Pascal Demurger, le précurseur

À la tête de la Maif depuis treize ans, vous dites qu’au début votre management était classique. Et cela a « coincé ». Pourquoi ? Oui, mon expérience précédente s’était déroulée dans l’administration publique, à la direction du budget de Bercy. Je voyais les choses de façon assez traditionnelle, et cela a posé un sujet d’intégration au sein de la Maif. Je ne comprenais pas très bien les particularités de la société, et, en même temps, l’entreprise était dubitative car c’était la première fois qu’un dirigeant, qui plus est un énarque, venait de l’extérieur. Avec tous ces facteurs, il y avait des suspicions et des doutes à mon égard. Cela s’est confirmé lorsque j’ai mené des réorganisations : les négociations ont été assez âpres, jusqu’à ce que l’entreprise m’oppose une vraie résistance. Heureusement, cette période n’a pas duré, et la situation a évolué aux alentours de 2010, grâce à plusieurs facteurs. J’ai d’abord été marqué par une remarque d’une personne qui travaillait avec moi. Elle m’a fait prendre conscience de l’impact de mes décisions sur l’épanouissement et l’équilibre psychologique de mes équipes. J’ai su que je pouvais insuffler une culture bienveillante et attentive, ou, au contraire, faire naître une politique plus dure et concurrentielle. Un autre tournant a été de me rendre compte que les considérations éthiques, au cœur de la MAIF, de chaque réunion de travail, étaient toujours vécues en opposition à la performance. J’ai considéré au contraire que l’éthique ne devait pas être vécu comme un frein à notre activité : elle devait être susceptible de l’enrichir. Enfin, le dernier facteur  était personnel : à cette époque, j’ai eu de longues conversations avec mes enfants, qui m’ont fait prendre conscience des enjeux écologiques et sociaux qui les préoccupaient.  Je me suis donc donné comme objectif de construire une stratégie qui mêle engagement et performance. Cela a été le point de départ des initiatives menées à partir de 2013.

 

Vous parlez de vos débuts chahutés avec beaucoup d’honnêteté. Craignez-vous, parfois, d’être trop transparent ?

J’en ai eu peur pendant longtemps. Mais aujourd’hui je n’ai plus d’appréhension à être transparent : n’ayant rien à cacher ni à masquer, je me sens totalement aligné avec mes engagements. Je n’ai pas honte de mon parcours, beaucoup d’autres personnes ont vécu un chemin similaire. Une autre raison susceptible d’expliquer cette transparence réside dans l’image que je veux imprimer dans l’esprit de celles et ceux que je rencontre. Je veux laisser sous-entendre que, peu importe l’endroit où nous sommes, il ne faut pas avoir peur d’évoluer et de progresser. D’une certaine manière, le dire sans fard et sans orgueil autorise tout le monde à emprunter cette même voie.

 

La Maif vous a fait évoluer, dites-vous, et elle continuera d’exister après vous. Le leader est-il également un passeur ?

Je suis totalement en adéquation avec la double dimension de passage et de service. La conscience de sa responsabilité passe aussi par le fait de savoir que nous sommes présents pour un moment donné. Cela conduit à vouloir léguer un héritage à la hauteur de ce que l’on a reçu. Je crois en la notion de servant leader, car j’ai pleinement conscience que tout se fait en dehors de moi. Ma mission est de faire en sorte que les conditions des 9 000 collaborateurs de l’entreprise soient les meilleures possible. J’entends par là, un épanouissement personnel qui anime à la fois leur motivation et leur engagement. Pour résumer, les salariés doivent se sentir dans une communauté solide. De ce fait, mon rôle est ainsi d’offrir un confort psychologique pour que chacun donne le meilleur de lui-même.

 

Seriez-vous le même patron à la tête d’une entreprise cotée ? De toute évidence, je n’aurais pas la même marge de manœuvre parce que je devrais rendre des comptes tous les trimestres avec des contraintes de valorisation de dividendes. Par exemple, au début du confinement, en mars 2020, nous avons pris la décision de rembourser nos assurés de leurs primes d’assurance automobile correspondant à la période du confinement, puisque les voitures ne circulaient plus. Cette mesure aurait été difficile à mettre en oeuvre dans une autre compagnie, d’autant plus dans un fonctionnement traditionnel. 

 

On vous dit souvent que le modèle d’entreprise responsable est facilement applicable quand on n’a ni actionnaires ni concurrence… Comprenez-vous cette opposition ?

La MAIF est enserrée dans les contraintes de la concurrence qui vient en partie d’entreprises internationales et est donc soumise aux mêmes exigences de performance et d’efficacité opérationnelle. Et, avec le temps, j’ai aujourd’hui la certitude que l’engagement crée de la valeur, y compris de la valeur économique, pour l’entreprise. Surtout, les dirigeants n’ont plus le choix : ils doivent s’engager, la pression est forte au sein des entreprises, au niveau de la réglementation et de la part des consommateurs. Même si un patron n’est pas sensible aux problèmes écologiques et sociaux, il peut recevoir suffisamment de signaux pour prendre conscience de cette urgence. Là où la question peut paraître désuète, c’est quand on observeles résultats extrêmement positifs que nous pouvons avoir en mettant les choses dans le bon ordre. Il y a une dizaine d’années, j’avais organisé un séminaire pour les managers afin de leur présenter le management par la confiance et les inciter à s’y lancer. Je me souviens leur avoir dit que le seul objectif à avoir, en tant que manager, n’était pas l’efficacité opérationnelle, les résultats quantitatifs ni la productivité, mais bien l’épanouissement des collaborateurs. Évidemment, ce sujet étonnait tant il semblait contre-intuitif. Mais quand vous le faites de manière sincère, vous obtenez un alignement total entre les aspirations individuelles de chacun et la stratégie de l’entreprise. Cela se manifeste notamment par le niveau de motivation des collaborateurs. Nous l’avons mesuré en dix-huit mois avec une baisse de 25 % de l’absentéisme. Les personnes travaillant à nos côtés peuvent éprouver un certain attachement à l’entreprise et peuvent devenir, au fur et à mesure, de véritables ambassadeurs.

 

Vous êtes coprésident d’un mouvement d’entrepreneurs et de dirigeants engagés dans la transition écologique et sociale, Impact France. Cette décision est le fruit d’un cheminement. Pendant une dizaine d’années, je me suis focalisé sur la Maif. Avec une logique d’impact et de contribution, considérant que cela en valait la peine. J’avais deux objectifs : gagner en performance et en attractivité et, en parallèle, avoir un impact sociétal fort. Après diverses sollicitations dans mon environnement professionnel, je me suis rendu compte que mon engagement devait aller plus loin. J’ai donc écrit, en 2019, L’entreprise du XXIe siècle sera politique ou ne sera plus. J’explorais dans ce livre ce cheminement incontournable que doit avoir un dirigeant. À la suite de cette publication, j’ai eu une visibilité plus importante. J’ai été amené à témoigner et à diffuser mes idées dans des événements ou dans d’autres entreprises. Malheureusement, les prises de conscience évoluent assez lentement. Je devais passer à l’étape suivante : toucher les pouvoirs publics, pour faire évoluer le cadre réglementaire et fiscal pour qu’il incite les entreprises à s’engager.  A titre personnel, j’ai publié, en 2022, un rapport à la Fondation Jean-Jaurès allant dans ce sens. Ensuite, j’ai été sollicité par les coprésidents sortants d’Impact France  pour prendre la tête du  mouvement avec Julia Faure et j’ai compris que c’était une occasion unique d’amplifier l’impact que l’on peut avoir. 

 

Vous proposez d’intégrer des entreprises plus classiques telles que SNCF ou Doctolib. Cela a été mal vécu par certains. Comment l’expliquez-vous ?

Cela a été mal vécu par une poignée de personnes ayant un écart idéologique important et considérant qu’elles ne peuvent se regrouper qu’avec des entreprises complètement pures dans leurs engagements. Les entreprises en phase de transition qui souhaitent faire évoluer leurs pratiques sont encore trop éloignées de ce que ces personnes recherchent. Je considère que l’objectif est d’avancer le plus vite possible, pour faire face à l’urgence et, à terme, transformer l’économie française. Pour cela, il faut embarquer des entreprises plus importantes à condition qu’elles soient dans une transition sincère. C’est ce projet qui a été validé par près de 90% des adhérents du mouvement.

 

Aujourd’hui, vous êtes écouté, les médias vous invitent, le grand public apprécie votre militantisme. Vous avez pris position pour une autre forme de redistribution des bénéfices, plaidant pour limiter les superprofits en période de crise. Est-ce que vous vous êtes fait des contradicteurs ou des ennemis parmi vos homologues ?

J’ai eu des contradicteurs bien sûr, mais en nombre réduit. En réalité, ceux qui n’entendent pas ce discours sont ceux qui ont intérêt à y résister.  et qui ne comprennent pas que le XXIe siècle est basé sur l’engagement. L’irruption de patrons d’un nouveau genre peut les interroger. Finalement qui sommes-nous ? Des militants ou des patrons ? Le fait de croiser ces deux catégories dérange les acteurs qui s’accommodent des oppositions cristallisées. Mais l’immense majorité des dirigeantes et dirigeants que je rencontre ont pleinement conscience de la nécessité de s’engager. 

 

Cet engagement vertueux qui est le vôtre est totalement aligné avec celui de la Maif et même au-delà. Comment imaginez-vous votre avenir ? Dans la sphère politique ?

L’après, pour ma part, c’est mon implication auprès d’Impact France. Mais, vous savez, ce que nous abordons depuis le début de cette interview est politique. Pour moi, l’entreprise devient un objet politique au sens où on ne la conçoit plus comme une entité isolée du reste du monde. Si elle a des impacts, positifs comme négatifs, elle a une responsabilité qui est d’ordre politique sur la cité. La question qui se pose alors est : comment mettre en œuvre cette conviction ? Est-ce que c’est en démontrant que nous pouvons transformer le modèle de l’entreprise en pratique ? Est-ce que c’est en prenant la tête d’un mouvement d’entreprises qui se veut puissant et influent ? Ou d’un ministère ? Pour ma part, j’ai choisi les deux premières solutions. Au fil des années, il y a eu une relation particulière et extrêmement forte qui s’est nouée entre la Maif et moi. Cette relation est si stimulante que je ne veux surtout pas m’en priver. Et cet engagement, je le poursuis pleinement avec Impact France…

UpCoop : des salariés-sociétaires

En quoi l’organisation d’une Scop diffère-t-elle de celle des entreprises de l’économie traditionnelle ? 

Le fonctionnement d’une coopérative de salariés est régi sur le principe d’une personne égale une voix, ce qui fait que la coopérative est une entreprise qui privilégie le capital humain au capital financier. À partir de ce principe, trois éléments nous différencient fortement d’une entreprise classique. Le premier c’est une gouvernance démocratique. Nous avons un mode de gouvernance qui est basé sur le fait que ce sont les salariés-sociétaires qui élisent parmi leurs pairs les membres du conseil d’administration. Ceci nous impose de la transparence et de la communication et nous implique de rendre compte, non pas à des actionnaires privés extérieurs, mais aux salariés sociétaires qui nous ont fait confiance. Le deuxième élément c’est la question de la répartition du fruit du travail. Le partage de la valeur, nous le pratiquons de façon égalitaire, puisque les résultats de l’entreprise sont répartis de manière équitable entre l’ensemble des salariés. Et le troisième élément, qui est un élément historique, c’est la place du dialogue social. Nous avons été créés par des partenaires sociaux et nous savons que dans chaque entreprise la réalisation des objectifs ne peut se faire qu’en coopérant pour faire adhérer l’ensemble des salariés à un projet stratégique, et cela passe par un dialogue social respectueux et constructif. 

Ces trois éléments jouent-ils dans l’engagement des collaborateurs ?

En rejoignant la coopérative, le salarié va devenir sociétaire. Il entre avec un contrat de travail, mais il s’engage ensuite en tant que personne qui a été cooptée par ses pairs, qui lui proposent de partager l’aventure offerte par la coopérative. Chacun est impliqué, est un acteur de l’évolution de l’entreprise. Salariés-sociétaires, nous sommes tous entrepreneurs, donc force de proposition, voire force d’action, pour permettre à l’entreprise de se développer. Cet élément-là est très important dans la notion d’engagement, et ça va même plus loin que l’engagement. C’est très responsabilisant !  Le salarié n’est pas qu’un salarié : c’est un sociétaire, donc un citoyen qui est acteur de la démocratie en entreprise. 

UpCoop a récemment pris deux décisions fortes : séparer les fonctions de Président et de Directeur Général et devenir une entreprise à mission. Pouvez-vous nous expliquer les raisons de ces choix ?

La dissociation des mandats est une orientation que j’avais défendue lorsque j’ai pris mes fonctions de PDG. Après 60 ans d’existence, notre coopérative fédère autour d’elle 60 entreprises dans 23 pays. Nous sommes confrontés tous les jours à des problématiques entre faire vivre l’esprit coopérative et gérer un groupe de 3 200 personnes. Ma conviction a été de bien dissocier les rôles.

Et de ce fait là, j’ai donc engagé et accéléré le processus nous amenant à devenir une entreprise à mission parce que je pensais que le fait d’être une Scop ne suffit plus pour épouser tous les sujets auxquels une entreprise doit répondre. J’ai considéré qu’en rajoutant aux statuts de la coopérative les statuts d’une entreprise à mission, cela nous obligeait à intégrer quelle est notre contribution sociétale aujourd’hui, et quelle est notre contribution environnementale. 

Comment travaillez-vous avec toutes les parties prenantes pour réduire l’empreinte carbone de vos activités ? 

Nous considérons les salariés et les collaborateurs du groupe comme des citoyens, et la question de la formation à ces sujets-là nous paraît normale. Aussi, nous les invitons tous à travailler sur la Fresque du climat, à mettre en place des actions de sensibilisation autour du gaspillage alimentaire, des économies d’énergie, d’une consommation plus responsable. Le deuxième point c’est comment nous accompagnons nos partenaires, les collectivités locales, pour mettre en place des dispositifs et des actions qui permettent d’améliorer l’impact environnemental. Nous avons été les premiers à accompagner certaines associations sur des dispositifs de type chèque alimentation durable, ou les collectivités sur le chèque énergie pour faciliter le financement de dispositifs permettant de faire des économies d’énergie dans les familles. Nous sommes aussi partie prenante pour développer le commerce de proximité. 

Comment aidez-vous les collaborateurs à avoir un impact social et environnemental positif à travers leur mode de consommation ? 

