RH : un terrain de jeu pour l’IA

Des fantasmes entourent l’intelligence artificielle. Le concept est très clivant : comment l’expliquez-vous ?

En fait, il faut se poser les bonnes questions : pourquoi l’IA se développe-t-elle aussi vite dans nos organisations ? L’une des raisons en est tout simplement qu’elle nous aide à dompter la complexité de notre environnement et qu’elle nous permet de nous adapter collectivement à un monde qui se transforme de plus en plus vite.

L’IA est à la croisée de multiples chemins : la reconnaissance de textes, de la voix, des visages, des émotions ; la capacité à extrapoler des données et d’en déduire des cheminements, d’être prédictifs sur certains domaines et, plus récemment encore de générer des textes, des images, des contenus. Forcément, quand on parle d’IA, il y a une myriade de possibles, et, forcément, dans l’imaginaire, cela ne se matérialise pas de la même façon. Dans ce domaine, chacun est tenté d’expérimenter des choses. La détection, par exemple dans les espaces publics, est l’un usage qui peut être assez effrayant et dont les dérives sont évidentes. Il est nécessaire cependant de distinguer la réalité du fantasme et, dans le domaine du réel, de porter toute notre attention sur ce qui est souhaitable, et pas seulement sur ce qui est possible. Entre les deux, il y a le cadre éthique, la réglementation et les limites managériales que l’on se fixe.

 

Ces limites restant floues, la « peur de perdre le contrôle » est donc bien légitime…

L’IA, déjà, c’est un algorithme ou un modèle mathématique conçu pour imiter la façon dont les humains pensent et résolvent des problèmes. Cet algorithme est entraîné sur la base de millions d’enregistrements de données pour produire les prédictions le plus précises possible. Plus on le « nourrit », plus on le « corrige », plus il apprend et devient conforme et précis. Donc ce n’est pas figé, c’est un produit qui, lui-même, est évolutif.

Il y a déjà une première inquiétude : qui va nourrir cet algorithme ? Ces données seront-elles le reflet de ce que l’on souhaite ou de ce que l’on a fait dans le passé ? Je vous donne un exemple concret : dans une entreprise où des cadres masculins étaient davantage recrutés que des femmes, si on alimente l’algorithme de l’IA avec ce type d’historique, celle-ci va considérer que le critère « être un homme » est plus favorable pour obtenir la position de manager. Le premier biais de l’IA est donc directement lié à l’historique des données. Deuxième réticence : une fois que cette IA s’est formée, elle produit des réponses, mais le raisonnement concernant celles-ci n’est pas analysable ni explicable. Cet effet black box a pendant très longtemps été l’un des freins majeurs, car la réponse était produite avec un taux de fiabilité, certes très bon, mais sans que l’on puisse dire pourquoi il l’était et selon quel critère. La troisième réticence est liée à l’impact que l’IA pourrait avoir sur notre travail, sur notre place d’être humain, sur notre collaboration possible dans un monde où elle travaillerait à nos côtés. C’est clairement la peur d’être cannibalisé par ce type de solutions, d’observer des dérives éthiques ou morales qui risqueraient de porter atteinte au socle de confiance que nous développons entre êtres humains.

Chez Oracle, nous avons réalisé une étude, avec Odoxa, pour discerner les usages acceptés ou non dans le domaine des RH. Nous avons détecté trois catégories d’usage de l’IA : dans le premier cas, ceux qui apportent une forme d’augmentation des capacités humaines sur les tâches répétitives et à faible valeur ajoutée. L’IA peut prendre en charge ces tâches qui nous semblent rébarbatives, et, dans ce cas, le taux d’acceptation est de l’ordre de 70 % des sondés. Le second domaine est celui du matching. Le matching, c’est quoi ? La mise en correspondance d’une offre avec une demande, avec un ratio d’adéquation plus ou moins élevé. Je viens avec une liste d’informations personnelles concernant mon profil, mes souhaits, et l’IA va me faire des suggestions de carrière ou de formation, par exemple. Dans notre étude, nous avons eu un retour mitigé sur ce type d’usage. Ce qui se joue, c’est le deal : est-ce que je suis prêt à me dévoiler davantage pour accéder plus rapidement à des suggestions qui me sembleraient pertinentes ? Nous ne sommes pas tous prêts à cela pour le moment. Troisième point : on laisse l’IA autonome, dans un certain périmètre, pour évaluer le niveau de performance d’un collaborateur ou pour prendre une décision RH importante. Et là, la majeure partie des personnes sondées expriment leur réticence et ne veulent pas être tributaires de l’IA dans un périmètre qui impacte directement les collaborateurs.

 

 

En quoi l’IA peut-elle permettre aux RH de se libérer de leurs tâches dites techniques pour se recentrer sur la dimension humaine du poste, voire pour réévaluer le périmètre RH ?

Nous évoluons dans un contexte où les candidats et les collaborateurs ne souhaitent plus seulement avoir un job, mais plutôt vivre une expérience professionnelle qui soit engageante, épanouissante, personnalisée.
De leur côté, les DRH n’ont jamais eu accès à autant d’informations personnelles, administratives, qualitatives liées à la performance, aux appétences, aux souhaits, à la rémunération des collaborateurs. Ces données sont malheureusement souvent disjointes et difficiles à réconcilier. L’enjeu est donc immense pour une direction RH qui, à effectifs constants, doit préserver l’équité, offrir cette flexibilité attendue par les collaborateurs, ou ce niveau de synthèse nécessaire aux managers pour prendre des décisions éclairées concernant leur équipe. On pourrait qualifier ce contexte de perfect storm pour l’IA. Si tant est qu’une organisation entreprenne les efforts suffisants pour normaliser ses référentiels de données RH, ce que l’on dénomme souvent le CoreHR (organisation, métiers, compétences, sites, hiérarchie, etc.), alors s’ouvre un champ immense d’usages de l’IA en soutien des RH, des managers et des employés. Les usages les plus évidents vont des suggestions de mise à jour des profils des collaborateurs à la détection de compétences, suggestions de formation ou de mentor. Du côté des managers, l’IA peut aider à accéder aux bonnes informations, consolidées lors d’étapes importantes, comme les promotions ou l’attribution d’augmentations salariales ou de bonus, afin de favoriser la rémunération de la performance, l’équité, l’inclusion, par exemple.

Du côté des RH, des usages comme l’automatisation ou l’accélération de la création des réponses aux demandes RH dans le centre de services partagés, l’accès à l’assistant digital pour consulter des compteurs de temps, de congés, ou la génération de reporting et des commentaires automatiques de ces reportings, ou encore l’analyse de textes (comme les raisons de départ des collaborateurs) sont autant d’outils qui améliorent la productivité et permettent de dégager du temps destiné à l’échange, à la stratégie et à la prise de décision.

 

 

Vous faites bien la différence entre « IA forte » et « IA faible »…

L’IA faible ne sait traiter que ce pour quoi elle a été conçue. L’IA forte est l’IA capable de s’adapter à des situations nouvelles, d’élaborer des solutions complexes. C’est l’IA telle que vous l’imaginez dans les films de science-fiction. C’est le fantasme absolu d’une machine qui se comporterait comme un être humain. L’IA forte n’en est qu’à ses balbutiements, notamment dans le domaine des jeux en ligne quand on affronte des « joueurs IA », mais aussi dans les robots ou les voitures autonomes, où de multiples sources d’information doivent être analysées dans des contextes renouvelés sans cesse. Ou encore dans des formes avancées de chat et de génération de texte, ChatGPT par exemple. Même si cette IA forte donne le sentiment d’approcher une forme de conscience, nous en sommes très loin, et il n’y a aucune IA forte qui concerne le domaine des RH aujourd’hui.

