la conduite éco, en mesurant l’usure des pneus ou la consommation de carburant. Pour créer un sentiment d’appartenance et une émulation au sein des équipes, il faut que l’animation mise en place autour du challenge les aide à trouver un certain sens et du plaisir.

 

Vous-même, avez-vous besoin d’une aide extérieure pour rester motivé ?

Je sais ce que je dois faire pour être motivé dans mon domaine. C’est très simple, il faut avoir des projets, et j’en ai. Il faut pouvoir faire ce qu’on aime, et ce que je préfère faire, ce sont les conférences. Enfin, il faut avoir envie de progresser, et je fais régulièrement des formations, parce que ça ouvre l’esprit. Rien qu’en mettant ces trois choses-là en œuvre, on sait pourquoi on se lève le matin.

 

ACCROCHE (si place)

« On n’apprend pas à motiver mais à créer des conditions pour que les gens trouvent leur motivation. « 

Parcours Wataru : Un séminaire “anti burn out” pour sortir de l’épuisement professionnel et se remettre en mouvement

Face à un contexte anxiogène, de plus en plus de dirigeants et de managers ressentent une pression interne qui les met en tension, voire en difficulté au sein de leur entreprise. Résultat : ils se sentent fatigués, ont du mal à récupérer malgré les congés, ne ressentent ni énergie ni envie … D’ailleurs, le taux de burn out a doublé en un an à peine, et les managers sont 1,5 fois plus touchés. Bénédicte COSTEDOAT-LAMARQUE, co-fondatrice de Wataru, dirigeante de Be Change Live et auteure du livre “Le burn out, une opportunité de transformation intérieure” (éditions L’Harmattan, 2019), souligne : « La crise sanitaire, son contexte mondial insolite et leurs conséquences (télétravail, contraintes de fermeture, incertitude…) exacerbent les tensions dans l’activité des entreprises, ainsi que les tensions interpersonnelles et intrapersonnelles. Certaines autorités médicales alertent sur le fait que le nombre de burn out et de personnes à risque est en hausse ».

Il y a donc urgence à accompagner tous celles et ceux qui se trouvent en situation d’épuisement professionnel. Pour éviter une vague de burn out et permettre à chacun.e de se remettre en mouvement professionnellement, un séminaire inédit de 3,5 jours est proposé aux dirigeants, managers et leaders. Avec un objectif : leur permettre de faire un pas de côté pour y voir plus clair sur eux, leur entreprise, leurs perspectives, voire leur projet de vie professionnel.

Dans le magnifique cadre du Domaine du Taillé, un ancien monastère zen au coeur de l’Ardèche, deux sessions vont être organisées du 21 au 24 septembre et du 18 au 21 octobre 2021.

Le parcours Wataru est un formidable tremplin pour réussir à prendre du recul sur soi, ses enjeux, son écosystème et sa réalité professionnelle.

Entre pairs, dans une ambiance bienveillante, chacun vient se ressourcer et se connecter à l’essentiel, pour soi et son entreprise. A l’issue du séminaire, il est ainsi possible de repartir avec de l’énergie et des idées pour avancer.

L’approche du séminaire est constructive, pragmatique et positive. En pratique, elle se déroule selon trois étapes :

Etape 1 : Entretien pré-séminaire (45mn). Il permet de se connaître et clarifier son intention.

Etape 2 : Le séminaire en présentiel (3,5 jours). Il vise à comprendre les mécanismes intérieurs amenant à l’épuisement (physiologiques, physiques, mentaux, psychiques).  Apprendre à mieux se connaître va ainsi permettre d’identifier ses modes de fonctionnements répétitifs, ses besoins psychologiques et facteurs de stress, ses croyances et conditionnements.

A ce stade, Bénédicte propose aussi des outils simples pour sortir de ces schémas et se reconnecter à ce qui nous anime profondément. C’est aussi l’opportunité de comprendre la raison de cet épuisement à ce moment-là de sa vie.

Etape 3 : Séance de Coaching Individuel (1h, 1 mois après le séminaire). Cette séance de suivi aide à pérenniser et ancrer la mise en mouvement.

Parce qu’elle a elle-même vécu et transformé cette expérience du burn out, après un passé à responsabilités managériales en entreprise de 22 ans, Bénédicte Costedoat-Lamarque a développé une méthodologie unique, basée sur une compréhension réelle des situations et problématiques, quelles que soit la forme qu’elles prennent.

Coach professionnelle certifiée, elle a d’ailleurs les compétences pour accompagner le burn out à 360° (du pré-burn out jusqu’au post-burn out), ainsi que les transformations profondes d’entreprise.

Durant le parcours Wataru, elle mêle :

  • une Approche combinée cognitive / émotionnelle / corporelle : nombreux apports théoriques, gestion du stress, cohérence cardiaque, marche…
  • une Méthode innovante et systémique du MIT (Massachussetts Institute of Technologies), la Théorie U d’Otto Scharmer, basée sur l’émergence, la profondeur et la qualité de présence, permettant de potentialiser le travail sur soi par les apports et résonances du collectif.
  • Plus d’une dizaine d’ateliers pour éclairer ce qui se joue sous une variété d’angles différents : l’inventaire de personnalité individuel “Process Communication”, l’approche systémique, l’approche neurocognitive et comportementale, l’approche jungienne, les pratiques de leadership innovantes…

 

Le Domaine du Taillé, est un ancien monastère zen entouré de verdure au cœur de l’Ardèche, propice au ressourcement, à l’inspiration, à l’apaisement et au retour sur soi.

Pour profiter pleinement de chaque session, le nombre de participants est volontairement limité à 10 personnes maximum afin de préserver la qualité de présence et d’échange.

Flexibility made in Britain

Après avoir reçu les recommandations d’un groupe de travail tirant le bilan de la crise sanitaire sur l’organisation du travail, le gouvernement britannique souhaite inciter les entreprises à adopter après la crise des modes de travail hybrides et à favoriser la flexibilité, notamment à travers le télétravail, dont 71 % des entreprises admettent qu’il a dynamisé la productivité.

La principale décision serait de donner le droit à chaque employé, dès son entrée dans une société, de demander à organiser son travail de manière flexible, alors qu’il doit aujourd’hui avoir une ancienneté d’au moins six mois pour y prétendre.

Travailler depuis des lieux culturels, c’est possible !

On pourrait la qualifier de « visionnaire » tant elle avait anticipé les chamboulements du monde du travail. Tout commence il y a trois ans, lorsque Sandra Giovannetti prend part à une réunion dans la cafétéria de l’Opéra Garnier, à Paris, avec son équipe. « Travailler dans cet espace chargé d’histoire et de création nous avait complètement redynamisés, rendus plus productifs », se souvient-elle. Cette architecte de formation décide de transformer cette « révélation » en projet professionnel. C’est le début de la start-up Be My Space, qu’elle définit comme « un pont entre le monde des arts et celui de l’entreprise », avec l’objectif de proposer des espaces de travail inspirants et authentiques aux salariés.

 

Lieux « désirables »

 

« Ce sont des espaces qui nous racontent des histoires, des lieux où le temps n’existe pas. Ils sont proches de chez nous, proches de notre entreprise. Vous les connaissez peut-être de nom, vous en avez parfois rêvé… », peut-on lire sur le site Internet de la start-up, lauréate du premier incubateur estampillé « Patrimoine » du Centre des monuments nationaux.

 

Musées, ateliers d’artistes, châteaux du Moyen-Âge… Les salariés d’une entreprise peuvent désormais évoluer dans ce que la fondatrice appelle des « lieux désirables » : « L’être humain fonctionne au plaisir, et l’espace de travail peut aider à répondre à la question du bien-être », assure-t-elle. D’autant que la crise liée au Covid-19 a été un accélérateur sans précédent des mutations du travail dans l’entreprise. Selon une enquête publiée en juin 2020 par l’association des DRH et le Boston Consulting Group, 85 % des directeurs des ressources humaines souhaitent développer le télétravail au sein de leur entreprise de façon pérenne. L’étude indique toutefois que le futur de cette pratique sera hybride, mêlant présentiel et télétravail.