Il est fondamental que nous puissions, grâce à la digitalisation et aux nouvelles technologies, faciliter des modes de consommation responsables. On peut imaginer que les personnes qui détiennent nos titres restaurants UpDéjeuner ou des titres cadeau puissent être sensibilisés à les orienter plutôt vers des commerçants et partenaires qui ont pris la décision d’avoir des comportements vertueux en proposant des produits qui sont les moins consommateurs en matière environnementale. Avec le programme Up+, c’est déjà possible. Nos produits doivent avoir pour ambition première d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés et des citoyens, mais ce sont aussi des produits qui, avec l’évolution de la société, les nouvelles problématiques qui se posent et la digitalisation qui est un atout, peuvent contribuer à une meilleure consommation, une consommation plus vertueuse et meilleure en matière d’impact environnemental. 

Tribune : Pour une souveraineté stratégique : la raison d’être… d’un débat

En résumé : face à l’urgence planétaire et à la quête de sens, la politique a sommé les entreprises de manifester leur adoration de l’écosystème et de mettre en conformité leur marché avec cette injonction. Et ces dernières se sont oubliées dans une pratique mimétique. Chacun « agit pour accélérer la transition vers une économie neutre en carbone », « concilie performance économique et impact positif sur les personnes et la planète », « donne les clés d’un monde numérique responsable », « veille à une mobilité respectueuse »… Pour obtenir un tel résultat : des mois de travail, des codir spécifiques, l’interne interrogé participatif oblige, le tout pour une divine révélation souvent banale.

Ce sont les conditions matérielles et sociales de l’existence qui ont déterminé la conscience d’une entreprise et lui ont donné sa raison d’agir.

La pratique de la raison d’être aide à se situer dans la société, ce n’est pas rien… Mais l’expérience montre qu’elle ne permet pas d’intégrer une vision stratégique souveraine.

À l’étranger, cette pratique est intégrée dans un purpose la liant aux offres et aux actifs.

Les réactions : excellente surprise, un raz de marée de gens ravis de se libérer du dogme ; et d’autres, minoritaires heureusement, arguant qu’il n’y avait ni effet du temps ni injonction politique dans le fait d’avoir le titre de… directeur du pôle raison d’être, ou d’être à la tête d’entreprises nommées « raison d’être conseil ». Mais l’intégration du purpose en France, il y a vingt ans, n’a pas vu éclore de « directeur du purpose ». Le refus, dans la discussion, de voir le conflit d’intérêts est abyssal, comme la confusion entre l’existence (être) et la foi (croire).

Mais rien n’est plus passionnant que de confronter les écoles.

La finance durable fait l’objet de batailles et, jusqu’ici, a peu d’impact sur la valorisation des entreprises : on en pense quoi ?

Des actionnaires minoritaires s’opposent à des conseils d’administration que la raison d’être ne protège pas : on change quoi ?

Le terme « extra-financier » semble condamné à être différent de celui de « financier » : quelle stratégie donne une vision unifiée de l’action ?

À Reputation Age, nous avons assumé l’immense responsabilité de proposer au marché la « souveraineté stratégique », une urgence à l’heure où les entreprises s’épuisent à courir après des positionnements à la mode, des captations d’externalités insoutenables, les doxas durables. Le succès est étonnant et nous touche énormément. D’immenses entreprises armées pour vingt ans de stratégies professionnelles complètes, mais banales et non souveraines, nous ont demandé de travailler pour elles.

Ce débat est un signal faible de l’époque. De plus en plus de gens amoureux d’un futur durable, extérieurs au marketing, n’ayant été ni nourris à la micro-économie compétitive ni habitués génétiquement à lier la communication des entreprises aux demandes de vertu, s’emparent de celle-ci. C’est la version 2023 des communicants de 1990-2010.

Ce n’est pas grave, mais on perd du temps. La France n’est ni anti-économie ni pro-économie, elle demeure pour une partie… a-économie. λ

Quand le climat dessine sa fresque en entreprise

Lorsqu’il pense La Fresque du climat, en 2018, le Nantais Cédric Ringenbach, ingénieur, conférencier et enseignant spécialisé dans le changement climatique, se donne un objectif ambitieux : accélérer la compréhension des enjeux climatiques au niveau mondial pour contribuer à déclencher les bascules nécessaires à la préservation de la planète et du vivant. S’appuyant sur le postulat que « pour agir, il faut comprendre », il conçoit un jeu de cartes pédagogique, nourri d’informations scientifiques vulgarisées du Giec (Groupe international des experts pour le climat), pour inviter les « joueurs » à dessiner ensemble, durant trois heures, un cheminement graphique qui part du problème, expose ses causes et dégage des solutions et des pistes d’action générées de façon collective par les participants eux-mêmes. Cinq ans plus tard, 1 million de personnes, citoyens lambda, étudiants ou encore organisations et entreprises, ont participé à ce jeu climatique pédagogique et ludique colporté dans 130 pays. La part des entreprises représente à elle seule près de 35 % des participants.

« Une claque » fédératrice

« Dès ses débuts, La Fresque du climat a été sollicitée par les entreprises qui ont des stratégies de développement durable. Elle est perçue comme un outil de référence qui permet aux collaborateurs de s’approprier le défi de l’urgence climatique », expose Thomas Dayraud, directeur offres et programme au sein de l’association La Fresque du climat. Une sensibilisation « choc » qui fait l’effet « d’une claque » et qui a le don de provoquer l’effet recherché par les dirigeants. « Pour s’inscrire dans la transition, les entreprises ont besoin d’embarquer leur staff et leurs collaborateurs avec elles pour les informer des changements qu’elles vont mettre en place, mais aussi les impliquer. C’est une étape essentielle. » EDF, Decathlon, La Poste, Saint-Gobain, Airbus… Autant de groupes qui l’ont compris. Les deux premiers ont ainsi formé quelque 70 000 de leurs collaborateurs aux enjeux climatiques par le biais de La Fresque du climat, sur un rythme moyen d’une fresque animée par mois sur deux ans, en fonction de la taille de l’entreprise.

Des référents « fresqueurs » au sein de l’entreprise

Pour permettre un déploiement à grande échelle, l’association forme un collaborateur interne à l’entreprise qui devient l’animateur et le référent officiel Fresque du climat au sein de la structure. « Ces dynamiques permettent au jeu de pouvoir se déployer dans différents pays grâce aux branches internationales des groupes, comme Saint-Gobain, par exemple, qui a des équipes au Brésil », détaille Thomas Dayraud, précisant que 75 % des entreprises du CAC 40 ont aujourd’hui recours à cet outil pour impliquer leurs équipes dans la transition. « Chaque mois nous sommes sollicités par des centaines d’entreprises de toutes tailles, de plus en plus à l’international. En 2022, la proportion des demandes était de 90 % pour la France et de 10 % pour l’étranger. Cette année, on est à 80 % (20 % pour l’étranger). Dans les années à venir, la France ne sera plus qu’un pays parmi les autres », projette le responsable, dont l’association est aujourd’hui implantée en Suisse, au Royaume-Uni, en Espagne et en Belgique. Dans les mois et les années qui viennent, La Fresque du climat vise un déploiement massif de son dispositif dans d’autres pays (notamment aux États-Unis et au Canada), en renforçant l’outillage du jeu.

 

Trois questions à Emmanuel Delannoy, cocréateur de la Fresque de l’Économie régénératrice.

Comment l’idée de créer une Fresque autour de l’économie vous est-elle venue ?

L’idée était de concevoir une fresque tournée vers une économie qui inclue les grands principes de la permaculture. Soit une économie qui intègre les communs, c’est-à-dire tout ce dont l’entreprise bénéficie dans son fonctionnement mais qui ne lui appartient pas.

Quels sont les grands axes de cette fresque ?

Elle se déroule en quatre parties. La première vise à présenter les cycles de vie des produits et à démontrer que l’économie d’aujourd’hui n’est pas circulaire. La seconde, les systèmes dans lesquels l’entreprise s’insère, les communs sociaux et environnementaux. La troisième dresse un arbre des causes qui permet de soulever ce qui ne va pas dans l’économie actuelle et de mettre à jour le pourquoi. Enfin, la quatrième présente les piliers de l’économie régénératrice et ses intentions, ses référentiels et ses outils et méthodes, en se basant sur le principe du respect du vivant, en remettant les communs environnementaux, absents de l’économie actuelle, au centre.

Quel est l’objectif de cette fresque ?

Pour l’entreprise, elle est un premier pas vers la régénération. Le but est qu’elle lui donne l’envie de mettre en place ce type d’économie, alternative et complémentaire à l’économie capitalistique, dans son système de gouvernance et son modèle économique.

 

People at Work vous en dit plus sur l’affichage environnemental

Quelles seront exactement les obligations des entreprises en termes d’affichage ? Selon quel calendrier ?

 

Il est utile de préciser tout d’abord la distinction entre affichage environnemental, qui fait référence à des informations quantifiées et factuelles, souvent normées et publiées de manière obligatoire, et allégation environnementale, souvent qualitative et qui s’inscrit dans une démarche volontaire de l’entreprise afin de valoriser un produit considéré plus performant que la moyenne d’un point de vue environnemental.

En France, quelques informations relèvent déjà de l’affichage environnemental obligatoire sur certains produits, comme l’étiquette énergie ou l’indice de réparabilité. La loi Climat et résilience prévoit par ailleurs un dispositif d’affichage environnemental sur les produits textiles et alimentaires, pour l’instant expérimental, mais destiné à être rendu obligatoire. Il pourrait s’agir d’un affichage présent sur le produit ou dématérialisé informant le consommateur des impacts du produit, calculé sur l’ensemble de son cycle de vie. Prévue pour 2022, cette régulation a été repoussée et le calendrier n’est pas encore fixé. Les expérimentations touchent cependant à leur fin, ce qui laisse présager des publications proches.

Plusieurs projets de directives européennes sont également en train de voir le jour, principalement pour réguler les allégations environnementales. La dernière en date est la directive « Empowering consumers » [1], adoptée en mai, et qui interdit toute allégation environnementale insuffisamment fondée factuellement et scientifiquement. Son entrée en vigueur est immédiate, avec deux ans prévus pour la transposition par les Etats membres. Elle sera complétée par la directive « Green Claims »[2] qui devrait quant à elle être effective en 2027, et renforcera les exigences méthodologiques de l’affichage environnemental.

 

 

Quelles catégories de produits seront concernées par ces réglementations ?

 

En France, les catégories concernées pour l’instant sont principalement les secteurs agro-alimentaire et textile, ainsi que certains produits électriques et électroniques dans le cadre de l’indice de réparabilité. La liste des catégories concernées est amenée à évoluer pour inclure davantage de produits au fil des ajustements méthodologiques.

La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (dite loi AGEC) prévoit également que les produits soumis à une responsabilité élargie du producteur (REP) comprennent des informations sur des caractéristiques environnementales précises, comme le pourcentage de contenu en recyclé ou la recyclabilité du produit. C’est le cas des emballages ménagers par exemple, mais aussi de certains produits d’ameublement, d’emballages, de jouets…

 

 

Quelle sera la méthodologie de calcul de l’impact d’un produit ?

 

Les méthodologies sont encore en cours de définition.

En France, l’ADEME a lancé pour expérimentation l’outil Ecobalyse[3], qui permet pour les secteurs textile et agro-alimentaire de calculer l’empreinte environnementale d’un produit. Une méthode de calcul définitive devrait ainsi voir le jour d’ici la fin de l’année 2023.

 

Au niveau européen, le projet de directive « Green claims » vise à formaliser la méthodologie de certification des allégations environnementales. Elle inclut des critères comme la prise en compte de l’intégralité du périmètre du cycle de vie du produit et de ses impacts environnementaux, ou le recours à des standards scientifiques reconnus. Elle prévoit l’interdiction de communiquer sur la neutralité carbone d’un produit ou d’une activité si celle-ci est fondée exclusivement sur la compensation des émissions de gaz à effet de serre. Par exemple, une entreprise qui émet des gaz à effet de serre mais en compense une partie en plantant des arbres ne pourra pas « déduire » de son bilan carbone ces émissions, ni prétendre que son produit est « neutre en carbone » alors qu’il a bien émis du gaz à effet de serre lors de sa production.

Les sources de données à utiliser sont également précisées par le régulateur, qui indique de privilégier autant que possible les données « primaires », c’est-à-dire issues directement de l’entreprise ou les données des fournisseurs, et seulement si nécessaire des informations plus génériques telles que des données sectorielles ou des bases de données tierces.

 

 

Est-ce que cela va vraiment aider le consommateur à se repérer ?

 

L’objectif des évolutions réglementaires sur l’affichage environnemental et l’encadrement des allégations est bien de permettre aux consommateurs de faire des choix de consommation éclairés, tout en mettant fin aux pratiques commerciales trompeuses ! En supprimant les allégations trop génériques ou peu fiables (« vert », « responsable ») au profit d’un affichage environnemental factuel, il sera aussi plus facile d’identifier les produits effectivement plus performants.

Pour le régulateur français, il s’agit d’orienter les consommateurs vers les produits les plus performants au sein d’une même catégorie (par exemple, quel est le meilleur gel douche d’un point de vue environnemental ?), mais aussi – et surtout – d’orienter les choix de consommation vers les catégories à moindre impact sur la base de caractéristiques comparables (en comparant un savon liquide et un savon solide par exemple ou diverses sources de protéines entre elles). Dans les deux cas, cela implique d’avoir pour chaque produit des données suffisamment précises pour permettre la différentiation.

Pour informer correctement le consommateur, il faudra mettre à disposition plusieurs niveaux de résultats : un affichage simple sur le produit, l’emballage ou la page web, qui permet de guider le geste d’achat instantanément, par exemple via une notation A,B,C,D ou une note sur 100 ; des résultats plus détaillés accessibles de manière déportée (en ligne) pour les consommateurs qui voudraient plus de précisions.

 

Quels sont les risques de Greenwashing qui subsistent malgré ces nouvelles réglementations ?

 

Le but de la réglementation est justement de lutter contre le greenwashing et les allégations pouvant induire le consommateur en erreur. Définir une méthodologie de construction des allégations précise et claire permet en effet de réduire ces risques en garantissant la fiabilité des informations ainsi que la comparabilité entre produits différents. Le recours à des vérificateurs indépendants sur un large panel de produits peut représenter pour l’entreprise un coût important qui ne peut toujours être intégralement reporté sur les consommateurs. Une solution alternative consiste à encourager la vérification par les pairs, par exemple via des consortiums sectoriels, et de stimuler le rôle de vigies réalisé par des ONG ou association de consommateurs.

 

Comment transformer ces contraintes réglementaires en axe de différentiation par rapport aux concurrents ?