 

 

 

Qu’est-ce que l’IA peut apporter à l’expérience collaborateur ou à l’expérience candidat ?

Dans son rapport au collaborateur, devenant un client interne, le monde RH s’est de plus en plus inspiré des approches historiques du marketing. La notion de marketing RH est même assumée. La création du concept de marque employeur en est un autre exemple. L’employee experience s’impose, comme la customer experience (CX) avant elle. Les analogies sont évidentes. Les outils utilisés côté CX le sont côté RH désormais. Pour suivre l’analogie, et pour faire face à la pénurie de talents et à la difficulté à attirer les candidats, nous avançons désormais vers une notion de nurturing, qui consiste à « nourrir » le candidat, parfois encore passif, avec des informations ciblées qui vont l’aider à développer de l’intérêt pour l’entreprise. Ces approches RH sont en fait réalisées avec les mêmes outils que ceux utilisés en marketing pour alimenter des prospects qui deviendront de futurs clients et le vocabulaire peut être lui-même transposé : on parle de campagne, de pipe, de conversion, etc. L’IA, dans ce contexte, se révèle particulièrement utile et efficace pour automatiser la sélection et l’envoi des contenus vers les candidats, au bon moment pour eux.

Vous pouvez aussi imaginer que les outils qui permettent d’analyser les sentiments des consommateurs, qui scrutent leurs avis en texte libre, ceux utilisés par des marques pour cibler leurs acheteurs, par exemple, sont aujourd’hui utilisés dans le domaine RH pour exploiter les informations issues des entretiens annuels ou professionnels.

 

Les analogies entre les mondes RH et CX sont aussi visibles dans la gestion des compétences…

Pour la première fois dans les sondages, le sujet de l’identification des compétences est devenu la priorité #1 des RH, devant même la recherche de productivité et de performance. Or, depuis des années, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences se confrontent à l’obsolescence extrêmement rapide des référentiels de métiers et de compétences qui prennent des années à construire. Ce phénomène s’est accentué avec la réduction progressive de la durée de vie moyenne des compétences, aujourd’hui estimée à deux ans par l’OCDE. La plupart des projets de cartographie de compétences ont ainsi échoué face à l’ambition d’être exhaustif, ou lors des phases d’adoption et de déclaration des profils par de collaborateurs débordés par des listes infinies de compétences référencées. Cela crée un terrain de jeu intéressant pour l’IA, car elle répond à cet enjeu à deux niveaux : l’accélération de la création d’un référentiel de compétences et le matching. Chez Oracle, par exemple, nous avons compilé des millions d’enregistrements de données publiques, concernant des CV, des postes à pourvoir, des missions, des référentiels de compétences publiques et nous en avons déduit un référentiel de 130 000 compétences et de 16 000 postes déclinés en compétences requises. Sur cette base, le client peut personnaliser le référentiel pour l’adapter à sa culture propre, à ses métiers. Dans la seconde étape, le matching, on va consommer les contenus individuels des collaborateurs, des postes, des formations, et on va les faire correspondre avec les compétences identifiées. L’IA les soumet au collaborateur, et ce dernier décide s’il détient ou souhaite développer cette compétence, et déclare éventuellement son niveau. Cette approche permet d’obtenir le meilleur compromis entre la préservation de la culture de l’entreprise, la capacité du collaborateur à garder la main sur ce qu’il déclare, tout en bénéficiant de l’accélération et de l’évolutivité du référentiel offerte par l’IA.

 

Quelle place l’IA occupe-t-elle dans le domaine de la formation ?

La connexion que l’on peut faire avec le sujet des compétences, la mobilité et l’évolution de poste, là où l’IA peut vraiment apporter de l’aide, c’est tout ce travail de matching, de mise en relation d’un besoin reconnu et exprimé avec une ressource disponible, qu’elle soit matérielle ou autre. Dans la formation, l’une des grandes difficultés que l’on peut avoir côté RH, c’est de mettre à disposition des collaborateurs l’ensemble des formations du catalogue dans un format accessible. L’IA peut justement suggérer, parmi des milliers de sessions, de contenus, la dizaine de modules les plus pertinents par rapport à des objectifs de développement exprimés, et ce, même si l’information a été saisie en dehors du module formation, durant l’entretien de performance par exemple. L’IA peut aussi être utilisée pour analyser la progression d’un collaborateur dans l’assimilation de certaines connaissances afin de cadencer les bons contenus.

 

Pour reprendre l’exemple du marketing, il y a ce moment assez agaçant, où vous consultez en ligne votre magazine préféré et où surgit une suggestion d’achat qui correspond à une recherche effectuée quelques minutes plus tôt… C’est ce qui pourrait être irritant dans l’IA…

Cette notion d’« explicabilité », de lisibilité pour l’être humain de la raison pour laquelle l’IA me fait telle suggestion est capitale. Ainsi lorsqu’on suggère une compétence dans le profil d’un collaborateur, on indique en sous-titre : « parce que les collaborateurs ayant le même profil que vous déclarent cette compétence » ou « parce que vous avez actuellement tel poste »… Ces explications facilitent l’acceptation et ramènent l’IA à sa force de calcul et de synthèse des multiples sources de données, en limitant l’irritation liée au sentiment de perte de contrôle.

 

 

Quels sont les travers que l’on peut imaginer ?

C’est clairement le côté normatif de l’IA, car elle fonctionne bien pour identifier des archétypes puis proposer des suggestions à un profil en fonction de son niveau de correspondance avec un archétype. Cela peut avoir un effet normatif en poussant des profils très divers vers des contenus devenus normés ou stéréotypés. L’IA vous ramènera souvent sur le chemin le plus emprunté. Or la richesse humaine, c’est aussi sa diversité, son originalité, sa créativité face des situations nouvelles. Pousser les collaborateurs vers des profils normés serait prendre le risque de vulgariser un mode de pensée convenu. Or l’IA n’est pas très efficace pour gérer des approches hétérogènes ou des profils atypiques.

Il faut donc être vigilant pour continuer à promouvoir les parcours atypiques, les croisements de compétences et d’expériences, l’esprit critique, et notre capacité à sortir des sentiers battus…

 

 

 

Quelles sont les applications avant-gardistes de l’IA appliquée aux RH ?

Les champs d’utilisation sont innovants dans la partie reconnaissance faciale, analyse des comportements, de l’état émotionnel, ou encore dans l’analyse automatique du niveau de langue des collaborateurs. J’imagine qu’à l’avenir ce qui se développera aussi ce sont les assistants digitaux, un peu plus experts que les chabots, qui ont des possibilités limitées. Vous pourrez probablement leur demander une multitude d’actions. Chaque collaborateur pourrait avoir son assistant pour écrire un e-mail, obtenir une information, réaliser une recherche, une analyse. Suivons de près les usages émergents autour de ChatGPT, la fameuse application de chat boostée à l’IA, ils seront certainement précurseurs de ce que nous verrons en entreprise.

 

 

Certains usages de l’IA sont prometteurs mais sont-ils tous souhaitables ?

