Pascal Demurger, le précurseur

À la tête de la Maif depuis treize ans, vous dites qu’au début votre management était classique. Et cela a « coincé ». Pourquoi ? Oui, mon expérience précédente s’était déroulée dans l’administration publique, à la direction du budget de Bercy. Je voyais les choses de façon assez traditionnelle, et cela a posé un sujet d’intégration au sein de la Maif. Je ne comprenais pas très bien les particularités de la société, et, en même temps, l’entreprise était dubitative car c’était la première fois qu’un dirigeant, qui plus est un énarque, venait de l’extérieur. Avec tous ces facteurs, il y avait des suspicions et des doutes à mon égard. Cela s’est confirmé lorsque j’ai mené des réorganisations : les négociations ont été assez âpres, jusqu’à ce que l’entreprise m’oppose une vraie résistance. Heureusement, cette période n’a pas duré, et la situation a évolué aux alentours de 2010, grâce à plusieurs facteurs. J’ai d’abord été marqué par une remarque d’une personne qui travaillait avec moi. Elle m’a fait prendre conscience de l’impact de mes décisions sur l’épanouissement et l’équilibre psychologique de mes équipes. J’ai su que je pouvais insuffler une culture bienveillante et attentive, ou, au contraire, faire naître une politique plus dure et concurrentielle. Un autre tournant a été de me rendre compte que les considérations éthiques, au cœur de la MAIF, de chaque réunion de travail, étaient toujours vécues en opposition à la performance. J’ai considéré au contraire que l’éthique ne devait pas être vécu comme un frein à notre activité : elle devait être susceptible de l’enrichir. Enfin, le dernier facteur  était personnel : à cette époque, j’ai eu de longues conversations avec mes enfants, qui m’ont fait prendre conscience des enjeux écologiques et sociaux qui les préoccupaient.  Je me suis donc donné comme objectif de construire une stratégie qui mêle engagement et performance. Cela a été le point de départ des initiatives menées à partir de 2013.

 

Vous parlez de vos débuts chahutés avec beaucoup d’honnêteté. Craignez-vous, parfois, d’être trop transparent ?

J’en ai eu peur pendant longtemps. Mais aujourd’hui je n’ai plus d’appréhension à être transparent : n’ayant rien à cacher ni à masquer, je me sens totalement aligné avec mes engagements. Je n’ai pas honte de mon parcours, beaucoup d’autres personnes ont vécu un chemin similaire. Une autre raison susceptible d’expliquer cette transparence réside dans l’image que je veux imprimer dans l’esprit de celles et ceux que je rencontre. Je veux laisser sous-entendre que, peu importe l’endroit où nous sommes, il ne faut pas avoir peur d’évoluer et de progresser. D’une certaine manière, le dire sans fard et sans orgueil autorise tout le monde à emprunter cette même voie.

 

La Maif vous a fait évoluer, dites-vous, et elle continuera d’exister après vous. Le leader est-il également un passeur ?

Je suis totalement en adéquation avec la double dimension de passage et de service. La conscience de sa responsabilité passe aussi par le fait de savoir que nous sommes présents pour un moment donné. Cela conduit à vouloir léguer un héritage à la hauteur de ce que l’on a reçu. Je crois en la notion de servant leader, car j’ai pleinement conscience que tout se fait en dehors de moi. Ma mission est de faire en sorte que les conditions des 9 000 collaborateurs de l’entreprise soient les meilleures possible. J’entends par là, un épanouissement personnel qui anime à la fois leur motivation et leur engagement. Pour résumer, les salariés doivent se sentir dans une communauté solide. De ce fait, mon rôle est ainsi d’offrir un confort psychologique pour que chacun donne le meilleur de lui-même.

 

Seriez-vous le même patron à la tête d’une entreprise cotée ? De toute évidence, je n’aurais pas la même marge de manœuvre parce que je devrais rendre des comptes tous les trimestres avec des contraintes de valorisation de dividendes. Par exemple, au début du confinement, en mars 2020, nous avons pris la décision de rembourser nos assurés de leurs primes d’assurance automobile correspondant à la période du confinement, puisque les voitures ne circulaient plus. Cette mesure aurait été difficile à mettre en oeuvre dans une autre compagnie, d’autant plus dans un fonctionnement traditionnel. 

 

On vous dit souvent que le modèle d’entreprise responsable est facilement applicable quand on n’a ni actionnaires ni concurrence… Comprenez-vous cette opposition ?

La MAIF est enserrée dans les contraintes de la concurrence qui vient en partie d’entreprises internationales et est donc soumise aux mêmes exigences de performance et d’efficacité opérationnelle. Et, avec le temps, j’ai aujourd’hui la certitude que l’engagement crée de la valeur, y compris de la valeur économique, pour l’entreprise. Surtout, les dirigeants n’ont plus le choix : ils doivent s’engager, la pression est forte au sein des entreprises, au niveau de la réglementation et de la part des consommateurs. Même si un patron n’est pas sensible aux problèmes écologiques et sociaux, il peut recevoir suffisamment de signaux pour prendre conscience de cette urgence. Là où la question peut paraître désuète, c’est quand on observeles résultats extrêmement positifs que nous pouvons avoir en mettant les choses dans le bon ordre. Il y a une dizaine d’années, j’avais organisé un séminaire pour les managers afin de leur présenter le management par la confiance et les inciter à s’y lancer. Je me souviens leur avoir dit que le seul objectif à avoir, en tant que manager, n’était pas l’efficacité opérationnelle, les résultats quantitatifs ni la productivité, mais bien l’épanouissement des collaborateurs. Évidemment, ce sujet étonnait tant il semblait contre-intuitif. Mais quand vous le faites de manière sincère, vous obtenez un alignement total entre les aspirations individuelles de chacun et la stratégie de l’entreprise. Cela se manifeste notamment par le niveau de motivation des collaborateurs. Nous l’avons mesuré en dix-huit mois avec une baisse de 25 % de l’absentéisme. Les personnes travaillant à nos côtés peuvent éprouver un certain attachement à l’entreprise et peuvent devenir, au fur et à mesure, de véritables ambassadeurs.

 

Vous êtes coprésident d’un mouvement d’entrepreneurs et de dirigeants engagés dans la transition écologique et sociale, Impact France. Cette décision est le fruit d’un cheminement. Pendant une dizaine d’années, je me suis focalisé sur la Maif. Avec une logique d’impact et de contribution, considérant que cela en valait la peine. J’avais deux objectifs : gagner en performance et en attractivité et, en parallèle, avoir un impact sociétal fort. Après diverses sollicitations dans mon environnement professionnel, je me suis rendu compte que mon engagement devait aller plus loin. J’ai donc écrit, en 2019, L’entreprise du XXIe siècle sera politique ou ne sera plus. J’explorais dans ce livre ce cheminement incontournable que doit avoir un dirigeant. À la suite de cette publication, j’ai eu une visibilité plus importante. J’ai été amené à témoigner et à diffuser mes idées dans des événements ou dans d’autres entreprises. Malheureusement, les prises de conscience évoluent assez lentement. Je devais passer à l’étape suivante : toucher les pouvoirs publics, pour faire évoluer le cadre réglementaire et fiscal pour qu’il incite les entreprises à s’engager.  A titre personnel, j’ai publié, en 2022, un rapport à la Fondation Jean-Jaurès allant dans ce sens. Ensuite, j’ai été sollicité par les coprésidents sortants d’Impact France  pour prendre la tête du  mouvement avec Julia Faure et j’ai compris que c’était une occasion unique d’amplifier l’impact que l’on peut avoir. 

 

Vous proposez d’intégrer des entreprises plus classiques telles que SNCF ou Doctolib. Cela a été mal vécu par certains. Comment l’expliquez-vous ?

Cela a été mal vécu par une poignée de personnes ayant un écart idéologique important et considérant qu’elles ne peuvent se regrouper qu’avec des entreprises complètement pures dans leurs engagements. Les entreprises en phase de transition qui souhaitent faire évoluer leurs pratiques sont encore trop éloignées de ce que ces personnes recherchent. Je considère que l’objectif est d’avancer le plus vite possible, pour faire face à l’urgence et, à terme, transformer l’économie française. Pour cela, il faut embarquer des entreprises plus importantes à condition qu’elles soient dans une transition sincère. C’est ce projet qui a été validé par près de 90% des adhérents du mouvement.

 

Aujourd’hui, vous êtes écouté, les médias vous invitent, le grand public apprécie votre militantisme. Vous avez pris position pour une autre forme de redistribution des bénéfices, plaidant pour limiter les superprofits en période de crise. Est-ce que vous vous êtes fait des contradicteurs ou des ennemis parmi vos homologues ?

J’ai eu des contradicteurs bien sûr, mais en nombre réduit. En réalité, ceux qui n’entendent pas ce discours sont ceux qui ont intérêt à y résister.  et qui ne comprennent pas que le XXIe siècle est basé sur l’engagement. L’irruption de patrons d’un nouveau genre peut les interroger. Finalement qui sommes-nous ? Des militants ou des patrons ? Le fait de croiser ces deux catégories dérange les acteurs qui s’accommodent des oppositions cristallisées. Mais l’immense majorité des dirigeantes et dirigeants que je rencontre ont pleinement conscience de la nécessité de s’engager. 

 

Cet engagement vertueux qui est le vôtre est totalement aligné avec celui de la Maif et même au-delà. Comment imaginez-vous votre avenir ? Dans la sphère politique ?

L’après, pour ma part, c’est mon implication auprès d’Impact France. Mais, vous savez, ce que nous abordons depuis le début de cette interview est politique. Pour moi, l’entreprise devient un objet politique au sens où on ne la conçoit plus comme une entité isolée du reste du monde. Si elle a des impacts, positifs comme négatifs, elle a une responsabilité qui est d’ordre politique sur la cité. La question qui se pose alors est : comment mettre en œuvre cette conviction ? Est-ce que c’est en démontrant que nous pouvons transformer le modèle de l’entreprise en pratique ? Est-ce que c’est en prenant la tête d’un mouvement d’entreprises qui se veut puissant et influent ? Ou d’un ministère ? Pour ma part, j’ai choisi les deux premières solutions. Au fil des années, il y a eu une relation particulière et extrêmement forte qui s’est nouée entre la Maif et moi. Cette relation est si stimulante que je ne veux surtout pas m’en priver. Et cet engagement, je le poursuis pleinement avec Impact France…

UpCoop : des salariés-sociétaires

En quoi l’organisation d’une Scop diffère-t-elle de celle des entreprises de l’économie traditionnelle ? 

Le fonctionnement d’une coopérative de salariés est régi sur le principe d’une personne égale une voix, ce qui fait que la coopérative est une entreprise qui privilégie le capital humain au capital financier. À partir de ce principe, trois éléments nous différencient fortement d’une entreprise classique. Le premier c’est une gouvernance démocratique. Nous avons un mode de gouvernance qui est basé sur le fait que ce sont les salariés-sociétaires qui élisent parmi leurs pairs les membres du conseil d’administration. Ceci nous impose de la transparence et de la communication et nous implique de rendre compte, non pas à des actionnaires privés extérieurs, mais aux salariés sociétaires qui nous ont fait confiance. Le deuxième élément c’est la question de la répartition du fruit du travail. Le partage de la valeur, nous le pratiquons de façon égalitaire, puisque les résultats de l’entreprise sont répartis de manière équitable entre l’ensemble des salariés. Et le troisième élément, qui est un élément historique, c’est la place du dialogue social. Nous avons été créés par des partenaires sociaux et nous savons que dans chaque entreprise la réalisation des objectifs ne peut se faire qu’en coopérant pour faire adhérer l’ensemble des salariés à un projet stratégique, et cela passe par un dialogue social respectueux et constructif. 

Ces trois éléments jouent-ils dans l’engagement des collaborateurs ?

En rejoignant la coopérative, le salarié va devenir sociétaire. Il entre avec un contrat de travail, mais il s’engage ensuite en tant que personne qui a été cooptée par ses pairs, qui lui proposent de partager l’aventure offerte par la coopérative. Chacun est impliqué, est un acteur de l’évolution de l’entreprise. Salariés-sociétaires, nous sommes tous entrepreneurs, donc force de proposition, voire force d’action, pour permettre à l’entreprise de se développer. Cet élément-là est très important dans la notion d’engagement, et ça va même plus loin que l’engagement. C’est très responsabilisant !  Le salarié n’est pas qu’un salarié : c’est un sociétaire, donc un citoyen qui est acteur de la démocratie en entreprise. 

UpCoop a récemment pris deux décisions fortes : séparer les fonctions de Président et de Directeur Général et devenir une entreprise à mission. Pouvez-vous nous expliquer les raisons de ces choix ?

La dissociation des mandats est une orientation que j’avais défendue lorsque j’ai pris mes fonctions de PDG. Après 60 ans d’existence, notre coopérative fédère autour d’elle 60 entreprises dans 23 pays. Nous sommes confrontés tous les jours à des problématiques entre faire vivre l’esprit coopérative et gérer un groupe de 3 200 personnes. Ma conviction a été de bien dissocier les rôles.

Et de ce fait là, j’ai donc engagé et accéléré le processus nous amenant à devenir une entreprise à mission parce que je pensais que le fait d’être une Scop ne suffit plus pour épouser tous les sujets auxquels une entreprise doit répondre. J’ai considéré qu’en rajoutant aux statuts de la coopérative les statuts d’une entreprise à mission, cela nous obligeait à intégrer quelle est notre contribution sociétale aujourd’hui, et quelle est notre contribution environnementale. 

Comment travaillez-vous avec toutes les parties prenantes pour réduire l’empreinte carbone de vos activités ? 

Nous considérons les salariés et les collaborateurs du groupe comme des citoyens, et la question de la formation à ces sujets-là nous paraît normale. Aussi, nous les invitons tous à travailler sur la Fresque du climat, à mettre en place des actions de sensibilisation autour du gaspillage alimentaire, des économies d’énergie, d’une consommation plus responsable. Le deuxième point c’est comment nous accompagnons nos partenaires, les collectivités locales, pour mettre en place des dispositifs et des actions qui permettent d’améliorer l’impact environnemental. Nous avons été les premiers à accompagner certaines associations sur des dispositifs de type chèque alimentation durable, ou les collectivités sur le chèque énergie pour faciliter le financement de dispositifs permettant de faire des économies d’énergie dans les familles. Nous sommes aussi partie prenante pour développer le commerce de proximité. 