 

L’encadrement des allégations environnementales peut être un levier de différentiation pour les entreprises à plusieurs points de vue : tout d’abord en prenant les devants : anticiper ces réglementations pour faire partie des précurseurs de la communication environnementale est déjà un facteur différentiant en soi. Par ailleurs, les produits les plus performants d’un point de vue environnemental seront naturellement mis en valeur par l’affichage, leur conférant un avantage auprès des consommateurs. Alors que 76% des consommateurs se déclarent en faveur d’une consommation responsable[4], un affichage environnemental mettant en avant la performance d’un produit permettra de mieux s’aligner à ces exigences croissantes.

De plus la mise en place dans l’entreprise d’une mesure d’impact des produits est à l’origine d’un cercle vertueux en termes de réduction des impacts et d’innovation. En effet, l’affichage environnemental requiert une connaissance plus fine du cycle de vie de ses produits, ce qui conduit à mieux comprendre où sont les principaux impacts et à innover pour les réduire. Ce cercle vertueux a pu être observé dès 2011, lors du bilan sur l’affichage environnemental réalisé par EY pour le ministère de l’Environnement sur un panel de plus de 150 entreprises[5]. 70% des entreprises ayant participé avaient ainsi déclaré mieux connaître les points faibles et forts de leur produits suite à l’expérimentation.

 

Communiquer sur la durabilité de ses produits est un moyen de renforcer sa marque en intégrant la durabilité dans son positionnement global. Des messages crédibilisés par des données robustes issues de l’affichage environnemental sont à même de renforcer la confiance des consommateurs envers la marque.

 

 

Plus largement, quel sera le rôle de l’Etat et des institutions pour donner confiance aux consommateurs ?

 

L’Etat détient un rôle structurant indispensable ; fournir un cadre méthodologique et légal précis garantissant une information claire, utile, comparable et une concurrence loyale. C’est également à lui que revient la responsabilité de pousser les entreprises à fournir cette information, d’informer le consommateur de ce dispositif exigeant et de créer la confiance d’ensemble en mettant en place les garde-fous pour écarter tout greenwashing. Enfin, en cas de non-respect de la réglementation, il reviendra enfin à l’Etat de s’assurer que des sanctions dissuasives soient appliquées !

 

 

Qu’en est-il de la mise en place d’un affichage environnemental au niveau européen ?

 

Un écolabel européen officiel existe déjà depuis plus de 30 ans pour une trentaine de catégories de produits seulement, ce qui le rend anecdotique. Sa certification, basée sur une analyse de cycle de vie, est volontaire. Un projet de passeport produit (Digital Product Passeport) est en cours d’élaboration, qui devrait permettre un accès facilité via un QR code à des données telles que la composition, l’origine et la réparabilité d’un produit. Ce passeport numérique pourrait entrer en vigueur dès 2026 pour les premières industries concernées (textile, piles, électroménager).

Des expérimentations sont également en cours depuis une dizaine d’année afin d’établir une méthodologie commune pour l’affichage environnemental : le PEF, pour Product Environmental Footprint. Basé sur une analyse de cycle de vie et 16 impacts environnementaux, le PEF n’a finalement pas été retenu comme méthode privilégiée dans le cadre de la proposition de directive Green Claims (sortie en mars 2023), qui laisse plutôt la main aux Etats pour définir leurs propres méthodologies, mais il n’en reste pas moins un cadre de référence dont les entreprises peuvent et doivent s’inspirer en raison de son approche par le cycle de vie très intéressante.

[1] Directive 2022/0092

[2] Directive 2023/0085

[3] Ecobalyse – Ecobalyse (gitbook.io)

[4] ADEME, « Consommation responsable : s’engager sans renoncer ? », baromètre Greenflex-ADEME, 2023, accessible en ligne : Consommation responsable : s’engager sans renoncer ? – ADEME Infos

[5] Ministère de l’Ecologie, du Développement durable, de l’Energie, Affichage environnemental des produits de grande consommation, 2013, accessible en ligne : 134000775.pdf (vie-publique.fr)

Parcours Wataru : Un séminaire “anti burn out” pour sortir de l’épuisement professionnel et se remettre en mouvement

Face à un contexte anxiogène, de plus en plus de dirigeants et de managers ressentent une pression interne qui les met en tension, voire en difficulté au sein de leur entreprise. Résultat : ils se sentent fatigués, ont du mal à récupérer malgré les congés, ne ressentent ni énergie ni envie … D’ailleurs, le taux de burn out a doublé en un an à peine, et les managers sont 1,5 fois plus touchés. Bénédicte COSTEDOAT-LAMARQUE, co-fondatrice de Wataru, dirigeante de Be Change Live et auteure du livre “Le burn out, une opportunité de transformation intérieure” (éditions L’Harmattan, 2019), souligne : « La crise sanitaire, son contexte mondial insolite et leurs conséquences (télétravail, contraintes de fermeture, incertitude…) exacerbent les tensions dans l’activité des entreprises, ainsi que les tensions interpersonnelles et intrapersonnelles. Certaines autorités médicales alertent sur le fait que le nombre de burn out et de personnes à risque est en hausse ».

Il y a donc urgence à accompagner tous celles et ceux qui se trouvent en situation d’épuisement professionnel. Pour éviter une vague de burn out et permettre à chacun.e de se remettre en mouvement professionnellement, un séminaire inédit de 3,5 jours est proposé aux dirigeants, managers et leaders. Avec un objectif : leur permettre de faire un pas de côté pour y voir plus clair sur eux, leur entreprise, leurs perspectives, voire leur projet de vie professionnel.

Dans le magnifique cadre du Domaine du Taillé, un ancien monastère zen au coeur de l’Ardèche, deux sessions vont être organisées du 21 au 24 septembre et du 18 au 21 octobre 2021.

Le parcours Wataru est un formidable tremplin pour réussir à prendre du recul sur soi, ses enjeux, son écosystème et sa réalité professionnelle.

Entre pairs, dans une ambiance bienveillante, chacun vient se ressourcer et se connecter à l’essentiel, pour soi et son entreprise. A l’issue du séminaire, il est ainsi possible de repartir avec de l’énergie et des idées pour avancer.

L’approche du séminaire est constructive, pragmatique et positive. En pratique, elle se déroule selon trois étapes :

Etape 1 : Entretien pré-séminaire (45mn). Il permet de se connaître et clarifier son intention.

Etape 2 : Le séminaire en présentiel (3,5 jours). Il vise à comprendre les mécanismes intérieurs amenant à l’épuisement (physiologiques, physiques, mentaux, psychiques).  Apprendre à mieux se connaître va ainsi permettre d’identifier ses modes de fonctionnements répétitifs, ses besoins psychologiques et facteurs de stress, ses croyances et conditionnements.

A ce stade, Bénédicte propose aussi des outils simples pour sortir de ces schémas et se reconnecter à ce qui nous anime profondément. C’est aussi l’opportunité de comprendre la raison de cet épuisement à ce moment-là de sa vie.

Etape 3 : Séance de Coaching Individuel (1h, 1 mois après le séminaire). Cette séance de suivi aide à pérenniser et ancrer la mise en mouvement.

Parce qu’elle a elle-même vécu et transformé cette expérience du burn out, après un passé à responsabilités managériales en entreprise de 22 ans, Bénédicte Costedoat-Lamarque a développé une méthodologie unique, basée sur une compréhension réelle des situations et problématiques, quelles que soit la forme qu’elles prennent.

Coach professionnelle certifiée, elle a d’ailleurs les compétences pour accompagner le burn out à 360° (du pré-burn out jusqu’au post-burn out), ainsi que les transformations profondes d’entreprise.

Durant le parcours Wataru, elle mêle :

  • une Approche combinée cognitive / émotionnelle / corporelle : nombreux apports théoriques, gestion du stress, cohérence cardiaque, marche…
  • une Méthode innovante et systémique du MIT (Massachussetts Institute of Technologies), la Théorie U d’Otto Scharmer, basée sur l’émergence, la profondeur et la qualité de présence, permettant de potentialiser le travail sur soi par les apports et résonances du collectif.
  • Plus d’une dizaine d’ateliers pour éclairer ce qui se joue sous une variété d’angles différents : l’inventaire de personnalité individuel “Process Communication”, l’approche systémique, l’approche neurocognitive et comportementale, l’approche jungienne, les pratiques de leadership innovantes…

 

Le Domaine du Taillé, est un ancien monastère zen entouré de verdure au cœur de l’Ardèche, propice au ressourcement, à l’inspiration, à l’apaisement et au retour sur soi.

Pour profiter pleinement de chaque session, le nombre de participants est volontairement limité à 10 personnes maximum afin de préserver la qualité de présence et d’échange.

Travailler depuis des lieux culturels, c’est possible !

On pourrait la qualifier de « visionnaire » tant elle avait anticipé les chamboulements du monde du travail. Tout commence il y a trois ans, lorsque Sandra Giovannetti prend part à une réunion dans la cafétéria de l’Opéra Garnier, à Paris, avec son équipe. « Travailler dans cet espace chargé d’histoire et de création nous avait complètement redynamisés, rendus plus productifs », se souvient-elle. Cette architecte de formation décide de transformer cette « révélation » en projet professionnel. C’est le début de la start-up Be My Space, qu’elle définit comme « un pont entre le monde des arts et celui de l’entreprise », avec l’objectif de proposer des espaces de travail inspirants et authentiques aux salariés.

 

Lieux « désirables »

 

« Ce sont des espaces qui nous racontent des histoires, des lieux où le temps n’existe pas. Ils sont proches de chez nous, proches de notre entreprise. Vous les connaissez peut-être de nom, vous en avez parfois rêvé… », peut-on lire sur le site Internet de la start-up, lauréate du premier incubateur estampillé « Patrimoine » du Centre des monuments nationaux.

 

Musées, ateliers d’artistes, châteaux du Moyen-Âge… Les salariés d’une entreprise peuvent désormais évoluer dans ce que la fondatrice appelle des « lieux désirables » : « L’être humain fonctionne au plaisir, et l’espace de travail peut aider à répondre à la question du bien-être », assure-t-elle. D’autant que la crise liée au Covid-19 a été un accélérateur sans précédent des mutations du travail dans l’entreprise. Selon une enquête publiée en juin 2020 par l’association des DRH et le Boston Consulting Group, 85 % des directeurs des ressources humaines souhaitent développer le télétravail au sein de leur entreprise de façon pérenne. L’étude indique toutefois que le futur de cette pratique sera hybride, mêlant présentiel et télétravail.

 

Sandra Giovannetti va plus loin. Pour cette passionnée d’arts et d’architecture, l’organisation du temps de travail pourrait désormais être répartie selon trois types de lieux : le siège, le domicile et un lieu « hybride ». « Les entreprises et les salariés ont passé un cap psychologique. On se dirige vers de nouveaux modèles, avec des budgets associés, explique-t-elle. Le travail en présentiel est indispensable, car c’est le moment où l’on se rencontre, où l’on échange. Mais rencontrer un collègue dans un bureau ou dans un lieu qui fait partie du patrimoine, qui a un vrai pouvoir de séduction et de satisfaction, c’est différent. Les individus auront déjà en commun le fait d’avoir choisi cet espace, ce qui créera deux fois plus de raisons de parvenir à dialoguer.»

 

Stratégie « gagnant-gagnant »

 

Pour choisir des lieux appropriés, Be My Space travaille en adéquation avec la raison d’être de l’entreprise. « J’établis d’abord une typologie des besoins avec les dirigeants et les DRH. Une fois qu’un premier tri a été effectué, les salariés peuvent aussi être questionnés. Le but est de proposer une offre sur mesure », précise l’entrepreneuse, qui mise avant tout sur des partenariats de longue durée plutôt que sur des événements ponctuels. Formations, réunions, séminaires… La start-up s’engage ainsi à proposer à l’entreprise, en lien avec son rythme et ses valeurs, un « parcours inspirant » dans des espaces hors des sentiers battus. « C’est également un moyen pour l’entreprise de se positionner en matière de RSE, de montrer qu’elle participe aussi au développement des industries culturelles », ajoute la fondatrice.

 

Une stratégie « gagnant-gagnant » qui permet aussi de faire la promotion de certains lieux culturels et de valoriser le potentiel du patrimoine, parfois oublié. Chaque mercredi matin, les élèves de Sciences Po peuvent désormais étudier à la Cité internationale des arts, dans le 4e arrondissement de Paris, qui reprend ses fonctions de galerie l’après-midi. Sandra Giovannetti a également installé des espaces de coworking éphémères dans l’orangerie de l’hôtel de Sully, siège du Centre des monuments nationaux, situé dans le quartier du Marais.

 

Le Grand Entretien : Julie Walbaum, CEO de « Maisons du Monde »

Vous dirigez Maisons du monde depuis juillet 2018. Que signifie le « management inclusif » pratiqué par votre entreprise ?

 

Un management inclusif repose avant tout sur une entreprise à l’écoute, qui sait que sa valeur vient des femmes et des hommes qui la composent, en particulier dans le secteur de la vente au détail qui est le sien. La diversité est une force, et de là vient la plus grande performance de Maisons du monde, une entreprise très féminine : deux tiers de nos collaborateurs sont des femmes, celles-ci dirigent trois quarts des magasins et constituent la moitié du comité exécutif. L’entreprise souhaite comprendre et incarner au quotidien la richesse de la diversité. C’est une responsabilité de tous les jours et de chacun que de promouvoir et de préserver celle-ci.

 

Auparavant, vous étiez la directrice digital et marketing client de l’entreprise. Pourquoi vous êtes-vous portée candidate à ce poste et qu’est-ce qui a fait la différence, selon vous ?

 

Je connaissais Maisons du monde depuis 2014. Le numérique faisant partie de son évolution depuis de nombreuses années, on voyait bien l’accélération du modèle dans ce sens. J’ai donc participé à l’introduction en Bourse de l’entreprise, en 2016, aux côtés du directeur général de l’époque. En 2018, alors que j’avais trois enfants en bas âge, ce n’était pas un choix évident, mais j’avais un projet pour Maisons du monde. Cette entreprise était tellement attachante, avec des femmes et des hommes très engagés, que je me suis lancée. Je pensais que je pouvais entretenir notre longueur d’avance sur le digital. Je souhaitais aussi faire évoluer certains pans de l’organisation, par exemple, donner un nouvel élan à l’offre, poursuivre la croissance rentable, en y combinant plus de « responsabilité ».

 

L’emploi du temps d’une DG est dense. Avez-vous mesuré les contraintes, les obligations quand vous avez candidaté à ce poste, en tant que mère de famille habitant à Paris et non à Nantes, où se situe le siège ?