L’IA augmente le potentiel des organisations humaines et leur vitesse d’exécution, de développement, de collaboration. Ses capacités et ses usages s’accroissent jour après jour. Mais l’IA nous met aussi devant nos responsabilités quant aux risques de dérive sur le plan éthique et moral. Il est donc de notre responsabilité collective d’établir un cadre réglementaire qui conditionne les usages, définisse les limites et les droits, avant que nous ne tombions dans une escalade portée par la seule recherche d’efficacité ou de compétitivité.

Ce n’est pas une tâche aisée, mais c’est le grand enjeu des organisations humaines du début du XXIe siècle.

 

 

L’oeil de … Anne Soupa : « L’Église et les femmes, c’est un rendez-vous manqué »

Il y a des pasteures, des imames et des rabbines, mais aucune catholique ne peut devenir prêtre, diacre ou évêque. Pourquoi ?

 

Depuis le tournant des deux millénaires, canoniquement (c’est-à-dire juridiquement), toutes les responsabilités sont confiées au prêtre, personnalité centrale de la vie de l’Église catholique. Cette figure a fini par se confondre avec l’Église elle-même. Comme ce clergé est masculin, il est très difficile pour beaucoup de catholiques d’imaginer que des femmes puissent occuper des responsabilités effectives.

 

Vous saviez que votre candidature à la tête du diocèse de Lyon avait peu de chance d’aboutir. Pourquoi l’avoir proposée ?

Pour briser un entre-soi masculin propice au repli, donc aux abus qui, depuis quelques années, font scandale. J’ai volontairement candidaté pour être évêque laïque. Ce fut une deuxième bombe à l’intérieur de la première bombe qu’était ma candidature. J’ai candidaté au simple titre de mon baptême et avec les compétences requises pour la charge. Je ne souhaite pas passer par le ministère ordonné, c’est-à-dire la prêtrise, aujourd’hui dans l’impasse : il n’y a qu’une centaine de personnes ordonnées chaque année. Si on y met des femmes, le chiffre montera à 200 tout au plus, mais on n’aura rien résolu. L’Église doit repenser profondément l’attribution des responsabilités aux catholiques. Dans le code de droit canonique, il est écrit que la prêtrise est « d’institution divine ». Devant les abus, nous comprenons que c’est une énorme faute. Est-ce qu’un prêtre abuseur est d’institution divine alors qu’il maltraite des petits enfants pour toute leur vie ? Là, il y a une instrumentalisation de Dieu que je trouve très coupable. Le clergé a cédé à son péché de toute-puissance. Donc, je récuse l’usage actuel du ministère ordonné et n’aurais pas voulu être prêtre.

 

Beaucoup de croyants ne se reconnaissent plus dans l’Église, en partie à cause de cette confusion entre pouvoir, masculinité, sacré et rapport tendancieux à la sexualité.

Oui, c’est une conjonction toxique. Il faut une réforme en profondeur. Si je candidate pour être évêque laïque, je demande implicitement que l’institution me confie des responsabilités dévolues aux seuls prêtres, donc qu’elle modifie en profondeur son système. Dès lors, tout devient à réformer : non seulement le privilège masculin, mais le célibat, la prise de décision, l’obéissance à Rome. C’est pourquoi la question des femmes est emblématique de toutes les réformes qu’il faudrait faire au sein de l’Église. Si Rome a tant de mal à y venir, c’est peut-être que cela ouvrirait une période de remous, comme lors de toute grande réforme. De plus, il y a un blocage catholique évident sur la sexualité. L’obligation de chasteté fait que les clercs n’arrivent pas à en parler. Leur sexualité propre est mise de côté, contenue et non analysée, alors que c’est une question centrale pour tout être humain. Non seulement ils sont en souffrance, mais ils se privent de toute parole crédible sur le sujet. Qui voudra les entendre ?

 

Vous employez le mot de « réforme », chargé d’histoire et qui fait écho au mouvement qui donna naissance au protestantisme au XVIe siècle. Toute réforme est-elle forcément excluante ?

La Réforme luthérienne le fut, c’est vrai, mais il ne faut pas oublier que l’Église s’est toujours réformée en interne, sans bruit mais souvent avec efficacité. Aujourd’hui, elle est particulièrement fragilisée par l’existence de deux camps en son sein : ceux qui adhèrent à l’ouverture proposée par le pape François et les conservateurs, qui s’opposent à tout changement. Si François touche à la question des femmes, très clivante, ils l’accuseront de rompre avec la tradition millénaire de l’Église et feront de lui un pape à destituer. Le schisme n’est pas loin… Et ça, c’est une responsabilité qu’aucun pape ne voudra porter : les souvenirs de la Réforme protestante sont encore très douloureux.

 

Vous n’avez obtenu aucune réponse à votre candidature. Cela vous a-t-il étonnée ?

La réponse aurait dû venir de la nonciature. Le nonce, représentant du Vatican, est celui qui collationne le nom des candidats à un poste épiscopal et qui les transmet à Rome. Cette non-réponse est donc extrêmement grave pour moi, car elle peut signifier un mépris : « Oh, c’est une affaire de femmes, laissons-les se calmer, on oubliera vite. » La vérité, c’est que la nonciature ne savait que répondre. Les arguments d’opposition à des responsabilités féminines sont extrêmement faibles.

 

Au niveau exégétique, voulez- vous dire ?

Je soutiens que Jésus s’est comporté avec les femmes exactement de la même manière qu’avec les hommes, sans différentialisme : pour lui les femmes sont des êtres humains comme les autres, ont droit à son enseignement, à ses guérisons, la relation qu’il noue avec elles est forte et constructive. L’objection majeure de Rome est que Jésus aurait choisi douze apôtres hommes. Un argument extrêmement fragile au regard de la tradition interprétative de l’Église catholique et du monde juif. Ils sont douze parce qu’aux temps immémoriaux le patriarche Jacob avait douze fils, à qui il donna les douze tribus composant Israël. C’est l’histoire mythique, fondatrice d’Israël. Quand les évangélistes disent que Jésus appelle avec lui « douze hommes » (Matthieu, X), cela signifie qu’il appelle tout Israël. Comme Jésus n’est jamais sorti de ce territoire, Israël est pour lui le monde entier : tout l’inverse d’une tradition excluante.

 

Cet argument d’exclusion est-il conforme à la tradition interprétative catholique ?

Non, il va à rebours de la tradition interprétative des textes, très ouverte. En 1994, un document de la Commission biblique préconisait l’ouverture à quantité d’interprétations. Depuis la fin de l’Antiquité on a pratiqué ce que l’on appelle l’exégèse des quatre sens de l’Écriture : littérale, analogique, morale et spirituelle. Aujourd’hui, nous sommes dans une période de recul. On lit au pied de la lettre, alors que l’on a les moyens d’interpréter plus largement. Ce refus de l’institution de s’ouvrir aux femmes, c’est une fixette psychologique.

 

Souvent, une femme qui convoite un poste traditionnellement masculin passe pour dérangeante voire hystérique… Comment inverser la tendance et considérer avec bienveillance les ambitions, quêtes ou vocations des femmes ?

Je souhaite montrer le côté constructif de l’affaire. Dans l’Église, il y a de vrais blocages institutionnels qui m’empêchent d’être évêque. Que me reste-il donc pour « faire l’évêque » ? À avoir une action de prise de parole, d’apostolat, d’annonce de l’Évangile autour de moi, et je ne me prive pas pour le faire. C’est dans l’action que se résolvent les problèmes de non-reconnaissance.

 

Vous êtes théologienne. À partir de quand a-t-on accepté que les femmes commentent les Écritures ?