 

Sandra Giovannetti va plus loin. Pour cette passionnée d’arts et d’architecture, l’organisation du temps de travail pourrait désormais être répartie selon trois types de lieux : le siège, le domicile et un lieu « hybride ». « Les entreprises et les salariés ont passé un cap psychologique. On se dirige vers de nouveaux modèles, avec des budgets associés, explique-t-elle. Le travail en présentiel est indispensable, car c’est le moment où l’on se rencontre, où l’on échange. Mais rencontrer un collègue dans un bureau ou dans un lieu qui fait partie du patrimoine, qui a un vrai pouvoir de séduction et de satisfaction, c’est différent. Les individus auront déjà en commun le fait d’avoir choisi cet espace, ce qui créera deux fois plus de raisons de parvenir à dialoguer.»

 

Stratégie « gagnant-gagnant »

 

Pour choisir des lieux appropriés, Be My Space travaille en adéquation avec la raison d’être de l’entreprise. « J’établis d’abord une typologie des besoins avec les dirigeants et les DRH. Une fois qu’un premier tri a été effectué, les salariés peuvent aussi être questionnés. Le but est de proposer une offre sur mesure », précise l’entrepreneuse, qui mise avant tout sur des partenariats de longue durée plutôt que sur des événements ponctuels. Formations, réunions, séminaires… La start-up s’engage ainsi à proposer à l’entreprise, en lien avec son rythme et ses valeurs, un « parcours inspirant » dans des espaces hors des sentiers battus. « C’est également un moyen pour l’entreprise de se positionner en matière de RSE, de montrer qu’elle participe aussi au développement des industries culturelles », ajoute la fondatrice.

 

Une stratégie « gagnant-gagnant » qui permet aussi de faire la promotion de certains lieux culturels et de valoriser le potentiel du patrimoine, parfois oublié. Chaque mercredi matin, les élèves de Sciences Po peuvent désormais étudier à la Cité internationale des arts, dans le 4e arrondissement de Paris, qui reprend ses fonctions de galerie l’après-midi. Sandra Giovannetti a également installé des espaces de coworking éphémères dans l’orangerie de l’hôtel de Sully, siège du Centre des monuments nationaux, situé dans le quartier du Marais.

 

Le Grand Entretien : Julie Walbaum, CEO de « Maisons du Monde »

Vous dirigez Maisons du monde depuis juillet 2018. Que signifie le « management inclusif » pratiqué par votre entreprise ?

 

Un management inclusif repose avant tout sur une entreprise à l’écoute, qui sait que sa valeur vient des femmes et des hommes qui la composent, en particulier dans le secteur de la vente au détail qui est le sien. La diversité est une force, et de là vient la plus grande performance de Maisons du monde, une entreprise très féminine : deux tiers de nos collaborateurs sont des femmes, celles-ci dirigent trois quarts des magasins et constituent la moitié du comité exécutif. L’entreprise souhaite comprendre et incarner au quotidien la richesse de la diversité. C’est une responsabilité de tous les jours et de chacun que de promouvoir et de préserver celle-ci.

 

Auparavant, vous étiez la directrice digital et marketing client de l’entreprise. Pourquoi vous êtes-vous portée candidate à ce poste et qu’est-ce qui a fait la différence, selon vous ?

 

Je connaissais Maisons du monde depuis 2014. Le numérique faisant partie de son évolution depuis de nombreuses années, on voyait bien l’accélération du modèle dans ce sens. J’ai donc participé à l’introduction en Bourse de l’entreprise, en 2016, aux côtés du directeur général de l’époque. En 2018, alors que j’avais trois enfants en bas âge, ce n’était pas un choix évident, mais j’avais un projet pour Maisons du monde. Cette entreprise était tellement attachante, avec des femmes et des hommes très engagés, que je me suis lancée. Je pensais que je pouvais entretenir notre longueur d’avance sur le digital. Je souhaitais aussi faire évoluer certains pans de l’organisation, par exemple, donner un nouvel élan à l’offre, poursuivre la croissance rentable, en y combinant plus de « responsabilité ».

 

L’emploi du temps d’une DG est dense. Avez-vous mesuré les contraintes, les obligations quand vous avez candidaté à ce poste, en tant que mère de famille habitant à Paris et non à Nantes, où se situe le siège ?

 

Je crois que l’on ne mesure jamais toutes les données avant d’y arriver… Surtout dans un secteur qui se transforme rapidement et dans un contexte macroéconomique qui a tout de même bougé ces derniers temps. Je crois aussi que, dans la vie, il faut réfléchir… mais pas trop. Je me suis fiée à mon intuition. Pour prendre ce type de responsabilités, cela demande beaucoup d’engagement : il faut avoir un projet et qu’il vous passionne. J’ai pu me lancer dans cette aventure, car mon mari, qui a lui aussi une carrière très remplie, a su et voulu réorienter ses responsabilités au sein de notre famille. Il s’est organisé dans un périmètre plus local, il a moins voyagé. Et cela a finalement enrichi notre expérience familiale.

 

La famille reste votre priorité…

 

Oui, mon mari et moi-même nous sommes donné quelques petites règles familiales. Je ne passe jamais plus de deux nuits consécutives hors de mon foyer. Chaque jour, nos enfants sont réveillés ou couchés par l’un de nous deux. Aux vacances scolaires, je prends une semaine de congé et j’encourage les membres du comité exécutif et les collaborateurs de l’entreprise à en faire de même. Vous savez, ce n’est pas très sain de créer une distinction entre le corps dirigeant et le reste des collaborateurs. C’est justement parce que ces derniers me voient avec les mêmes problématiques qu’eux, comme des réunions zoom avec mon fils de trois ans sur les genoux, que cela permet de créer une atmosphère détendue, de dire les choses quand cela ne va pas ou le contraire.

 

Vous parlez avec beaucoup de sincérité de cette répartition entre vos deux « vies ». C’est assez rare dans le monde des grands dirigeants. C’est un choix assumé ?

 

Les collaborateurs de l’entreprise se donnent beaucoup. En tant que dirigeante, je me dois, en retour, de donner du sens à leur travail et de leur accorder de la confiance. Et cela passe par une attitude transparente. J’aime beaucoup ce proverbe africain : « It takes a village to raise a child », « Il faut un village pour élever un enfant ». Cela signifie que tout le monde a un rôle à jouer dans l’aventure et que des liens authentiques, fondés sur la transparence et l’entraide autour d’une vision commune, conduisent à une culture forte et, je le crois, au succès.

 

Avez-vous dû faire face à quelques réticences ? Avez-vous senti que vous deviez faire vos preuves ?

 

Cette question m’est régulièrement posée et, étonnamment, on la pose beaucoup plus aux femmes qu’aux hommes. L’idée est d’assumer pleinement ce que l’on est, sans tomber dans les excès. Je crois que mon rôle de maman et ma vie personnelle m’aident à être une meilleure dirigeante. Car cela m’oblige à prioriser, à donner un cadre très clair aux équipes. Celles-ci doivent être efficaces parce que, moi-même, j’ai besoin d’être efficace. Cela remet aussi l’église au centre du village (toujours lui !) : quand, dans ma vie professionnelle, il m’arrive d’être tendue, la famille me rappelle la vraie valeur des choses et le sens des priorités. Enfin, il me semble important de montrer aux femmes de l’entreprise qu’il ne leur est pas nécessaire d’afficher la panoplie du super-héros dévoué à sa carrière : je gère, je n’ai aucune contrainte extraprofessionnelle, etc. La vie pour moi est faite de vases communicants. L’important est de conserver un engagement et une exigence élevés. Pour le reste, l’adaptabilité est ma meilleure amie. Moins on se met de barrières mentales sur ce que l’on peut et ne peut pas, plus on a de chances de réussir sa vie professionnelle.