 

Je crois que l’on ne mesure jamais toutes les données avant d’y arriver… Surtout dans un secteur qui se transforme rapidement et dans un contexte macroéconomique qui a tout de même bougé ces derniers temps. Je crois aussi que, dans la vie, il faut réfléchir… mais pas trop. Je me suis fiée à mon intuition. Pour prendre ce type de responsabilités, cela demande beaucoup d’engagement : il faut avoir un projet et qu’il vous passionne. J’ai pu me lancer dans cette aventure, car mon mari, qui a lui aussi une carrière très remplie, a su et voulu réorienter ses responsabilités au sein de notre famille. Il s’est organisé dans un périmètre plus local, il a moins voyagé. Et cela a finalement enrichi notre expérience familiale.

 

La famille reste votre priorité…

 

Oui, mon mari et moi-même nous sommes donné quelques petites règles familiales. Je ne passe jamais plus de deux nuits consécutives hors de mon foyer. Chaque jour, nos enfants sont réveillés ou couchés par l’un de nous deux. Aux vacances scolaires, je prends une semaine de congé et j’encourage les membres du comité exécutif et les collaborateurs de l’entreprise à en faire de même. Vous savez, ce n’est pas très sain de créer une distinction entre le corps dirigeant et le reste des collaborateurs. C’est justement parce que ces derniers me voient avec les mêmes problématiques qu’eux, comme des réunions zoom avec mon fils de trois ans sur les genoux, que cela permet de créer une atmosphère détendue, de dire les choses quand cela ne va pas ou le contraire.

 

Vous parlez avec beaucoup de sincérité de cette répartition entre vos deux « vies ». C’est assez rare dans le monde des grands dirigeants. C’est un choix assumé ?

 

Les collaborateurs de l’entreprise se donnent beaucoup. En tant que dirigeante, je me dois, en retour, de donner du sens à leur travail et de leur accorder de la confiance. Et cela passe par une attitude transparente. J’aime beaucoup ce proverbe africain : « It takes a village to raise a child », « Il faut un village pour élever un enfant ». Cela signifie que tout le monde a un rôle à jouer dans l’aventure et que des liens authentiques, fondés sur la transparence et l’entraide autour d’une vision commune, conduisent à une culture forte et, je le crois, au succès.

 

Avez-vous dû faire face à quelques réticences ? Avez-vous senti que vous deviez faire vos preuves ?

 

Cette question m’est régulièrement posée et, étonnamment, on la pose beaucoup plus aux femmes qu’aux hommes. L’idée est d’assumer pleinement ce que l’on est, sans tomber dans les excès. Je crois que mon rôle de maman et ma vie personnelle m’aident à être une meilleure dirigeante. Car cela m’oblige à prioriser, à donner un cadre très clair aux équipes. Celles-ci doivent être efficaces parce que, moi-même, j’ai besoin d’être efficace. Cela remet aussi l’église au centre du village (toujours lui !) : quand, dans ma vie professionnelle, il m’arrive d’être tendue, la famille me rappelle la vraie valeur des choses et le sens des priorités. Enfin, il me semble important de montrer aux femmes de l’entreprise qu’il ne leur est pas nécessaire d’afficher la panoplie du super-héros dévoué à sa carrière : je gère, je n’ai aucune contrainte extraprofessionnelle, etc. La vie pour moi est faite de vases communicants. L’important est de conserver un engagement et une exigence élevés. Pour le reste, l’adaptabilité est ma meilleure amie. Moins on se met de barrières mentales sur ce que l’on peut et ne peut pas, plus on a de chances de réussir sa vie professionnelle.

 

La bonne gestion de cet équilibre pro-perso est un moteur formidable : pourquoi n’en avait-on pas conscience auparavant ?

 

Parce que le travail était vu comme une fin en soi. Pendant longtemps, on a évolué dans des valeurs masculines assez fortes : la réussite professionnelle avait une fonction statutaire importante. Ce n’était pas le cas dans toutes les sociétés européennes. En Scandinavie, par exemple, c’est tout à fait différent. On avait auparavant une vision très linéaire de la vie des gens, avec des études, un travail… Les générations actuelles nous apprennent à cultiver plus de circularité, avec plus d’équilibre entre les différents pans de notre existence. Et c’est tant mieux !

 

Les grands mots de cette année sont « flexibilité » et « agilité ». J’ai entendu dire que vous demandiez à vos collaborateurs de faire preuve d’une grande efficacité dans les réunions, mais aussi de travailler en autonomie…

 

L’autonomie est une valeur forte chez nous, car Maisons du monde est une entreprise entrepreneuriale. Notre mode de fonctionnement est « agile », dans le sens où nos salariés sont engagés dans les projets et les portent. L’année 2020 a été particulière : je n’ai pas demandé plus d’efficacité à mes équipes, car elles se sont adaptées seules. En tant que dirigeante, j’ai un devoir de vigilance avec mon comité exécutif afin de ne pas privilégier la productivité avant tout.

 

Les entreprises sont davantage des lieux moraux que physiques. Comment vous adaptez-vous ?

 

Il faut arriver à préserver et à renforcer la culture d’entreprise. Nous sommes passés à deux jours de télétravail par semaine. Nous n’avons pas souhaité aller plus loin, car le temps collectif est essentiel pour l’aspect interrelationnel, pour les espaces de liberté induits, pour favoriser la créativité, une valeur importante chez nous. Ces valeurs d’entreprise définissent le quotidien entre les équipes et le management de proximité. Le comité exécutif et moi-même réfléchissons à valoriser ces temps d’interaction, en présentiel mais aussi à distance. À l’occasion de 2020, nous avons lancé une initiative nommée les MDMTalks : le comité exécutif prend la parole auprès de l’ensemble des collaborateurs du siège et des magasins, directeurs et adjoints. On discute de l’actualité de l’entreprise, des difficultés qui sont les nôtres. On met le plus possible en lumière d’autres collaborateurs de l’entreprise. Le discours de transparence, l’échange sur la base d’un jeu de questions-réponses sont au cœur de cet exercice. Je trouve que le Covid nous a permis de cultiver des liens rapprochés avec nos collaborateurs, avec nos équipes en magasin. Quand on a 350 sites en Europe, on ne peut pas avoir la même proximité tout le temps.

 

Comment le numérique peut-il nous amener à développer toujours plus de proximité, sans se substituer à la qualité du temps physique en entreprise ?

 

Avant de prendre mes fonctions, j’ai fait durant trois mois le tour des magasins en Europe, visité plus de 70 sites, participé à 40 dîners avec des directeurs régionaux et de magasins, ce qui m’a permis de sentir le pouls de l’entreprise. Aujourd’hui encore, ces interactions me portent. J’accorde énormément d’importance à la voix de nos équipes en magasin, qui sont au contact de nos clients. À chaque événement, confinement, déconfinement, période de Noël ou autre, le comité exécutif et moi-même étions présents en magasin. C’est important d’aller cultiver le lien vivant : le numérique ne fait pas tout, loin de là.

 

Vous êtes vue sur les sites, vous privilégiez le tutoiement : la perception du PDG a-t-elle changé ?

 

La simplicité de la relation avec le management est, pour moi, la base du rapport de confiance qu’il est possible de nouer avec les collaborateurs. J’ai commencé ma carrière dans des entreprises américaines, donc, probablement, cela laisse des traces. Je tutoie tous les collaborateurs et vice versa. Je pose naturellement beaucoup de questions, car c’est en interrogeant des collaborateurs à plein de niveaux différents que je construis ma perception de ce que doit être l’entreprise de demain. Je vais au contact de façon très large. Le fait de rendre le management accessible est important, d’autant plus dans cette période. Cela passe par la communication. On doit s’appuyer sur un management de proximité pour que chacun endosse la responsabilité de donner du sens à son collaborateur. Le devoir d’exemplarité est pour cela essentiel.

 

Quels sont vos grands projets à la tête de Maisons du monde ?

 

Poursuivre la croissance et y associer plus de durabilité. Ce projet a un soubassement RH très important, car la durabilité porte un pan social et un pan environnemental. Nous sommes une marque-enseigne et nous avons une affinité très forte avec nos clients. Cette marque passe par notre offre. Nous avons donc à cœur de faire croître nos équipes de création. Au-delà du côté tendance et stylé, il faut donc miser sur la durabilité : par exemple, 68 % de notre offre en bois est certifiée. On a lancé pour la première fois du textile certifié Oeko-Tex. En une année, on a atteint 25 % de notre offre textile certifiée de la sorte. On fait la combinaison entre « aller chercher des produits qualitatifs avec un double enjeu d’expérience clients et de durabilité » et « aller chercher des matières toujours plus responsables ». Le produit reste au cœur de nos modèles. S’agissant de l’approche « omnicanal » – qui vise à multiplier les interactions avec le consommateur, à l’heure où le digital prend de plus en plus de place –, l’idée est de continuer à accélérer dans ce sens, mais en affirmant toujours l’importance du magasin, qui crée beaucoup plus de valeur qu’une simple transaction numérique. Tout l’enjeu est de faire évoluer le rôle du magasin dans un modèle omnicanal, avec une marque forte, vers un point de vente qui offre une expérience et un service.

Enfin, notre dernier pan de croissance s’appuie sur le développement des services. En 2019, nous avons pris une participation majoritaire dans Rhinov, une start-up qui fait du conseil professionnel en décoration d’intérieur, 100 % numérique. Ce sont des architectes d’intérieur : vous leur soumettez le petit quiz déco que vous avez rempli, un budget pour votre pièce, et là vous avez des planches déco réalisées par de vrais professionnels. Nous avons l’ambition de démocratiser la déco. Par les produits, bien sûr, mais aujourd’hui aussi par les services. C’est un axe de création de valeur pour nos clients, et c’est aussi une création de valeur durable, qui ne nécessite pas de produire de la matière supplémentaire.

 

Justement, vos intérêts pour les problématiques de RSE sont connus : comment sont-ils incarnés dans Maisons du monde ?

 

 

Avez-vous une feuille de route en fonction de ces engagements ?

 

Oui, s’agissant de l’offre, nous sommes concentrés sur plus d’écoconception, plus de matériaux recyclés ou durables. Plus de réparation aussi : nous avons un atelier d’ébénisterie dans nos entrepôts, avec des artisans qui réparent les produits pour éviter qu’ils ne soient jetés. Ainsi 18 000 meubles ont été remis à neuf cette année. C’est deux fois plus qu’en 2020. De même, Maisons du monde se situe dans une économie circulaire et solidaire : nous sommes l’un des premiers partenaires d’Emmaüs, à qui nous donnons des dizaines de milliers de produits à l’état neuf issus des retours de nos clients, afin de leur offrir une seconde vie.

 

Dans la thématique de la durabilité, le pôle social est important : comment les collaborateurs sont-ils associés à cet effort ?

Maisons du monde est une entreprise qui crée du profit : notre responsabilité est donc de dégager des contributions dans un système positif. Être collaborateur de Maisons du monde, c’est faire partie d’une entreprise où chaque personne compte, c’est se sentir nécessaires les uns aux autres, construire ensemble une entreprise qui ressemble à ses équipes et les rassemble, c’est avoir la liberté d’être soi-même et avoir la conscience intime d’être au bon endroit. Pour faire vivre cet esprit, notre politique RH allie une proposition adaptée à chaque étape clé du parcours des collaborateurs et des engagements sociaux forts. Nous ambitionnons de créer une école de formation et de devenir une entreprise apprenante pour tous ceux qui partagent les valeurs de la marque. Par ailleurs, Maisons du monde souhaite être un employeur de référence grâce à des engagements responsables forts. Une feuille de route a été formalisée en matière de bien-être, d’inclusion des personnes en situation de handicap et des jeunes, d’égalité hommes-femmes, de dialogue social.

 

Pour une expérience collaborateur optimale, le management de proximité est essentiel…

 

Justement, le groupe a décidé d’intégrer à sa feuille de route RSE des objectifs RH sur le renforcement du management de proximité et sur l’amélioration des conditions de travail pour les équipes. Ce plan d’action s’enrichit des retours des collaborateurs collectés lors de l’enquête sociale réalisée en septembre 2019 et renouvelée tous les deux ans. La hiérarchie présente sur place est un élément clé pour mieux accompagner les collaborateurs. Dans cette optique, la formation des cadres est essentielle. Chaque année, un plan spécial est déployé avec des modules où l’on apprend l’importance de créer des rituels managériaux ou commerciaux pour diffuser l’information et mobiliser les équipes. De même, dans un souci de proximité, les équipes ont été dimensionnées à taille « humaine », cette organisation ayant pour conséquence le renforcement du nombre de managers de proximité afin de garantir une meilleure connaissance des équipes et une amélioration de la qualité de la relation de travail.

 

J’entends une forme d’aplanissement de la hiérarchie, un management de proximité renforcé, des solutions apportées aux problématiques RSE, des avancées en matière d’inclusion : tous ces éléments contribuent-ils à construire des valeurs attrayantes pour les plus jeunes ?

 

Pour tous ! Nos valeurs d’audace, de passion, d’engagement et d’exigence sont illustrées ainsi. Notre « raison d’être » est en cours de construction, il est aujourd’hui temps de la formaliser et de lui apporter des éléments de preuve à travers des plans d’action dans tous les métiers. Nous souhaitons que cette raison d’être s’incarne et se vive au quotidien. Nous avons tous besoin de sens au travail. Aujourd’hui, plus que jamais.

 

Quelles seront les tendances QVT de demain ?

 

Le télétravail est là pour durer, même s’il l’est de façon mesurée. Nous passerons donc plus de temps à la maison. Nous chercherons également du sens dans l’activité et l’expérience professionnelle au sens large. Un nouvel équilibre devra être trouvé, entre métier et vie personnelle, entre productivité et déconnexion. Et sur le lieu de travail même, le bureau devra être repensé, les rythmes également. Le temps collectif pourrait être réservé à la création, à l’innovation et au développement des liens entre collaborateurs. La culture devra être renforcée, car ce sera le liant de la société. Les manageurs de demain devront appréhender ces réalités dans une démarche holistique 

 

 

Laboratoires Pierre Fabre : le soin sous toutes ses formes

Le coronavirus teste l’engagement réel des entreprises : est-ce aussi votre constat ?
Le 13 février 2020, le jour où nous dévoilions notre nouvelle raison d’être sur les réseaux sociaux, l’arrivée attendue du coronavirus en Europe faisait la une de l’actualité et ne l’a pas quittée depuis. Notre raison d’être étant tournée vers le soin apporté aux patients et à l’environnement, la crise nous a offert un « cas pratique » pour la mettre en action. Demander par exemple aux collaborateurs chargés de la fabrication et de la distribution de nos produits essentiels pour la santé et l’hygiène de continuer à venir sur site, et lancer la fabrication de gel hydroalcoolique en l’espace de trois semaines. Nous avons donné plus de 700 000 gels et crèmes de soin, ainsi que des milliers de masques, de surblouses et de gants, aux soignants dans les hôpitaux, les Ehpad et les pharmacies. Avec la crise, notre raison d’être a subi l’épreuve du feu.