Le grand tournant se situe en 1965, à la fin du concile Vatican II. Auparavant les laïcs n’étaient pas admis dans les facultés de théologie. Leur promotion, hommes et femmes, a commencé à être vivement encouragée, et les femmes ont pu accéder à des formations. Aujourd’hui, la recherche biblique et théologique est assez féminisée. Cela fait reculer la mainmise masculine, toutefois ces femmes sont à des postes non décisionnels, exclues des grandes chaires d’enseignement et souvent cantonnées à la recherche. Il faudrait passer à l’étape suivante. La Bible a été monopolisée par une lecture masculine, c’est flagrant quand on scrute les textes. Mais des travaux existent à présent qui apportent un regard féminin.

 

Vous dites : « La cause des femmes et celle des Évangiles sont liées »

Jésus est féministe car il considère les êtres humains en tant que tels et non comme des êtres sexués. C’est ce féminisme dont je me réclame, celui qui n’exalte pas les qualités des femmes, qui ont autant de défauts que les hommes. Nous sommes avant tout des êtres humains. Les Évangiles sont construits ainsi, et Jésus porte ce regard sur le genre. L’Église est une institution religieuse restée très conservatrice et qui a raté l’émancipation des femmes à partir des années 1950, malgré les avertissements du concile Vatican II, lequel appelait à ne pas considérer les personnes pour leur sexe (Constitution Gaudium et Spes, 29). Malgré cela, la papauté a manqué le coche et, avec Jean-Paul II, s’est enferrée. Extrêmement séducteur, il a flatté les femmes, en disait un bien fou, mais les a tenues dans une cage dorée. Jean-Paul II a recléricalisé l’Église en redonnant du pouvoir aux prêtres.

 

Aujourd’hui, où sont les femmes dans l’Église et au Vatican ?

Il y a beaucoup de femmes dans les paroisses, les diocèses, et quelques-unes accèdent à des responsabilités plus grandes à la Conférence des évêques. Une nomination a récemment fait du bruit : Nathalie Becquart, une religieuse nommée sous-secrétaire du synode (assemblée délibérative d’ecclésiastiques), un poste considéré comme important car un droit de vote lui est associé. Pour la première fois, une femme prendra part aux décisions importantes de l’Église. Il était temps ! Lors du synode de la famille, en 2014-2015, aucune femme n’avait été appelée à témoigner, ce qui selon moi était catastrophique et discréditait le synode dans son essence même.

 

Si vous aviez été évêque, qu’aurait-on pu retenir de vous ?

Jésus a annoncé l’Évangile dans une Relation. Quand il rencontrait des gens, il voyait leurs problèmes, qui se dénouaient dans la confiance mutuelle. La responsabilité première d’un évêque, c’est de créer un corps spirituel large, uni et animé par une relation forte. Je crois que j’aurais aimé nouer des liens. Nous en avons besoin pour la paix sociale et l’harmonie. J’aurais été dans une Église inclusive et non pas excluante.

 

Pensez-vous que vous verrez, de votre vivant, des réformes catholiques d’envergure ?

Parfois j’en doute. Il y a des diocèses où les rapports sont bons et où l’on confie aux femmes des responsabilités. Parfois, elles tiennent des équipes d’animation pastorale. En Allemagne, des initiatives fortes et souvent contestataires existent. Plus largement, il se passe quantité de belles choses dans l’Église : des groupes bibliques, de soutien, des maraudes pour les sans-abri, des formations d’assistance aux personnes précaires. Il faut regarder de ce côté-là et favoriser l’éclosion de petites cellules évangéliques, constructives. Deux scénarios s’offrent pour l’avenir : ou bien le Vatican s’entête, s’isole et restera une vitrine de traditions populaires et de survivances rituelles. Ou bien, après François, arrive un pape prêt à entamer un chantier d’ouverture aux laïcs, aux prêtres mariés, à donner des responsabilités aux religieuses et aux femmes laïques. Quelle hypothèse l’emportera ? À ce stade, je ne le sais pas.

 

Enfin, vous êtes bibliste et croyante : si vous aviez lu un jour que Dieu refusait mordicus que les femmes aient une position dans l’Église, auriez-vous candidaté ?

Ce scénario ne peut se concevoir, ni en judaïsme ni en christianisme. Le Dieu du livre de la Genèse a créé deux êtres humains égaux et différents, l’homme et la femme, sans jamais définir le contenu de cette différence, à inventer selon les temps et les lieux. En revanche c’est aujourd’hui que l’institution catholique désobéit à son fondateur, Jésus, et à son Père du ciel.

 

 

Pour l’amour de Dieu, d’Anne Soupa, Albin Michel, 2021.

Briser le plafond de verre : mode d’emploi en quelques clés

Le « plafond de verre » a heureusement commencé à se fissurer ces dernières décennies. Les lois successives pour favoriser la parité ont été déterminantes dans cette évolution. Pourtant, si quelques femmes parviennent à diriger de grandes entreprises, elles restent encore des exceptions. Alors que les femmes représentent 58 % des étudiants en master, elles n’occupent que 17 % des postes de direction et ne représentent que 2 à 3 % des PDG en France. « Les femmes leaders restent des “anecdotes” », faisait remarquer récemment la nouvelle PDG de Solvay, Ilham Kadri.

 

Enrayer ce phénomène du plafond de verre, c’est agir au niveau des gouvernances, non seulement pour faire progresser la part des femmes dans les hiérarchies et l’égalité salariale, mais également pour faire évoluer la culture d’entreprise vers plus d’inclusion. Dans le cas contraire, comme on peut déjà le constater, certaines de ces rares femmes leaders quittent l’entreprise car elles ne se reconnaissent pas dans les valeurs de celle-ci et n’ont aucune envie de ressembler à leurs dirigeants.

 

À titre individuel, pour accélérer votre carrière, je vous conseillerais d’agir déjà sur ce que vous pouvez maîtriser : vous-mêmes !

 

  1. Autorisez-vous à accéder au pouvoir

 

Se débarrasser de nos croyances limitantes est une étape importante.

J’invite les personnes que j’accompagne à remplacer celles-ci par de nouvelles croyances –  stimulantes, cette fois – pour ne plus subir leur inconscient mais le façonner selon leurs objectifs. C’est ce que j’ai appris en me certifiant en hypnose et en autohypnose, et c’est que j’aime transmettre. C’est une technique qu’utilisent d’ailleurs tous les grands champions, tels que les navigateurs en solitaire.

Et peut-être un jour oserez-vous dire, comme Delphine Ernotte lors du lancement de la série animée féministe Culottées, juste avant sa reconduction à la tête de France Télévisions : « J’aime le pouvoir » ! Un frisson délicieusement transgressif avait alors traversé l’assemblée, sidérée d’entendre une telle phrase dans la bouche d’une femme…

 

  1. Misez sur votre singularité

 

S’autoriser d’abord à être soi, voilà la plus grande audace ! Ne pas singer les hommes ni se comparer à qui que ce soit mais exploiter sa propre singularité, avec son talent, ses forces, ses failles, ses convictions. C’est la meilleure façon de gagner en légitimité. Car, si vous êtes vous-mêmes, vous serez forcément excellente ! Et vous pourrez faire valoir votre propre modèle de leadership. Une fois que vous aurez les clés de la maison, vous pourrez même en changer les serrures et l’architecture. À l’instar de Jacinda Arderm, Première ministre en Nouvelle-Zélande, plébiscitée dans son pays mais également encensée dans le monde entier pour son humanité, son empathie, sa transparence (notamment dans sa gestion des attentats), mais aussi pour son sang-froid et sa capacité à prendre des décisions rapides et assumées, comme dans sa gestion de la pandémie de Covid-19.