Comment aidez-vous les collaborateurs à avoir un impact social et environnemental positif à travers leur mode de consommation ? 

Il est fondamental que nous puissions, grâce à la digitalisation et aux nouvelles technologies, faciliter des modes de consommation responsables. On peut imaginer que les personnes qui détiennent nos titres restaurants UpDéjeuner ou des titres cadeau puissent être sensibilisés à les orienter plutôt vers des commerçants et partenaires qui ont pris la décision d’avoir des comportements vertueux en proposant des produits qui sont les moins consommateurs en matière environnementale. Avec le programme Up+, c’est déjà possible. Nos produits doivent avoir pour ambition première d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés et des citoyens, mais ce sont aussi des produits qui, avec l’évolution de la société, les nouvelles problématiques qui se posent et la digitalisation qui est un atout, peuvent contribuer à une meilleure consommation, une consommation plus vertueuse et meilleure en matière d’impact environnemental. 

Tribune : RSE et PME : même pas peur !

 Croire que la RSE se fera sans coût est illusoire. Aussi, protéger l’exploitation des PME est-il plus que jamais nécessaire.

Pourtant, la RSE n’est pas un choix mais une obligation, au fur et à mesure que l’accès au financement se conditionne à une trajectoire carbone.

. La RSE n’est pas une option, au fur et à mesure que ces critères prennent du poids dans les appels d’offres publics comme dans ceux des grands comptes privés. 

. La RSE ne doit pas rester à l’état de projet au moment où les collaborateurs, qui sont aussi des citoyens, poussent pour que l’entreprise prenne sa part dans ce défi. 

. Enfin, la RSE devient aussi prioritaire pour les clients qui, malgré des incohérences certaines, modifient peu à peu leur mode de consommation ou, tout au moins, leur rapport à celle-ci. Bref, cernées par les pressions des clients, des banquiers et des équipes, les PME portent davantage leur choix sur la méthode que sur la finalité. À ce poids des parties prenantes s’ajoute un accroissement significatif de la pression réglementaire (celle de la directive européenne CSRD, notamment, sur le reporting de durabilité des sociétés).

Voici ce que nous observons du côté du label HumaCap, qui aide les organisations à associer leurs collaborateurs à la démarche RSE. Pour nous, cela prend la forme de trois étapes clés :

1. Former. Se former à la RSE pour en comprendre les enjeux multiples, cela suppose un véritable effort pour partir d’une ligne de départ commune. L’année 2023 aura été marquée par le déploiement large des Fresques. « Fresquer » est le néologisme à la mode.

2. Consulter. Engager dans l’action les collaborateurs en sollicitant leur avis (éclairé par la formation), en écoutant leurs priorités et en prenant celles-ci en compte pour modifier la démarche RSE.

3. Rallier. Les faire adhérer à la démarche pour qu’ils en deviennent les agents actifs et les ambassadeurs, à la fois internes et externes. Cette dernière étape suppose un alignement des objectifs – et notamment des indicateurs clés de performance, distribués aux équipes, qui doivent prendre en compte l’enjeu RSE en plus de la dimension financière (part de marché, taux de service…).

In fine, plutôt que d’hésiter, concernant l’engagement RSE des PME, entre accélération ou pause, il me semble crucial de continuer à avancer pour apprendre pas à pas et infléchir notre trajectoire actuelle. La restructuration est complexe et nous demandera du temps. Là où la transition digitale était impulsée par le top management et source de productivité, la transition RSE est impulsée par les parties prenantes et remet en cause nos modèles d’affaires. Ne perdons pas de temps pour nous y préparer ! λ

L’IÉSEG et RSE : causes communes

«C’est une école où la dimension humaine, sociale et sociétale est super-poussée », nous déclare Bernard Coulaty, DRH pendant une trentane d’années et aujourd’hui reconverti dans le consulting et l’enseignement, pour nous expliquer son choix de rejoindre l’IÉSEG en 2020. « Mais ce n’est pas seulement pour la prise en compte des enjeux RH et RSE, c’est aussi parce que le statut associatif et non lucratif de l’école lui confère des valeurs particulières, et les deux sont liés. La stratégie RSE de l’école vient des dirigeants et de leurs convictions personnelles, elle est ancrée depuis longtemps. Les stratégies RSE sont plus effectives dans les organisations ayant une vision à long terme avec de vraies valeurs de responsabilité et d’engagement, c’est beaucoup plus facile à implémenter dans ces ce type de culture. Concernant l’IÉSEG, il y a un écosystème culturel autour de l’école qui montre que c’est assez authentique et sincère. »

La stratégie RSE de l’IÉSEG s’articule autour de deux points principaux : « Il y a à la fois l’établissement IÉSEG, qui réunit le personnel enseignant et administratif, sur deux campus à Lille et à Paris, où beaucoup de choses sont faites. Et puis il y a le cursus académique en tant que tel et donc les cours dispensés aux étudiants :  les enseignements RSE sont incessants sur les cinq années du cursus, dans une approche interdisciplinaire, on ne lâche pas un instant nos étudiants sur le sujet et ils savent que nous formons des changemakers ! » Ainsi, dans le cadre du Plan Transition 2026, 100 % du personnel de l’IESEG est formé pendant dix-huit mois aux enjeux de la RSE, à travers différents modules. Et tous participent à la construction de cette stratégie, à travers des groupes de travail : « J’ai été très impressionné de voir cela dans une grande école, je ne m’y attendais pas. Cela donne une ambiance, une coloration et un engagement des collaborateurs que je trouve assez exceptionnels. »

La formation des étudiants à la RSE est également devenue un pilier de l’école, qui attire de nombreux candidats : « C’est rare qu’ils ne citent pas cet aspect changemaker quand ils postulent. Cela commence au niveau du Bachelor et se poursuit jusqu’au niveau du Mastère. Pendant cinq ans, il n’y a pas une année sans focus sur ces enjeux sociétaux. » La RSE occupe aussi une place importante dans le nouveau Mastère spécialisé « Direction Transformation et Développement Humain », que Bernard Coulaty dirige depuis la rentrée, et où ses participants, au profil expérimenté, collaborent avec des étudiants du Programme Grande École sur divers ateliers intergénérationnels : « La RSE n’est pas un sujet laissé aux jeunes, c’est un sujet intergénérationnel : il faut aussi créer du lien à travers cet enjeu. »

Essec : la RSE incubée

Quelles sont les principales missions du Laboratoire ?

Elles concernent, pour la majeure partie d’entre elles, des travaux de recherche-action avec des partenaires, des organisations qui ont envie de comprendre leur impact social et souhaitent le mesurer. Notre vision, c’est que l’évaluation de l’impact social doit se faire à l’aide d’un outil de pilotage, tout comme une organisation tient sa comptabilité. Nous accompagnons nos partenaires dans la mise en place d’une démarche d’évaluation d’impact social, mais aussi dans l’« acculturation » de leurs collaborateurs pour que ceux-ci trouvent des outils de gestion de cet impact compatibles avec leur stratégie et leurs process internes. Notre deuxième activité consiste à créer de la connaissance, à travers l’écriture d’articles scientifiques et de rapports, avec la production de publications. Et la troisième activité concerne la diffusion de cette connaissance et la mise en place d’un certain nombre de formations.

Que mesure-t-on quand on parle d’impact social ?

Il faut garder en tête que lorsqu’on mesure un impact social on mesure un changement. Pour la partie qualitative, on ne parlera pas d’indicateurs mais de grands changements qui ont pu toucher les personnes, des changements ayant fait l’objet d’une stratégie qui visait à avoir des effets sociaux positifs sur un certain nombre d’entre elles. Pour la partie quantitative, si on pense au retour à l’emploi par exemple, nous allons essayer de compter le nombre de personnes qui, deux ou trois ans après l’accompagnement, se sont maintenues dans un emploi durable. Mais, si on veut mesurer l’impact plus largement, on va considérer les retombées qu’il y a pu y avoir sur la stabilité de ces personnes, leur santé physique et psychique, leur pouvoir d’achat, le logement…

En quoi l’acculturation des collaborateurs à cette démarche est-elle importante ?

Nous réalisons beaucoup d’entretiens avec les collaborateurs et nous constatons cette envie de comprendre l’impact de leur travail.

L’une des conditions d’appropriation d’une démarche d’évaluation d’impact social par les équipes est clairement la conduite du changement. L’évaluation d’impact social repose sur une collecte de données inhabituelle, qui n’existe pas dans les organisations, et cette dynamique peut rencontrer pas mal de résistances, notamment en raison de la crainte de la part des collaborateurs d’être évalués sur leurs performances plutôt que sur l’efficacité de l’action mise en place dans la stratégie de l’organisation. Alors nous les accompagnons pour mettre en place ces démarches sans qu’elles soient menaçantes, pour qu’ils adoptent des postures de praticiens chercheurs. Il s’agit vraiment d’une conduite du changement qui doit se faire avec bienveillance et avec des ressources qui représentent un investissement à long terme pour que les équipes se les approprient en interne et en autonomie. λ

RSE et marque employeur : pourquoi choisir ?

Certains avancent que le RSE est au service de la marque employeur. D’autres, qu’elle en est un levier et même une partie intégrante. Ces approches sont inexactes. Les deux sphères s’interpénètrent sur de nombreux sujets, et l’on peut fréquemment s’appuyer sur l’une pour soutenir l’autre. L’égalité femmes-hommes, l’emploi des séniors, le recrutement sans discrimination en sont des exemples. Cependant, là où la RSE s’attache à équilibrer l’environnemental, l’économique et le social, la marque employeur répond à un besoin lié au marché de l’emploi, centré sur le social, avec un impact bénéfique essentiellement pour l’entreprise. En revanche, les actions RSE visent à satisfaire les attentes de la société dans son ensemble et prennent en compte des évolutions à grande échelle. Si les deux domaines ont ainsi des implications politiques, leurs champs d’action et leurs préoccupations se recoupent… avec des finalités sensiblement différentes.

Avant tout, les deux concepts n’ont pas la même vie, pas le même rythme. Les termes de RSE et de marque employeur sont apparus à quarante-trois ans d’intervalle. La Corporate Social Responsability a été imaginée en 1953 par l’économiste américain Howard Bowen. La marque employeur est apparue en 1996 grâce aux Britanniques Simon Barrow et Tim Ambler.

La marque employeur a donc un « retard » chronologique par rapport à la RSE. Les entreprises n’ont pas toujours rencontré les difficultés d’attractivité et de fidélisation que nous connaissons.

De plus, la société s’est vue fondamentalement transformée en quelques décennies, sous l’effet de la mondialisation, de la transformation digitale et des crises successives.

Le décalage temporel RSE-marque employeur est forcément à l’origine d’une différence d’appropriation de ces concepts par les entreprises. Celles-ci ont accepté la RSE bien avant la marque employeur, mais le progrès reste en marche. Nous l’avons particulièrement remarqué lors de l’après-Covid.

Dans les années 1970, l’économiste Milton Friedman avance l’idée que la responsabilité sociale des entreprises est d’augmenter leurs profits. Selon lui, « il y a une et une seule responsabilité des affaires : utiliser ses ressources financières et engager des activités désignées à accroître ses profits ».

Bien que la RSE ne puisse être aujourd’hui résumée à cet aspect, il existe encore trop d’entreprises qui n’en ont pas pris acte et estiment que la communication se suffit à elle-même : le greenwashing reste courant. Or, les conséquences néfastes de ce type de politique ne sont plus à prouver. Les attentes sociétales sont de plus en plus réelles et affirmées au fil des générations. L’engagement public et la déclinaison du discours en action sont au centre de toutes les attentions. L’appareil législatif évolue aussi et, à terme, toutes les entreprises devront rendre compte de leurs impacts sur la société et l’environnement.

Heureusement, de plus en plus d’organisations sont impliquées dans la démarche avec innovation et proactivité, et se déclarent « entreprises à mission » de façon à formaliser leur politique RSE de façon statutaire.

Pour la marque employeur, un chemin similaire se dessine peu à peu. Si le sujet était à l’origine traité par les agences de communication, il est majoritairement passé aux mains des services RH. On comprend aisément pourquoi : attirer et fidéliser les talents est bien l’une de leurs fonctions de plus en plus prégnante. Mais on constate aussi, parfois, les mêmes travers que pour la RSE. De nombreuses entreprises cherchent à « tricher », à afficher une image qui n’est pas la leur. Le discours n’y est qu’un vernis. Or, je l’ai toujours dit, il devrait être authentique et refléter la réalité pour porter ses fruits.

Néanmoins, pour le concrétiser, il est nécessaire de mettre en place de véritables stratégies et de se tourner vers des modèles de finance durable. En effet, dans un contexte où l’économie sociale et solidaire se développe, les entreprises ne peuvent plus ignorer leur rôle sociétal. Les services financiers doivent désormais prendre en compte les critères « extra-financiers ».

De fait, le reporting RSE devient peu à peu obligatoire pour toutes les entreprises et tend de plus en plus à se rapprocher du reporting financier. Bientôt il n’y aura plus de frontière entre les deux, et les rôles économiques et sociétaux des organisations seront pleinement solidarisés. Cette réalité est déjà très forte pour de nombreuses sociétés. D’après une récente étude de PwC, 73 % des directions financières prévoient de faire évoluer leur modèle de pilotage à l’horizon 2026, afin d’intégrer les dimensions RSE.

La fonction économique de l’entreprise reste bien évidemment au cœur de ses activités, mais elle doit aussi évoluer. Elle ne peut plus se cacher derrière un simple discours. Pour la RSE comme pour la marque employeur, la communication reste la partie visible de l’iceberg. Le plus gros travail à effectuer est sur la partie immergée et nécessite une implication de tous. L’action humaine, à chaque niveau de l’entreprise, permettra de réinventer le travail de demain. λ

L’ère du « bottom up » : le cas Michelin

Comment le collectif One Planet est-il né ? 