 

La bonne gestion de cet équilibre pro-perso est un moteur formidable : pourquoi n’en avait-on pas conscience auparavant ?

 

Parce que le travail était vu comme une fin en soi. Pendant longtemps, on a évolué dans des valeurs masculines assez fortes : la réussite professionnelle avait une fonction statutaire importante. Ce n’était pas le cas dans toutes les sociétés européennes. En Scandinavie, par exemple, c’est tout à fait différent. On avait auparavant une vision très linéaire de la vie des gens, avec des études, un travail… Les générations actuelles nous apprennent à cultiver plus de circularité, avec plus d’équilibre entre les différents pans de notre existence. Et c’est tant mieux !

 

Les grands mots de cette année sont « flexibilité » et « agilité ». J’ai entendu dire que vous demandiez à vos collaborateurs de faire preuve d’une grande efficacité dans les réunions, mais aussi de travailler en autonomie…

 

L’autonomie est une valeur forte chez nous, car Maisons du monde est une entreprise entrepreneuriale. Notre mode de fonctionnement est « agile », dans le sens où nos salariés sont engagés dans les projets et les portent. L’année 2020 a été particulière : je n’ai pas demandé plus d’efficacité à mes équipes, car elles se sont adaptées seules. En tant que dirigeante, j’ai un devoir de vigilance avec mon comité exécutif afin de ne pas privilégier la productivité avant tout.

 

Les entreprises sont davantage des lieux moraux que physiques. Comment vous adaptez-vous ?

 

Il faut arriver à préserver et à renforcer la culture d’entreprise. Nous sommes passés à deux jours de télétravail par semaine. Nous n’avons pas souhaité aller plus loin, car le temps collectif est essentiel pour l’aspect interrelationnel, pour les espaces de liberté induits, pour favoriser la créativité, une valeur importante chez nous. Ces valeurs d’entreprise définissent le quotidien entre les équipes et le management de proximité. Le comité exécutif et moi-même réfléchissons à valoriser ces temps d’interaction, en présentiel mais aussi à distance. À l’occasion de 2020, nous avons lancé une initiative nommée les MDMTalks : le comité exécutif prend la parole auprès de l’ensemble des collaborateurs du siège et des magasins, directeurs et adjoints. On discute de l’actualité de l’entreprise, des difficultés qui sont les nôtres. On met le plus possible en lumière d’autres collaborateurs de l’entreprise. Le discours de transparence, l’échange sur la base d’un jeu de questions-réponses sont au cœur de cet exercice. Je trouve que le Covid nous a permis de cultiver des liens rapprochés avec nos collaborateurs, avec nos équipes en magasin. Quand on a 350 sites en Europe, on ne peut pas avoir la même proximité tout le temps.

 

Comment le numérique peut-il nous amener à développer toujours plus de proximité, sans se substituer à la qualité du temps physique en entreprise ?

 

Avant de prendre mes fonctions, j’ai fait durant trois mois le tour des magasins en Europe, visité plus de 70 sites, participé à 40 dîners avec des directeurs régionaux et de magasins, ce qui m’a permis de sentir le pouls de l’entreprise. Aujourd’hui encore, ces interactions me portent. J’accorde énormément d’importance à la voix de nos équipes en magasin, qui sont au contact de nos clients. À chaque événement, confinement, déconfinement, période de Noël ou autre, le comité exécutif et moi-même étions présents en magasin. C’est important d’aller cultiver le lien vivant : le numérique ne fait pas tout, loin de là.

 

Vous êtes vue sur les sites, vous privilégiez le tutoiement : la perception du PDG a-t-elle changé ?

 

La simplicité de la relation avec le management est, pour moi, la base du rapport de confiance qu’il est possible de nouer avec les collaborateurs. J’ai commencé ma carrière dans des entreprises américaines, donc, probablement, cela laisse des traces. Je tutoie tous les collaborateurs et vice versa. Je pose naturellement beaucoup de questions, car c’est en interrogeant des collaborateurs à plein de niveaux différents que je construis ma perception de ce que doit être l’entreprise de demain. Je vais au contact de façon très large. Le fait de rendre le management accessible est important, d’autant plus dans cette période. Cela passe par la communication. On doit s’appuyer sur un management de proximité pour que chacun endosse la responsabilité de donner du sens à son collaborateur. Le devoir d’exemplarité est pour cela essentiel.

 

Quels sont vos grands projets à la tête de Maisons du monde ?

 

Poursuivre la croissance et y associer plus de durabilité. Ce projet a un soubassement RH très important, car la durabilité porte un pan social et un pan environnemental. Nous sommes une marque-enseigne et nous avons une affinité très forte avec nos clients. Cette marque passe par notre offre. Nous avons donc à cœur de faire croître nos équipes de création. Au-delà du côté tendance et stylé, il faut donc miser sur la durabilité : par exemple, 68 % de notre offre en bois est certifiée. On a lancé pour la première fois du textile certifié Oeko-Tex. En une année, on a atteint 25 % de notre offre textile certifiée de la sorte. On fait la combinaison entre « aller chercher des produits qualitatifs avec un double enjeu d’expérience clients et de durabilité » et « aller chercher des matières toujours plus responsables ». Le produit reste au cœur de nos modèles. S’agissant de l’approche « omnicanal » – qui vise à multiplier les interactions avec le consommateur, à l’heure où le digital prend de plus en plus de place –, l’idée est de continuer à accélérer dans ce sens, mais en affirmant toujours l’importance du magasin, qui crée beaucoup plus de valeur qu’une simple transaction numérique. Tout l’enjeu est de faire évoluer le rôle du magasin dans un modèle omnicanal, avec une marque forte, vers un point de vente qui offre une expérience et un service.

Enfin, notre dernier pan de croissance s’appuie sur le développement des services. En 2019, nous avons pris une participation majoritaire dans Rhinov, une start-up qui fait du conseil professionnel en décoration d’intérieur, 100 % numérique. Ce sont des architectes d’intérieur : vous leur soumettez le petit quiz déco que vous avez rempli, un budget pour votre pièce, et là vous avez des planches déco réalisées par de vrais professionnels. Nous avons l’ambition de démocratiser la déco. Par les produits, bien sûr, mais aujourd’hui aussi par les services. C’est un axe de création de valeur pour nos clients, et c’est aussi une création de valeur durable, qui ne nécessite pas de produire de la matière supplémentaire.

 

Justement, vos intérêts pour les problématiques de RSE sont connus : comment sont-ils incarnés dans Maisons du monde ?

 

 

Avez-vous une feuille de route en fonction de ces engagements ?

 

Oui, s’agissant de l’offre, nous sommes concentrés sur plus d’écoconception, plus de matériaux recyclés ou durables. Plus de réparation aussi : nous avons un atelier d’ébénisterie dans nos entrepôts, avec des artisans qui réparent les produits pour éviter qu’ils ne soient jetés. Ainsi 18 000 meubles ont été remis à neuf cette année. C’est deux fois plus qu’en 2020. De même, Maisons du monde se situe dans une économie circulaire et solidaire : nous sommes l’un des premiers partenaires d’Emmaüs, à qui nous donnons des dizaines de milliers de produits à l’état neuf issus des retours de nos clients, afin de leur offrir une seconde vie.

 

Dans la thématique de la durabilité, le pôle social est important : comment les collaborateurs sont-ils associés à cet effort ?

Maisons du monde est une entreprise qui crée du profit : notre responsabilité est donc de dégager des contributions dans un système positif. Être collaborateur de Maisons du monde, c’est faire partie d’une entreprise où chaque personne compte, c’est se sentir nécessaires les uns aux autres, construire ensemble une entreprise qui ressemble à ses équipes et les rassemble, c’est avoir la liberté d’être soi-même et avoir la conscience intime d’être au bon endroit. Pour faire vivre cet esprit, notre politique RH allie une proposition adaptée à chaque étape clé du parcours des collaborateurs et des engagements sociaux forts. Nous ambitionnons de créer une école de formation et de devenir une entreprise apprenante pour tous ceux qui partagent les valeurs de la marque. Par ailleurs, Maisons du monde souhaite être un employeur de référence grâce à des engagements responsables forts. Une feuille de route a été formalisée en matière de bien-être, d’inclusion des personnes en situation de handicap et des jeunes, d’égalité hommes-femmes, de dialogue social.