 

  1. Être parfaite ? Surtout pas !

 

Viser la perfection au mieux engendre de la frustration, au pire nous paralyse. Je vois beaucoup de femmes qui n’osent pas prendre un job de peur de ne pas être parfaite. Quel gâchis ! La perfection n’existe pas. Plus vite vous le comprenez, plus vite vous progresserez. Alors oui, c’est difficile de lâcher prise, surtout quand on a l’habitude d’être valorisée pour son perfectionnisme, mais osez prendre plaisir à être imparfaite ! Déléguez tout ce qui ne vous semble pas important, au travail comme la maison, et dé-cul-pa-bi-lisez ! C’est autant de temps qui vous sauverez pour vous détacher de l’opérationnel, pour penser stratégie, vous ressourcer et nourrir votre curiosité !

 

  1. Cultivez la sororité

 

Elles ne sont pas rares les femmes témoignant du fait d’avoir plus souffert du comportement de leurs managers femmes que de leurs managers hommes. Et alors ? Même si certaines dirigeantes pionnières qui en avaient bavé pour accéder à leur poste n’ont pas facilité la progression des suivantes, cela ne nous empêche pas d’incarner nous-même le changement que nous voulons. Nous sommes nombreuses à ne plus avoir envie de reproduire cela, à l’instar d’une Christine Lagarde ou d’une Emma Watson. Et il nous est aisé de faire la courte échelle aux plus jeunes, qui, elles, ont totalement intégré l’importance du réseau, voire du mentoring. Je conseillerais juste de le faire avec une réelle authenticité dans la démarche. Les rencontres sont magiques, source de beaucoup de joie et d’apprentissage. Soyez vous-mêmes une chance pour les autres, et la chance vous sourira !

 

  1. Associez les hommes

 

Nous sommes en train d’inventer une société équilibrée entre femme et hommes qui n’a jamais existé. C’est terriblement excitant. C’est beau humainement, moralement, et même économiquement. Mais reconnaissons que les hommes qui sont en train ou sur le point de perdre leur position de domination séculaire subissent un bouleversement souvent déstabilisant. Je crois qu’il faut encourager et valoriser ceux qui nous soutiennent, des patrons comme Stéphane Richard ou Michel Landel, mais surtout nos collaborateurs engagés au quotidien. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons créé le Trophée de l’homme féministe au sein de l’association médiaClub’Elles, que je préside. Les prétendants restent toutefois peu nombreux. Continuer de développer une compréhension commune pour les embarquer est important, mais surtout œuvrer pour parvenir à l’équilibre réel au sein des couples. Le principal frein à la carrière d’une femme, ce sont moins ses enfants qu’un compagnon qui ne coopère pas. On ne le dit pas assez, mais choisissez bien vos partenaires de vie !

 

Les valeurs dites « féminines » ne sont plus taboues : elles sont tendance

Lorsqu’il y a plus de vingt ans la DRH de la division recherche et développement de Corning, entreprise américaine à l’origine du développement de la fibre optique, m’a demandé quelles étaient les inégalités de traitement que je pouvais observer entre les femmes et les hommes en Europe, j’avais éludé : « Écoute Randy, ici tout va bien, nous ne sommes pas aux États-Unis, pas besoin de charte ou de formation sur le sujet ! » Je le pensais sincèrement.

Corning est un groupe très avancé dans sa culture et ses pratiques RH, j’étais entourée de femmes managers, directrices de projet ou expertes désignées et reconnues dans leur spécialité scientifique. Et surtout je me sentais, jeune et titulaire d’un très beau poste RH, reconnue et valorisée dans cet environnement. Pourtant Randy m’a fait prendre conscience de certains détails. Par exemple, sur un document de consultants externes j’étais simplement « Emmanuelle » là où mon collègue financier du même âge et de la même formation était « M. Thierry M. », et cela ne choquait personne. Quelques années plus tard, dans le monde de la microélectronique, c’est la réaction d’une de mes recruteuses qui m’a interpellée : « C’est un poste qui demande de nombreux déplacements à l’étranger, difficile de prendre une femme qui a de jeunes enfants. » Ce genre d’affirmation était rarement asséné aux hommes.

Même si les mentalités évoluent, les pratiques sexistes sont encore légion. Seule femme au Comex du groupe industriel international Winoa, je garde un souvenir cuisant de ce séminaire où nous étions 4 femmes parmi 25 participants de toutes nationalités, au cours duquel un de mes collègues s’était illustré en clôturant son intervention d’un magnifique : « Désolé pour les femmes de l’assemblée qui n’ont sans doute pas tout compris à mon exposé technique ! » et nous avait offert à chacune, tout fier de lui, une mascotte en peluche de l’hôtel où nous résidions.

Oui, le monde de l’entreprise est façonné par et pour des hommes, ce qui n’est pas étonnant dans la mesure où nous sommes éduqués selon un système de valeurs élitiste qui favorise l’esprit de compétition et l’individualisme plutôt que l’entraide et le sens du collectif. Y réussissent celles et ceux qui s’y conforment. Ainsi voit-on fleurir des programmes de formation au leadership pour les femmes qui leur enseignent à se rendre plus visibles, à faire parler d’elles, à s’affranchir du syndrome de la bonne élève, à travailler leur réseau, bref à oser s’affirmer.

J’ai moi-même suivi récemment un programme de formation à la gouvernance des entreprises réservé aux femmes. J’ai été frappée de constater qu’elles sont de plus en plus nombreuses à souhaiter créer une entreprise et à travailler dans un cadre et surtout un système de valeurs différents. La motivation de nombre de mes camarades de promo à rejoindre un conseil d’administration tenait à leur envie de contribuer à changer le monde, et celui du travail en particulier, en questionnant le rapport au sens, au bien commun, au pouvoir, au salaire…

C’est à mon sens là que se situe la réponse au plafond de verre : la période de transformation que l’entreprise traverse face aux défis sociaux, environnementaux et sanitaires appelle à des changements profonds en matière de gouvernance, de raison d’être voire de mission, de management et d’organisation du travail. Et sur ce terrain, les valeurs dites « féminines » sont recherchées : recherche du bien commun, inclusion, éthique, harmonie entre le pro et le perso, performance sur le long terme… Ce n’est plus tabou, au contraire : c’est tendance. Les entreprises qui s’engagent dans une véritable stratégie RSE et veillent à la qualité de leur management le constatent dans leur capacité à attirer et à fidéliser les talents.

Il est réjouissant de voir que les grandes écoles évoluent en ce sens, comme GEM (Grenoble École de management), qui est devenue une entreprise à mission, et sa « chaire paix économique », qui se veut un contrepoint à la notion de guerre économique.

Ce changement dans la hiérarchie des valeurs est un véritable tremplin pour les femmes.

Au-delà des engagements de parité et d’égalité, portés par des actions RH et management concrètes et nécessaires visant à l’égalité salariale ou à l’accès à la formation, c’est la notion de mixité des profils, des personnalités, des parcours et des formations qui me semble importante. Source de questionnement et de renouvellement des pratiques, au sein des boards, par exemple, on parle de gouvernance hybride lorsque la présence d’administrateurs indépendants vient enrichir la réflexion stratégique. La mixité joue un rôle déterminant dans l’évolution de la culture d’entreprise, qui traduit au quotidien les véritables valeurs, celles qui s’incarnent dans les actes et les comportements.