Vos efforts se sont-ils recentrés sur des aires thérapeutiques différentes ?
La crise n’a pas modifié nos choix stratégiques en oncologie, en dermatologie et en dermocosmétique, mais nos priorités du moment. Pour l’oncologie, il était absolument nécessaire d’assurer la continuité des traitements au bénéfice des patients. S’agissant de la dermatologie et de la dermocosmétique, certaines pathologies se sont développées en raison du port du masque et de l’utilisation répétée du gel hydroalcoolique. Cela nous a conduits à donner la priorité à nos gammes d’émollients, de cicatrisation de la peau et de prise en charge des eczémas de contact.

Comment avez-vous garanti la protection, j’ai envie de dire le soin de vos collaborateurs ?
Au printemps dernier, la situation était très anxiogène, car nos usines sont restées ouvertes quand nos bureaux fermaient. Et 38 % de nos collaborateurs en France travaillant en usine, nous avons pris des mesures de protection drastiques : prise de température à l’entrée, port systématique du masque, gel hydroalcoolique, protocole de distanciation dans les vestiaires et sur les chaînes de fabrication. Nous avons limité le nombre de collaborateurs pouvant être présents sur site au même moment. Le respect et l’efficacité de ces mesures ont été monitorées toutes les semaines par nos médecins du travail. Et elles se sont révélées efficaces puisque nous n’avons eu à déplorer aucun cluster sur le lieu de travail.

Concernant les 3 000 personnes en télétravail, nous avons souhaité prévenir le risque d’isolement dès le début du confinement. Nous sommes une entreprise du Sud-Ouest, et ici les gens sont particulièrement chaleureux. Ils aiment le contact, et le rapport virtuel n’est pas dans nos habitudes. Des initiatives pour garder le lien ont été lancées, comme l’organisation d’e-coffee permettant d’échanger avec ses collègues ou avec le Comex. Aujourd’hui encore, chaque membre du Comex dédie deux heures par mois à la rencontre de vingt collaborateurs inscrits à ces rendez-vous. J’ai aussi enregistré un message vidéo hebdomadaire durant le premier confinement et je continue à le faire tous les quinze jours. Cela me permet d’informer les collaborateurs sur la situation sanitaire dans l’entreprise et sur les mesures prises pour nous adapter à la crise. Maintenir ce lien vivant, et ne pas être simplement dans la diffusion de notes écrites, est très important. Enfin, comme beaucoup d’autres entre- prises, nous avons constaté un grand vide s’agissant du management à distance. Des formations dédiées ont donc été organisées. En fait, la pandémie nous a donné l’occasion de tester notre capacité à faire face collectivement. Pour faire face à des sujets aussi complexes et agressifs, c’est la seule réponse.

L’année 2019 fut celle du lancement d’un plan de transformation pour la période 2020-2022 et celle d’une étape marquante de l’histoire du Groupe : la formalisation de sa raison d’être. Qu’est-ce qui a mené à ce nouveau chapitre ?

M. Pierre Fabre nous a quittés en 2013. Cinq ans plus tard, je prenais mes fonctions en tant que directeur général dans un environnement où notre modèle économique est de plus en plus bouleversé par les nouveaux modes de consommation digitale. Nos opérations internationales grandissent rapide- ment, et la Chine est devenue notre deuxième filiale après la France. Or ces marchés lointains restent encore mal connus de la plupart de nos collaborateurs basés en France et nous recrutons beaucoup dans nos filiales. Il devenait nécessaire de se retrouver autour d’une philosophie et de valeurs communes clairement exprimées. « Chaque fois que nous prenons soin d’une seule personne, nous rendons le monde meilleur » : c’est ainsi que nous avons résumé notre raison d’être. Nous nous sommes beaucoup interrogés sur cette formule, qui peut paraître ambitieuse au premier abord mais qui est en fait foncièrement humble. Nous ne prétendons pas changer l’humanité, mais nous essayons de rendre meilleure la vie de chaque être humain qui croise notre route au propre ou au figuré. Nous venons par exemple de signer un accord avec une fondation pour le développement d’un traitement innovant de la XLHED, une maladie génétique très grave, à incidence dermatologique. Cette maladie ne touche que quelques milliers d’enfants par an dans le monde. Mais si nous leur permettons de mener une vie normale grâce à un nouveau traitement, c’est que nous aurons été dignes de notre raison d’être. C’est cette volonté de « prendre soin » qui nous anime.

Comment avez-vous fait pour que, de cette raison d’être, émane une démarche sincère ?

Dès le départ nous avons voulu qu’elle soit portée par les collaborateurs. Un groupe de travail représentatif de nos métiers et de nos marchés a travaillé à son élaboration pendant quatre mois, en s’appuyant sur une série d’entretiens et une enquête d’opinion réalisée auprès de 150 collaborateurs. Une fois rédigée, elle a été présentée aux instances dirigeantes de l’entreprise et unanime- ment approuvée. Puis nous l’avons déployée auprès des 10 400 salariés du groupe. Des ateliers ont été organisés par tous les managers pour faciliter son appropriation par les équipes. Une raison d’être d’entreprise ne peut vivre sans cette appropriation collective. De même, elle ne peut vivre sans s’incarner concrètement. J’ai déjà évoqué notre mobilisation contre la Covid-19, qui a été l’occasion de la mettre en action. Dans un autre registre, je pense à « Green Mission Pierre Fabre », le nom que nous avons donné à la démarche RSE du groupe. Green Mission est ancrée dans la raison d’être, puisque prendre soin c’est aussi rendre à la nature ce qu’elle nous donne de meilleur. Et Green Mission Pierre Fabre le fait concrètement, via notamment la décarbonation progressive de nos opérations, qui doit permettre à Pierre Fabre de faire toute sa part de l’objectif de l’accord de Paris sur le climat.

Comment déclinez-vous cette raison d’être en matière de bien-être au travail ?
Le groupe s’est toujours appliqué à proposer un cadre de travail agréable, sain et sûr à ses collaborateurs. Nous offrons une très bonne couverture sociale, des médecins du travail sont présents sur site et facilement joignables, une attention particulière est portée par la direction des ressources humaines à la prévention des risques psychosociaux. Sur ce sujet, nous travaillons en transparence avec les partenaires sociaux qui sont souvent des lanceurs d’alerte. Par ailleurs, nous encourageons fortement la pratique sportive, avec des salles adaptées sur beaucoup de nos sites, des partenariats avec des clubs et des coachs locaux et l’association sportive Pierre Fabre, qui concourt dans de nombreuses disciplines. Enfin, la raison d’être est aussi à l’œuvre dans la manière dont nous valorisons la nature sur nos sites. La plupart disposent d’un très beau cadre naturel, et cet environnement contribue au bien-être des salariés et à leur sérénité.

Quel est le rôle des ressources humaines de Pierre Fabre pour la mise en cohérence de cette raison d’être et l’accompagnement des salariés ?

Nous avons d’abord la volonté de développer les compétences et l’employabilité de nos collaborateurs. Ces trois dernières années, près de 2 000 d’entre eux ont été accompagnés dans un changement de métier au sein de l’entreprise ou dans une reconversion. Nous sommes aussi très actifs auprès des jeunes pour les aider à accéder à l’emploi. Par exemple, nous avons conclu un partenariat avec Diversidays, une association qui pro- meut la diversité dans les nouveaux métiers du digital. Dans le cadre de ce partenariat, nous avons proposé à des collaborateurs Pierre Fabre spécialisés dans le digital de devenir mentors de jeunes issus des quartiers prioritaires. En 2020, nous avons accueilli plus de 350 jeunes en stage et en alternance, et nous en ferons autant cette année. C’est une nécessité à laquelle nous sommes particulièrement attachés dans le contexte économique actuel.

 

LA RAISON D’ÊTRE DU GROUPE

Chaque fois que nous innovons pour permettre à chacun de vivre mieux…

Chaque fois que nous rendons à la nature ce qu’elle nous donne de meilleur…

Chaque fois que nous partageons le fruit de nos efforts avec celles et ceux qui travaillent et vivent à nos côtés…

Chaque fois que la Fondation Pierre Fabre améliore l’accès aux soins des plus défavorisés…

Chaque fois que nous prenons soin d’une seule personne, nous rendons le monde meilleur.

Société Générale, la RSE est une colonne vertébrale

« L’entreprise doit être le lieu de création et de partage de sa valeur. La loi Pacte permet de redéfinir la raison d’être des entreprises et de renforcer la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux liés à leur activité », écrit le ministère français de l’Économie, des Finances et de la Relance sur son site Internet. Partie intégrante d’une démarche RSE (responsabilité sociétale des entreprises), la notion de raison d’être prend de plus en plus de sens face à la crise sanitaire et au choc financier que le monde traverse.

Créée il y a plus de cent cinquante ans afin de « favoriser le développement du commerce et de l’industrie en France », la banque au carré rouge et noir a été l’une des pionnières en la matière. Quelques mois seulement après l’adoption de la loi Pacte, elle s’est dotée de sa raison d’être, en janvier 2020. « Elle agira comme la clé de voûte de nos choix stratégiques et la boussole pour guider nos actions au quotidien », précisait alors Frédéric Oudéa, directeur général du groupe. Le rapport intégré de la Société générale 2019-2020 ajoute que cette raison d’être affirme « l’ambition [de la banque] de continuer à jouer un rôle moteur dans les transformations positives du monde. Elle [la] projette dans le long terme, en [l’]inscrivant dans un monde où le développement économique est devenu indissociable du progrès environnemental et social ».

Cette nouvelle « colonne vertébrale » du groupe, qui emploie plus de 138 000 collaborateurs dans 62 pays, a été le fruit d’un long processus, auquel a participé l’ensemble des parties prenantes. Le projet a ensuite été analysé par le comité de direction, puis validé par le conseil d’administration. « Nous nous sommes appuyés sur 85 000 contributions de collaborateurs, recueillies dans le monde entier, des top managers jusqu’aux collaborateurs sur le terrain », précise Martine Lassègues, directrice RSE de la banque de détail de la Société générale en France, qui a elle-même participé à l’élaboration du projet. L’enquête interne a finalement fait émerger trois mots : « innovation », « clients » et « responsabilité », que l’on retrouve dans le choix final. « Chaque terme a été mûrement réfléchi pour que cette raison d’être reflète à la fois les attentes des collaborateurs mais aussi ce que la banque souhaite faire de ses activités, à savoir accompagner le développement de l’économie dans la durée à travers des solutions innovantes. »

Attractivité

Ces dernières années, l’opinion publique est de plus en plus attentive à l’image que reflète l’entreprise au sein de la société. « C’est d’autant plus vrai pour les jeunes générations, davantage sensibles à l’engagement environnemental et sociétal de celui qui les emploie », souligne Martine Lassègues. Plus des deux tiers des entreprises du CAC 40 se sont dotées de cet élément stratégique, même si toutes ne l’ont pas inscrit dans leurs statuts. La banque BNP Paribas consacre ainsi son engagement dans une économie « responsable et durable », tandis que le Crédit agricole assure « agir chaque jour dans l’intérêt de [ses] clients et de la société ». Une manière d’attirer de nouveaux salariés, à l’heure où le secteur bancaire souffre d’une perte d’attractivité (3 % des salariés en CDI ont démissionné en 2018 pour quitter le secteur ou rejoindre un autre établissement).

« Il faut néanmoins que l’entreprise tienne ses promesses et ses engagements, que ce ne soit pas que des paroles en l’air ! » précise Martine Lassègues. Selon une étude de l’Ifop pour No Com, Tikehau Capital et l’Essec, publiée en novembre 2019, plus des trois quarts des 1 500 salariés interrogés considèrent que leur entreprise joue, au-delà de son activité économique, un rôle important dans la société et qu’il est désormais de leur responsabilité de défendre ce rôle (73 %). Et si la plupart sont prêts à s’engager dans la démarche de la raison d’être, près de sept salariés sur dix craignent qu’elle ne soit qu’une « opération de communication ».

Pour éviter ce risque, les salariés considèrent que la raison d’être doit constituer un levier de décisions dans l’intérêt des clients. À la Société générale, justement, Martine Lassègues assure que tous les clients de la banque de détail en France – particuliers, professionnels, entreprises et investisseurs institutionnels – sont au centre des préoccupations : « Nous menons de vastes enquêtes auprès d’eux pour connaître les sujets sur lesquels ils nous attendent afin de répondre par des offres adaptées à leurs besoins et à leur préoccupation en matière de RSE. En tant que banque engagée dans la transition énergétique, nous souhaitons avant tout renforcer notre leadership dans ce domaine, aux côtés de nos clients. »

Déterminé à combattre le réchauffement climatique depuis les accords de Paris de 2015, le groupe s’est par exemple engagé à sortir du secteur du charbon thermique à l’horizon 2030 pour les entreprises issues de l’Union européenne ou de l’OCDE, et à l’horizon 2040 pour celles du reste de la planète. « Certains prêts verts ont d’ores et déjà été accordés à des entreprises en fonction de leurs critères de transformation vers une activité plus durable et écologique. L’ensemble de nos agences bénéficient d’électricité verte, et nous menons une vaste politique de verdissement de notre flotte automobile », ajoute Martine Lassègues. Au cours de 2019, la Société générale a été classée première banque mondiale sur l’environnement (RobecoSAM) et récompensée par le trophée de meilleure banque en matière de RSE en Afrique par Euromoney, l’un des plus gros magazines européens de finance internationale.

Sur le terrain, la Société générale propose également une formation RSE à ses collaborateurs, à laquelle 1 500 personnes ont déjà participé en 2020. « En plus de renforcer le sentiment d’appartenance au sein de nos équipes, la RSE permet d’aborder des sujets neufs sur lesquels les banques n’étaient pas forcément attendues par les clients auparavant. C’est un véritable tournant, qui donne aux groupes bancaires un nouveau rôle sociétal, si difficile à ancrer dans l’imaginaire de la population », conclut Martine Lassègues.

