Tribune : Pour une souveraineté stratégique : la raison d’être… d’un débat
Il était important de lancer le débat sur la raison d’être, tant elle occupe le paysage corporate français avec un visage que nous seuls savons offrir au monde.
En résumé : face à l’urgence planétaire et à la quête de sens, la politique a sommé les entreprises de manifester leur adoration de l’écosystème et de mettre en conformité leur marché avec cette injonction. Et ces dernières se sont oubliées dans une pratique mimétique. Chacun « agit pour accélérer la transition vers une économie neutre en carbone », « concilie performance économique et impact positif sur les personnes et la planète », « donne les clés d’un monde numérique responsable », « veille à une mobilité respectueuse »… Pour obtenir un tel résultat : des mois de travail, des codir spécifiques, l’interne interrogé participatif oblige, le tout pour une divine révélation souvent banale.
Ce sont les conditions matérielles et sociales de l’existence qui ont déterminé la conscience d’une entreprise et lui ont donné sa raison d’agir.
La pratique de la raison d’être aide à se situer dans la société, ce n’est pas rien… Mais l’expérience montre qu’elle ne permet pas d’intégrer une vision stratégique souveraine.
À l’étranger, cette pratique est intégrée dans un purpose la liant aux offres et aux actifs.
Les réactions : excellente surprise, un raz de marée de gens ravis de se libérer du dogme ; et d’autres, minoritaires heureusement, arguant qu’il n’y avait ni effet du temps ni injonction politique dans le fait d’avoir le titre de… directeur du pôle raison d’être, ou d’être à la tête d’entreprises nommées « raison d’être conseil ». Mais l’intégration du purpose en France, il y a vingt ans, n’a pas vu éclore de « directeur du purpose ». Le refus, dans la discussion, de voir le conflit d’intérêts est abyssal, comme la confusion entre l’existence (être) et la foi (croire).
Mais rien n’est plus passionnant que de confronter les écoles.
La finance durable fait l’objet de batailles et, jusqu’ici, a peu d’impact sur la valorisation des entreprises : on en pense quoi ?
Des actionnaires minoritaires s’opposent à des conseils d’administration que la raison d’être ne protège pas : on change quoi ?
Le terme « extra-financier » semble condamné à être différent de celui de « financier » : quelle stratégie donne une vision unifiée de l’action ?
À Reputation Age, nous avons assumé l’immense responsabilité de proposer au marché la « souveraineté stratégique », une urgence à l’heure où les entreprises s’épuisent à courir après des positionnements à la mode, des captations d’externalités insoutenables, les doxas durables. Le succès est étonnant et nous touche énormément. D’immenses entreprises armées pour vingt ans de stratégies professionnelles complètes, mais banales et non souveraines, nous ont demandé de travailler pour elles.
Ce débat est un signal faible de l’époque. De plus en plus de gens amoureux d’un futur durable, extérieurs au marketing, n’ayant été ni nourris à la micro-économie compétitive ni habitués génétiquement à lier la communication des entreprises aux demandes de vertu, s’emparent de celle-ci. C’est la version 2023 des communicants de 1990-2010.
Ce n’est pas grave, mais on perd du temps. La France n’est ni anti-économie ni pro-économie, elle demeure pour une partie… a-économie. λ