 

Où sont les femmes en entreprises ? Back to the future !

The Boson Project est une société de conseil et de prospective. À ce poste d’observation avancé, nous avons pu constater que l’entreprise était un incroyable miroir et un catalyseur des phénomènes de société, un laboratoire pour les sujets de diversité et d’inclusion en général. Y cohabitent plusieurs générations de femmes, avec chacune ses revendications, ses aspirations, ses rêves, ses valeurs. Tour d’horizon.

 

Marianne, 60 ans

Elle s’est battue comme une lionne pour décrocher un poste de directrice générale à la tête d’une grande société. Elle est un grand témoin des combats féministes menés au sein des organisations ces dernières décennies, a participé à tous les réseaux de femmes, toutes les conférences, tous les programmes, appelé de ses vœux à une convergence des luttes féministes corporate et dû, par le passé, se plier à l’exercice – aujourd’hui inconcevable – de la démonstration du lien entre performance économique et mixité en entreprise. Et les efforts ont porté… La mobilisation de quelques grands patrons pionniers – comme l’iconique Michel Landel, ex-CEO de Sodexo –, la création du Women’s Forum, par une poignée de femmes, ont mis l’enjeu en pleine lumière.

Marianne a alors observé le passage des mots aux faits, de l’incantation à l’action. Témoin des transformations profondes qui traversent aujourd’hui l’entreprise, elle mesure les avancées sur le sujet de l’égalité des genres en entreprise. La loi Copé-Zimmermann, relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance, fête cette année ses 10 ans. En une décennie, le quota légal de femmes aux conseils d’administration a été atteint et même dépassé : à 44 % pour le CAC 40 et 46 % au SBF 120. Marianne a vu l’exception d’une présence féminine aux postes de direction devenir la norme. Des verrous culturels et idéologiques ont sauté : la France est aujourd’hui à la première place européenne en matière de féminisation des conseils d’administration de ses grandes entreprises.[1] Et Marianne pose un regard empreint d’une pointe de fierté sur ces victoires.

 

Sarah, 27 ans

À l’opposé du spectre générationnel, elle regarde moins les acquis du passé que le chemin qu’il reste à parcourir. En pleine construction personnelle, elle a développé un rapport identitaire et communautaire au féminin – celui de la sororité girl power. L’âge de Sarah est pourtant au-dessous de l’âge médian du plafond de verre – le fameux décrochage entre les carrières masculines et féminines qu’on positionne à l’arrivée des premiers enfants. Sarah n’est pas encore concernée par les défis de la cooptation, qui sèment la zizanie dans les carrières au féminin. Et pourtant, elle est plus que jamais concernée et impliquée : 53 % de femmes de 25 à 34 ans se déclarent féministes en 2014, Sarah fait partie des 62 % en 2016 et des 76 % en 2018.[2] Elle a une approche fraîche, radicale, moins teintée de l’héritage des combats passés mais plus revendicatrice encore. Elle s’indigne de la trop faible présence de femmes dans les secteurs clés et à la tête des groupes du CAC 40. L’exemplarité en étendard, elle pointe les 20 % de dirigeantes au sein des PME, les 17 % de femmes présentes dans les comités de direction des grandes entreprises et l’inertie du côté de l’égalité salariale[3]. Plus absolue que ses aînées, entendant traiter le sujet de l’inclusion dans sa globalité : derrière l’« intersectionnalité » qu’elle brandit haut et fort, il y a le maillage de toutes les formes de diversité et, en creux, dans les yeux de cette jeune génération, le rejet de toute forme de discrimination. Ses exigences vis-à-vis de l’entreprise sont immenses : celles de l’inclusion, c’est-à-dire de la non-exclusion, et du sans-faute. Nous l’avons vu quand nous avons réalisé une enquête sur la génération Z[4], il y a chez la jeunesse en train de débarquer sur le marché du travail un idéal de respect au sens large.

 

Amel, 40 ans

Elle incarne une génération d’apparence plus silencieuse, plus discrète, mais c’est une erreur d’analyse. Ayant bénéficié des avancées idéologiques et des portes enfoncées par ses aînées, elle a pu saisir des opportunités d’évolution professionnelle et accède massivement à des postes de direction. Dépositaire d’un peu de la sagesse de ses aînées et de la responsabilité qu’elle a à l’égard des générations à venir, elle est dans l’instant présent. Moins militante que la génération d’avant et que celle d’après, moins exposée aussi, plus sereine peut-être, elle est en pleine possession de ses moyens et de l’époque. Issue de cette génération d’entre-deux, Amel est aujourd’hui en train de faire évoluer lentement mais sûrement la fabrique à leaders : avec sa vision singulière et nuancée du management, elle transforme petit à petit la matrice du leadership à la française. Contrairement à ses aînées, elle ne revendique pas forcément une pratique féminine du leadership et regarde avec distance l’approche communautariste de la jeunesse. Elle a souvent du mal avec le mot « féministe ». Elle affirme cependant la volonté d’être entièrement dans sa posture managériale, avec toutes ses failles, sa puissance et sa sensibilité. Et elle est en cela une belle leçon d’empowerment qui sera source d’inspiration pour toute la relève.

À travers ces portraits de femmes, émerge une constante indéniable. Être femme est un rapport au monde, marqué par le temps long, la capacité à s’extraire de soi et de l’instant pour permettre demain. En cette époque de transitions majeures, économique, écologique et sociétale, gageons que toutes les Marianne, Sarah et Amel sauront mettre ce qu’elles sont au service de la durabilité des entreprises.

 

[1] Loi Copé-Zimmermann : 10 ans après, ça marche, Les Échos, 24/02/21

[2] Qui se dit féministe aujourd’hui ? – Vraiment, Harris Interactive, avril 2018

[3]https://www.novethic.fr/actualite/social/diversite/isr-rse/parite-la-france-prend-la-voie-des-quotas-dans-les-comites-de-direction-des-grandes-entreprises-149417.html

 

[4] Youth Forever, The Boson Project, mars 2020

Le Grand Entretien : Julie Walbaum, CEO de « Maisons du Monde »

Vous dirigez Maisons du monde depuis juillet 2018. Que signifie le « management inclusif » pratiqué par votre entreprise ?

 

Un management inclusif repose avant tout sur une entreprise à l’écoute, qui sait que sa valeur vient des femmes et des hommes qui la composent, en particulier dans le secteur de la vente au détail qui est le sien. La diversité est une force, et de là vient la plus grande performance de Maisons du monde, une entreprise très féminine : deux tiers de nos collaborateurs sont des femmes, celles-ci dirigent trois quarts des magasins et constituent la moitié du comité exécutif. L’entreprise souhaite comprendre et incarner au quotidien la richesse de la diversité. C’est une responsabilité de tous les jours et de chacun que de promouvoir et de préserver celle-ci.

 

Auparavant, vous étiez la directrice digital et marketing client de l’entreprise. Pourquoi vous êtes-vous portée candidate à ce poste et qu’est-ce qui a fait la différence, selon vous ?

