Frédéric Mazzella : l’entrepreneuriat à coeur

 Captain Cause, c’est une solution qui permet aux entreprises de soutenir des projets à impact social et environnemental en impliquant leurs clients ou leurs collaborateurs, qui décident de l’allocation des fonds. Vous dites que cette création a du sens pour vous : vous en manquiez ? 

Je suis toujours à la recherche de sens, et si possible de « bon » sens ! Ce que permet d’offrir Captain Cause. On crée un pont entre entreprises et associations à impact social ou environnemental, ce qui développe une nouvelle relation qu’une entreprise peut avoir avec les personnes qui la font exister : ses collaborateurs et ses clients. Notre plateforme est très utilisée lors des cadeaux d’affaires de fin d’année : les clients, les partenaires ou les collaborateurs reçoivent en cadeau un don préfinancé à distribuer. Ils ont alors la responsabilité d’en faire le meilleur usage. Et cela marche : 150 entreprises se sont déjà engagées à nos côtés. Pour revenir à votre question, il est vrai que je me suis posé la question sur ma valeur ajoutée. En tant qu’entrepreneur, je voulais créer une plateforme utile. Captain Cause est un projet dont la mission me semble importante. Je crois à cet écosystème, car c’est du gagnant-gagnant-gagnant pour tous les acteurs : les entreprises, les associations et chacun d’entre nous individuellement. On permet aux entreprises de débloquer des fonds comme elles ne l’ont jamais fait, avec leurs parties prenantes : clients et employés. C’est une action collective dans laquelle on va utiliser une ressource puissante de l’entreprise – l’argent généré par son activité – pour aller financer des projets à impact. Et cela répond à une attente des parties prenantes, qui sont des humains. Je crois que l’humanité est naturellement portée par des projets positifs. Aujourd’hui, face aux enjeux de notre société, 93 % des gens disent vouloir agir mais ne savent pas comment, quand 90 % attendent que les entreprises et les marques s’engagent, notamment face au changement climatique. À grands problèmes, grands moyens, et cela amène naturellement chacun à penser que les entreprises sont à même d’agir, puisque ce sont des acteurs puissants. 

Vous donnez la chance à des entrepreneurs pourvoyeurs de solutions environnementales et sociales. C’est par eux que passera la transition ? 

En tout cas le statu quo n’est pas la solution ! C’est bien en faisant autrement que nous inverserons la tendance. Plus les structures sont petites, plus elles arrivent à évoluer vite : on y est créatif, on innove. Dans une grande structure, on optimise l’existant : ce n’est pas la même démarche, mais toutes les structures doivent évoluer. Captain Cause permet aujourd’hui d’aider les petits projets à impact, avec le soutien des clients et des collaborateurs, et cela crée un terrain propice à une transition des entreprises. Notre action n’est pas qu’un voeu pieux, nous nous sommes fixé un objectif chiffré : distribuer un milliard d’ici à cinq ans. 

Le patron doit communiquer sur l’impact de son organisation. Est-ce une responsabilité ou une contrainte ? 

Ni l’un ni l’autre, c’est un fait. Et nous n’avons plus le choix. Beaucoup d’entreprises, hélas, sont entraînées dans une forme d’inertie, de business as usual. Elles sont souvent lancées comme des paquebots, et c’est compliqué de les faire tourner. Les personnes emmenées sur ce paquebot demandent qu’on change de cap mais n’y parviennent pas, et elles sont entraînées par la machine… Les salariés ne voient pas comment leur temps de travail, de productivité, d’efficacité répond aux problèmes relayés tous les jours par les médias. Et cela crée forcément un inconfort. 

Cette dissonance cognitive est-elle également présente chez certains patrons ? 

Chez certains, bien sûr, mais ils sont dans la logique de servir l’actionnaire et doivent répondre à une feuille de route basée sur la croissance et la rentabilité. Tout en se posant ces questions, ils font ce qu’on leur demande de faire : leur devoir est de servir une entreprise à profits. Mais l’important réside dans l’alignement entre paroles et actes. Aujourd’hui, tout ce que l’entreprise fait va être rendu public, visible, à un moment ou à un autre. Et il est suicidaire d’avoir un discours qui ne corresponde pas à ses actes. Les entreprises ont une obligation d’alignement, une ligne à trouver entre transparence totale et confiance totale. 

BlaBlaCar vient de publier son premier rapport d’impact. Un audit détaillant ses contributions sociales et environnementales… 

Je souhaitais que BlaBlaCar associe technologie et mobilité verte, inclusive et accessible. Nous contribuons désormais à économiser plus de 1,5 million de tonnes de CO2 chaque année : grâce au covoiturage, le nombre de voitures nécessaires pour transporter le même nombre de personnes diminue. Et les trajets partagés facilitent les rencontres humaines. Notre communauté de voyageurs, pleine d’interactions bienveillantes, compte aujourd’hui plus de 100 millions de covoitureurs dans le monde. Enfin, dernier chiffre, ce rapport extra-financier évoque les 450 millions d’euros économisés par les conducteurs grâce au covoiturage. 

Président de BlaBlacar et de Captain Cause, vous êtes également coprésident de France Digitale, auteur du livre Mission BlaBlaCar et animateur de l’émission-podcast Les Pionniers, sur BFM Business. Quel est le lien entre toutes ces casquettes ? 