Hacer Us : One Planet est né de la fusion de plusieurs collectifs qui ont émergé dans différents départements du groupe (R&D, Services et solutions, programme interne Graduate…). Au cours des deux dernières années, un peu partout dans l’entreprise, des employés ont ressenti le besoin de s’emparer plus précisément des enjeux écologiques. La stratégie People, Profit, Planet – que vous connaissez bien – avait été partagée en 2018, des objectifs du groupe mis en place, l’analyse du cycle de vie du pneu lancée. Mais le temps de diffusion en interne était long, trop long, ce qui a fait naître notre besoin de passer à l’action. En effet, nous ressentions l’urgence d’agir. Et, de discussion en discussion, les premières personnes ont su créer des espaces de réflexion. Nous sommes aujourd’hui plus de 800 personnes sérieusement attachées à faire prendre en compte l’aspect « planète » à la hauteur des enjeux environnementaux qui sont notre vocation première. En mars, nous avons obtenu la reconnaissance officielle du groupe avec un sponsor – le responsable corporate du développement durable et de l’impact (RSE) – qui se dit aujourd’hui très fier de nous accompagner. Et le président du groupe qualifie notre démarche d’innovation sociale ! Nous avons acquis la reconnaissance et la légitimité d’agir. 

Quels sont les avantages et les objectifs d’une telle démarche à l’intérieur même d’une organisation ? 

Benoît Chéhère : Avec ce collectif, l’entreprise dispose également d’un interlocuteur qui peut faire remonter les préoccupations des salariés. L’avantage pour ceux qui s’investissent dans ce collectif est de trouver des collègues qui partagent les mêmes préoccupations pour agir. L’objectif de One Planet est d’accélérer, chez Michelin, la prise en compte de l’aspect « planète » à la hauteur des enjeux environnementaux. 

Le changement de l’intérieur apporte-t-il davantage d’efficience ? 

Soéli Mennuni : Avec ses centaines de membres, notre collectif regroupe des personnes qui occupent différents postes, à différents niveaux hiérarchiques, qui ont différents parcours. Cela nous permet d’avoir une bonne vision de ce qui se passe à l’intérieur du groupe afin de proposer les explorations les plus adéquates, pertinentes et efficaces, avec le meilleur impact positif possible. L’efficience réside dans la mise en réseau, le partage des connaissances et la coopération que nous voyons naître au sein du collectif. 

Quels sont vos champs d’action ? 

Hacer Us : Nous contribuons aux déploiements de nombreux outils de sensibilisation tels que la Fresque du Climat, la Fresque du Numérique, l’Atelier 2tonnes, la Fresque du Facteur Humain – notamment en usine, où il est plus difficile de sensibiliser nos collègues qui sont sur les machines – ou le dispositif The Week, de Frédéric Laloux. Nous avons même organisé une Deep Time Walk avec les 100 dirigeants du groupe ! Nous organisons aussi des conférences et sommes très heureux d’avoir pu offrir à tous nos collègues un échange avec Marc-André Selosse, le Shift Projet ou Diego Landivar. Dans nos activités quotidiennes, une exploration a été lancée sur les déplacements professionnels, les marques d’attention plus responsables ou les goodies – qui ont été remplacés par des produits locaux, comme des pots de miel. Agir en collectif donne une tout autre force aux actions. Et nous avons la chance d’avoir des échanges directs avec nos dirigeants. Nous avons lancé les « Questions (im)pertinentes », un fichier où chaque membre peut proposer une question « qui pique » aux dirigeants. On se sent moins seul et on ose plus facilement s’exprimer quand on sait qu’on a potentiellement 800 personnes prêtes à liker ou à rebondir. Nous avons la chance d’être dans un groupe qui laisse la place aux initiatives. 

En quoi la sensibilité et l’action climatique d’une entreprise aussi emblématique sont-elles un levier de performance ? 

Soéli Mennuni : Notre objectif est de garantir la prise en compte de l’impact que notre entreprise peut avoir sur l’habitabilité de la Terre et d’accélérer la mise en place d’actions à tout niveau. Cela dit, nous voyons que l’émergence de ce collectif permet de renforcer la cohésion, le sentiment d’appartenance, l’engagement et la motivation des personnes qui trouvent un sens fort à agir au sein de Michelin. 

Selon vous, comment améliorer l’impact de la stratégie RSE du groupe ? 

Benoît Chéhère : La RSE a un vrai pouvoir pour faire bouger l’entreprise, à condition de ne pas uniquement rechercher la conformité à la réglementation. La RSE a aussi la possibilité de réinterroger les business models, à condition que l’entreprise lui en laisse la place. Ce qui est le cas chez Michelin Et c’est là qu’un collectif de salariés peut avoir de l’influence pour que la RSE soit considérée à sa juste valeur dans l’entreprise. Il ne faut pas oublier que la voix des salariés c’est aussi la voix des futures recrues, des talents que l’entreprise cherche à embaucher, et cette voix compte beaucoup auprès de la direction. Tant que la RSE se contente de viser la compliance, on n’atteindra jamais les objectifs. Si la RSE ose attaquer la question du business model, on a une chance d’avancer… 

Tribune : Vive la RSE… personnelle

Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais nous n’agissons pas de la même manière en tant que citoyen qu’en tant que salarié. En tant que citoyen, nous avons conscience de notre impact individuel, ne serait-ce que par notre droit de vote, par le fait que l’on va rouler à vélo plutôt qu’en SUV ou par notre engagement pour telle ou telle association caritative. Alors qu’en tant que salarié nous nous en remettons pleinement à notre entreprise, inconditionnellement. Si l’entreprise est « vertueuse », tant mieux. Si elle ne l’est pas… 

Et c’est ainsi que nous attendons de notre entreprise qu’elle ait une politique RSE de qualité. Or si notre entreprise n’est pas « au top » de ce point de vue là, que pouvons-nous faire ? 

Je vous propose quelques gestes simples qui ne semblent pas grand-chose, mais qui, si nous nous y mettons toutes et tous, apporteront leur pierre à l’édifice. 

Éteignez votre ordinateur… et le reste 

Saviez-vous qu’un ordinateur en veille consommait entre 20 et 40 % de sa consommation en marche ? C’est moins qu’un photocopieur, qui, lui, est à 80 %, mais tout de même… Combien de fois fermons-nous notre ordinateur sans l’éteindre en fin de journée ? 

Videz vos boîtes e-mail 

Un e-mail stocké, c’est une trace carbone de 10 g par an (source : 

je réponds à tous, souvent à la surprise de mes interlocuteurs. 

Soyez disponibles 

Votre travail n’est pas plus important que celui de votre voisin. Nous pouvons parfois avoir tendance à générer notre propre stress en nous fixant des objectifs trop ambitieux, nous poussant à nous renfermer sur nous-même et à imaginer que nul autre que nous ne connaît une telle pression. 

Se rendre disponible, ce n’est pas être corvéable à merci. Au lieu de dire « non » de façon définitive à un collègue qui sollicite votre aide, vous pourriez juste répondre : « Non, désolé, je ne peux pas maintenant, mais ce sera avec plaisir dans une heure une fois que j’aurai fini ce que je suis en train de faire. » 

Alors oui, bien entendu, il y aurait mille autres petites choses que vous pourriez faire dans votre travail au quotidien, comme prendre les escaliers plutôt que l’ascenseur de temps à autre, le métro ou le vélo plutôt que votre voiture, avoir une tasse plutôt que d’utiliser des gobelets en papier pour votre café matinal… Mais l’essentiel est de commencer. C’est l’action cumulée de toutes et de tous qui aura in fine un impact significatif.

Frédéric Mazzella : l’entrepreneuriat à coeur

 Captain Cause, c’est une solution qui permet aux entreprises de soutenir des projets à impact social et environnemental en impliquant leurs clients ou leurs collaborateurs, qui décident de l’allocation des fonds. Vous dites que cette création a du sens pour vous : vous en manquiez ? 

Je suis toujours à la recherche de sens, et si possible de « bon » sens ! Ce que permet d’offrir Captain Cause. On crée un pont entre entreprises et associations à impact social ou environnemental, ce qui développe une nouvelle relation qu’une entreprise peut avoir avec les personnes qui la font exister : ses collaborateurs et ses clients. Notre plateforme est très utilisée lors des cadeaux d’affaires de fin d’année : les clients, les partenaires ou les collaborateurs reçoivent en cadeau un don préfinancé à distribuer. Ils ont alors la responsabilité d’en faire le meilleur usage. Et cela marche : 150 entreprises se sont déjà engagées à nos côtés. Pour revenir à votre question, il est vrai que je me suis posé la question sur ma valeur ajoutée. En tant qu’entrepreneur, je voulais créer une plateforme utile. Captain Cause est un projet dont la mission me semble importante. Je crois à cet écosystème, car c’est du gagnant-gagnant-gagnant pour tous les acteurs : les entreprises, les associations et chacun d’entre nous individuellement. On permet aux entreprises de débloquer des fonds comme elles ne l’ont jamais fait, avec leurs parties prenantes : clients et employés. C’est une action collective dans laquelle on va utiliser une ressource puissante de l’entreprise – l’argent généré par son activité – pour aller financer des projets à impact. Et cela répond à une attente des parties prenantes, qui sont des humains. Je crois que l’humanité est naturellement portée par des projets positifs. Aujourd’hui, face aux enjeux de notre société, 93 % des gens disent vouloir agir mais ne savent pas comment, quand 90 % attendent que les entreprises et les marques s’engagent, notamment face au changement climatique. À grands problèmes, grands moyens, et cela amène naturellement chacun à penser que les entreprises sont à même d’agir, puisque ce sont des acteurs puissants. 

Vous donnez la chance à des entrepreneurs pourvoyeurs de solutions environnementales et sociales. C’est par eux que passera la transition ? 

En tout cas le statu quo n’est pas la solution ! C’est bien en faisant autrement que nous inverserons la tendance. Plus les structures sont petites, plus elles arrivent à évoluer vite : on y est créatif, on innove. Dans une grande structure, on optimise l’existant : ce n’est pas la même démarche, mais toutes les structures doivent évoluer. Captain Cause permet aujourd’hui d’aider les petits projets à impact, avec le soutien des clients et des collaborateurs, et cela crée un terrain propice à une transition des entreprises. Notre action n’est pas qu’un voeu pieux, nous nous sommes fixé un objectif chiffré : distribuer un milliard d’ici à cinq ans. 

Le patron doit communiquer sur l’impact de son organisation. Est-ce une responsabilité ou une contrainte ? 

Ni l’un ni l’autre, c’est un fait. Et nous n’avons plus le choix. Beaucoup d’entreprises, hélas, sont entraînées dans une forme d’inertie, de business as usual. Elles sont souvent lancées comme des paquebots, et c’est compliqué de les faire tourner. Les personnes emmenées sur ce paquebot demandent qu’on change de cap mais n’y parviennent pas, et elles sont entraînées par la machine… Les salariés ne voient pas comment leur temps de travail, de productivité, d’efficacité répond aux problèmes relayés tous les jours par les médias. Et cela crée forcément un inconfort. 

Cette dissonance cognitive est-elle également présente chez certains patrons ? 

Chez certains, bien sûr, mais ils sont dans la logique de servir l’actionnaire et doivent répondre à une feuille de route basée sur la croissance et la rentabilité. Tout en se posant ces questions, ils font ce qu’on leur demande de faire : leur devoir est de servir une entreprise à profits. Mais l’important réside dans l’alignement entre paroles et actes. Aujourd’hui, tout ce que l’entreprise fait va être rendu public, visible, à un moment ou à un autre. Et il est suicidaire d’avoir un discours qui ne corresponde pas à ses actes. Les entreprises ont une obligation d’alignement, une ligne à trouver entre transparence totale et confiance totale. 

BlaBlaCar vient de publier son premier rapport d’impact. Un audit détaillant ses contributions sociales et environnementales… 

Je souhaitais que BlaBlaCar associe technologie et mobilité verte, inclusive et accessible. Nous contribuons désormais à économiser plus de 1,5 million de tonnes de CO2 chaque année : grâce au covoiturage, le nombre de voitures nécessaires pour transporter le même nombre de personnes diminue. Et les trajets partagés facilitent les rencontres humaines. Notre communauté de voyageurs, pleine d’interactions bienveillantes, compte aujourd’hui plus de 100 millions de covoitureurs dans le monde. Enfin, dernier chiffre, ce rapport extra-financier évoque les 450 millions d’euros économisés par les conducteurs grâce au covoiturage. 

Président de BlaBlacar et de Captain Cause, vous êtes également coprésident de France Digitale, auteur du livre Mission BlaBlaCar et animateur de l’émission-podcast Les Pionniers, sur BFM Business. Quel est le lien entre toutes ces casquettes ? 

L’inspiration par l’action, autrement dit l’envie d’agir. Et c’est très large. Dans mon émission, j’ai reçu des personnalités très diverses, toutes passionnées et passionnantes : Rodolphe Delord, PDG du ZooParc de Beauval, Claudie Haigneré, spationaute, Marc Simoncini, créateur de Meetic et d’Angell, ou encore Marc Levy, l’écrivain, Bertrand Piccard, l’explorateur, et Messmer, l’hypnotiseur. Ils ont des esprits d’explorateur. Je voulais aller chercher cette diversité dans les manières d’explorer. L’autre valeur mise en avant dans Les Pionniers, c’est le travail : on constate à quel point rien ne se fait sans travail. C’est à l’opposé de la culture du paraître ou de la décorrélation entre travail et succès que l’on peut voir dans certaines téléréalités ou sur les réseaux sociaux. 

Lorsque l’on parle de scale-up comme la vôtre, on évoque des success stories. Cette réduction de langage évoquant une forme de facilité vous agace-t-elle ? 

C’est le résultat de raccourcis naturels : c’est plus simple d’imaginer un chemin direct et court derrière un succès que d’aller analyser les méandres et les obstacles surmontés pour arriver à bon port. BlaBlaCar est issu d’une expérience personnelle : lors d’un déplacement de fin d’année, je réalise un trajet en voiture de 500 kilomètres, faute de place disponible dans les trains. C’est le point de départ d’une réflexion pour trouver une solution qui permettrait de repérer les places vides dans des voitures qui réaliseraient le même trajet. On peut alors penser qu’une fois l’idée trouvée « l’intendance suivra », mais, pour l’entrepreneur, il n’en est rien : il doit tout construire brique par brique. Il ne faut pas chercher d’ascenseur, les entrepreneurs prennent toujours les escaliers ! Plus récemment, j’ai créé Captain Cause en voyant des jeunes de 20 ans défiler pour la Marche du climat avec des panneaux affichant : « Quand je serai grand, je voudrais être vivant ! » Je me suis dit que le moment était venu de lancer Captain Cause ! 