 

Je connaissais Maisons du monde depuis 2014. Le numérique faisant partie de son évolution depuis de nombreuses années, on voyait bien l’accélération du modèle dans ce sens. J’ai donc participé à l’introduction en Bourse de l’entreprise, en 2016, aux côtés du directeur général de l’époque. En 2018, alors que j’avais trois enfants en bas âge, ce n’était pas un choix évident, mais j’avais un projet pour Maisons du monde. Cette entreprise était tellement attachante, avec des femmes et des hommes très engagés, que je me suis lancée. Je pensais que je pouvais entretenir notre longueur d’avance sur le digital. Je souhaitais aussi faire évoluer certains pans de l’organisation, par exemple, donner un nouvel élan à l’offre, poursuivre la croissance rentable, en y combinant plus de « responsabilité ».

 

L’emploi du temps d’une DG est dense. Avez-vous mesuré les contraintes, les obligations quand vous avez candidaté à ce poste, en tant que mère de famille habitant à Paris et non à Nantes, où se situe le siège ?

 

Je crois que l’on ne mesure jamais toutes les données avant d’y arriver… Surtout dans un secteur qui se transforme rapidement et dans un contexte macroéconomique qui a tout de même bougé ces derniers temps. Je crois aussi que, dans la vie, il faut réfléchir… mais pas trop. Je me suis fiée à mon intuition. Pour prendre ce type de responsabilités, cela demande beaucoup d’engagement : il faut avoir un projet et qu’il vous passionne. J’ai pu me lancer dans cette aventure, car mon mari, qui a lui aussi une carrière très remplie, a su et voulu réorienter ses responsabilités au sein de notre famille. Il s’est organisé dans un périmètre plus local, il a moins voyagé. Et cela a finalement enrichi notre expérience familiale.

 

La famille reste votre priorité…

 

Oui, mon mari et moi-même nous sommes donné quelques petites règles familiales. Je ne passe jamais plus de deux nuits consécutives hors de mon foyer. Chaque jour, nos enfants sont réveillés ou couchés par l’un de nous deux. Aux vacances scolaires, je prends une semaine de congé et j’encourage les membres du comité exécutif et les collaborateurs de l’entreprise à en faire de même. Vous savez, ce n’est pas très sain de créer une distinction entre le corps dirigeant et le reste des collaborateurs. C’est justement parce que ces derniers me voient avec les mêmes problématiques qu’eux, comme des réunions zoom avec mon fils de trois ans sur les genoux, que cela permet de créer une atmosphère détendue, de dire les choses quand cela ne va pas ou le contraire.

 

Vous parlez avec beaucoup de sincérité de cette répartition entre vos deux « vies ». C’est assez rare dans le monde des grands dirigeants. C’est un choix assumé ?

 

Les collaborateurs de l’entreprise se donnent beaucoup. En tant que dirigeante, je me dois, en retour, de donner du sens à leur travail et de leur accorder de la confiance. Et cela passe par une attitude transparente. J’aime beaucoup ce proverbe africain : « It takes a village to raise a child », « Il faut un village pour élever un enfant ». Cela signifie que tout le monde a un rôle à jouer dans l’aventure et que des liens authentiques, fondés sur la transparence et l’entraide autour d’une vision commune, conduisent à une culture forte et, je le crois, au succès.

 

Avez-vous dû faire face à quelques réticences ? Avez-vous senti que vous deviez faire vos preuves ?

 

Cette question m’est régulièrement posée et, étonnamment, on la pose beaucoup plus aux femmes qu’aux hommes. L’idée est d’assumer pleinement ce que l’on est, sans tomber dans les excès. Je crois que mon rôle de maman et ma vie personnelle m’aident à être une meilleure dirigeante. Car cela m’oblige à prioriser, à donner un cadre très clair aux équipes. Celles-ci doivent être efficaces parce que, moi-même, j’ai besoin d’être efficace. Cela remet aussi l’église au centre du village (toujours lui !) : quand, dans ma vie professionnelle, il m’arrive d’être tendue, la famille me rappelle la vraie valeur des choses et le sens des priorités. Enfin, il me semble important de montrer aux femmes de l’entreprise qu’il ne leur est pas nécessaire d’afficher la panoplie du super-héros dévoué à sa carrière : je gère, je n’ai aucune contrainte extraprofessionnelle, etc. La vie pour moi est faite de vases communicants. L’important est de conserver un engagement et une exigence élevés. Pour le reste, l’adaptabilité est ma meilleure amie. Moins on se met de barrières mentales sur ce que l’on peut et ne peut pas, plus on a de chances de réussir sa vie professionnelle.

 

La bonne gestion de cet équilibre pro-perso est un moteur formidable : pourquoi n’en avait-on pas conscience auparavant ?

 

Parce que le travail était vu comme une fin en soi. Pendant longtemps, on a évolué dans des valeurs masculines assez fortes : la réussite professionnelle avait une fonction statutaire importante. Ce n’était pas le cas dans toutes les sociétés européennes. En Scandinavie, par exemple, c’est tout à fait différent. On avait auparavant une vision très linéaire de la vie des gens, avec des études, un travail… Les générations actuelles nous apprennent à cultiver plus de circularité, avec plus d’équilibre entre les différents pans de notre existence. Et c’est tant mieux !

 

Les grands mots de cette année sont « flexibilité » et « agilité ». J’ai entendu dire que vous demandiez à vos collaborateurs de faire preuve d’une grande efficacité dans les réunions, mais aussi de travailler en autonomie…

 

L’autonomie est une valeur forte chez nous, car Maisons du monde est une entreprise entrepreneuriale. Notre mode de fonctionnement est « agile », dans le sens où nos salariés sont engagés dans les projets et les portent. L’année 2020 a été particulière : je n’ai pas demandé plus d’efficacité à mes équipes, car elles se sont adaptées seules. En tant que dirigeante, j’ai un devoir de vigilance avec mon comité exécutif afin de ne pas privilégier la productivité avant tout.

 

Les entreprises sont davantage des lieux moraux que physiques. Comment vous adaptez-vous ?

 

Il faut arriver à préserver et à renforcer la culture d’entreprise. Nous sommes passés à deux jours de télétravail par semaine. Nous n’avons pas souhaité aller plus loin, car le temps collectif est essentiel pour l’aspect interrelationnel, pour les espaces de liberté induits, pour favoriser la créativité, une valeur importante chez nous. Ces valeurs d’entreprise définissent le quotidien entre les équipes et le management de proximité. Le comité exécutif et moi-même réfléchissons à valoriser ces temps d’interaction, en présentiel mais aussi à distance. À l’occasion de 2020, nous avons lancé une initiative nommée les MDMTalks : le comité exécutif prend la parole auprès de l’ensemble des collaborateurs du siège et des magasins, directeurs et adjoints. On discute de l’actualité de l’entreprise, des difficultés qui sont les nôtres. On met le plus possible en lumière d’autres collaborateurs de l’entreprise. Le discours de transparence, l’échange sur la base d’un jeu de questions-réponses sont au cœur de cet exercice. Je trouve que le Covid nous a permis de cultiver des liens rapprochés avec nos collaborateurs, avec nos équipes en magasin. Quand on a 350 sites en Europe, on ne peut pas avoir la même proximité tout le temps.

 

Comment le numérique peut-il nous amener à développer toujours plus de proximité, sans se substituer à la qualité du temps physique en entreprise ?

 

Avant de prendre mes fonctions, j’ai fait durant trois mois le tour des magasins en Europe, visité plus de 70 sites, participé à 40 dîners avec des directeurs régionaux et de magasins, ce qui m’a permis de sentir le pouls de l’entreprise. Aujourd’hui encore, ces interactions me portent. J’accorde énormément d’importance à la voix de nos équipes en magasin, qui sont au contact de nos clients. À chaque événement, confinement, déconfinement, période de Noël ou autre, le comité exécutif et moi-même étions présents en magasin. C’est important d’aller cultiver le lien vivant : le numérique ne fait pas tout, loin de là.