 

Pour une expérience collaborateur optimale, le management de proximité est essentiel…

 

Justement, le groupe a décidé d’intégrer à sa feuille de route RSE des objectifs RH sur le renforcement du management de proximité et sur l’amélioration des conditions de travail pour les équipes. Ce plan d’action s’enrichit des retours des collaborateurs collectés lors de l’enquête sociale réalisée en septembre 2019 et renouvelée tous les deux ans. La hiérarchie présente sur place est un élément clé pour mieux accompagner les collaborateurs. Dans cette optique, la formation des cadres est essentielle. Chaque année, un plan spécial est déployé avec des modules où l’on apprend l’importance de créer des rituels managériaux ou commerciaux pour diffuser l’information et mobiliser les équipes. De même, dans un souci de proximité, les équipes ont été dimensionnées à taille « humaine », cette organisation ayant pour conséquence le renforcement du nombre de managers de proximité afin de garantir une meilleure connaissance des équipes et une amélioration de la qualité de la relation de travail.

 

J’entends une forme d’aplanissement de la hiérarchie, un management de proximité renforcé, des solutions apportées aux problématiques RSE, des avancées en matière d’inclusion : tous ces éléments contribuent-ils à construire des valeurs attrayantes pour les plus jeunes ?

 

Pour tous ! Nos valeurs d’audace, de passion, d’engagement et d’exigence sont illustrées ainsi. Notre « raison d’être » est en cours de construction, il est aujourd’hui temps de la formaliser et de lui apporter des éléments de preuve à travers des plans d’action dans tous les métiers. Nous souhaitons que cette raison d’être s’incarne et se vive au quotidien. Nous avons tous besoin de sens au travail. Aujourd’hui, plus que jamais.

 

Quelles seront les tendances QVT de demain ?

 

Le télétravail est là pour durer, même s’il l’est de façon mesurée. Nous passerons donc plus de temps à la maison. Nous chercherons également du sens dans l’activité et l’expérience professionnelle au sens large. Un nouvel équilibre devra être trouvé, entre métier et vie personnelle, entre productivité et déconnexion. Et sur le lieu de travail même, le bureau devra être repensé, les rythmes également. Le temps collectif pourrait être réservé à la création, à l’innovation et au développement des liens entre collaborateurs. La culture devra être renforcée, car ce sera le liant de la société. Les manageurs de demain devront appréhender ces réalités dans une démarche holistique 

 

 

FRANCE TÉLÉVISIONS, l’attention aux autres

Quelles convictions guident votre action au quotidien ?

À mes yeux, la prise en compte de la qualité de vie au travail en général et celle de l’équilibre des temps de vie en particulier constituent des leviers majeurs de performance pour l’entreprise. Si un employeur s’en désintéresse, il déstabilise la relation de confiance avec les gens qu’il emploie. A contrario, un manager à l’écoute des personnes et respectueux de leur équilibre de vie a toutes les chances de bénéficier, en retour, de leur confiance et de leur engagement.

Cependant, on ne doit pas tout attendre de son employeur : il appartient à chaque collaboratrice et à chaque collaborateur de prendre soin de son propre équilibre. Une culture de la QVT passe par ce principe de coresponsabilité. C’est en faisant attention à soi que nous sommes en mesure d’être davantage attentifs aux autres.

 

La Direction santé et qualité de vie au travail de France Télévisions a impulsé de nombreuses mesures en faveur de l’équilibre des temps de vie. Lesquelles vous inspirent le plus de fierté ?

C’est d’avoir permis à l’entreprise de disposer d’un coup d’avance sur le télétravail et la déconnexion. Avec la signature de la Charte de la parentalité en juin 2014 et le lancement d’un jeu pédagogique, @ttitudes, destiné à sensibiliser les collaborateurs de l’entreprise sur leurs pratiques numériques. En effet, de nombreuses personnes ne percevaient pas les dangers de l’hyperconnexion sur leur santé. France Télévisions a été également l’une des premières entreprises françaises encourageant les jours non fixes télétravaillés.

Toutes ces avancées ont renforcé la capacité d’adaptation de l’entreprise face à la crise du Covid-19.

 

La crise du Covid-19 a-t-elle eu un impact important sur l’équilibre de vie des personnes travaillant pour France Télévisions ?

Oui, faire entrer le travail à la maison a bouleversé l’équilibre de vie de beaucoup de gens. Pour les salariés également parents, télétravailler toute la semaine à la maison n’a pas été simple. Les personnes sans charge familiale ont parfois eu du mal à se déconnecter. Pour les managers également, exercer à distance n’a pas été toujours facile.

Celles et ceux qui savaient déjà concilier vie professionnelle et vie personnelle se sont plus facilement adaptés à la situation. Au sein de la Direction santé et qualité de vie au travail, nous avons très vite senti qu’il fallait agir. Tout d’abord en rappelant les bonnes pratiques de déconnexion, que nous diffusions depuis des années, en incitant les personnes à se donner des règles du type « je ne travaille pas sur ordinateur avant 8 h 30 et je finis sur ordinateur au plus tard à 19 heures », « je fais un break à midi », etc. Nous avons aussi lancé plusieurs initiatives afin de prévenir l’apparition de risques liés à la sédentarité et au travail sur écran (troubles musculo-squelettiques, fatigue visuelle) via des exercices d’étirement conseillés par un ergonome. La DRH a également lancé Interludes, une pastille de ressources digitales visant à offrir des moments de respiration à nos collaboratrices et collaborateurs.

Durant ces derniers mois, les managers ont été incités à prendre en considération la vie personnelle de leurs coéquipiers : « Je comprends tes difficultés… Ce n’est pas grave si tu ne peux participer à cette réunion… Je vais prendre des notes et te débrieferai ensuite. » L’enfant d’untel ou untel qui restait « virtuel » dans l’esprit du manager est devenu réel en passant devant la caméra durant une réunion en visioconférence. Les personnes se sont davantage confiées, même si cela n’a pas été toujours aisé. L’écoute managériale et la proximité y ont peut-être gagné.

 

Indépendamment de la crise du Covid-19, quelles actions sont aujourd’hui plébiscitées par les collaboratrices et collaborateurs de France Télévisions en matière d’équilibre de vie ?

Nous avons organisé des groupes de travail récemment, avec des collaborateurs, des managers et des représentants du personnel. Ces groupes ont mis en lumière deux enjeux sur lesquels nous souhaitons agir.

Le premier concerne les salariés en situation d’aidants familiaux. La moyenne d’âge étant de 48 ans au sein de nos équipes, bon nombre de collaboratrices et de collaborateurs ont des parents âgés. Au-delà de ce que nous faisons déjà pour aider les salariés aidants, une idée nouvelle a émergé, celle de favoriser la cohabitation intergénérationnelle en matière de logement. À cet effet, un dispositif original a été expérimenté pour permettre à des parents de collaborateurs d’héberger un jeune à leur domicile et de bénéficier ainsi d’une présence rassurante. Le jeune peut être ou non un enfant de collaborateur, étudiant ou jeune actif. Le dispositif a débuté pendant la crise sanitaire, et nous espérons qu’il répondra aux besoins de nos collaborateurs

Le deuxième enjeu concerne la conciergerie d’entreprise, fort précieuse en matière d’équilibre des temps de vie, par exemple pour trouver en urgence une nounou ou une personne compétente pour de l’aide ménagère ou du jardinage. Nous avons lancé une conciergerie digitale en 2015 et n’avons cessé de l’améliorer depuis. Grâce au reporting régulier concernant les prestations souscrites par les collaborateurs, nous pouvons en effet identifier les services les plus demandés et les étoffer.