Rétablir l’équilibre

 Cela fait déjà de nombreuses années que les enjeux de RSE sont présents dans les organisations avec une intensité plus ou moins forte souvent liée aux réglementations administratives, aux problématiques politiques et aux malheureusement inévitables catastrophes climatiques ou environnementales, depuis Bhopal (1984) jusqu’à Fukushima (2011). En revanche, il est un domaine qui n’est pas toujours pris en considération à hauteur de l’enjeu, c’est l’impact social et économique de cette lutte contre un réchauffement climatique désormais avéré. En effet, l’activité même de l’entreprise est plus ou moins fortement impactée par ces politiques légitimes de protection de notre planète et des écosystèmes. Dans certains cas, les conséquences sociales et humaines semblent non pas oubliées mais un peu négligées sur le moyen long terme. Et pourtant, les engagements des entreprises s’inscrivent quasi toutes dans des politiques RSE ambitieuses et affirmées. 

On ne peut que constater un déséquilibre de fait – et par certains côtés, de droit – entre la responsabilité sociale et la responsabilité environnementale. Pour mémoire, la décision de bannir les véhicules à essence à l’horizon 2030 finalement repoussée semble vertueuse, mais son impact sur l’emploi est considérable. On peut l’accepter comme un mal nécessaire mais regretter dans le même temps qu’à cette décision politique au nom de la planète ne corresponde pas une autre décision politique au nom de l’humain. La question n’est en effet pas d’opposer, comme s’il existait une concurrence malsaine entre l’Homme et la Planète, mais au contraire de réconcilier les deux approches de manière beaucoup plus systématiques et en mesurant avec précision les deux impacts à égalité d’importance. Il en va non seulement de l’adhésion des populations à une nécessité de protection de notre environnement mais aussi de la cohésion sociale indispensable à tout changement de modèle durable. 

Ce constat peut se faire au niveau des États, mais tout autant au sein même des entreprises. Malgré une bonne volonté réelle, celles-ci développent des politiques sous l’impulsion des pouvoirs publics, mais également sous la pression de la société – avec parfois d’ailleurs des excès d’indignité dont on les accuse sans mesurer les fragilisations et même les destructions d’emploi que cela implique potentiellement. Certes toutes ne sont pas irréprochables, mais beaucoup tentent de trouver des solutions équilibrées. Les DRH ont leur responsabilité dans ce travail de réconciliation qui commence par mesurer les impacts humains des décisions avec un rôle d’anticipation sur les changements de métier, les nouvelles compétences à acquérir. C’est à cette fonction de porter aussi la communication des décisions RSE pour en démontrer l’équilibre entre enjeux environnementaux et enjeux sociaux. Le plus difficile est sans doute de faire admettre que ces engagements ne sont pas séparables, toujours au nom de la nécessaire cohésion sociale qui doit devenir le meilleur soutien aux politiques environnementales. C’est en cela d’ailleurs que les tenants d’une écologie culpabilisante et punitive se trompent lourdement dans leur approche. 

L’enjeu n’est donc pas de savoir si les politiques RSE relèvent ou non des RH – reprenant là un débat équivalent et sans fin sur la communication –, mais si elles sont co-construites entre la direction RSE et la direction RH. Dans certaines entreprises aujourd’hui, ces deux fonctions sont réunies, mais ce n’est pas une condition de réussite ni de cohérence. Il en va de même dans les enjeux de dialogue social pour que la stratégie de l’entreprise puisse être déclinée dans les instances dans ses quatre dimensions : économique, sociale, environnementale et financière. C’est par cette approche systémique et équilibrée que nous pourrons enfin avoir des politiques RSE ambitieuses, crédibles et respectueuses de l’humain comme de la planète, mais sans naïveté économique ou financière. Comme souvent, c’est une question d’équilibre, et il est certes positif de noter que nombre d’entreprises ont inscrit des enjeux RSE dans les bonus de leurs dirigeants, même si, à y regarder de plus près, ce sont quasiment toujours des critères environnementaux qui s’ajoutent à ceux plus classiques liés à la performance économique et financière. L’un des combats à mener pour la fonction RH est de faire admettre des critères de performance humaine et sociale à la même hauteur, d’abord pour elle-même, mais aussi pour tous les dirigeants. Cela existe un peu, mais c’est loin d’être suffisant face aux enjeux environnementaux et humains qui nous attendent ! 

Itinéraire d’un chercheur d’art

 Vous avez créé une véritable machine du rire. Quel a été votre moteur ? 

La sincérité. À 21 ans, j’ai créé mon premier festival pour aider mes amis humoristes à se faire connaître. Ils essayaient de percer mais ne connaissaient pas les décideurs. Ça a été le fruit d’une intuition sincère. J’ai également monté le premier festival de Montreux pour ces artistes qui avaient besoin d’exposition. Parti à la chasse aux talents, je n’avais pas accès aux têtes d’affiche Je me suis dit que plutôt que de convaincre la presse de venir, autant médiatiser notre show nous-même en filmant et en offrant les images à la télévision. Cela a permis d’accélérer le mouvement. Puis l’arrivée d’Internet et surtout celle des médias digitaux en 2005-2006 ont été la chance de ma vie : j’allais enfin maîtriser toute la chaîne de diffusion. 

Être sincère dans le domaine artistique est la clé du succès. Cela aurait-il fonctionné si vous aviez dirigé une « boîte industrielle » ? 

Difficile de répondre car je ne suis pas le patron d’une boîte industrielle… Pour être tout à fait honnête, je ne vois pas comment mener des équipes, quelles qu’elles soient, sans conviction. Je vois mal quelqu’un se dire : « Je vends un produit qui est pourri pour la santé des gens, mais je vais faire plein d’argent. » 

Cela existe ! 

Ces gens-là, s’ils existent, ne durent pas longtemps. Aujourd’hui, avec le problème d’employabilité, plus personne n’a envie de donner sa vie à un projet qui pollue ou détruit la planète. 

Clients et collaborateurs ne sont plus dupes ? 

C’est ça. J’ai la chance d’avoir autour de moi des enfants qui n’auront jamais l’idée de travailler dans une entreprise polluante. Ils préféreront ne pas avoir d’argent. Il faut écouter ce cri de la jeunesse, ce mouvement de fond, on doit l’entendre ! On m’a dit il y a vingt-cinq ans : « Si tu veux réussir dans les affaires, tu devras faire des choses que tu n’as pas envie de faire. » J’avais répondu que je préférais ne pas réussir. C’est fondamental pour moi. Je ne veux pas réussir pour réussir. Je veux être fier de moi en me disant que je n’ai fait de mal à personne. 

Vous êtes diplômé en marketing. Vous a-t-on demandé, dans votre entourage, pourquoi vous aviez choisi un secteur si peu sérieux ? 

Oui, et je me suis souvent posé la question. Cela fait trente-cinq ans que j’ai mon business, et j’ai mis vingt ans à le construire – pendant lesquels je ne savais jamais si j’allais boucler l’année. j’ai failli baisser les bras et suis même allé chercher du travail ailleurs. Mais, chaque fois, une voix intérieure me disait : « Fais pas ça, tu vas être malheureux comme la mort. » Et j’ai trouvé la force en écoutant les signes de vie. Par exemple, la fois où j’ai été dévasté de ne pas avoir décroché un job, alors que je me sentais incapable d’entreprendre, de gérer un budget. Mais j’étais con, ce job n’était pas pour moi, c’est tout. 

Vous n’aviez pas eu d’injonctions à la réussite dans votre enfance ? 

Jamais, et je pense que c’est parce que mes parents n’avaient pas beaucoup d’argent. Ma mère, employée, et mon père, commerçant, travaillaient dur pour vivre. On m’a toujours dit que l’argent n’était pas important. Bien sûr qu’il en faut, mais nous pouvons être heureux sans. Mes parents étaient heureux si on était ensemble, si nous faisions une bouffe le dimanche avec des pâtes carbonara, si on faisait une promenade qui ne coûte rien. 

Nombre de vos homologues auraient vécu l’arrivée d’Internet comme une épreuve. Vous, non. Optimisme, adaptation flexible au marché : ce sont des soft skills entrepreneuriaux… 

Je vois toujours les choses du bon côté. Et j’ai interdit à mes équipes de parler de bonnes ou de mauvaises nouvelles. J’enlève l’énergie négative, je crois énormément en l’opportunisme optimiste. Les opportunités, chaque jour, nous en avons dix. 

S’agissant du recrutement, éprouvez-vous des difficultés ou bénéficiez-vous du capital sympathie du secteur du spectacle ? 

On a une marque employeur très forte. Aujourd’hui, si nous ouvrons un poste, nous avons 300 à 400 personnes qui nous écrivent avec de très bons profils. Mais sur les 400 qui postulent, il y en a 390 qui oublient que c’est un job, avec beaucoup de contraintes. Tout le monde n’est pas fait pour ça. Dans l’entertainement, on crée notre vie tous les matins. La flexibilité, c’est la meilleure manière de faire, en étant capable d’abandonner rapidement un projet. 

Songez-vous à l’impact carbone de votre activité ? 

Cela peut être compensé par le streaming. Une salle avec 200 personnes à Paris peut être réservée avec 1 million de visionnages en stream. Digitaliser l’humour induit de nouvelles manières de consommer, dans l’air du temps. Lillarious, le nouveau festival que j’ai créé, possède un volet technologique. L’artiste doit sentir dans la salle ce qu’il se passe sur les plateformes. Le spectateur sent qu’il fait partie d’une communauté de gens qui sont avec lui à travers le monde et avec qui il peut communiquer. Et l’humour permet d’éviter la course au gigantisme. Par rapport aux revenus, ce qui est essentiel pour nous, dans la transparence et la sincérité, c’est d’accepter de mieux les partager. Une vidéo peut générer beaucoup d’argent. Ce qu’il faut, c’est arriver à tracer tout ça avec un tableau de bord résumant les revenus en automatisation avec les artistes pour créer de la valeur économique. C’est fondamental, car les seules plateformes qui partagent des vidéos comme celles-là sont américaines : YouTube, Facebook, etc. Mais nous savons qu’ils changent les algorithmes très souvent. Nous, nous essayons de rééquilibrer les choses. 

Quand le climat dessine sa fresque en entreprise

Lorsqu’il pense La Fresque du climat, en 2018, le Nantais Cédric Ringenbach, ingénieur, conférencier et enseignant spécialisé dans le changement climatique, se donne un objectif ambitieux : accélérer la compréhension des enjeux climatiques au niveau mondial pour contribuer à déclencher les bascules nécessaires à la préservation de la planète et du vivant. S’appuyant sur le postulat que « pour agir, il faut comprendre », il conçoit un jeu de cartes pédagogique, nourri d’informations scientifiques vulgarisées du Giec (Groupe international des experts pour le climat), pour inviter les « joueurs » à dessiner ensemble, durant trois heures, un cheminement graphique qui part du problème, expose ses causes et dégage des solutions et des pistes d’action générées de façon collective par les participants eux-mêmes. Cinq ans plus tard, 1 million de personnes, citoyens lambda, étudiants ou encore organisations et entreprises, ont participé à ce jeu climatique pédagogique et ludique colporté dans 130 pays. La part des entreprises représente à elle seule près de 35 % des participants.

« Une claque » fédératrice

« Dès ses débuts, La Fresque du climat a été sollicitée par les entreprises qui ont des stratégies de développement durable. Elle est perçue comme un outil de référence qui permet aux collaborateurs de s’approprier le défi de l’urgence climatique », expose Thomas Dayraud, directeur offres et programme au sein de l’association La Fresque du climat. Une sensibilisation « choc » qui fait l’effet « d’une claque » et qui a le don de provoquer l’effet recherché par les dirigeants. « Pour s’inscrire dans la transition, les entreprises ont besoin d’embarquer leur staff et leurs collaborateurs avec elles pour les informer des changements qu’elles vont mettre en place, mais aussi les impliquer. C’est une étape essentielle. » EDF, Decathlon, La Poste, Saint-Gobain, Airbus… Autant de groupes qui l’ont compris. Les deux premiers ont ainsi formé quelque 70 000 de leurs collaborateurs aux enjeux climatiques par le biais de La Fresque du climat, sur un rythme moyen d’une fresque animée par mois sur deux ans, en fonction de la taille de l’entreprise.

Des référents « fresqueurs » au sein de l’entreprise

Pour permettre un déploiement à grande échelle, l’association forme un collaborateur interne à l’entreprise qui devient l’animateur et le référent officiel Fresque du climat au sein de la structure. « Ces dynamiques permettent au jeu de pouvoir se déployer dans différents pays grâce aux branches internationales des groupes, comme Saint-Gobain, par exemple, qui a des équipes au Brésil », détaille Thomas Dayraud, précisant que 75 % des entreprises du CAC 40 ont aujourd’hui recours à cet outil pour impliquer leurs équipes dans la transition. « Chaque mois nous sommes sollicités par des centaines d’entreprises de toutes tailles, de plus en plus à l’international. En 2022, la proportion des demandes était de 90 % pour la France et de 10 % pour l’étranger. Cette année, on est à 80 % (20 % pour l’étranger). Dans les années à venir, la France ne sera plus qu’un pays parmi les autres », projette le responsable, dont l’association est aujourd’hui implantée en Suisse, au Royaume-Uni, en Espagne et en Belgique. Dans les mois et les années qui viennent, La Fresque du climat vise un déploiement massif de son dispositif dans d’autres pays (notamment aux États-Unis et au Canada), en renforçant l’outillage du jeu.

 

Trois questions à Emmanuel Delannoy, cocréateur de la Fresque de l’Économie régénératrice.

Comment l’idée de créer une Fresque autour de l’économie vous est-elle venue ?

L’idée était de concevoir une fresque tournée vers une économie qui inclue les grands principes de la permaculture. Soit une économie qui intègre les communs, c’est-à-dire tout ce dont l’entreprise bénéficie dans son fonctionnement mais qui ne lui appartient pas.

Quels sont les grands axes de cette fresque ?