 

Vous êtes vue sur les sites, vous privilégiez le tutoiement : la perception du PDG a-t-elle changé ?

 

La simplicité de la relation avec le management est, pour moi, la base du rapport de confiance qu’il est possible de nouer avec les collaborateurs. J’ai commencé ma carrière dans des entreprises américaines, donc, probablement, cela laisse des traces. Je tutoie tous les collaborateurs et vice versa. Je pose naturellement beaucoup de questions, car c’est en interrogeant des collaborateurs à plein de niveaux différents que je construis ma perception de ce que doit être l’entreprise de demain. Je vais au contact de façon très large. Le fait de rendre le management accessible est important, d’autant plus dans cette période. Cela passe par la communication. On doit s’appuyer sur un management de proximité pour que chacun endosse la responsabilité de donner du sens à son collaborateur. Le devoir d’exemplarité est pour cela essentiel.

 

Quels sont vos grands projets à la tête de Maisons du monde ?

 

Poursuivre la croissance et y associer plus de durabilité. Ce projet a un soubassement RH très important, car la durabilité porte un pan social et un pan environnemental. Nous sommes une marque-enseigne et nous avons une affinité très forte avec nos clients. Cette marque passe par notre offre. Nous avons donc à cœur de faire croître nos équipes de création. Au-delà du côté tendance et stylé, il faut donc miser sur la durabilité : par exemple, 68 % de notre offre en bois est certifiée. On a lancé pour la première fois du textile certifié Oeko-Tex. En une année, on a atteint 25 % de notre offre textile certifiée de la sorte. On fait la combinaison entre « aller chercher des produits qualitatifs avec un double enjeu d’expérience clients et de durabilité » et « aller chercher des matières toujours plus responsables ». Le produit reste au cœur de nos modèles. S’agissant de l’approche « omnicanal » – qui vise à multiplier les interactions avec le consommateur, à l’heure où le digital prend de plus en plus de place –, l’idée est de continuer à accélérer dans ce sens, mais en affirmant toujours l’importance du magasin, qui crée beaucoup plus de valeur qu’une simple transaction numérique. Tout l’enjeu est de faire évoluer le rôle du magasin dans un modèle omnicanal, avec une marque forte, vers un point de vente qui offre une expérience et un service.

Enfin, notre dernier pan de croissance s’appuie sur le développement des services. En 2019, nous avons pris une participation majoritaire dans Rhinov, une start-up qui fait du conseil professionnel en décoration d’intérieur, 100 % numérique. Ce sont des architectes d’intérieur : vous leur soumettez le petit quiz déco que vous avez rempli, un budget pour votre pièce, et là vous avez des planches déco réalisées par de vrais professionnels. Nous avons l’ambition de démocratiser la déco. Par les produits, bien sûr, mais aujourd’hui aussi par les services. C’est un axe de création de valeur pour nos clients, et c’est aussi une création de valeur durable, qui ne nécessite pas de produire de la matière supplémentaire.

 

Justement, vos intérêts pour les problématiques de RSE sont connus : comment sont-ils incarnés dans Maisons du monde ?

 

 

Avez-vous une feuille de route en fonction de ces engagements ?

 

Oui, s’agissant de l’offre, nous sommes concentrés sur plus d’écoconception, plus de matériaux recyclés ou durables. Plus de réparation aussi : nous avons un atelier d’ébénisterie dans nos entrepôts, avec des artisans qui réparent les produits pour éviter qu’ils ne soient jetés. Ainsi 18 000 meubles ont été remis à neuf cette année. C’est deux fois plus qu’en 2020. De même, Maisons du monde se situe dans une économie circulaire et solidaire : nous sommes l’un des premiers partenaires d’Emmaüs, à qui nous donnons des dizaines de milliers de produits à l’état neuf issus des retours de nos clients, afin de leur offrir une seconde vie.

 

Dans la thématique de la durabilité, le pôle social est important : comment les collaborateurs sont-ils associés à cet effort ?

Maisons du monde est une entreprise qui crée du profit : notre responsabilité est donc de dégager des contributions dans un système positif. Être collaborateur de Maisons du monde, c’est faire partie d’une entreprise où chaque personne compte, c’est se sentir nécessaires les uns aux autres, construire ensemble une entreprise qui ressemble à ses équipes et les rassemble, c’est avoir la liberté d’être soi-même et avoir la conscience intime d’être au bon endroit. Pour faire vivre cet esprit, notre politique RH allie une proposition adaptée à chaque étape clé du parcours des collaborateurs et des engagements sociaux forts. Nous ambitionnons de créer une école de formation et de devenir une entreprise apprenante pour tous ceux qui partagent les valeurs de la marque. Par ailleurs, Maisons du monde souhaite être un employeur de référence grâce à des engagements responsables forts. Une feuille de route a été formalisée en matière de bien-être, d’inclusion des personnes en situation de handicap et des jeunes, d’égalité hommes-femmes, de dialogue social.

 

Pour une expérience collaborateur optimale, le management de proximité est essentiel…

 

Justement, le groupe a décidé d’intégrer à sa feuille de route RSE des objectifs RH sur le renforcement du management de proximité et sur l’amélioration des conditions de travail pour les équipes. Ce plan d’action s’enrichit des retours des collaborateurs collectés lors de l’enquête sociale réalisée en septembre 2019 et renouvelée tous les deux ans. La hiérarchie présente sur place est un élément clé pour mieux accompagner les collaborateurs. Dans cette optique, la formation des cadres est essentielle. Chaque année, un plan spécial est déployé avec des modules où l’on apprend l’importance de créer des rituels managériaux ou commerciaux pour diffuser l’information et mobiliser les équipes. De même, dans un souci de proximité, les équipes ont été dimensionnées à taille « humaine », cette organisation ayant pour conséquence le renforcement du nombre de managers de proximité afin de garantir une meilleure connaissance des équipes et une amélioration de la qualité de la relation de travail.

 

J’entends une forme d’aplanissement de la hiérarchie, un management de proximité renforcé, des solutions apportées aux problématiques RSE, des avancées en matière d’inclusion : tous ces éléments contribuent-ils à construire des valeurs attrayantes pour les plus jeunes ?

 

Pour tous ! Nos valeurs d’audace, de passion, d’engagement et d’exigence sont illustrées ainsi. Notre « raison d’être » est en cours de construction, il est aujourd’hui temps de la formaliser et de lui apporter des éléments de preuve à travers des plans d’action dans tous les métiers. Nous souhaitons que cette raison d’être s’incarne et se vive au quotidien. Nous avons tous besoin de sens au travail. Aujourd’hui, plus que jamais.

 

Quelles seront les tendances QVT de demain ?

 

Le télétravail est là pour durer, même s’il l’est de façon mesurée. Nous passerons donc plus de temps à la maison. Nous chercherons également du sens dans l’activité et l’expérience professionnelle au sens large. Un nouvel équilibre devra être trouvé, entre métier et vie personnelle, entre productivité et déconnexion. Et sur le lieu de travail même, le bureau devra être repensé, les rythmes également. Le temps collectif pourrait être réservé à la création, à l’innovation et au développement des liens entre collaborateurs. La culture devra être renforcée, car ce sera le liant de la société. Les manageurs de demain devront appréhender ces réalités dans une démarche holistique