Raison d’être, antichambre de l’entreprise à mission

Selon les dernières annonces publiques, 55 % des entreprises du CAC 40 déclarent avoir une raison d’être. C’est le cas, par exemple, du groupe Carrefour[i] et du groupe Atos[ii].

Bien évidemment, les raisons d’être annoncées tiennent leurs promesses uniquement si celles-ci sont suivies d’actions concrètes. La raison d’être d’une entreprise se prouve par la mise en mouvement de ses engagements au quotidien, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’organisation. C’est l’objectif des entreprises les plus conscientes et les plus courageuses. Au-delà d’affirmer leur raison d’être, celles-ci ont choisi de devenir des « sociétés à mission » et ainsi d’améliorer notre société et notre environnement en mettant leur modèle économique au service d’un impact positif.

 

Actuellement, une seule entreprise cotée au CAC 40 s’est engagée dans ce sens : le groupe Danone (lire notre interview de Valérie Mazon p. XXX). Et celle-ci fait face à de nombreuses critiques depuis cette annonce. Pourtant, les analystes s’accordent à reconnaître que les entreprises qui ont le mieux résisté à la crise en 2020 sont les entreprises responsables. L’entreprise classique reçoit des pressions de toutes parts (ONG, clients, salariés et même actionnaires) et n’a plus d’autre choix que celui d’évoluer. Les consommateurs ont d’ailleurs bien compris qu’ils avaient souvent plus de pouvoir en « votant » avec leur carte bleue plutôt qu’avec leur bulletin de vote. Et ils savent ce qu’ils veulent : plus de la majorité des Français souhaitent que les entreprises prennent leurs responsabilités[iii] pour vivre dans un monde plus juste.

 

L’entreprise de demain sera responsable ou ne sera pas

Une nouvelle vague s’apprête déjà à déferler : la France compte aujourd’hui à peu près 100 sociétés à mission. Il y en aura 10 000 d’ici à dix ans. Pour obtenir ce statut, elles devront passer par quatre phases : tout d’abord, choisir une raison d’être et l’inscrire dans leurs statuts, définir ensuite une mission incluant des objectifs sociaux et environnementaux, préciser le plan d’action pour réussir cette mission et, enfin, le point décisif, faire appel à un organisme tiers indépendant pour vérifier que les actes sont à la hauteur des mots.

 

Alors une fois le cadre défini par la loi et la théorie maîtrisée, comment passer de la vision aux actes ? Les sociétés indépendantes ou familiales rencontreront sûrement moins de contraintes pour faire évoluer leur organisation. Par exemple, le Groupe Rocher a été l’un des premiers groupes internationaux à adopter le statut de société à mission. Avec pour raison d’être de « reconnecter les femmes et les hommes à la nature », il incarne sa mission en plantant des arbres avec ses parties prenantes. De plus, il n’a pas attendu les mesures coercitives prises par le gouvernement pour agir : arrêt des tests sur animaux dès 1988, soit quinze ans avant la législation française, et abolition des sacs plastiques en 2006, soit dix ans avant que la loi interdisant leur emploi n’entre en vigueur. Lors de son intervention au dernier Sustainable Paris Forum, son PDG, Bris Rocher, a encouragé les dirigeants à aller vers la société à mission et a rappelé, à juste titre, qu’il était nécessaire concrétiser la raison d’être « en passant du story telling au story doing ». Car, c’est bien de cela dont il s’agit : communiquer non pas sur ce qui va être fait, mais, bien sûr, ce qui a été fait concrètement.

 

L’entreprise à mission, un état d’esprit

Alors qu’en France un manager sur trois a déjà fait un burn out, les entreprises à mission proposent à leurs collaborateurs du sens, une « raison d’y être ».

Par exemple, l’entreprise française Veja réinvente la fabrication d’un produit que nous consommons tous : la basket. Chez eux, pas de stratégie RSE, l’écoresponsabilité est directement au cœur de tous les métiers. Cela se traduit par une culture de l’engagement qui alimente les rêves à atteindre ensemble, plutôt que les bilans carbone à réaliser seul dans son coin. Ensemble, les équipes de Veja se lancent régulièrement des challenges à relever pour se stimuler. Le dernier en date : créer la première basket de l’ère post-pétrole !

 

Le Groupe Rocher et Veja sont deux exemples d’entreprises en adéquation avec leur ADN et en résonance avec les attentes de leurs talents : l’authenticité et la responsabilité. Ces entreprises à mission ont compris que le capital humain était la force la plus précieuse à leur disposition pour accomplir leur mission.

 

À l’heure où nos modèles de société nous conduisent inéluctablement dans des impasses économiques, sociales et environnementales, les entreprises ont le devoir de faire converger valeurs, objectifs économiques et bien commun. Reste à déployer ce mouvement de l’impact positif et à définir un standard pour mesurer les retombées des actions promises afin que les entreprises soient à la hauteur des enjeux de notre époque.

[i] Raison d’être de Carrefour : « Notre mission est de proposer à nos clients des services, des produits et une alimentation de qualité et accessibles à tous à travers l’ensemble des canaux de distribution. Grâce à la compétence de nos collaborateurs, à une démarche responsable et pluriculturelle, à notre ancrage dans les territoires et à notre capacité d’adaptation aux modes de production et de consommation, nous avons pour ambition d’être leader de la transition alimentaire pour tous. »

[ii] Raison d’être d’Atos : « Avec nos compétences et nos services, nous supportons le développement de la connaissance, de l’éducation et de la recherche dans une approche pluriculturelle et contribuons au développement de l’excellence scientifique et technologique. »

[iii] 51 % des Français considèrent qu’une entreprise doit être utile pour la société dans son ensemble, devant ses clients (34 %), ses collaborateurs (12 %) ou ses actionnaires (3 %). [Source : Ifop, agence Terre de Sienne, enquête « La valeur d’utilité associée à l’entreprise », 15 septembre 2016.]

L’oeil de… Thierry Marx

Que vous inspire le mot « collectif » ?

Le collectif, c’est un peu un mot fourre-tout. On nous le tartine, on nous le beurre… On nous dit “il faut être solidaires”, mais on n’a pas appris à être “un”. On n’a pas appris, d’abord, à être solitaires. Pour créer un bon collectif, il faut être solitaire et solidaire. Il faut des individus solides pour un collectif solide. Dans une équipe de sport, tout le monde est fort individuellement, mais il faut que tous les joueurs créent ce lien collectif pour réussir leur mission.

Bien souvent, l’individu a la fragilité de chercher des réponses à l’extérieur de lui-même. Je le vois au travers de nos écoles d’insertion, des gens arrivent et croient que l’école va leur donner la solution à tout. Nous leur répondons : “RER”, c’est-à-dire Rigueur, Engagement, Régularité.

Si l’on souhaite entrer dans nos écoles gratuites, la monnaie d’échange, c’est celle-là. Rigueur : c’est le projet. Engagement : c’est lâcher la main du passé quand il est un peu compliqué. Régularité : pas d’absences, pas de retards. Et quand la personne est d’accord avec ce principe, elle fait bloc. L’entreprise, c’est la même chose : s’il y a une cohérence et une cohésion des équipes, les gens peuvent faire un, sans tronquer leur personnalité. Bonaparte disait : “Un soldat est un homme indépendant pour vivre et uni pour gagner.”

Une entreprise, c’est cela : si vous vous entourez de personnes qui sont dans l’incapacité de vivre seules, vous faites des gens assignés et ça, c’est dangereux.

Avez-vous adapté vos méthodes de recrutement en fonction de votre expérience et de vos connaissances ?