« Et n’oublions pas l’aspect social aussi important pour nous. Nous voulons donner au plus grand nombre les moyens d’avoir un impact positif sur l’avenir. Par exemple, plus de 2 600 collaborateurs de notre réseau en France se sont mobilisés pour participer à des actions d’intérêt général en 2019, preuve de l’engagement ancien et durable de nos équipes sur ce volet social de la RSE », poursuit-elle.

 

« Vision 2025 »

« C’est une nouvelle étape majeure pour nos activités de banque de détail que nous annonçons ce matin : le lancement du projet de rapprochement de nos réseaux Crédit du Nord et Société générale », pouvait-on lire sur une publication de Sébastien Proto, directeur général adjoint de la banque rouge et noire, le 7 décembre. Après plus de deux mois de consultations en interne, les conseils d’administration des deux groupes ont validé ce projet baptisé Vision 2025.

La responsabilité sociale et environnementale sera au cœur de ce nouveau modèle avec l’ambition, pour la Société générale, de devenir une banque de référence à impact positif au cœur des territoires. Les équipes porteront pleinement ces engagements en région, avec notamment le déploiement d’une offre adaptée aux enjeux de la transition énergétique et le développement des échanges avec les décideurs locaux, privés et publics. Le groupe se positionne déjà comme la première des grandes banques françaises à proposer une offre unique de solutions d’épargne et d’investissement en architecture ouverte s’appuyant essentiellement sur une large gamme de produits ISR.

Raison d’être et être bien : effet miroir ou effet d’optique ?

Au début de 2021, on ne peut que constater que le concept de « raison d’être » en entreprise est devenu un nouveau sujet à la mode dans le domaine du management des organisations. Ainsi, la loi Pacte de mai 2019 a consacré un nouveau statut juridique aux entreprises à mission, tandis que beaucoup voient dans la réaffirmation de la raison d’être des entreprises un moyen de renouveler les thématiques RSE, voire un ressort d’engagement des collaborateurs et donc de performance.

 

On pourrait expliciter la notion de raison d’être par la question proverbiale de Leibnitz : « Pourquoi existe-t-il quelque chose plutôt que rien ? » Autrement dit : quelle est la raison pour laquelle existe cette organisation ? Un peu comme si la raison d’être explicitait ce qui aurait manqué à la société si cette entreprise n’avait pas existé. Ce terme suggère qu’il existe une intention sous-jacente à l’existence d’une entreprise.

 

Dans la même ligne, le terme de « mission » (qui vient du fait d’être « envoyé », mandaté, en latin) suggère que l’entreprise est mue par un sentiment de contribution qui la dépasse.

 

Dans les deux cas, ces notions renvoient à une intention entrepreneuriale, ou à la vision fondatrice ou réformatrice d’un dirigeant. L’usage de ces deux notions semble postuler implicitement que l’intention de faire du profit n’est pas en soi

suffisante à expliquer pourquoi cette entreprise produit ces biens et ses services aujourd’hui.

 

Ainsi, pour une entreprise, expliciter sa mission ou sa raison d’être, c’est :

– rendre lisible la manière dont les biens et services qu’elle produit contribuent à apporter une valeur à la société, au monde, à l’environnement dans lequel elle s’inscrit ;

– un guide pour la stratégie, un moyen de prioriser ses activités, mais aussi un puissant moyen de communication et d’adhésion à la marque ;

– un moyen pour les salariés de répondre à la question : « Quel monde je contribue à façonner par mon travail ? »

 

En période de Covid, un exemple d’engagement suscité par une mission et une raison d’être fortes a été fourni par l’hôpital public. Nous avons tous pu mesurer l’engagement des services hospitaliers, déjà fortement fragilisés par des décennies de coupes budgétaires. On voit dans ce cas que la conscience de la mission d’une organisation est pour celle-ci un facteur de résilience et lui donne la capacité de perdurer dans des conditions fortement perturbées.

 

On peut débattre de savoir si les entreprises qui sont portées par une raison d’être forte sont plus résilientes et ont plus de succès. Mais une chose est sûre, elles favorisent un engagement plus fort de la part de leurs salariés, qui trouvent plus directement dans leur travail un sens qui les dépasse.

Pourrait-on sans dommage considérer qu’expliciter la raison d’être d’une entreprise est le meilleur moyen d’engager les salariés ? Une vision cynique consisterait à considérer que le travail sur la raison d’être des entreprises est avant tout un moyen d’exploiter la veine militante et engagée des jeunes générations, une manière de « repeindre » les entreprises en ONG… La focalisation récente sur la raison d’être des entreprises serait-elle donc un nouveau levier d’exploitation des salariés ?

 

Une entreprise peut-elle être porteuse d’une contribution sociétale ou d’une mission à impact positif, sans tenir compte de l’impact interne de son fonctionnement sur ses collaborateurs ?

La question est d’autant plus pertinente que l’hôpital a été le premier lieu d’observation du burn-out dans les années 1970. Le phénomène a été étudié pour la première fois par un psychologue américain chez les infirmières d’une clinique. À force d’abnégation, de renoncement à soi et à son équilibre au service de ses valeurs et d’une mission plus haute, ce dernier a constaté des attitudes

cyniques et des attitudes dégradantes vis-à-vis des patients. Pour la première fois, il a identifié ces comportements comme symptômes annonciateurs d’une usure pathologique.

 

Dès lors que l’entreprise s’engage dans une démarche authentique, l’explicitation de la raison d’être apparaît donc comme une formidable opportunité de questionnement sur le sens d’une organisation, sur sa contribution à la société. Elle permet aux collaborateurs de se recentrer sur ce qu’ils apportent à la société, de prendre conscience, dans certains cas, de la grandeur de leur mission. Mais le risque est aussi de considérer la raison d’être de l’entreprise comme un pur levier d’engagement, de dévouement, au détriment de l’équilibre des collaborateurs et donc de la durabilité de cet engagement. Engagement et bien-être au travail sont donc deux composantes indissociables d’un investissement durable des personnes au sein de leur organisation.

Raison d’être : y a-t-il un piège ?

Un contexte porteur voire contraignant

Le concept d’« objet de l’entreprise » a progressivement émergé à la suite du concept de responsabilité sociale des entreprises, de la théorie des parties prenantes depuis 2001 (loi NRE) et, plus récemment, de la notion d’impact avec les Objectifs de développement durable (ODD). Ce concept est aujourd’hui intégré dans la gouvernance d’entreprise.

En France, c’est la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises du 11 avril 2019 qui a sauté le pas en imposant un objet social élargi consacrant la place des enjeux environnementaux et sociaux (article 1833 du Code civil) :

« La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. » La loi inclut aussi la possibilité d’insérer une raison d’être dans les statuts (article 1835 du Code civil).

La raison d’être est constituée des principes dont la société se dote et qui vont guider ses orientations stratégiques.

 

Comment choisir sa raison d’être ?

La cohérence du message est très certainement la question essentielle : un message trop général, pompeux ou inadéquat portera atteinte à la crédibilité de l’entreprise alors que, si la raison d’être devient un élément particulier de l’identité de l’entreprise et est exprimée clairement, elle contribue fortement à son image et devient un élément essentiel pour porter la marque à l’extérieur et valoriser l’entreprise. Mais également dans le domaine des RH, car une raison d’être motivante mobilise les collaborateurs et permet d’en attirer d’autres, notamment les jeunes talents, exigeants désormais sur le purpose [« l’objectif »] de l’activité.

 

Prenons l’exemple de Carrefour : « Une alimentation de qualité accessible à tous », raison d’être statutaire adoptée le 4 juin 2019. « Notre mission est de proposer à nos clients des services, des produits et une alimentation de qualité et accessibles à tous à travers l’ensemble des canaux de distribution. Grâce à la compétence de nos collaborateurs, à une démarche responsable et pluriculturelle, à notre ancrage dans les territoires et à notre capacité d’adaptation aux modes de production et de consommation, nous avons pour ambition d’être leader de la transition alimentaire pour tous. » Promesse forte, délivrée lors de campagnes publicitaires.

 

Se pose également la question de la manière de définir la raison d’être. Le processus d’adoption de celle-ci n’est pas neutre. Le rôle des collaborateurs, afin qu’ils s’engagent, devrait être majeur, voire, au-delà, celui de l’écosystème. Philippe Renard, responsable du service gouvernance d’Engie indique avoir consulté une quinzaine d’actionnaires au sujet du cahier des charges. Pourtant, parce que les choses ne sont jamais simples, le revers de la médaille d’un processus engageant l’ensemble des parties prenantes est le risque d’arriver à une formule consensuelle, donc vague ou neutre.

 

Prenons en contre-exemple Orange : « L’acteur de confiance qui donne à chacune et à chacun les clés d’un monde numérique responsable. » Le processus de création de cette raison d’être a été hypervertueux : mobilisation de l’ensemble des parties prenantes et d’experts (internes et externes : 2 300 propositions recueillies) ; nombreuses questions posées aux salariés (vote de plus de 130 000 salariés) ; vidéos de collaborateurs « gardiens de la raison d’être d’Orange ».

 

Enfin, quid du risque de purpose washing ou d’une communication soit superficielle, soit peu audible ?

La raison d’être n’est pas un exercice de communication, mais un travail d’alignement stratégique entre mission et actes. Un risque est présent si ce ne sont que des mots. Risque d’ordre réputationnel avant tout, car l’image est une partie de la valeur de la marque ou de l’entreprise. Une raison d’être que personne ne peut reprendre à son compte ne remplit pas son office.

 

L’exemple de la Française des jeux : structurée autour de cinq piliers (l’offre de jeux, le modèle responsable, l’engagement sociétal, l’ancrage territorial et la durabilité), sa raison d’être s’inscrit dans la continuité de ce qui fait la spécificité de l’entreprise. Le groupe FDJ propose à tous ceux qui aspirent à jouer et à vivre des instants d’émotion une offre de jeux diversifiée et responsable. « Le jeu est notre métier, la contribution à la société notre moteur et la responsabilité notre exigence. Afin de promouvoir une pratique récréative du jeu d’argent, nous plaçons au cœur de nos préoccupations l’accompagnement de nos clients, l’intégrité de nos jeux et la réduction des risques et des conséquences liées à notre activité. Ainsi nous agissons pour prévenir les comportements d’addiction au jeu des mineurs. Héritiers de la Loterie nationale, créée pour venir en aide aux blessés de la Première Guerre mondiale, nous perpétuons nos actions sociétales et solidaires et notre participation au financement de l’intérêt général. Partenaires majeurs du commerce de proximité, nous rendons nos jeux et services accessibles au plus grand nombre, grâce à un réseau de commerçants présent sur tous les territoires. Forts de l’engagement de nos collaborateurs et de notre capacité d’innovation, notre ambition est de poursuivre notre développement dans le cadre d’un modèle responsable et utile à la société, et d’un dialogue étroit avec nos parties prenantes. »

 

D’autres exemples : autour de sa mission « Ressourcer le monde », Veolia se donne (hors statuts) pour but de contribuer au progrès humain, à la santé publique, aux enjeux économiques et environnementaux, à faciliter l’accès aux ressources naturelles… et de favoriser le bien-être de ses salariés. Dès qu’on passe le stade de la proclamation et qu’une raison d’être est intégrée dans les statuts (Atos, Carrefour, Engie, EDF, Danone), l’entreprise sera redevable devant des actionnaires, des salariés, etc. Différentes parties prenantes n’ayant pas toujours les mêmes intérêts et qui pourraient s’engager dans des actions, voire tenter un contentieux considérant que les bons arbitrages sur les allocations de ressources n’ont pas été réalisés.

 

Le Groupe Rocher est la première entreprise à avoir choisi d’être « à mission ». Bris Rocher a décidé d’y aller « même si s’engager dans cette voie est s’exposer. La raison d’être, c’est l’impact sur le long terme, à condition que la performance à court terme soit assurée. Être une entreprise à mission, c’est conjuguer performance économique et contribution au bien commun ». La raison d’être statutaire du Groupe Rocher (du 9 décembre 2019) est : « Reconnecter l’homme à la nature. » Forte de ses expertises botaniques, agronomiques et scientifiques et du modèle unique créé à La Gacilly, la société cultive un lien direct avec ses communautés et ses territoires. Bris Rocher s’inscrit dans les racines du groupe et le sillon tracé par son grand-père. Ainsi, la raison d’être du groupe s’accompagne d’engagements : réduction des émissions de gaz à effet de serre de 50 %, certification B Corp de 100 % du groupe, réduction de 30 % des consommations de plastique, plantation de 200 millions d’arbres à échéance 2030.

 

 

André-Joseph Bouglione, dompteur repenti

Bien avant les récentes annonces du gouvernement français[1], dès 2015, vous avez cessé votre activité de domptage. Avez-vous eu le sentiment de tourner le dos au monde du cirque et à votre famille ?

 

Ce n’est pas une cassure mais une évolution, voire une révolution, donc une continuité. Nous étions dans une impasse morale, éthique et humaine. La chance que j’avais, c’était d’être accompagné par mon épouse, qui ressentait la même chose. Je suis né dans l’une des plus illustres familles circassiennes de France. Mes oncles Firmin, Émilien, Sampion et mon père, Joseph, représentaient la quatrième génération. Mes cousins et moi appartenons à la cinquième. Quant à ma femme, Sandrine, née Suskow, elle est issue d’une célèbre lignée de dompteurs allemands. Nous avons tous les deux fait l’essentiel de notre carrière dans des numéros de domptage, que ce soit avec des tigres, des lions ou des éléphants. Nous avons été élevés dès l’enfance pour dresser des animaux. Pour nous, c’était naturel. Mais, progressivement, on ne supportait plus de voir nos animaux en cage, surtout quand on pensait que ces animaux étaient en voie d’extinction, qu’il en restait très peu à l’état sauvage. On les présentait dans des conditions qui n’étaient pas idéales pour eux, quels que soient les moyens qu’on y mettait. Nous avons donc souhaité créer un cirque correspondant à nos aspirations.

 

Pourquoi n’étiez-vous plus en phase avec votre métier ?

 

Sans le savoir et sans le communiquer aux autres, nous avions cette sensibilité animale au fond de nous. Avec le temps et l’expérience, cette sensibilité a pris le dessus. Mais pour accepter cette évidence, il nous a fallu vaincre notre conditionnement, dépasser cette culture qui est la nôtre et qui nous avait été inculquée dès notre naissance.

 

Vous étiez le plus jeune entrepreneur circassien de France, à 16 ans. Vous exerciez cette profession par choix ou par conditionnement familial ?