Elle se déroule en quatre parties. La première vise à présenter les cycles de vie des produits et à démontrer que l’économie d’aujourd’hui n’est pas circulaire. La seconde, les systèmes dans lesquels l’entreprise s’insère, les communs sociaux et environnementaux. La troisième dresse un arbre des causes qui permet de soulever ce qui ne va pas dans l’économie actuelle et de mettre à jour le pourquoi. Enfin, la quatrième présente les piliers de l’économie régénératrice et ses intentions, ses référentiels et ses outils et méthodes, en se basant sur le principe du respect du vivant, en remettant les communs environnementaux, absents de l’économie actuelle, au centre.

Quel est l’objectif de cette fresque ?

Pour l’entreprise, elle est un premier pas vers la régénération. Le but est qu’elle lui donne l’envie de mettre en place ce type d’économie, alternative et complémentaire à l’économie capitalistique, dans son système de gouvernance et son modèle économique.

 

People at Work vous en dit plus sur l’affichage environnemental

Quelles seront exactement les obligations des entreprises en termes d’affichage ? Selon quel calendrier ?

 

Il est utile de préciser tout d’abord la distinction entre affichage environnemental, qui fait référence à des informations quantifiées et factuelles, souvent normées et publiées de manière obligatoire, et allégation environnementale, souvent qualitative et qui s’inscrit dans une démarche volontaire de l’entreprise afin de valoriser un produit considéré plus performant que la moyenne d’un point de vue environnemental.

En France, quelques informations relèvent déjà de l’affichage environnemental obligatoire sur certains produits, comme l’étiquette énergie ou l’indice de réparabilité. La loi Climat et résilience prévoit par ailleurs un dispositif d’affichage environnemental sur les produits textiles et alimentaires, pour l’instant expérimental, mais destiné à être rendu obligatoire. Il pourrait s’agir d’un affichage présent sur le produit ou dématérialisé informant le consommateur des impacts du produit, calculé sur l’ensemble de son cycle de vie. Prévue pour 2022, cette régulation a été repoussée et le calendrier n’est pas encore fixé. Les expérimentations touchent cependant à leur fin, ce qui laisse présager des publications proches.

Plusieurs projets de directives européennes sont également en train de voir le jour, principalement pour réguler les allégations environnementales. La dernière en date est la directive « Empowering consumers » [1], adoptée en mai, et qui interdit toute allégation environnementale insuffisamment fondée factuellement et scientifiquement. Son entrée en vigueur est immédiate, avec deux ans prévus pour la transposition par les Etats membres. Elle sera complétée par la directive « Green Claims »[2] qui devrait quant à elle être effective en 2027, et renforcera les exigences méthodologiques de l’affichage environnemental.

 

 

Quelles catégories de produits seront concernées par ces réglementations ?

 

En France, les catégories concernées pour l’instant sont principalement les secteurs agro-alimentaire et textile, ainsi que certains produits électriques et électroniques dans le cadre de l’indice de réparabilité. La liste des catégories concernées est amenée à évoluer pour inclure davantage de produits au fil des ajustements méthodologiques.

La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (dite loi AGEC) prévoit également que les produits soumis à une responsabilité élargie du producteur (REP) comprennent des informations sur des caractéristiques environnementales précises, comme le pourcentage de contenu en recyclé ou la recyclabilité du produit. C’est le cas des emballages ménagers par exemple, mais aussi de certains produits d’ameublement, d’emballages, de jouets…

 

 

Quelle sera la méthodologie de calcul de l’impact d’un produit ?

 

Les méthodologies sont encore en cours de définition.

En France, l’ADEME a lancé pour expérimentation l’outil Ecobalyse[3], qui permet pour les secteurs textile et agro-alimentaire de calculer l’empreinte environnementale d’un produit. Une méthode de calcul définitive devrait ainsi voir le jour d’ici la fin de l’année 2023.

 

Au niveau européen, le projet de directive « Green claims » vise à formaliser la méthodologie de certification des allégations environnementales. Elle inclut des critères comme la prise en compte de l’intégralité du périmètre du cycle de vie du produit et de ses impacts environnementaux, ou le recours à des standards scientifiques reconnus. Elle prévoit l’interdiction de communiquer sur la neutralité carbone d’un produit ou d’une activité si celle-ci est fondée exclusivement sur la compensation des émissions de gaz à effet de serre. Par exemple, une entreprise qui émet des gaz à effet de serre mais en compense une partie en plantant des arbres ne pourra pas « déduire » de son bilan carbone ces émissions, ni prétendre que son produit est « neutre en carbone » alors qu’il a bien émis du gaz à effet de serre lors de sa production.

Les sources de données à utiliser sont également précisées par le régulateur, qui indique de privilégier autant que possible les données « primaires », c’est-à-dire issues directement de l’entreprise ou les données des fournisseurs, et seulement si nécessaire des informations plus génériques telles que des données sectorielles ou des bases de données tierces.

 

 

Est-ce que cela va vraiment aider le consommateur à se repérer ?

 

L’objectif des évolutions réglementaires sur l’affichage environnemental et l’encadrement des allégations est bien de permettre aux consommateurs de faire des choix de consommation éclairés, tout en mettant fin aux pratiques commerciales trompeuses ! En supprimant les allégations trop génériques ou peu fiables (« vert », « responsable ») au profit d’un affichage environnemental factuel, il sera aussi plus facile d’identifier les produits effectivement plus performants.

Pour le régulateur français, il s’agit d’orienter les consommateurs vers les produits les plus performants au sein d’une même catégorie (par exemple, quel est le meilleur gel douche d’un point de vue environnemental ?), mais aussi – et surtout – d’orienter les choix de consommation vers les catégories à moindre impact sur la base de caractéristiques comparables (en comparant un savon liquide et un savon solide par exemple ou diverses sources de protéines entre elles). Dans les deux cas, cela implique d’avoir pour chaque produit des données suffisamment précises pour permettre la différentiation.

Pour informer correctement le consommateur, il faudra mettre à disposition plusieurs niveaux de résultats : un affichage simple sur le produit, l’emballage ou la page web, qui permet de guider le geste d’achat instantanément, par exemple via une notation A,B,C,D ou une note sur 100 ; des résultats plus détaillés accessibles de manière déportée (en ligne) pour les consommateurs qui voudraient plus de précisions.

 

Quels sont les risques de Greenwashing qui subsistent malgré ces nouvelles réglementations ?

 

Le but de la réglementation est justement de lutter contre le greenwashing et les allégations pouvant induire le consommateur en erreur. Définir une méthodologie de construction des allégations précise et claire permet en effet de réduire ces risques en garantissant la fiabilité des informations ainsi que la comparabilité entre produits différents. Le recours à des vérificateurs indépendants sur un large panel de produits peut représenter pour l’entreprise un coût important qui ne peut toujours être intégralement reporté sur les consommateurs. Une solution alternative consiste à encourager la vérification par les pairs, par exemple via des consortiums sectoriels, et de stimuler le rôle de vigies réalisé par des ONG ou association de consommateurs.

 

Comment transformer ces contraintes réglementaires en axe de différentiation par rapport aux concurrents ?

 

L’encadrement des allégations environnementales peut être un levier de différentiation pour les entreprises à plusieurs points de vue : tout d’abord en prenant les devants : anticiper ces réglementations pour faire partie des précurseurs de la communication environnementale est déjà un facteur différentiant en soi. Par ailleurs, les produits les plus performants d’un point de vue environnemental seront naturellement mis en valeur par l’affichage, leur conférant un avantage auprès des consommateurs. Alors que 76% des consommateurs se déclarent en faveur d’une consommation responsable[4], un affichage environnemental mettant en avant la performance d’un produit permettra de mieux s’aligner à ces exigences croissantes.

De plus la mise en place dans l’entreprise d’une mesure d’impact des produits est à l’origine d’un cercle vertueux en termes de réduction des impacts et d’innovation. En effet, l’affichage environnemental requiert une connaissance plus fine du cycle de vie de ses produits, ce qui conduit à mieux comprendre où sont les principaux impacts et à innover pour les réduire. Ce cercle vertueux a pu être observé dès 2011, lors du bilan sur l’affichage environnemental réalisé par EY pour le ministère de l’Environnement sur un panel de plus de 150 entreprises[5]. 70% des entreprises ayant participé avaient ainsi déclaré mieux connaître les points faibles et forts de leur produits suite à l’expérimentation.

 

Communiquer sur la durabilité de ses produits est un moyen de renforcer sa marque en intégrant la durabilité dans son positionnement global. Des messages crédibilisés par des données robustes issues de l’affichage environnemental sont à même de renforcer la confiance des consommateurs envers la marque.

 

 

Plus largement, quel sera le rôle de l’Etat et des institutions pour donner confiance aux consommateurs ?

 

L’Etat détient un rôle structurant indispensable ; fournir un cadre méthodologique et légal précis garantissant une information claire, utile, comparable et une concurrence loyale. C’est également à lui que revient la responsabilité de pousser les entreprises à fournir cette information, d’informer le consommateur de ce dispositif exigeant et de créer la confiance d’ensemble en mettant en place les garde-fous pour écarter tout greenwashing. Enfin, en cas de non-respect de la réglementation, il reviendra enfin à l’Etat de s’assurer que des sanctions dissuasives soient appliquées !

 

 

Qu’en est-il de la mise en place d’un affichage environnemental au niveau européen ?

 

Un écolabel européen officiel existe déjà depuis plus de 30 ans pour une trentaine de catégories de produits seulement, ce qui le rend anecdotique. Sa certification, basée sur une analyse de cycle de vie, est volontaire. Un projet de passeport produit (Digital Product Passeport) est en cours d’élaboration, qui devrait permettre un accès facilité via un QR code à des données telles que la composition, l’origine et la réparabilité d’un produit. Ce passeport numérique pourrait entrer en vigueur dès 2026 pour les premières industries concernées (textile, piles, électroménager).

Des expérimentations sont également en cours depuis une dizaine d’année afin d’établir une méthodologie commune pour l’affichage environnemental : le PEF, pour Product Environmental Footprint. Basé sur une analyse de cycle de vie et 16 impacts environnementaux, le PEF n’a finalement pas été retenu comme méthode privilégiée dans le cadre de la proposition de directive Green Claims (sortie en mars 2023), qui laisse plutôt la main aux Etats pour définir leurs propres méthodologies, mais il n’en reste pas moins un cadre de référence dont les entreprises peuvent et doivent s’inspirer en raison de son approche par le cycle de vie très intéressante.

[1] Directive 2022/0092

[2] Directive 2023/0085

[3] Ecobalyse – Ecobalyse (gitbook.io)

[4] ADEME, « Consommation responsable : s’engager sans renoncer ? », baromètre Greenflex-ADEME, 2023, accessible en ligne : Consommation responsable : s’engager sans renoncer ? – ADEME Infos

[5] Ministère de l’Ecologie, du Développement durable, de l’Energie, Affichage environnemental des produits de grande consommation, 2013, accessible en ligne : 134000775.pdf (vie-publique.fr)

RH : un terrain de jeu pour l’IA

Des fantasmes entourent l’intelligence artificielle. Le concept est très clivant : comment l’expliquez-vous ?

En fait, il faut se poser les bonnes questions : pourquoi l’IA se développe-t-elle aussi vite dans nos organisations ? L’une des raisons en est tout simplement qu’elle nous aide à dompter la complexité de notre environnement et qu’elle nous permet de nous adapter collectivement à un monde qui se transforme de plus en plus vite.

L’IA est à la croisée de multiples chemins : la reconnaissance de textes, de la voix, des visages, des émotions ; la capacité à extrapoler des données et d’en déduire des cheminements, d’être prédictifs sur certains domaines et, plus récemment encore de générer des textes, des images, des contenus. Forcément, quand on parle d’IA, il y a une myriade de possibles, et, forcément, dans l’imaginaire, cela ne se matérialise pas de la même façon. Dans ce domaine, chacun est tenté d’expérimenter des choses. La détection, par exemple dans les espaces publics, est l’un usage qui peut être assez effrayant et dont les dérives sont évidentes. Il est nécessaire cependant de distinguer la réalité du fantasme et, dans le domaine du réel, de porter toute notre attention sur ce qui est souhaitable, et pas seulement sur ce qui est possible. Entre les deux, il y a le cadre éthique, la réglementation et les limites managériales que l’on se fixe.

 

Ces limites restant floues, la « peur de perdre le contrôle » est donc bien légitime…

L’IA, déjà, c’est un algorithme ou un modèle mathématique conçu pour imiter la façon dont les humains pensent et résolvent des problèmes. Cet algorithme est entraîné sur la base de millions d’enregistrements de données pour produire les prédictions le plus précises possible. Plus on le « nourrit », plus on le « corrige », plus il apprend et devient conforme et précis. Donc ce n’est pas figé, c’est un produit qui, lui-même, est évolutif.

Il y a déjà une première inquiétude : qui va nourrir cet algorithme ? Ces données seront-elles le reflet de ce que l’on souhaite ou de ce que l’on a fait dans le passé ? Je vous donne un exemple concret : dans une entreprise où des cadres masculins étaient davantage recrutés que des femmes, si on alimente l’algorithme de l’IA avec ce type d’historique, celle-ci va considérer que le critère « être un homme » est plus favorable pour obtenir la position de manager. Le premier biais de l’IA est donc directement lié à l’historique des données. Deuxième réticence : une fois que cette IA s’est formée, elle produit des réponses, mais le raisonnement concernant celles-ci n’est pas analysable ni explicable. Cet effet black box a pendant très longtemps été l’un des freins majeurs, car la réponse était produite avec un taux de fiabilité, certes très bon, mais sans que l’on puisse dire pourquoi il l’était et selon quel critère. La troisième réticence est liée à l’impact que l’IA pourrait avoir sur notre travail, sur notre place d’être humain, sur notre collaboration possible dans un monde où elle travaillerait à nos côtés. C’est clairement la peur d’être cannibalisé par ce type de solutions, d’observer des dérives éthiques ou morales qui risqueraient de porter atteinte au socle de confiance que nous développons entre êtres humains.