Déjà, je recrute toujours des gens qui ont plus de diplômes que moi. Un directeur financier sait jongler avec les chiffres. Moi pas. Et puis, quand je regarde le bas du CV, les activités sportives, sociales, littéraires : cela me donne des éléments pour deux questions qui me semblent essentielles : “Pourquoi voulez-vous travailler pour moi ?” et “Où vous voyez-vous dans deux ans ?” Je ne veux pas annihiler l’ambition des collaborateurs. J’ai besoin de créer un lien de confiance.

L’idée est la suivante : “Qu’est-ce que tu peux faire pour moi, dans le cadre de tes compétences et de la mission qui t’est donnée dans l’entreprise. En échange de quoi je te rémunère. Et si tu as besoin, je te donne un coup de main pour ton projet personnel.”

Vous incitez les individus à être clairs avec eux-mêmes. Votre méthode peut mettre à l’aise mais peut gêner aussi… Mais l’entreprise met mal à l’aise…

Ce n’est pas l’endroit le plus sympathique du monde, surtout dans les grandes tempêtes. Le management et la qualité de vie au travail, c’est du quotidien. Le simple fait de considérer que des gens vont vous donner du temps et des compétences et qu’en échange vous allez les payer, cela ne suffit pas, vous n’éviterez pas le seuil de frustration.

À un moment donné, la personne va prendre l’habitude de ce qu’on lui demande de faire, elle va le faire de plus en plus vite et va rapidement considérer n’être pas assez payée pour tout ce qu’elle sait faire. Il faut lui donner l’envie de monter en compétences pour que le seuil de frustration ne soit pas atteint entre elle-même et sa rémunération.

J’ai trop vu de conflits nés de l’amertume de la non-évaluation de ses collaborateurs. C’est pour cela qu’au sein de mes entreprises, j’ai mis en place un one-to-one, tous les deux mois. Les managers voient leur N-1, à dossiers ouverts : “Où en es-tu dans ton projet, ta motivation, voici l’évaluation de ta mission confiée…” Ce lien doit être entretenu, sinon la frustration gagne les individus et les pressions excessives peuvent survenir.

Avez-vous connu de la frustration ? Cette expérience vous a-t-elle poussé à devenir le manager que vous auriez aimé avoir à l’époque ?

Je vais être très honnête avec vous, ce qui m’a appris à manager mieux, c’est d’être resté éducateur spécialisé durant plus de vingt ans. Car dans mon rôle d’éducateur et de professeur de judo, je n’étais confronté qu’à des gens compliqués à manager.

Et quand je suis arrivé dans le monde de l’entreprise, je ne rencontrais que des gens qui pensaient être surcompétents, mais je leur trouvais beaucoup plus de fragilités. J’ai donc amené plus d’écoute et d’observation pour créer un lien de confiance et réduire les pressions excessives.

Vous parlez beaucoup de “pression excessive” : y a-t-il une bonne pression ?

Oui, il y a une bonne pression, celle de la présence, d’être en phase avec la mission, de vouloir monter en compétences et de se sentir bien. La pression excessive, c’est la mécanique de la bouilloire. Vous la remplissez d’eau et vous bouchez tous les trous : à un moment donné, cela explosera et provoquera des dégâts collatéraux.

Les managements en pression sont dangereux. D’autant plus que cela trahit des ambitions d’entreprise trop démesurées. Considérer que si la société fonctionne mal, c’est la faute des collaborateurs n’est pas la solution.

Quand vous devez vous séparer d’un collaborateur, considérez-vous que c’est un échec de votre méthode de management basée sur la transparence ?

Non, car un contrat de travail n’est pas un contrat de mariage. J’ai considérablement réduit mon turn-over quand j’ai mis mes collaborateurs en face de leur mission et de leurs ambitions. Cela a amélioré les choses. Le monde de l’entreprise est un milieu trop clos pour se mentir. La supercherie se découvre très vite.

Évidemment, le collectif a une réelle signification au sein de la cuisine d’un restaurant. À celles et ceux qui ne connaissent pas ce monde, comment pourriez-vous en définir le fonctionnement ?

L’idée est d’associer des compétences techniques à des réalités opérationnelles en un temps record. Quand, en vingt-cinq minutes, une équipe doit honorer quarante bons de commande, ce collectif doit être en ordre de bataille.

Si quelque chose déraille, c’est catastrophique et empirique. Car le client ne sera pas content, la notoriété de la maison s’effondrera. La mise en place de la notion de service doit être réglée au millimètre.

Il faut mettre en place, en cas de problème, un management dégradé. Si un numéro un est défaillant, un numéro deux doit être prêt pour que le client ne s’aperçoive de rien. Il n’y a pas de place au hasard dans une équipe. Il faut être des artisans avec une rigueur d’industriels.

Qu’est-ce qui peut miner une entreprise aujourd’hui et qui peut être facteur de mal-être ?

Depuis quelques années, nous avons perdu le sens de la courtoisie, de la parole donnée et de l’honneur, dire les choses et faire ce que l’on dit.

En cette période extrêmement instable, le chef est un repère. Or, peut-il lui-même manquer de repères et montrer ses fragilités ?

Ceux qui n’ont pas peur sont des mythomanes ou des fous. Le chef est un solitaire, un angle droit. Il doit exprimer ses doutes et ses peurs. Mais ce qui m’intéresse dans votre question, c’est le mot “repère”, dans lequel j’entends “re-père”.

Vous êtes à l’aise avec cette interprétation psychanalytique ?

Bien sûr. Le manager est un phare, il doit éclairer et forcer le mouvement. Un général vendéen disait : “Si j’avance, suivez-moi, si je recule, tuez-moi, et si je meurs, vengez-moi.” La confiance dans le repère est essentielle au moment de l’action. Et, en tant que manager, vous devez agir, sinon personne ne vous suivra.

 

Voir aussi : Le Grand Entretien : Alexandre Ricard, président directeur général du groupe PERNOD-RICARD

CPAM : La coopération en pratique

L’enjeu de notre démarche, à la CPAM des Yvelines, est de transformer le management afin de permettre la prise d’initiatives de nos collaborateurs dans le but d’aboutir à des résultats dont nous serons fiers. L’objectif de nos actions est de faire émerger progressivement une nouvelle culture d’entreprise dans laquelle chaque salarié peut exprimer pleinement son potentiel et devenir ainsi acteur de la vie de l’entreprise.

Depuis maintenant huit années, nous sommes engagés dans une transformation managériale reposant sur cinq leviers qui nous ont permis de construire progressivement un véritable collectif.

1 – Le premier de ces leviers est le sens, condition essentielle de l’implication qui permet d’inspirer les collaborateurs et de valoriser leurs actions, leur comportement sur la performance collective.

2 – Le deuxième est la confiance qui libère les énergies, favorise l’engagement et le partage d’information et des idées.

3 – Le troisième est l’autonomie qui, outre une acceptation plus facile du changement, génère du plaisir et du bien-être.

4 – Le quatrième est la reconnaissance. En modifiant nos attitudes, notre langage, en évitant les symboles de pouvoir, en cultivant la gratitude et en confiant des responsabilités, nous démontrons que l’humain doit primer. Il n’y a pas lieu de discriminer les exécutants par rapport aux stratèges, ou les moins qualifiés par rapport aux diplômés.

5 – Le cinquième et dernier levier, la fierté d’appartenance, doit être favorisé par des événements marquants et réguliers (fêtes, challenges…).

Au fil des ans, ces leviers se sont traduits en actions afin de mettre en œuvre concrètement cette transformation : lean management, innovation participative, création de communautés collaboratives, évolution du rôle des fonctions supports, réduction des strates hiérarchiques, etc.

C’est ainsi qu’un collectif s’est petit à petit dégagé, chacun sentant que son travail compte, que lui-même compte au sein du collectif de notre entreprise. Le mode de fonctionnement des équipes s’en est trouvé facilité grâce à la possibilité non seulement de s’exprimer, mais aussi de participer effectivement aux projets indépendamment de son “rang” dans l’entreprise. Une sécurité relationnelle s’est ainsi instaurée. Certes, il y a et il y aura toujours des turbulences, des conflits, mais quand les collaborateurs sont parties prenantes de la construction des règles, des valeurs et des décisions, c’est le collectif qui l’emporte et les conflits qui s’estompent.