 

Les deux. Reprendre le cirque, c’était quelque chose qui était naturellement attendu par les anciens et source d’une grande fierté. Gamin, j’avais hâte de rentrer en cage, de faire mes preuves, de montrer à mes pairs que j’avais aussi ma place dans cette lignée des Bouglione. Et puis, avec la vie, on côtoie ces animaux, ce sont des êtres tellement intelligents et sensibles, on ne peut pas les ignorer. Même si on ne les rend pas malheureux, on se dit bien qu’on ne les rend pas non plus heureux. Tous les jours je me demandais : est-ce que mes fauves sont à leur place ? Je me suis mis à leur place : est-ce que moi je serais heureux ainsi ? Au bout d’un moment, mes actes et ma pensée étaient dissociés.

 

Avez-vous été considéré comme un traître dans le monde du cirque et même au sein de votre famille ?

Partout ! Ma femme et moi, nous nous sommes attiré une levée de boucliers hyperviolente et d’une très grande mauvaise foi. Je m’attendais que l’on m’oppose des arguments et qu’un débat sur la présence des animaux dans les cirques soit mené. Or, mes confrères ne se sont pas défendus autrement que par des insultes et des attaques personnelles.

 

Qu’appelle-t-on le dressage ?

C’est comme dans le sketch Les Chasseurs, des Inconnus : il y a le bon chasseur et le mauvais chasseur ! Eh bien il y a le bon dresseur et le mauvais dresseur…

Quand il est bien réalisé, le dressage peut même être un enrichissement. Or, cet art s’est perdu. Je ne reconnais plus mon métier quand je vois les jeunes générations en piste. Les animaux sont drogués, dégriffés, mutilés pour ne plus être dangereux. Les anciens dompteurs, ceux qui ont fait le succès du cirque moderne, auraient été choqués par de telles pratiques. Malheureusement, aujourd’hui, la plupart des dresseurs ne méritent pas cette qualification tant le respect des animaux et de leur nature n’y est pas.

Aussi, le problème du dressage n’existe plus, car le problème s’est déplacé dans la captivité. C’est cette dernière qui rend les animaux malheureux, ce n’est pas le dressage. La cage, c’est la prison à perpétuité. Certains comportements que l’on croyait normaux sont en fait des signes de stress. Par exemple, le balancement des éléphants à l’arrêt : je croyais que cela signifiait qu’ils étaient détendus. En fait, les éléphants libres ne le font jamais. C’est juste un trouble lié à l’enfermement. Impossible de l’ignorer une fois qu’on le sait… Il y a entre 300 et 400 cirques en France ; ils détiennent une quinzaine d’éléphants et environ 2 000 fauves. Certains dompteurs savent encore les dresser dans le calme et la douceur, mais ils sont devenus rares, car le métier s’est perdu.

 

Vous êtes donc un précurseur dans le cirque qui se réinvente. En quoi votre projet est-il écologique ?

Avec ma femme, nous nous sommes dit : s’il est question de faire évoluer le cirque, autant le faire à fond. On a donc décidé de réduire au maximum notre impact environnemental. Au lieu de voyager en camion, notre cirque utilisera les voies ferroviaires ou fluviales, grâce à des containers spéciaux. L’Écocirque est le premier spectacle à tourner exclusivement à l’énergie verte, grâce à notre partenaire Enercoop, l’électricité 100 % renouvelable. Et une fois installés sur le site, nos containers de transport se transformeront pour devenir des espaces d’exposition et de vente. Nous privilégierons également le tissu économique local dans chaque ville où nous poserons nos valises, en créant des emplois sur place. Reforest’Action plantera un arbre pour certaines places achetées. On va tout changer, casser tous les codes !

 

Votre raison d’être, auparavant, était de dompter des fauves pour faire fonctionner votre entreprise : aujourd’hui quelle est-elle ?

 

Ma raison d’être et celle de l’Écocirque se sont confondues, maintenant. Mon projet et ma vie ont fusionné. C’est ça ou la mort… Un peu comme un révolutionnaire : c’est la liberté ou la mort. Ma raison d’être est de transmettre à mes enfants une nouvelle idée du cirque, ainsi qu’à mes confrères. Je connais leur situation, leur peur de lâcher ce qu’ils connaissent, je l’ai éprouvée aussi. Ils ont peur que le cirque, sans animaux, ne fonctionne pas. Mais en voyant la création de l’Écocirque et quand ils verront que cela marche, ils verront le renouvellement de notre art. On ne peut pas ne jamais se remettre en question, ce n’est pas possible.

 

Vous avez poursuivi l’œuvre de vos aïeuls avec fierté : est-ce que ce sera le cas de vos enfants ?

Comme un humble saltimbanque, j’essaie de faire des choses pas trop honteuses pour eux, avec un minimum d’honneur et d’honnêteté intellectuelle, car c’est ce qui est le plus important dans la vie. Je crois qu’avec l’Écocirque mes enfants croiront à l’avenir du cirque, et pour moi c’est déjà beaucoup.

[1] À la fin de 2020, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, a annoncé la «fin progressive de la présence de la faune sauvage dans les cirques itinérants » et a invité le métier à évoluer, tout en ménageant une période de transition.

 

Terra Hominis est la première société à mission du monde viticole

Pouvez-vous refaire avec nous le chemin qui a conduit la TPE Terra Hominis à devenir une société à mission ?

Tout a commencé il y a trois ans. Un matin, j’étais en train de me raser dans ma salle de bains et j’ai entendu un reportage à la radio consacré au concept de « société à mission ». Je n’avais jamais entendu ce terme, et pourtant il a résonné en moi comme une évidence. À ce moment-là, en France, vous aviez, d’un côté, des associations loi 1901 et, de l’autre côté, des sociétés classiques, dont l’objectif final était de faire du profit. Et entre les deux, vous aviez des chefs d’entreprise qui montaient des sociétés pour gagner de l’argent, bien sûr, mais aussi pour créer de l’activité et donner du travail à des gens. Ce statut me semblait donc être la solution pour revaloriser l’image des entreprises qui souhaitaient porter une mission d’intérêt publique, un objet social étendu, tout en étant une structure privée, sans subventions ni aides.

La mission devait être cohérente avec la raison d’être de votre entreprise…

Cela collait parfaitement. La mode du financement participatif n’avait pas encore touché le milieu du vin quand j’ai créé Terra Hominis, en 2011. Cette naissance est issue de plusieurs constats : une génération importante de jeunes vignerons était formée, les deux tiers des vignerons avaient plus de 55 ans et ne souhaitaient pas céder leur vignoble à de grosses structures viticoles, les jeunes qui souhaitaient s’installer en viticulture n’étaient pas soutenus par les banques. Enfin, j’avais le sentiment que les Français mettaient de l’argent de côté et cherchaient à lui donner du sens. Terra Hominis a donc été créée pour faire le lien entre la Terre et les Hommes. Le statut de société à mission qui est le nôtre intègre cette mission d’intérêt collectif. Dans l’article 2 de nos statuts, il est désormais écrit que la raison d’être de la société est de préserver les vignobles, la diversité de ses vignerons, tout en créant du lien entre les amateurs de vin et les viticulteurs, et en dynamisant les territoires ruraux. En ces temps complexes, les citoyens sont en quête de sens, et les entreprises doivent assumer leurs responsabilités sociétales et environnementales, tout autant qu’économiques.

Y a-t-il eu un « avant » et un « après » le changement de statut de votre entreprise ?

Pour assurer le suivi de nos engagements, nous avons nommé un référent de mission qui vérifie le bien-fondé de chaque projet. Il soumet chaque dossier à un comité indépendant afin de récolter son avis sur le projet et d’obtenir un rapport d’impact environnemental et sociétal.

Toutefois, je dois vous dire que je pensais qu’il y aurait un « avant » et un « après » au sein de la société française. Selon moi, la création de cette dénomination juridique est la plus grosse évolution du monde de l’entreprise depuis la loi 1901. Alors je pensais que cette avancée créerait un grand boom dans la presse, que les observateurs et les économistes s’empareraient de cette notion. Eh non… Notre société passe totalement à côté des sociétés à mission, alors qu’elles sont les entreprises de demain. Cela me fait penser à l’essor de l’agriculture biologique. Il y a quarante ans, dans un village, un vigneron s’était converti à ce mode de production. Il était le premier viticulteur bio de France. Le maire d était venu le voir en lui disant que son activité pouvait être dangereuse… Aujourd’hui, dans ce village, quasi tout le monde est dans le bio. Je pense que d’ici à quelques années ça ne sera pas aux vignerons bio d’écrire sur les bouteilles qu’ils sont bio mais aux « conventionnels » d’écrire qu’ils ne sont pas bio, car le bio sera la norme ! La société à mission, c’est un peu pareil : on ne pourra plus être là, juste pour faire du capital, au détriment du social et de l’environnemental.

Qu’est-ce que cette qualité apporte à l’entreprise et aux équipes au quotidien ?

 

Souvent, les entreprises se dotent d’une raison d’être, puis deviennent des sociétés à mission. Toutes ces étapes sont franchies pour Terra Hominis : quelle est la prochaine ?

Ce qui fait la richesse de la France, c’est son patrimoine. Mais l’homme est menacé sur ses propres terres. Dans l’avenir, les gros voudront racheter les petits, les lois vont se durcir, il sera de plus en plus difficile d’être vigneron, seul. J’aimerais créer une structure de mise en commun pour producteurs, avocats, juristes, comptables… L’idée est de préparer le monde de demain, avec toujours ce souci de valoriser le terroir et de créer du sens et du lien entre les parties prenantes.

Le Covid-19, catalyseur du besoin de sens

La crise du Covid-19 a profondément perturbé la relation au travail : beaucoup de collaborateurs se sont retrouvés brutalement projetés en travail à distance avec une faible visibilité sur le « retour à la normale ». La crise a prouvé qu’il était possible de maintenir l’activité grâce au télétravail mais a, en même temps, dégradé le sentiment d’appartenance des collaborateurs à l’entreprise en réduisant le travail à sa dimension productiviste.

La période de crise confronte les entreprises à un paradoxe : d’un côté, faire évoluer les modes de collaboration en intégrant plus de flexibilité (8 DRH sur 10[1] jugent que le développement du télétravail de manière pérenne est souhaitable, au moins sous sa forme hybride) et, de l’autre, ranimer le sens du collectif, permettre à l’entreprise d’être à nouveau une « société ».

Il sera crucial pour les dirigeants dans les mois à venir de s’interroger et d’ouvrir le dialogue avec les équipes : « Quel est notre projet collectif ? Qu’avons-nous envie de partager et d’accomplir ensemble ? » Les dirigeants vont devoir éclairer le sens, la vision et les valeurs communes pour réengager et permettre au corps social de se projeter dans l’avenir.

C’est tout l’enjeu de la « raison d’être » : fédérer autour d’un horizon partagé en exprimant la contribution positive de l’entreprise à la société. En éclairant le sens de l’action, la raison d’être a un impact sur la performance, l’épanouissement et la fidélité des collaborateurs :

  • un collaborateur « inspiré » est 2,25 fois plus productif qu’un collaborateur simplement satisfait, selon HBR[2];
  • la même étude montre qu’un collaborateur est 4 fois plus susceptible d’être épanoui au travail quand il travaille pour une entreprise dont il perçoit la raison d’être ;
  • 53 %[3] des collaborateurs se disent prêts à quitter une entreprise où la raison d’être ne serait pas conforme à leurs valeurs.

La raison d’être nourrit également la marque employeur en externe : c’est le facteur principal d’attraction de nouveaux talents, selon 71 % des salariés[4]. Dans la bataille pour attirer les nouvelles générations, la capacité à donner du sens sera un élément déterminant.

 

Malgré ce pouvoir de mobilisation et d’attraction de la raison d’être, certains dirigeants peuvent se montrer frileux à l’idée de travailler sur l’engagement sociétal, craignant que cela ne les détourne de la performance financière, particulièrement en cette période d’incertitude. Or, nous avons montré dans la première édition de l’Indice de l’engagement sociétal[5] qu’engagement à l’égard des parties prenantes et performance financière vont de pair : plus le score d’une entreprise progresse dans l’Indice – qui évalue la mobilisation des entreprises du CAC 40 à l’égard de l’ensemble de leurs parties prenantes (collaborateurs, clients, partenaires, société), plus son TSR (Total ShareHolder Return) sur un, cinq ou dix ans progresse. Réconcilier sens et performance semble donc relever du bon sens plutôt que de la gageure !

Ce cercle vertueux requiert un engagement authentique de l’entreprise et du top management : les preuves de cet engagement sont aujourd’hui évaluées de façon précise – à travers un panel d’indicateurs ESG, de mesures d’impact, d’indices –, et cette transparence peut agir comme un catalyseur de la confiance entre l’entreprise et ses parties prenantes ou comme le couperet de la défiance en cas d’incohérence. Il incombe ainsi aux entreprises pionnières de démontrer leur progression pour aligner tous les pans de l’organisation avec leur raison d’être.

[1] Étude BCG/ANDRH, juin 2020.

[2] « Engaging your employees is good but don’t stop there », HBR, 2015.

[3] « The case for purpose », Vlerick Business School, 2020.

[4] « Baromètre de la raison d’être », 12-11-2019, NoCom & Tikehau & Essec & Les Échos & Radio Classique.

[5] « Engagement sociétal : où en sont les grandes entreprises », BCG, 2020.

 

La Raison d’être selon Veolia

Parlez-nous de la genèse de la raison d’être de Veolia.

Le PDG du groupe, Antoine Frérot, en est le principal moteur. Il s’investit depuis plusieurs années déjà dans une réflexion autour de la place des parties prenantes de l’entreprise. L’élaboration de notre raison d’être a donc été un prolongement naturel. Les activités de Veolia et la sensibilité de notre groupe aux questions d’empreinte environnementale et de développement durable étaient également en phase avec la construction d’une raison d’être. Le texte est le fruit de concertations denses, réalisées avec le management, les représentants du personnel, une grande partie des salariés et les membres du conseil d’administration. Le texte a été voté par le conseil d’administration, puis présenté à l’assemblée générale des actionnaires. Enfin, d’autres parties prenantes ont été impliquées, comme notre comité de « critical friends ». C’est un groupe composé d’une quinzaine de personnalités extérieures à l’entreprise qui viennent d’ONG, de l’économie sociale et solidaire ou du monde universitaire.

Comment les représentants du personnel se sont-ils impliqués ?

D’une manière totale. La contribution des salariés, par la voix des représentants, a nourri le texte pour une meilleure prise en compte des aspects liés aux ressources humaines. Les collaborateurs sont par exemple à l’origine de l’engagement selon lequel « Veolia favorise, notamment au sein des instances représentatives du personnel, le dialogue social qui participe à l’appropriation par les salariés de notre projet collectif ».

Comment fait-on vivre une raison d’être au quotidien dans l’entreprise ?