Chez Oracle, nous avons réalisé une étude, avec Odoxa, pour discerner les usages acceptés ou non dans le domaine des RH. Nous avons détecté trois catégories d’usage de l’IA : dans le premier cas, ceux qui apportent une forme d’augmentation des capacités humaines sur les tâches répétitives et à faible valeur ajoutée. L’IA peut prendre en charge ces tâches qui nous semblent rébarbatives, et, dans ce cas, le taux d’acceptation est de l’ordre de 70 % des sondés. Le second domaine est celui du matching. Le matching, c’est quoi ? La mise en correspondance d’une offre avec une demande, avec un ratio d’adéquation plus ou moins élevé. Je viens avec une liste d’informations personnelles concernant mon profil, mes souhaits, et l’IA va me faire des suggestions de carrière ou de formation, par exemple. Dans notre étude, nous avons eu un retour mitigé sur ce type d’usage. Ce qui se joue, c’est le deal : est-ce que je suis prêt à me dévoiler davantage pour accéder plus rapidement à des suggestions qui me sembleraient pertinentes ? Nous ne sommes pas tous prêts à cela pour le moment. Troisième point : on laisse l’IA autonome, dans un certain périmètre, pour évaluer le niveau de performance d’un collaborateur ou pour prendre une décision RH importante. Et là, la majeure partie des personnes sondées expriment leur réticence et ne veulent pas être tributaires de l’IA dans un périmètre qui impacte directement les collaborateurs.

 

 

En quoi l’IA peut-elle permettre aux RH de se libérer de leurs tâches dites techniques pour se recentrer sur la dimension humaine du poste, voire pour réévaluer le périmètre RH ?

Nous évoluons dans un contexte où les candidats et les collaborateurs ne souhaitent plus seulement avoir un job, mais plutôt vivre une expérience professionnelle qui soit engageante, épanouissante, personnalisée.
De leur côté, les DRH n’ont jamais eu accès à autant d’informations personnelles, administratives, qualitatives liées à la performance, aux appétences, aux souhaits, à la rémunération des collaborateurs. Ces données sont malheureusement souvent disjointes et difficiles à réconcilier. L’enjeu est donc immense pour une direction RH qui, à effectifs constants, doit préserver l’équité, offrir cette flexibilité attendue par les collaborateurs, ou ce niveau de synthèse nécessaire aux managers pour prendre des décisions éclairées concernant leur équipe. On pourrait qualifier ce contexte de perfect storm pour l’IA. Si tant est qu’une organisation entreprenne les efforts suffisants pour normaliser ses référentiels de données RH, ce que l’on dénomme souvent le CoreHR (organisation, métiers, compétences, sites, hiérarchie, etc.), alors s’ouvre un champ immense d’usages de l’IA en soutien des RH, des managers et des employés. Les usages les plus évidents vont des suggestions de mise à jour des profils des collaborateurs à la détection de compétences, suggestions de formation ou de mentor. Du côté des managers, l’IA peut aider à accéder aux bonnes informations, consolidées lors d’étapes importantes, comme les promotions ou l’attribution d’augmentations salariales ou de bonus, afin de favoriser la rémunération de la performance, l’équité, l’inclusion, par exemple.

Du côté des RH, des usages comme l’automatisation ou l’accélération de la création des réponses aux demandes RH dans le centre de services partagés, l’accès à l’assistant digital pour consulter des compteurs de temps, de congés, ou la génération de reporting et des commentaires automatiques de ces reportings, ou encore l’analyse de textes (comme les raisons de départ des collaborateurs) sont autant d’outils qui améliorent la productivité et permettent de dégager du temps destiné à l’échange, à la stratégie et à la prise de décision.

 

 

Vous faites bien la différence entre « IA forte » et « IA faible »…

L’IA faible ne sait traiter que ce pour quoi elle a été conçue. L’IA forte est l’IA capable de s’adapter à des situations nouvelles, d’élaborer des solutions complexes. C’est l’IA telle que vous l’imaginez dans les films de science-fiction. C’est le fantasme absolu d’une machine qui se comporterait comme un être humain. L’IA forte n’en est qu’à ses balbutiements, notamment dans le domaine des jeux en ligne quand on affronte des « joueurs IA », mais aussi dans les robots ou les voitures autonomes, où de multiples sources d’information doivent être analysées dans des contextes renouvelés sans cesse. Ou encore dans des formes avancées de chat et de génération de texte, ChatGPT par exemple. Même si cette IA forte donne le sentiment d’approcher une forme de conscience, nous en sommes très loin, et il n’y a aucune IA forte qui concerne le domaine des RH aujourd’hui.

 

 

 

Qu’est-ce que l’IA peut apporter à l’expérience collaborateur ou à l’expérience candidat ?

Dans son rapport au collaborateur, devenant un client interne, le monde RH s’est de plus en plus inspiré des approches historiques du marketing. La notion de marketing RH est même assumée. La création du concept de marque employeur en est un autre exemple. L’employee experience s’impose, comme la customer experience (CX) avant elle. Les analogies sont évidentes. Les outils utilisés côté CX le sont côté RH désormais. Pour suivre l’analogie, et pour faire face à la pénurie de talents et à la difficulté à attirer les candidats, nous avançons désormais vers une notion de nurturing, qui consiste à « nourrir » le candidat, parfois encore passif, avec des informations ciblées qui vont l’aider à développer de l’intérêt pour l’entreprise. Ces approches RH sont en fait réalisées avec les mêmes outils que ceux utilisés en marketing pour alimenter des prospects qui deviendront de futurs clients et le vocabulaire peut être lui-même transposé : on parle de campagne, de pipe, de conversion, etc. L’IA, dans ce contexte, se révèle particulièrement utile et efficace pour automatiser la sélection et l’envoi des contenus vers les candidats, au bon moment pour eux.

Vous pouvez aussi imaginer que les outils qui permettent d’analyser les sentiments des consommateurs, qui scrutent leurs avis en texte libre, ceux utilisés par des marques pour cibler leurs acheteurs, par exemple, sont aujourd’hui utilisés dans le domaine RH pour exploiter les informations issues des entretiens annuels ou professionnels.

 

Les analogies entre les mondes RH et CX sont aussi visibles dans la gestion des compétences…

Pour la première fois dans les sondages, le sujet de l’identification des compétences est devenu la priorité #1 des RH, devant même la recherche de productivité et de performance. Or, depuis des années, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences se confrontent à l’obsolescence extrêmement rapide des référentiels de métiers et de compétences qui prennent des années à construire. Ce phénomène s’est accentué avec la réduction progressive de la durée de vie moyenne des compétences, aujourd’hui estimée à deux ans par l’OCDE. La plupart des projets de cartographie de compétences ont ainsi échoué face à l’ambition d’être exhaustif, ou lors des phases d’adoption et de déclaration des profils par de collaborateurs débordés par des listes infinies de compétences référencées. Cela crée un terrain de jeu intéressant pour l’IA, car elle répond à cet enjeu à deux niveaux : l’accélération de la création d’un référentiel de compétences et le matching. Chez Oracle, par exemple, nous avons compilé des millions d’enregistrements de données publiques, concernant des CV, des postes à pourvoir, des missions, des référentiels de compétences publiques et nous en avons déduit un référentiel de 130 000 compétences et de 16 000 postes déclinés en compétences requises. Sur cette base, le client peut personnaliser le référentiel pour l’adapter à sa culture propre, à ses métiers. Dans la seconde étape, le matching, on va consommer les contenus individuels des collaborateurs, des postes, des formations, et on va les faire correspondre avec les compétences identifiées. L’IA les soumet au collaborateur, et ce dernier décide s’il détient ou souhaite développer cette compétence, et déclare éventuellement son niveau. Cette approche permet d’obtenir le meilleur compromis entre la préservation de la culture de l’entreprise, la capacité du collaborateur à garder la main sur ce qu’il déclare, tout en bénéficiant de l’accélération et de l’évolutivité du référentiel offerte par l’IA.

 

Quelle place l’IA occupe-t-elle dans le domaine de la formation ?

La connexion que l’on peut faire avec le sujet des compétences, la mobilité et l’évolution de poste, là où l’IA peut vraiment apporter de l’aide, c’est tout ce travail de matching, de mise en relation d’un besoin reconnu et exprimé avec une ressource disponible, qu’elle soit matérielle ou autre. Dans la formation, l’une des grandes difficultés que l’on peut avoir côté RH, c’est de mettre à disposition des collaborateurs l’ensemble des formations du catalogue dans un format accessible. L’IA peut justement suggérer, parmi des milliers de sessions, de contenus, la dizaine de modules les plus pertinents par rapport à des objectifs de développement exprimés, et ce, même si l’information a été saisie en dehors du module formation, durant l’entretien de performance par exemple. L’IA peut aussi être utilisée pour analyser la progression d’un collaborateur dans l’assimilation de certaines connaissances afin de cadencer les bons contenus.

 

Pour reprendre l’exemple du marketing, il y a ce moment assez agaçant, où vous consultez en ligne votre magazine préféré et où surgit une suggestion d’achat qui correspond à une recherche effectuée quelques minutes plus tôt… C’est ce qui pourrait être irritant dans l’IA…

Cette notion d’« explicabilité », de lisibilité pour l’être humain de la raison pour laquelle l’IA me fait telle suggestion est capitale. Ainsi lorsqu’on suggère une compétence dans le profil d’un collaborateur, on indique en sous-titre : « parce que les collaborateurs ayant le même profil que vous déclarent cette compétence » ou « parce que vous avez actuellement tel poste »… Ces explications facilitent l’acceptation et ramènent l’IA à sa force de calcul et de synthèse des multiples sources de données, en limitant l’irritation liée au sentiment de perte de contrôle.

 

 

Quels sont les travers que l’on peut imaginer ?

C’est clairement le côté normatif de l’IA, car elle fonctionne bien pour identifier des archétypes puis proposer des suggestions à un profil en fonction de son niveau de correspondance avec un archétype. Cela peut avoir un effet normatif en poussant des profils très divers vers des contenus devenus normés ou stéréotypés. L’IA vous ramènera souvent sur le chemin le plus emprunté. Or la richesse humaine, c’est aussi sa diversité, son originalité, sa créativité face des situations nouvelles. Pousser les collaborateurs vers des profils normés serait prendre le risque de vulgariser un mode de pensée convenu. Or l’IA n’est pas très efficace pour gérer des approches hétérogènes ou des profils atypiques.

Il faut donc être vigilant pour continuer à promouvoir les parcours atypiques, les croisements de compétences et d’expériences, l’esprit critique, et notre capacité à sortir des sentiers battus…

 

 

 

Quelles sont les applications avant-gardistes de l’IA appliquée aux RH ?

Les champs d’utilisation sont innovants dans la partie reconnaissance faciale, analyse des comportements, de l’état émotionnel, ou encore dans l’analyse automatique du niveau de langue des collaborateurs. J’imagine qu’à l’avenir ce qui se développera aussi ce sont les assistants digitaux, un peu plus experts que les chabots, qui ont des possibilités limitées. Vous pourrez probablement leur demander une multitude d’actions. Chaque collaborateur pourrait avoir son assistant pour écrire un e-mail, obtenir une information, réaliser une recherche, une analyse. Suivons de près les usages émergents autour de ChatGPT, la fameuse application de chat boostée à l’IA, ils seront certainement précurseurs de ce que nous verrons en entreprise.

 

 

Certains usages de l’IA sont prometteurs mais sont-ils tous souhaitables ?

L’IA augmente le potentiel des organisations humaines et leur vitesse d’exécution, de développement, de collaboration. Ses capacités et ses usages s’accroissent jour après jour. Mais l’IA nous met aussi devant nos responsabilités quant aux risques de dérive sur le plan éthique et moral. Il est donc de notre responsabilité collective d’établir un cadre réglementaire qui conditionne les usages, définisse les limites et les droits, avant que nous ne tombions dans une escalade portée par la seule recherche d’efficacité ou de compétitivité.

Ce n’est pas une tâche aisée, mais c’est le grand enjeu des organisations humaines du début du XXIe siècle.

 

 

Edgar Grospiron : « Motiver durablement quelqu’un, c’est le rendre libre et autonome dans ses aspirations »

Quelle part la motivation a-t-elle jouée dans votre réussite sportive ?

La motivation, c’est l’énergie qui va faire prendre la mayonnaise. Quand on demande à un sportif ou à un chef d’entreprise pourquoi il a réussi, il explique souvent que le secret c’est du travail, de la chance, du talent, des moyens, un entourage, un environnement, un métier, des produits, tout un tas de choses qui forgent la performance. Mais pour que tout cela soit révélé et maximisé, il faut de la motivation. C’est pour ça que je dis que la motivation, c’est 100 % de ma réussite.

 

 

Pourquoi avoir choisi de vous reconvertir dans le domaine de la motivation ?

Pour deux raisons : j’avais envie de retransmettre ce que le sport m’avait transmis. Et puis, ce sont les rencontres. Il y a eu une rencontre décisive avec Jean-Noël Gaume, un consultant spécialisé dans le management et la motivation qui m’a fait découvrir les mécanismes qu’il y a derrière la motivation individuelle et la dynamique collective. Un sujet riche, vaste et intéressant. C’est pour ça que je me suis formé en coaching, puis sur des outils de profils de personnalité, par exemple. J’ai fait des conférences, des ateliers de formation et du coaching individuel jusqu’en 2008, puis j’ai considéré que ma valeur ajoutée se trouvait dans la conférence, donc je me suis concentré là-dessus.

 

Pourquoi les entreprises font-elles appel à vous ?

À un moment donné, il y a besoin de rebooster les équipes. Une entreprise, c’est de l’énergie humaine. Face aux difficultés, aux enjeux, aux challenges, on a besoin de booster cette énergie que j’appelle motivation. Après, il y a des situations auxquelles sont confrontées les entreprises et on se dit qu’un sportif, peut-être Edgar, peut venir les illustrer à travers son parcours : quand des changements s’opèrent, on veut éviter que les gens y résistent ; dans une situation de conquête, on se demande comment atteindre ses objectifs ; en cas de rebond, il faut se réinventer ; ou bien on est au top, ça cartonne et on se demande comment rester performants alors qu’on est déjà très bons et que nos marges de manœuvre ne sont plus aussi importantes. À travers ma carrière de sportif, je me suis retrouvé dans ces quatre situations.

 

Quels sont vos méthodes et vos discours ?