Mais cela nécessite du temps, de la patience et aussi l’acceptation de la contradiction pour éviter et limiter les conflits. Et c’est bien ce qui est nécessaire dans un monde de plus en plus complexe et changeant où, plutôt que de centraliser les décisions et multiplier les contrôles, il faut accepter la diversité des personnes et des points de vue.

 

Voir aussi : Optim’services : Locomotive QVT de la SNCF

Un bureau, oui mais sans contrainte

Le constat

L’hybride est plébiscité. Un modèle combinant télétravail et présence dans un espace qui n’est désormais plus perçu comme un simple lieu de travail. Lors d’une étude menée par « Bureau à partager », un tiers des répondants a affirmé avoir changé leur vision du bureau durant le confinement, 76 % d’entre eux le percevant comme un espace de rencontres, d’échanges et de créativité. Un lieu voué à évoluer vers plus de flexibilité aussi.

Les bureaux fixes, tout comme les horaires de travail définis, n’ont plus la cote. Les postes en “flex office” ou “clean desk” viennent les détrôner. “Un tiers des sondés se disent prêts à changer de bureau en optant pour un contrat sans engagement de type coworking”, explique Cécile Peghaire, responsable communication de Bureau à partager.  Le bureau de demain est ainsi partout et nulle part à la fois, tout en restant paradoxalement l’un des principaux piliers de l’image véhiculée par l’entreprise et de sa cohésion interne.

3 questions à Olivier Babeau (président du think tank Institut Sapiens et professeur en sciences de gestion) :

Dans une chronique pour FigaroVox, vous écrivez que le télétravail restera une pratique assez marginale. Pourquoi ?

Parce que le télétravail ignore la nature profonde du bureau. Le travail collectif se nourrit de moments de vie partagée qui forgent le sentiment d’appartenance au groupe et fondent la motivation. Le bureau matérialise la communauté humaine qu’est une entreprise. C’est un monde en miniature, avec ses vertus mais surtout ses défauts, qui le rendent si indispensable : il est un lieu politique, un endroit où l’affrontement des pouvoirs se fait à travers des mises en scène de soi et des rituels d’interaction. Le bureau est un acte social. Lorsque l’on en est absent, on est exilé de ces jeux de pouvoir.

Dans une autre chronique post-confinement, vous affirmez pourtant que vous ne regagnerez pas les bureaux de l’Institut Sapiens…

Six mois de télétravail nous ont permis de retirer des avantages évidents : économie de loyers, heures de transport évitées, productivité améliorée. Assez pour écarter le bureau, devenu un confort routinier risquant de faire de la simple présence un but en soi, sans se poser la question du sens de ce que l’on y fait.

Le télétravail est un révélateur des tâches inutiles et des pertes de temps en entreprise. Supprimer les bureaux n’est en revanche pas une solution qu’on peut généraliser. Il faut tenir compte de la taille de la structure et du type de tâches. S’il s’agit, comme pour nous, de lire, rédiger, faire des analyses, mettre en relation, alors il n’est pas indispensable.

Comment concevez-vous le bureau de demain ?

Un endroit propice au nomadisme, où l’on se rend pour la convivialité et la coopération, qui conjugue efficacité économique et épanouissement personnel. La période de confinement nous a permis de mesurer l’efficacité du télétravail. Mais le travail sans bureau ne doit pas être un travail sans relations sociales.

Le principal défi de la disparition du bureau est de ne pas perdre les moments d’échanges informels, permanents, ponctués de rencontres à intervalles réguliers. Ils sont nécessaires pour assurer la fonction de refondation de l’unité d’un groupe.

 

Pour aller plus loin : Après l’open-space

Osons l’optimisme !

Finalement, je m’y risque parce que c’est le sentiment qui m’a envahie quand j’ai découvert le contenu de ce magazine. Chaque jour, des salariés et des professionnels agissent avec la conviction qu’ils peuvent participer à leur contemporanéité et améliorer la société en améliorant leurs sociétés. Les mettre en avant dans un même magazine est formidable pour notre moral !

Plus que jamais le “vivre ensemble” est un sujet au cœur de toutes les préoccupations sociétales. Ainsi, la qualité de vie au travail se doit d’être envisagée par l’entreprise comme un devoir citoyen. Il n’est plus l’heure de se cacher derrière des “réglementations” et d’attendre des textes normalisant le “bien-être” au travail. Il y a urgence à agir pour le définir comme une colonne vertébrale de l’entreprise.

À l’heure de la distanciation sociale qui nous fait risquer une société en perte de liens, c’est aujourd’hui que l’entreprise doit se rappeler de sa puissance en tant que collectif. Une responsabilité citoyenne s’impose à chaque salarié qui se doit de veiller sur ses collègues, parfois isolés dans leur vie personnelle.

Bien évidemment, il ne s’agit pas de faire peser une injonction de plus sur des managers ou des DRH eux-mêmes souvent en souffrance. L’entreprise doit simplement rappeler à chaque salarié qu’il a un rôle à jouer dans le bien commun. Une culture d’entreprise ne se décrète pas mais se crée ensemble. Hélas ! La cocréation s’apprend rarement à l’école, on y stimule plus la quête du “bon point” que l’écoute des autres.

Par ailleurs, la passivité vécue en classe se traduit à l’âge adulte par des collaborateurs “consommateurs” de leur entreprise plutôt que parties prenantes. Avouons que les managements pyramidaux infantilisants n’arrangent rien.

Si je suis optimiste, c’est que je suis convaincue que le moment que nous vivons va permettre aux salariés de se rendre compte de leur importance dans le collectif. Souvent, je m’interroge sur ce terme : “travail”. Je me rêve à penser qu’il suffirait de remplacer le mot “travailler” par le mot “œuvrer” pour que chacun prenne la mesure de sa mission et que le narratif du collectif soit réinventé. C’est sur cette question que je vous retrouverai dans le prochain numéro.

 

Voir aussi : Managers, prenez soin de vous !

Le management du collectif à l’épreuve des crises

Théodore Roosevelt (1) disait : “Le bon dirigeant est celui qui se laisse entourer par les meilleurs, et se retient d’interférer dans leur travail.”

Rares, hélas, sont les dirigeants capables de lâcher prise. Ils sont encore trop nombreux à multiplier les systèmes de contrôle de l’activité de leurs collaborateurs, interdisant ainsi toute possibilité d’initiative. “Vous ne pouvez pas forcer le caractère et le courage des gens en décourageant l’initiative et l’indépendance ; vous ne pouvez pas donner de la force aux faibles en affaiblissant les forts ; vous ne pouvez pas favoriser la solidarité en encourageant la lutte des classes ; vous ne pouvez pas aider les gens en faisant pour eux ce qu’ils doivent faire par eux-mêmes.” Abraham Lincoln (2), en prononçant ces phrases devant le Congrès américain en 1861, posait les bases de ce que l’on appelle l’empowerment dans le monde de l’entreprise.

Alimenter la défiance et les peurs par des contrôles tatillons ne peut conduire qu’au pire. On ne bâtit rien de durable sur du négatif, que du négatif. La défiance est un poison mortifère tan- dis que la confiance reste un pari. “Ne dites jamais aux gens comment faire quelque chose, dites-leur quoi faire, et ils vous étonneront par leur ingéniosité (3).”

Les managers doivent s’approprier cette attitude. Ils ne peuvent pas se contenter d’exiger des résultats, de la performance, de l’implication, etc. Chaque individu possède en lui-même les clés de sa motivation. Ce n’est qu’à travers un dialogue confiant et sincère qu’un manager peut les découvrir, les encourager et les mobiliser au service du projet. Le contrôle implique trop souvent la soumission, tandis que l’autonomie encourage l’implication. S’il existe des êtres humains préférant une certaine soumission par peur de s’impliquer, préférant reporter sur d’autres les raisons de leur désengagement, il en est de bien plus nombreux qui, à l’inverse, osent l’autonomie responsable pour se réaliser.