On l’utilise comme un outil. En effet, il ne suffit pas de faire un beau texte, il faut le faire vivre et l’utiliser. Pour certains pays d’implantation du groupe, ou certains métiers, la raison d’être est facile à appréhender. Lorsque vous réalisez des branchements et des distributions d’eau pour des populations en difficulté en Équateur, elle prend une dimension très concrète. Mais pour d’autres salariés, comme ceux des fonctions support, c’est plus compliqué. Nous avons beaucoup communiqué en interne sur la raison d’être, pour la présenter, l’expliquer et avec l’ambition que tous nos salariés pouvaient l’appréhender. Nous avons constitué une communauté de travail où chacun pouvait trouver, en plus d’un revenu et du respect de sa santé et de sa sécurité au travail, un sens à son activité. La raison d’être est aussi animée par l’engagement dans une démarche collective valorisante et un épanouissement personnel. Par des programmes de formation, Veolia souhaite s’assurer du développement des compétences de ses salariés qui sont dans leur grande majorité des ouvriers et des techniciens. L’entreprise s’appuie sur leur responsabilité et leur autonomie à tous les niveaux et dans tous les pays, et promeut l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

Le Grand Entretien: Denis Machuel, Directeur général de Sodexo

La crise sanitaire et la généralisation du télétravail modifient-elles l’implication et la présence de Sodexo dans les entreprises ?

 

L’année qui vient de s’écouler a changé la donne dans le monde du travail. Cette nouvelle situation est un bouleversement et une opportunité pour Sodexo, groupe présent dans le secteur public – hôpitaux, écoles ou maisons de retraite – comme dans les entreprises privées. Aujourd’hui, nous accélérons notre transformation de deux manières pour répondre aux consommateurs qui privilégient la flexibilité.

Tout d’abord, le « anyfood, anytime, anywhere » se renforce, puisque nombre d’entreprises se posent aujourd’hui la question de l’accompagnement de leurs salariés quand ils sont chez eux. Comment garantir le bien-être dans cette vie partagée entre domicile et bureau ? C’est là que la puissance de frappe de Sodexo va être mise en évidence. Aujourd’hui, nous sommes capables de proposer à un même collaborateur une offre de restauration sur place lorsqu’il est au bureau, et une offre de livraison de repas ou de carte restaurant lorsqu’il est en télétravail. Depuis le début de la crise, et avec l’essor du télétravail, cette offre intégrée séduit de plus en plus ceux de nos clients qui veulent améliorer la qualité de vie de leurs collaborateurs.

La deuxième tendance, c’est l’accélération de la transformation des espaces de travail. Aujourd’hui, 80 % de nos clients voient leur bureau comme un lieu pour nourrir la culture d’entreprise. Cet espace doit muter pour devenir un endroit de partage et de convivialité, et ce malgré les restrictions sanitaires. C’est l’objet de l’initiative Rise With Sodexo, que nos équipes ont développée au plus fort de la crise sanitaire avec un objectif : celui d’aider nos clients à rebondir et à se relancer en leur offrant une palette de services essentiels. Il s’agit, entre autres, d’assurer la sécurité sanitaire grâce à des services sans contact, à des protocoles de désinfection des surfaces de travail, des boutons d’ascenseur, des poignées de porte…

 

À la fin de 2020, Sodexo a annoncé un projet de plan de sauvegarde de l’emploi « qui impliquerait la suppression nette de 2 083 postes », soit près de 7 % de ses effectifs en France, « en majorité dans le segment services aux entreprises ». Vous êtes le premier employeur privé français dans le monde. C’est une lourde responsabilité ?

Oui, c’est une grande responsabilité pour un groupe qui possède des valeurs fortes. Cette décision a été prise au regard des changements structurels des entreprises, avec l’avènement du télétravail, qui impacte une partie de notre activité sur sites de façon durable. De même, dans la mesure où certains pays ne possèdent pas de mécanisme d’activité partielle comme c’est le cas en Europe, nous avons dû malheureusement ajuster nos effectifs. Cette décision n’a pas été facile à prendre. C’est pour cela que nous avons mis en place un programme de soutien de nos salariés, à hauteur de 30 millions d’euros, grâce à la contribution des principaux dirigeants de l’entreprise. Cela nous a permis d’accompagner les collaborateurs quittant nos structures, ainsi aux États-Unis, où leur couverture sociale a été maintenue, ou au Brésil, où des bons de nourriture et des bons d’achat ont été distribués.

Y a-t-il des mobilités internes ?

Absolument. Notre volonté première est de limiter autant que possible l’impact de ce plan sur l’emploi. Nous travaillons beaucoup aux reclassements des hommes et des femmes de Sodexo, grâce à un mécanisme de formation et de reconversion. Près de 850 postes ont été ouverts en France afin de faciliter le transfert interne de nos employés du segment des entreprises qui étaient impactées vers les hôpitaux ou les maisons de retraite qui ont besoin de main-d’œuvre. Nous avons souhaité également favoriser les mobilités externes : nous sommes en contact étroit avec d’autres entreprises qui recrutent des salariés, comme Korian, pour développer des passerelles qualifiantes afin que nos collaborateurs retrouvent un emploi.

La crise révèle-t-elle les qualités et les failles d’un groupe ?

Cette crise nous permet d’aller chercher profondément nos forces. Nous possédons trois valeurs fondamentales : l’esprit d’équipe, l’esprit de service et l’esprit de progrès. L’esprit de service nous indique la voie à suivre : quoi qu’il arrive, nous continuerons de servir nos clients, en Asie, en Europe et ailleurs. Nous n’avons jamais interrompu notre activité et avons eu à cœur de soutenir nos clients et nos consommateurs, en gardant des crèches ouvertes en France pour accueillir les enfants des personnels soignants, ou encore en adaptant nos services en Asie pour que nos grands clients pharmaceutiques puissent poursuivre leurs activités dans des conditions de sécurité maximales. Je tiens à remercier encore nos équipes qui font preuve d’une grande agilité dans un contexte instable. Par exemple, aux États-Unis, nous avons aidé à rouvrir un hôpital fermé, hors service, le St. Vincent’s Hospital, qui est devenu le Los Angeles Surge Hospital, dédié uniquement à la Covid, et ce en moins de quinze jours !

Sodexo réalise régulièrement des enquêtes d’engagement auprès de ses collaborateurs.

L’écoute des collaborateurs est fondamental dans un groupe de 420 000 personnes, où l’humain est la principale richesse. Pour cette raison, nous organisons régulièrement des enquêtes d’engagement depuis de nombreuses années. En 2020, au plus fort de la crise, nous avons voulu prendre le pouls des équipes avec plusieurs sondages éclair pour recueillir l’avis et l’état d’esprit des collaborateurs. En est ressorti un mélange de fierté et d’anxiété. En parallèle, une enquête d’engagement a effectivement été réalisée à la rentrée. Résultat : le taux d’engagement a atteint 80 % et nos salariés sont formidablement investis dans leur mission. Nos métiers sont essentiels, ce que la crise a clairement démontré. Lors du premier confinement, quand nous applaudissions les gens, le soir, aux fenêtres, nous pensions, chez Sodexo, non seulement aux soignants des hôpitaux mais aussi à nos collègues, aux femmes et aux hommes qui étaient sur le pont, contre vents et marées, pour servir les clients dans les entreprises ouvertes, pour nettoyer les chambres de patients atteints de la Covid dans les hôpitaux, pour prendre soin des personnes âgées dans les Ehpad ou à domicile.

 

Quelles sont les perspectives en matière de qualité de vie au travail pour les prochaines années et décennies ?

C’est en prenant soin des gens que l’on contribuera à ce qu’ils améliorent leurs performances. Leurs univers physiques et digitaux doivent être optimaux. Chez Sodexo, notre façon d’envisager la qualité de vie au travail se fait dans deux domaines. Tout d’abord à travers les moments de restauration, qui sont des moments qualitatifs. Et un sujet est essentiel : la qualité des produits que nous proposons. Les consommateurs veulent plus de local, plus de bio, plus de produits certifiés et labellisés. C’est pour cela que nous investissons dans la pêche durable, depuis plus de vingt ans, et que nous menons des travaux sur l’huile de palme durable depuis dix ans. Autre sujet : la réinvention des espaces de vie et de travail. Le travail traditionnel est déstructuré. On voit bien que les visioconférences ont une vraie utilité pour certains sujets et moins pour d’autres. Quand vous êtes en réunion de créativité, le côté transactionnel d’une visio est pénalisant. En revanche, une business review se fait très bien à distance. Cette réappropriation des espaces participe du bien-être des salariés. Enfin, la sécurité sanitaire restera critique dans les prochaines années. Notre expertise dans les domaines de la désinfection des lieux, du nettoyage, des protocoles à mettre en place dans les espaces de vie commune sera donc essentielle.

Vous proposez un outil d’aménagement de l’espace de travail, nommé Wx. L’idée est d’améliorer l’expérience du collaborateur, pouvez-vous nous en dire plus ?

Aujourd’hui, ce n’est plus le collaborateur qui s’insère dans le cadre de l’entreprise, c’est cette dernière qui doit s’adapter à lui. Notre objectif est de comprendre les aspirations de chacun pour que chacun ressente cette qualité de vie au travail. La société doit réfléchir aux parcours individuels des collaborateurs, de chez eux à leur bureau, en passant par leurs interactions avec leurs collègues. En effet, l’expérience collaborateur démarre déjà à la maison, par exemple avec Klaxit, pour proposer du covoiturage, ou encore avec l’élargissement des choix de restauration, grâce à la carte restaurant ou à la livraison de repas, qui peut se faire à domicile. Sur site, avec Wx, nous accompagnons également nos clients dans la conception des espaces de travail et dans la gestion de ceux-ci au quotidien, par exemple pour créer des espaces de convivialité ou pour permettre de géolocaliser par des capteurs les collègues dans des espaces de flex office. Grâce au digital, on peut réserver des salles de réunion, des espaces, mais aussi optimiser l’occupation des lieux. Vous le voyez, grâce à l’ensemble des solutions que nous proposons, nous favorisons des environnements beaucoup plus fluides, adaptés aux nouvelles attentes des consommateurs.

Activité de conciergerie, garde d’enfants, support pour les aidants familiaux : l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle est-il recherché aujourd’hui plus qu’hier ?

La crise et le développement du télétravail ont effacé les frontières entre vie professionnelle et vie personnelle. Notre ambition est de restaurer un sentiment de normalité en favorisant le bien-être et en minimisant la charge mentale. C’est pourquoi nous avons mis en place des cellules d’accompagnement et adapté notre conciergerie Circles, avec l’offre Be Connected, qui vise à maintenir la cohésion des équipes à distance tout en contribuant à leur performance. Notre marque Liveli est un autre exemple : nous proposons aux parents d’accéder à une crèche différente de leur crèche habituelle si cela leur convient mieux dans le contexte actuel de télétravail.

S’agissant des sujets de diversité et d’inclusion : comment cette politique est-elle menée équitablement dans tous les pays où vous êtes présents ?

La diversité et l’inclusion sont vecteurs de performance et d’engagement des équipes. Nous avons toujours été sensibles à l’harmonisation des différentes pratiques que nous mettons en œuvre auprès de nos salariés. Aujourd’hui, nous avons un certain nombre de standards que nous mettons en place grâce au concours des ressources humaines locales. Nos engagements en matière de diversité et d’inclusion sont, par exemple, déclinés dans tous les pays. Pour ce faire, nous nous appuyons notamment sur le réseau SoTogether, un conseil consultatif dédié, pour assurer un meilleur équilibre entre les genres à tous les niveaux de l’organisation. Lancé en 2009, il rassemble 35 dirigeants, femmes et hommes, de 15 nationalités différentes. Des actions de formation ou de mentorat se mettent ainsi en place à tous les niveaux de l’organisation, à travers 21 réseaux mixtes dans le monde. Nous avons également des leads régionaux et des ambassadeurs dans les pays pour travailler avec nos clients et faire respecter nos politiques ou mener des actions de sensibilisation sur le terrain. À titre d’exemple, nous avons un protocole d’« accueil et de reconnaissance » en Australie et une communauté d’« ambassadeurs inclusion » aux États-Unis : leur mission est de donner une voix aux collaborateurs sur site, de promouvoir des opportunités et un travail constructif, en collaboration avec les DRH de nos clients.

Sophie Bellon, présidente du Conseil d’administration de Sodexo, décrit ainsi la mission du groupe : « Améliorer la qualité de vie des personnes que nous servons tout en contribuant au développement économique, social et environnemental des villes, régions et pays où nous opérons. C’est mon père, Pierre Bellon, qui l’a inscrite dans nos gènes il y a cinquante ans, et nous n’avons pas eu besoin de la loi Pacte pour nous interroger sur notre “raison d’être”. » Avez-vous néanmoins une raison d’être inscrite dans vos statuts ?

Depuis plus de cinquante ans, la mission de Sodexo est double : améliorer la qualité de vie des personnes que nous servons et celle de nos collaborateurs, et contribuer au développement économique, social et environnemental des territoires sur lesquels nous opérons. Cette colonne vertébrale pourrait nous dispenser de détailler une raison d’être, de manière juridique. Nos collaborateurs connaissent le sens et la direction de leur travail. Cela dit, la crise nous a encouragés à moderniser notre raison d’être. C’est un travail mené par Sophie Bellon, le conseil d’administration et le comité exécutif. Nous nous inscrirons ainsi dans la continuité de notre mission.

Allez-vous inclure cette raison d’être redéfinie dans vos statuts ?

C’est une possibilité. Mais ce qui fait la réalité de cette raison d’être, c’est la conscience et la fierté des collaborateurs. En 1968, l’entreprise avait deux ans, et Pierre Bellon, alors président du Centre des jeunes dirigeants, avait déclaré : « L’entreprise n’est pas l’entreprise, elle est la communauté de ses salariés, de ses clients, de ses actionnaires. » C’était la loi Pacte avant l’heure. Cette empreinte de notre fondateur est toujours présente. Ce qui insuffle de l’énergie à nos salariés, c’est le fait de donner le meilleur d’eux-mêmes, dans la profonde compréhension de notre mission.

Quelle est votre raison d’être personnelle ?

Permettez-moi de répondre par un chiffre : 24 % des salariés français de Sodexo sont issus de quartiers prioritaires de la ville, notre politique d’insertion et de diversité est importante et participe au développement des communautés dans lesquelles nous intervenons. C’est un exemple parmi d’autres : j’ai la chance de diriger une entreprise nourrie d’âme et de sens, qui impacte positivement de plus en plus de gens, des collaborateurs aux clients.