J’ai trois sources d’inspiration : ma carrière, où je vais puiser des anecdotes ; la théorie, qui m’a été transmise par Jean-Noël et d’autres ; et la pratique liée aux rencontres avec mes clients. Je donne à peu près 80 conférences par an, et ce sont des rencontres très riches avec des patrons, des cadres dirigeants et des collaborateurs qui me permettent d’avoir un regard assez complet sur ce qui motive les gens aujourd’hui en entreprise. Le message à faire passer à ses équipes peut perdre de sa vigueur au fil du temps. Je le vois depuis la reprise : les gens ont besoin d’être ensemble, apprécient ces moments où ils se retrouvent, ça met de l’oxygène dans les relations. Et puis je viens avec des discours assez positifs, pêchus et agréables à entendre, avec des clés qui recadrent un peu. Comme le besoin de se retrouver et d’entendre des discours positifs est plus grand qu’hier, l’impact de ce que je raconte est sans doute plus fort.

 

Vos interventions aident-elles les managers à mieux motiver leurs équipes ?

On n’apprend pas à motiver mais à créer des conditions pour que les gens trouvent leur motivation. Et le meilleur moyen de motiver durablement quelqu’un, c’est de le rendre libre et autonome, dans ses aspirations et dans sa vie. Capable de prendre des initiatives, de faire face à des obstacles, à des échecs, de se relever, de repartir. Quelqu’un qui aura une certaine indépendance se laissera moins manipuler par son environnement.

 

Vous êtes actionnaire de la start-up Roadoo Network, qui a développé une application spécialisée dans la « gamification » des challenges commerciaux. Comment se déroule ce type d’incentives ?

C’est très souple : les challenges peuvent durer une journée, une semaine, un mois ou une année. Le but est que les collaborateurs soient efficaces, bien dans leur job, heureux d’être ensemble et motivés. Par exemple, on a fait un challenge pour des chauffeurs routiers autour de l’empreinte écologique et de la conduite éco, en mesurant l’usure des pneus ou la consommation de carburant. Pour créer un sentiment d’appartenance et une émulation au sein des équipes, il faut que l’animation mise en place autour du challenge les aide à trouver un certain sens et du plaisir.

 

Vous-même, avez-vous besoin d’une aide extérieure pour rester motivé ?

Je sais ce que je dois faire pour être motivé dans mon domaine. C’est très simple, il faut avoir des projets, et j’en ai. Il faut pouvoir faire ce qu’on aime, et ce que je préfère faire, ce sont les conférences. Enfin, il faut avoir envie de progresser, et je fais régulièrement des formations, parce que ça ouvre l’esprit. Rien qu’en mettant ces trois choses-là en œuvre, on sait pourquoi on se lève le matin.

 

ACCROCHE (si place)

« On n’apprend pas à motiver mais à créer des conditions pour que les gens trouvent leur motivation. « 

L’incertitude est une chance !

La peur et l’agressivité sont sans doute les émotions les plus primitives qu’on puisse imaginer. Sans elles, l’espèce humaine aurait depuis fort longtemps rejoint les dinosaures dans le registre des espèces disparues. Pendant des millénaires nous avons servi de nourriture à d’innombrables prédateurs. La peur a permis la survie : en provoquant la fuite ou le camouflage, on se cachait dans un buisson en espérant que le vent garde pour lui nos odeurs. Quant à l’agressivité, elle fournissait l’énergie nécessaire pour affronter les grands fauves qui voyaient en nous de quoi tartiner leurs canapés.

Les prédateurs ont changé. Au lieu d’avoir à faire face à de grands fauves, nous faisons face à la concurrence, aux pandémies, aux changements climatiques, à la pénurie de main-d’œuvre, aux fluctuations du marché boursier et autres imprévus qui bousculent nos parcours professionnels et personnels. Les objectifs, les planifications stratégiques – voire les missions d’entreprise – doivent sans cesse être revus à la lumière de ces « prédateurs » contemporains. Et il en surgit de nouveaux chaque jour. Ce n’est plus notre survie qui est menacée, c’est celle de nos institutions, de nos emplois, de nos valeurs et autres objets – fonctions, mandats, tâches – que nous utilisons pour construire nos identités et donner du sens à nos vies.

Or, quand nos identités se sentent menacées, les réactions primitives demeurent les mêmes que si nous faisions face à de grands fauves ! Force nous est donc d’admettre que la peur et l’agressivité sont omniprésentes dans nos institutions. La fuite prend maintenant la forme du désengagement, de la démotivation et de l’épuisement. Quant à l’agressivité, elle mine la fluidité fonctionnelle à travers les innombrables conflits qui nuisent au travail d’équipe : les massues ont été remplacées par des mots ou par la rétention d’informations !

Or, pour apaiser l’inconfort lié aux réactions primitives, l’être humain a inventé un remède : le contrôle ! Tout prévoir ! Vivre dans la certitude, c’est-à-dire : une illusion !

Pourquoi Nietzsche nous dit-il que la certitude pouvait rendre fou ? Parce qu’on tente de se protéger avec ce qui n’existe pas ! La certitude devient une prison de l’esprit. C’est l’attachement à une idée qui empêche de voir toutes celles que pourrait concevoir l’imagination, tant individuelle que collective. La certitude prive de la liberté de créer. Elle accentue ainsi la peur et l’agressivité ; l’envers de ce qu’elle cherche. En tentant d’assurer la sécurité, elle tue la liberté. On peut passer sa vie à se fabriquer des certitudes et à les défendre contre d’autres certitudes alors que c’est l’incertitude qui offre la souplesse, l’accès à l’intelligence et la possibilité de se réinventer. Mais vivre avec l’incertitude implique de vivre avec le risque et l’échec. Or l’échec est lui aussi une illusion, une fabrication de l’esprit humain. Pour faire du surf sur la phrase de Nietzsche : « Ce n’est pas l’échec qui rend fou, c’est de ne pas voir l’apprentissage qu’on peut en tirer. »

Comment gérer l’incertitude plutôt que de la transmettre ?

En la reconnaissant d’abord chez soi. En l’acceptant ! On peut même le faire volontairement et consciemment. Le grand spécialiste de la communication humaine Marshall Rosenberg suggérait, lors d’une conférence – je le paraphrase – de s’arrêter quelques instants, de placer son attention sur les sensations que fait vivre l’incertitude et de dire : « Je ressens l’incertitude et je l’accepte. Elle fait partie de la condition humaine. »

En examinant régulièrement ce que nous percevons comme des menaces ! Il faut un autre temps d’arrêt pour séparer le réel de l’imaginaire ; le cerveau reptilien ne fait pas spontanément cette distinction, bien au contraire. On doit donc se poser la question (on peut le faire individuellement et collectivement) : « Qu’est-ce que mon cerveau primitif considère comme un ou des prédateurs ? » et en faire la liste. On peut alors se demander, afin de déjouer le cerveau reptilien : « Est-ce que ma survie est réellement menacée ? » et constater que ce n’est jamais le cas.

Comment vivre avec la peur d’échouer ?

En mettant à contribution tous les membres du clan ! Ce qui rassure, c’est le collectif : autrefois il était plus facile de se défendre contre un prédateur à quarante que tout seul. Aujourd’hui, ce ne sont plus les bras et les jambes qui nous permettent de nous protéger, ce sont les cerveaux et les cœurs. On doit donc mettre en place des espaces de parole pour les solliciter ; ce qui est difficile dans un monde où la réflexion est trop souvent considérée comme une perte de temps. Un des plus beaux cadeaux qu’un manager puisse offrir à ses collaborateurs, c’est le témoignage de sa confiance en leur intelligence.

 

Le Grand Entretien : Sébastien Bazin, PDG du groupe ACCOR

En cet été de reprise, quel est votre bilan ?

Au sein d’Accor, j’ai découvert des personnes formidables. La crise a révélé certaines personnalités. En bien et en moins bien. Certains ont eu des difficultés à gérer le rythme et l’anxiété. D’autres ont développé un esprit d’initiative, une émulation, de la créativité, de la force. Cela a été un moment d’expression des valeurs de ce groupe, ancrées depuis plus de cinquante ans.

Vous disiez craindre un changement de comportement de la part de vos collaborateurs : maintenant que la reprise est là, cette crainte était-elle justifiée ?

On est entrés tous ensemble, au même moment, dans un mélange de doutes, de craintes, devant une absence totale de clientèle et ce, sur tous les territoires, avec la même détresse. Les collaborateurs avaient besoin de deux choses : se rassurer auprès de leurs proches et s’investir auprès des autres. Je n’avais pas mesuré l’importance de l’individu au sein du collectif. J’ai été bluffé par de nombreuses personnes dans ce groupe. Certains n’étaient pas des directeurs, ni des chefs de service, et ils se sont révélés extrêmement présents. Que ce soit au Chili, en Russie, en Nouvelle-Zélande…

Un fonds a été alloué aux salariés, nommés heartists[1]. Quelle était la nature de ce soutien ?

Laissez-moi vous raconter comment les choses se sont passées. J’étais assis ici, dans ce même bureau de la tour Sequana, un jour de la fin mars 2020. Cette journée fut incroyable. Le matin, je reçois des d’informations d’Asie, et en moins de deux heures on s’est aperçu que toute l’Europe du Nord allait être impactée, que personne ne pouvait stopper cette première vague, que tous les gouvernements allaient prendre des mesures de confinement. Ce jour-là, il a fallu envoyer un e-mail à tous mes patrons de pays pour leur dire de fermer les hôtels dans les huit jours. À ce moment-là, on réfléchit un instant, parce qu’on se rend compte que cette décision que vous prenez, confortablement assis, à Paris, va avoir une implication personnelle sur 280 000 collaborateurs. Car, dans le monde, un tiers de nos collaborateurs sont payés à la semaine, et non au mois. Donc, 40 % de nos collaborateurs n’auraient plus de salaire, ni d’allocation, ni d’aides de leurs États. Cette décision avait donc trois conséquences : je ne savais pas s’ils auraient assez de ressources pour nourrir leur famille, je ne savais pas s’ils allaient être touchés par la maladie ni s’ils auraient les moyens d’accéder à l’hôpital.

L’après-midi de cette même journée, le conseil d’administration du groupe se réunissait de manière virtuelle. On devait approuver le versement du dividende de l’année précédente : 280 millions d’euros, confirmés trois semaines auparavant. Pendant que je prenais des décisions susceptibles de bouleverser la vie des 280 000 collaborateurs, je me disais qu’il était impensable de confirmer le versement de ces dividendes. On a donc proposé au CA et aux actionnaires du groupe de ne pas procéder à cette opération et de disposer de 25 % de ce qui devait être versé pour les heartists. Puisqu’on avait de l’argent de côté et que nous avions un programme de fidélité se nommant ALL, on a appelé ce fonds de soutien d’urgence ALL Heartists. Aujourd’hui, ce sont 90 000 personnes qui ont pu en bénéficier à travers le monde. Trente millions d’euros ont été déployés, c’est-à-dire 350 euros par personne. Dans certains pays, ce genre d’aide est gigantesque.

Dans l’hôtellerie, la restauration, certains collaborateurs, particulièrement en Europe de l’Ouest, ont pu profiter de leurs soirées, de leurs week-ends pendant les confinements : comment et pourquoi les gens sont-ils revenus au travail ?

Ils ne sont pas revenus si bien que cela. Près de 20 % des effectifs des sièges du groupe nous ont quittés ces douze derniers mois. Une personne sur cinq dans le monde a probablement quitté volontairement Accor mais aussi l’industrie hôtelière. En France, ce sont par exemple entre 20 et 25 % des cuisiniers, maîtres d’hôtels, serveurs, chefs barmen, assistants réceptionnistes qui ne reviennent pas pour l’instant, parce qu’ils ont mesuré le prix de leurs sacrifices depuis des années. Ils ont retrouvé le goût des soirées en famille, des week-ends avec les amis. Pour beaucoup d’entre eux, soit ils ont envie de changer de vie, de changer de métier, soit ils ont mis de l’argent de côté donc ils se laissent vivre pendant quelque temps, soit ils ont envie que les conditions salariales ne soient pas les mêmes, que les horaires imposés ne soient pas les mêmes.

Dans ce cas-là, qu’est-ce qu’on se dit quand on est à votre place ? « Quoi qu’il arrive je trouverai toujours des gens qui auront besoin de travailler » ou « je vais revaloriser au mieux ces tâches dites pénibles » ?

Chaque fois que je me pose une question, je commence par le diagnostic : quels sont les faits qui s’imposent à moi ? Les gens qui veulent changer de métier, c’est respectable, les gens qui ne veulent plus de métier sacrificiel, c’est entendable, les gens qui souhaitent être mieux rémunérés, mieux identifiés, je les comprends aussi. Je n’ai aucune aigreur face à ces raisonnements. Ce qui me pousse à réfléchir à ce que nous avons manqué auprès d’eux depuis des années. Et je pense à ceux qui restent. Est-ce que, eux aussi, peuvent se remettre en question et accepter de faire des nuitées alors qu’ils n’en faisaient plus depuis cinq ans, de manière à pouvoir assurer cette meilleure flexibilité recherchée ? Et puis moi, en tant que PDG, je me pose plusieurs questions : dois-je me tourner vers des gens moins formés et donc les former, dois-je trouver des gens de l’étranger en soif de travail, dois-je tendre la main différemment à ceux qui veulent revenir ? Cependant, la solution unique consistant à augmenter les salaires n’est pas viable. Il faut prendre la problématique dans un ensemble plus large. Notre industrie n’est pas suffisamment riche. Elle est trop fragile pour pouvoir payer davantage des dizaines de milliers de collaborateurs.

Quel autre type de valorisation alors ?

Probablement la mobilité, la formation. Une personne acceptera un certain nombre de sacrifices si cela ne dure que trois ans, si elle grandit au cœur de l’organisation. Quand j’étais jeune, j’ai accepté un certain nombre de contraintes pour durer et évoluer en entreprise.

Certains de vos collaborateurs vont-ils avoir besoin de plus d’autonomie, d’une personnalisation de leur mission chez Accor ?

Sans aucun doute, ils ont besoin d’être reconnus. Beaucoup de personnes ont pu démontrer leurs capacités de création et leur richesse imaginative. J’aurais dû me rendre compte de tout ce potentiel plus tôt. Il est de notre devoir d’identifier les collaborateurs qui ont envie d’avoir un destin chez nous, d’en parler avec eux, de les remercier. Vous devez leur donner plus d’agilité, de pouvoir, de facilité. Depuis le début de la crise nous avons réfléchi à l’organisation du groupe depuis cinquante ans, nous avons identifié tous nos chantiers en cours, on a appelé cela les « 7 000 tâches ». On s’est posé la question sur chaque mission : est-elle nécessaire ? Est-elle bien rémunérée, est-elle faite par les bonnes personnes, dans la bonne géographie, pour quelle rentabilité ? En faisant cela, nous avons supprimé quasi un tiers de ces missions qui, effectivement, n’étaient pas très utiles. Et nous en avons conclu que, pour redonner plus d’agilité à notre entreprise, nous devions redonner le pouvoir au terrain. Nous avons enlevé un échelon hiérarchique, celui des régions.