L’inspiration par l’action, autrement dit l’envie d’agir. Et c’est très large. Dans mon émission, j’ai reçu des personnalités très diverses, toutes passionnées et passionnantes : Rodolphe Delord, PDG du ZooParc de Beauval, Claudie Haigneré, spationaute, Marc Simoncini, créateur de Meetic et d’Angell, ou encore Marc Levy, l’écrivain, Bertrand Piccard, l’explorateur, et Messmer, l’hypnotiseur. Ils ont des esprits d’explorateur. Je voulais aller chercher cette diversité dans les manières d’explorer. L’autre valeur mise en avant dans Les Pionniers, c’est le travail : on constate à quel point rien ne se fait sans travail. C’est à l’opposé de la culture du paraître ou de la décorrélation entre travail et succès que l’on peut voir dans certaines téléréalités ou sur les réseaux sociaux. 

Lorsque l’on parle de scale-up comme la vôtre, on évoque des success stories. Cette réduction de langage évoquant une forme de facilité vous agace-t-elle ? 

C’est le résultat de raccourcis naturels : c’est plus simple d’imaginer un chemin direct et court derrière un succès que d’aller analyser les méandres et les obstacles surmontés pour arriver à bon port. BlaBlaCar est issu d’une expérience personnelle : lors d’un déplacement de fin d’année, je réalise un trajet en voiture de 500 kilomètres, faute de place disponible dans les trains. C’est le point de départ d’une réflexion pour trouver une solution qui permettrait de repérer les places vides dans des voitures qui réaliseraient le même trajet. On peut alors penser qu’une fois l’idée trouvée « l’intendance suivra », mais, pour l’entrepreneur, il n’en est rien : il doit tout construire brique par brique. Il ne faut pas chercher d’ascenseur, les entrepreneurs prennent toujours les escaliers ! Plus récemment, j’ai créé Captain Cause en voyant des jeunes de 20 ans défiler pour la Marche du climat avec des panneaux affichant : « Quand je serai grand, je voudrais être vivant ! » Je me suis dit que le moment était venu de lancer Captain Cause ! 

BCG X : les enjeux de la transfo digitale

Pour Camille Brégé, l’équilibre entre l’angle tech et l’angle business se révèle essentiel pour la réussite d’une transformation digitale : « Le plus difficile, quand on crée un actif digital, ce n’est pas la partie technique, mais la partie business process qui va avec, et qui comprend par exemple l’acculturation des collaborateurs. La question de l’accompagnement est donc centrale. La règle d’or en la matière est 10/20/70 : 10 % des efforts résident dans la construction de l’algorithme, 20 % dans son implémentation dans les systèmes d’information existants, et 70 % dans l’intégration dans les modes de travail des équipes au quotidien. Ces 70 % constituent la clé de la dimension humaine de l’IA et elle est la plus importante. Elle ne doit surtout pas être sous-estimée. C’est la raison pour laquelle nous travaillons avec nos clients sur les questions de gestion du changement et de la formation. »

 

Un modèle collaboratif pour impliquer l’ensemble des utilisateurs

BCG X travaille sur la base d’un modèle collaboratif, qui mobilise un grand nombre de parties prenantes, des membres de la direction aux collaborateurs en passant par les équipes techniques et les managers. « Il faut que les interlocuteurs business, les représentants du comité exécutif et les utilisateurs soient impliqués. Sinon on risque de construire quelque chose hors-sol », explique Camille Brégé. Le soutien des équipes dirigeantes est aussi essentiel : « Sans support affirmé de la part de la direction, les transformations échouent. »

Convaincre les collaborateurs, parfois dubitatifs, de l’impact positif de l’IA fait également partie de l’accompagnement proposé par BCG X : « Nous pensons que l’IA apporte de la valeur si elle est combinée à l’humain. Il convient de composer avec des algorithmes, des intuitions business et de la stratégie. »

En plus d’apporter « une plus grande confiance dans les décisions prises parce qu’elles sont sous-tendues par des simulations et par de la donnée transparente », l’IA a pour atout, par son caractère transverse, d’améliorer l’expérience collaborateur : « La data et le digital aident à casser les silos, ce qui permet au collaborateur de prendre du recul et d’avoir une meilleure compréhension des enjeux auxquels l’entreprise est confrontée, et donc de se dire qu’il peut contribuer à les résoudre. Si on l’appréhende de la bonne manière, l’IA permet d’apporter plus de sens. »

En Europe, les femmes n’occupent que 18 % des emplois du numérique

La Commission européenne a publié en décembre dernier un tableau de bord sur la place des femmes dans le monde du numérique, et les écarts sont encore très prononcés entre les sexes, puisque « seulement 18 % des spécialistes des technologies de l’information et de la communication sont des femmes », selon les mots de Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive de la Commission.

Dans le classement des pays, la Finlande, le Royaume-Uni, la Suède, le Danemark et les Pays-Bas occupent les cinq premières places, tandis qu’en bas du tableau se trouvent la Bulgarie, la Roumanie, la Grèce et l’Italie.

La France se classe 9e, l’Espagne 10e, et l’Allemagne 12e. « Pour être à l’avant-garde de la transition numérique, notre industrie doit exploiter pleinement le potentiel de compétences de l’Europe et encourager les talents des femmes », déclare Thierry Breton, le commissaire au marché intérieur, qui promet de consacrer « au moins 20 % du fonds pour la reprise et la résilience au numérique », dans le but d’« ouvrir la voie au renforcement des compétences informatiques des femmes dans toute l’UE ».

Tous en selle !