Savante alchimie, l’empowerment entremêle les notions de bienveillance, de compétence, de confiance, d’exigence, de justice, de reconnaissance, de responsabilité, de sécurité et de sens. Les pratiques de qualité de vie au travail (QVT), de responsabilité sociétale et environnementale (RSE), de partage (Comp & Ben), de développement personnel (assessment, coaching, formations, etc.), de dialogue et de relations sociales doivent s’inscrire dans un cadre cohérent conjuguant les multiples contraintes économiques, politiques, techniques et sociales qui animent l’écosystème complexe de toute organisation, qu’elle soit publique ou privée. Osons l’intelligence collective !

1. Théodore Roosevelt (1858-1919), 26e président des États-Unis de 1901 à 1909, naturaliste, explorateur, historien et écrivain.
2. Abraham Lincoln (1809-1865), 16e président des États-Unis de 1850 à 1865, partisan de l’émancipation des esclaves.
3. Général américain George S. Patton (1885-1945), cité dans Patton, Yannis Kadari, éditions Perrin 2011.

 

Voir aussi : Collectif : une question de bon sens !

Collectif : une question de bon sens !

J’avoue me sentir toujours un perplexe face à ces nouveaux concepts qui émergent au gré des dernières tendances managériales : “créer du collectif en entreprise”, “favoriser le bien-être au travail”, “manager les talents”…

Pour nos grands-parents, les concepts de ce type étaient totale- ment absents. Ils pouvaient avoir un patron plus ou moins conciliant, et des collègues plus ou moins sympathiques, mais l’idée que leurs espaces de travail puissent être des outils pour favoriser la cohésion de groupe leur aurait semblé parfaitement incongrue. Nos aïeuls étaient naturellement plus unis et plus soudés au travail, et construisaient des collectifs puissants et solides car ils avaient des combats à mener, des territoires à conquérir, de grands projets à porter : de meilleures conditions de travail, les congés payés, plus d’avantages sociaux…

Pourquoi l’esprit d’équipe se délite ?

Aujourd’hui, les collectifs perdent leur sens, laissant place à toujours plus d’individualisme, de compétition et de concurrence. Si bien que les salariés finissent épuisés et désemparés… Pourquoi ? Très probablement parce qu’à force de process toujours plus rigoureux, de niveaux hiérarchiques sans fin, de managers inutiles et de fiches de poste étriquées, ils se retrouvent coincés dans des structures technocratiques qui les écrasent. Mais aussi parce qu’avec les évolutions technologiques, la généralisation du télétravail et la dématérialisation de nos échanges, les occasions de créer du lien “dans la vraie vie” se font de plus en plus rares.

Des postures managériales infantilisantes

S’ajoute à cela une tendance naturelle et encore très répandue dans les entreprises du “command & control”, héritée des méthodes d’organisation scientifiques du travail, préconisant des postures managériales infantilisantes, qui découragent plutôt qu’elles encouragent.

Si bien que dans ce contexte, le collectif n’a pas lieu d’être, puisque l’individu lui-même est bien souvent nié. Dès lors, parler de collectif me semble, comment dire, secondaire, pour ne pas dire illusoire. Quoi qu’il en soit, le fait que les entreprises se préoccupent aujourd’hui autant du sujet du collectif est un signal. Cela dit quelque chose. Et pour ma part, disons que j’ai du mal à croire que ce soit dans un but purement philanthropique.

Le collectif aujourd’hui, plus que jamais

Ce qui m’amène à me poser une question qui me semble fondamentale : Pourquoi ? Pourquoi cette obsession du collectif ? Pourquoi est-ce un enjeu si important pour les entreprises ? Et pourquoi maintenant ?

Tout d’abord parce qu’on est plus intelligent à dix cerveaux qu’à un cerveau ! Parce que l’humain, pour être efficace, pour évoluer et grandir, a besoin des autres. Parce que seul on va plus vite, mais qu’ensemble on va plus loin. Le collectif est directement lié à la performance. Peu de grandes avancées humaines sont le fruit du travail isolé d’un seul homme dans son coin. Plus on arrive à collaborer, à coopérer, à s’unir, à s’entraider, plus on est intelligents, ensemble. Cela s’appelle de l’intelligence collective. À partir du moment où l’on accepte de faire challenger son travail par d’autres, il y a de fortes chances que le résultat final soit meilleur. Autrement dit, quand le collectif fonctionne, les projets avancent, ils sont plus solides, efficaces, sexy, désirables. Et cela, les entreprises l’ont parfaitement bien intégré. En revanche, pour “faire” du collectif, pour partager, s’entraider et s’inspirer des autres, il faut faire confiance, cultiver la sincérité, l’authenticité, le lâcher-prise.

Malheureusement, ces postures ne sont pas encore dans l’ADN du monde des entreprises aujourd’hui. Pourquoi ? Parce que nos cerveaux sont surentraînés dès l’école maternelle aux classements, aux notes, à gagner aux billes, et à finir premier de la classe.

Conditionnements

C’est un sujet très profond, ancré, reptilien, ancien. Il s’agit de notre relation au pouvoir, de nos peurs, de nos ego surdimensionnés. Quel peut donc être le ciment des groupes de demain ? Ce qui donne envie aux gens de travailler ensemble, c’est tout simplement l’envie de réaliser quelque chose de grand. De pouvoir s’y investir librement, en y apportant leur patte, leur façon de faire, leur permettant de s’y reconnaître, d’en être fiers. Puis d’avoir la possibilité de tirer profit des fruits de ce travail. J’aime comparer le monde du travail au monde de l’art. Imaginez un seul instant si on avait collé des process à Rodin ou à Manet pour réaliser leurs chefs-d’œuvre…

Si on avait établi des protocoles pour réglementer la vie en atelier, avec des managers, des reportings, des plannings et des meetings… La créativité, la passion, l’engagement, l’envie profonde et sincère de travailler ensemble, de se donner à fond, cela suppose de l’audace, de la liberté, de la prise de risques, des écarts, des opinions, des passions, des… émotions ! Et l’entreprise n’est pas vraiment un lieu qui accueille les émotions, tant s’en faut.

Monter les meilleures équipes de travail se fait avec un ingrédient imparable : le bon sens ! Ce qui donnera envie aux gens, demain, d’aller au travail, ce sont leurs collègues, pas leurs bureaux ! Le cadre est accessoire. J’ai vu des startuppers travailler dans des sous-sols miteux et être très heureux… Et a contrario, j’ai vu beaucoup de salariés de grands groupes installés dans des bureaux dernier cri, jouissant de cantines cinq étoiles et d’avantages indécents, mais souffrant d’une dépression sévère…

Quoi qu’il en soit, et quitte à paraître mièvre, je dirais tout simplement que ce qui permet de construire du collectif, c’est l’amour et la liberté. Pour accompagner des équipes et leur donner envie de travailler ensemble, il faut les aimer et les protéger, et surtout, surtout, leur ficher la paix et les laisser faire. Avec de l’écoute, du respect, de l’humilité, de la sincérité et de l’authenticité.

Jouer collectif, c’est une question de pragmatisme

Pour ma part, toutes les belles choses qu’il m’a été donné de réaliser en entreprise, je les ai menées en équipe. C’est grâce à mes pairs, à mes collègues, à mes managers que j’ai appris, grandi, changé de point de vue, évolué, que je me suis trompée et que j’ai réussi à me relever… Alors pour les plus sceptiques, et même si vous n’y croyez pas, je dirais ceci : essayez de jouer le jeu du collectif, vous y gagnerez non seulement en efficacité, mais surtout, en plaisir et en confort. C’est mathématique. “Lorsque deux forces sont jointes, leur efficacité est double.” Isaac Newton.

 

Voir aussi : Le management du collectif à l’épreuve des crises