Parlez-nous de cette nouvelle autonomie des régions…

Cent pour cent du chiffre d’affaires du groupe sont entre les mains de 5 200 directeurs et directrice d’hôtels Accor. Moi, je ne fais que dépenser leur argent. Ce sont les personnes les plus importantes du groupe. Je dois donc leur donner « les clés du camion », comme on dit. Ils connaissent leur métier par cœur, ils connaissent leurs collaborateurs, ce sont eux qui les ont embauchés. Ils ont un lien privilégié avec leurs fournisseurs. C’est donc à eux de prendre toutes les décisions. Auparavant, nous avions trop de Français, parisiens pour la plupart, qu’on envoyait dans trop de régions, alors qu’ils n’étaient pas les plus compétents. Aujourd’hui, 99 % des décideurs locaux sont issus des régions en question. Cela change tout. L’hôtellerie est un métier passionnant. Chaque jour, vous devez faire face à deux ou trois imprévus. C’est une profession très motivante, concrète, dans l’instant présent. Vous ne pouvez pas faire autrement que d’être dans cette sensibilité-là.

De nouvelles perspectives vont-elles être ouvertes au sujet de l’équilibre vie personnelle-vie professionnelle ?

Avant j’étais obtus, je pensais que le télétravail était une échappatoire. Cela s’est révélé inexact. Les gens restent présents et ponctuels. Ce besoin d’avoir une meilleure qualité de vie et de disposer de temps, d’avoir une empreinte carbone moindre, il faut l’entendre. Et en plus, ce n’est pas au détriment de la société. Chaque industrie réagit différemment. Les banques et les assurances souhaitent que les collaborateurs reviennent en permanence sur site. D’autres, comme Google, acceptent 100 % de télétravail. Chez Accor, nous avons décidé d’autoriser nos collaborateurs à télétravailler douze jours par mois, soit trois jours par semaine. Ces jours doivent être définis avec le supérieur hiérarchique direct.

L’outil numérique vous permet aujourd’hui d’être en prise avec les attentes des collaborateurs, mais c’est un frein à vos activités liées au tourisme d’affaires…

La même cause produit des effets bénéfiques, d’un côté, et dévastateurs, de l’autre. Ce qui est fâcheux, c’est que nous risquons de perdre une partie de notre clientèle internationale, celle-là même qui partait de Singapour pour arriver à Seattle. Cette baisse de chiffre d’affaires atteindra à mon avis entre 5 et 10 % de nos ventes globales. C’est une perte importante, car ce tourisme d’affaires est extrêmement rémunérateur. Toutefois, dans cette optique de généralisation du télétravail, des salariés d’autres groupes pourront aller passer trois jours au Touquet et, donc, s’ils ont la gentillesse d’aller à l’hôtel, ils viendront chez moi le vendredi soir et le lundi soir. Autre point positif : des centaines de milliers de télétravailleurs vont avoir besoin de travailler ailleurs que chez eux. À ce moment-là, les bars, restaurants, musées et hôtels vont être des réceptacles parfaits pour ceux qui souhaitent trouver un point d’ancrage à dix minutes de leur domicile, pour travailler efficacement et en sociabilité.

Peu d’endroits sont ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre : il y a les hôpitaux, les commissariats de police et les hôtels. Aucun doute que les 5 200 établissements Accor dans le monde seront une des offres les mieux appréciées. Mais elles ne seront pas les seules. Nous réfléchissons beaucoup aux outils technologiques, qui permettent de réaliser cette interface entre une offre d’hébergement et le besoin d’un lieu pour travailler. Je vous avoue que cette attente-là m’enthousiasme beaucoup. Notre métier est de recevoir les gens, et je pressens qu’il faut travailler avec la dimension de proximité.

Vous souhaitez « faire entrer l’hôtel dans les quartiers » ?

Depuis cinquante ans, nous autres hôteliers avons été aveugles, nous nous sommes toujours adressés aux clients qui « venaient de loin », alors que nous étions dans la même avenue que le fleuriste, le droguiste et le boulanger… Jamais nous n’avons proposé une offre locale, alors qu’elle s’adresse à 5 milliards de la population mondiale. D’autres ont réussi avant nous, et c’est pour cela que nous sommes rentrés dans le lifestyle. Pourquoi les lieux d’accueil tels que Mama Shelter marchent-ils très bien ? Parce que 50 % de leur activité est faite avec les gens du quartier… Parce qu’ils ont réussi, à travers une offre de restauration et de bars, à maintenir une fréquentation entre 8 heures et 2 heures du matin. Les touristes et les locaux se rencontrent en ces lieux : c’est le début d’une transformation de l’industrie hôtelière.

Cette tendance à l’« extra-local » sera-t-elle pérenne ?

Je ne sais pas, en tout cas elle vaut le coup qu’on s’y intéresse. Dans les pays matures, comme en Europe, à la différence des pays en voie de développement où l’offre est encore standardisée, la recherche de bien-être, de rencontres, le besoin de se ressourcer sont multipliés par quatre ou cinq, c’est une évidence.

Pour accompagner les transformations du groupe, recherchez-vous des compétences particulières, de nouveaux talents ?

De plus en plus. Nous avons lancé un plan de sauvegarde de l’emploi dans tous les pays depuis plusieurs mois, et c’est très dur à expliquer. On n’est pas loin de faire partir 400 personnes en France, où pourtant nous allons embaucher le même nombre de gens. Des missions doivent être abandonnées, des personnes qui n’ont pas été suffisamment formées aussi. On a moins besoin de gens qui sont dans l’administration et on recherche des talents dans la data, l’intelligence artificielle. C’est pour cela que je m’en veux : on aurait dû former à ces nouvelles expertises ceux que nous faisons partir. Je ne sais pas s’ils l’auraient souhaité, s’ils en auraient été capables. Mais c’est très étonnant de laisser partir des collaborateurs et d’en engager autant juste après. Accor a évolué, auparavant c’était un groupe immobilier avec des propriétés d’hôtels. La location d’établissements a été cédée : on est passé d’une entreprise de biens à une entreprise de services. En termes d’ADN et de culture, les métiers ne sont pas les mêmes.

Les États vont-ils devoir légiférer sur le télétravail ?

Je ne pense pas que la législation soit utile. En revanche, il faut prendre en compte les nombreuses demandes de déplacement en région. Un Parisien qui souhaite s’installer à Bordeaux, cela ne doit pas remettre en question son salaire, quand bien même sa qualité de vie serait supérieure. Il sera là quand on aura besoin de lui. Qui devrait payer l’aller-retour ? Si c’est le choix du collaborateur, il faudra trouver un juste milieu…

Aussi, il n’y a aucun doute que les petites et grandes entreprises doivent accompagner leurs collaborateurs dans l’accessibilité à un certain nombre de lieux de travail, choisis en commun avec le salarié. Il faut que ces lieux respectent les valeurs de l’entreprise et que ce service soit gratuit pour le collaborateur. C’est ce que nous avons fait durant le second confinement, beaucoup de nos salariés ont travaillé dans les Wojo (voir l’interview de Stéphane Bensimon, PDG de Wojo, dans notre rubrique « Environnement ») près de chez eux : 40 % des 1 900 collaborateurs de Paris ont utilisé nos services de coworking à moins de quinze minutes de chez eux.

Allez-vous des accords avec d’autres grandes sociétés pour héberger leurs collaborateurs ?

Aucun doute. Ce sera mis en place. Nous discutons déjà de ce sujet avec plusieurs groupes.

En tant qu’homme, cette crise vous a-t-elle donné une nouvelle impulsion, a-t-elle justifié une implication personnelle plus soutenue de votre part ?

Vous savez, je viens tous les jours au bureau, je n’ai pas d’ordinateur, je n’ai jamais travaillé de chez moi, je ne le veux pas. En plus, c’est rassurant pour les hommes et les femmes du groupe : le gouvernail est au bureau. Je comprends et favorise le télétravail de mes collaborateurs car c’est efficace, et c’est leur qualité de vie qui en dépend. Mais, pour ma part, je ne ferai pas ce choix. Je me sens libre ainsi.

[1] Les collaborateurs du groupe sont appelés heartists, contraction de heart, « cœur » et de artist. Autrement dit, le travail est réalisé « avec la main et le cœur ».

Performance humainement durable

Performance. Humainement. Durable. Ces trois mots revêtent un sens fondamental à mes yeux.

• Performance : pour ancrer nos propos et nos investigations dans la réalité de l’entreprise d’aujourd’hui.

• Humainement : pour marquer l’angle résolument humaniste de nos engagements, avec l’idée essentielle d’un gagnant-gagnant à rechercher sans cesse entre l’entreprise d’une part, et les femmes et les hommes qui la composent d’autre part. Cette idée que j’exprime également en parlant d’un cercle vertueux entre le bien-être des personnes et la performance économique.

• Durable : qui évoque le développement durable, la soutenabilité des activités économiques à long terme. Pour ne pas dire leur raison d’être, enjeu clé fort judicieusement remis à l’honneur à la faveur de la loi PACTE de mai 2019.

La pandémie de Covid a mis en lumière l’importance de ce triptyque. En effet, dans les entreprises, l’organisation du travail et les pratiques managériales ont dû évoluer à vitesse accélérée pour préserver et promouvoir cette performance humainement durable.

Parmi les innombrables leviers qui permettent d’agir en ce sens, l’aide à la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle fait désormais partie des incontournables. Dans ce domaine, les semaines de confinement ont fait apparaître de nouvelles problématiques pour les collaboratrices et les collaborateurs. Par exemple, elles les ont contraints à faire cohabiter leur profession et l’école à la maison.

Aujourd’hui, plus que jamais, le souci du suivi scolaire est donc prégnant. Le dernier-né des Guides pratiques de l’Observatoire de la qualité de vie au travail, conçu et publié en partenariat avec les éditions Nathan, est donc dédié aux “responsabilités éducatives”. Comme son nom l’indique, ce nouveau guide éclaire sur les pratiques des employeurs les plus innovants en matière d’aide apportée aux salariés concernant la réussite scolaire de leurs enfants.

Il s’agit d’un parfait exemple d’action qu’une entreprise peut mettre en œuvre dans une optique de performance humainement durable, et ce à double titre : parce que, tout d’abord, la réussite scolaire des enfants constitue un sujet de préoccupation, voire de stress intense, pour les parents, ce qui, dans certaines situations, peut les amener à ne pas pouvoir donner le meilleur d’eux-mêmes au travail ; ensuite parce qu’aider les collaborateurs qui sont parents dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives, c’est permettre à la société tout entière de faire grandir ses futures “forces vives”. C’est donner aux entreprises la possibilité, demain, de recruter des personnes correctement formées par le système éducatif.

Le Guide Concilier vie professionnelle et responsabilités éducatives vise à sensibiliser les dirigeants d’entreprise et leurs équipes aux besoins rencontrés par les salariés-parents dans la conciliation de leur activité professionnelle et de leurs responsabilités éducatives. Il détaille aussi le comment : quelles actions concrètes une direction d’entreprise peut-elle déployer dans ce domaine ?

Ce guide est donc construit autour des principales situations rencontrées par les salariés parents :

• Se rendre disponible au quotidien pour aider ses enfants dans leurs devoirs et leurs révisions.
• Gérer l’épineuse question des écrans.
• Se rendre disponible pour participer à des réunions scolaires.
• S’organiser en cas de grève ou d’absence des enseignants.
• Être présent dans les temps forts de la scolarité, comme la rentrée scolaire, les examens ou les concours, la recherche d’un stage, l’orientation scolaire.
• Accompagner son enfant en cas de difficulté, qu’il s’agisse d’un problème de santé, de décrochage ou de harcèlement par exemple.

Des témoignages et de bonnes pratiques de décideurs RH des groupes BNP Paribas, La Poste ou Société Générale s’avèrent très éclairants. À titre d’exemples :

• La Poste propose notamment aux postiers “un accès gratuit à une plate-forme sur Internet composée d’enseignants qui aideront l’élève dans la compréhension de son cours et dans ses devoirs. Cette solution de soutien scolaire est accessible sur l’ensemble du territoire et pour tous les niveaux scolaires. Au-delà de l’aide aux devoirs, elle propose un accompagnement des enfants sur différentes problématiques liées à la scolarisation : coaching des enfants comme des parents (sur le suivi des devoirs), formulation des choix sur Parcoursup, rédaction de CV ou de lettres de motivation, mise en relation pour les stages de 3e… Des tarifs ont aussi été négociés avec deux prestataires proposant des cours particuliers et des stages de révision. Ainsi, chacun peut trouver la formule la plus adaptée à sa situation”.

• Chez BNP Paribas, l’accord sur “le temps à la carte” est “utilisé par un nombre important de collaborateurs qui peuvent ainsi organiser de manière plus souple leurs temps de vie professionnels et personnels. En effet, cet accord permet aux collaborateurs d’acquérir et d’utiliser au cours d’une année civile des droits à congés supplémentaires non rémunérés en plus de leurs congés payés. Les collaborateurs peuvent acheter entre 5 et 20 droits par an, permettant des accompagnements spécifiques pour les enfants ou l’aménagement des temps personnels supplémentaires”.

• La Société Générale met à la disposition des salariés parents une plate-forme qui “dispose d’un service d’aide aux devoirs avec plus de 25 000 profils de professeurs disponibles partout en France pour des cours particuliers à domicile dans plus de 20 matières”. Par ailleurs, le groupe bancaire organise chaque trimestre des conférences parentalité animées par des professionnels de l’enfance sur des thèmes variés : l’intelligence émotionnelle, la confiance, l’éducation positive, la fratrie… Enfin, la Société Générale verse une allocation d’études et/ou une allocation de vacances pour chacun des enfants à charge fiscale.

 

Voir aussi : Les chemins de l’épanouissement