Quand le climat dessine sa fresque en entreprise

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Phénomène éco-sociétal, la Fresque du climat, jeu pédagogique destiné à mieux comprendre les enjeux du réchauffement climatique, vient de franchir le cap du million de participants. Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à recourir à cet outil d’intelligence collective.

Par Frédérique Jacquemin

Lorsqu’il pense La Fresque du climat, en 2018, le Nantais Cédric Ringenbach, ingénieur, conférencier et enseignant spécialisé dans le changement climatique, se donne un objectif ambitieux : accélérer la compréhension des enjeux climatiques au niveau mondial pour contribuer à déclencher les bascules nécessaires à la préservation de la planète et du vivant. S’appuyant sur le postulat que « pour agir, il faut comprendre », il conçoit un jeu de cartes pédagogique, nourri d’informations scientifiques vulgarisées du Giec (Groupe international des experts pour le climat), pour inviter les « joueurs » à dessiner ensemble, durant trois heures, un cheminement graphique qui part du problème, expose ses causes et dégage des solutions et des pistes d’action générées de façon collective par les participants eux-mêmes. Cinq ans plus tard, 1 million de personnes, citoyens lambda, étudiants ou encore organisations et entreprises, ont participé à ce jeu climatique pédagogique et ludique colporté dans 130 pays. La part des entreprises représente à elle seule près de 35 % des participants.

« Une claque » fédératrice

« Dès ses débuts, La Fresque du climat a été sollicitée par les entreprises qui ont des stratégies de développement durable. Elle est perçue comme un outil de référence qui permet aux collaborateurs de s’approprier le défi de l’urgence climatique », expose Thomas Dayraud, directeur offres et programme au sein de l’association La Fresque du climat. Une sensibilisation « choc » qui fait l’effet « d’une claque » et qui a le don de provoquer l’effet recherché par les dirigeants. « Pour s’inscrire dans la transition, les entreprises ont besoin d’embarquer leur staff et leurs collaborateurs avec elles pour les informer des changements qu’elles vont mettre en place, mais aussi les impliquer. C’est une étape essentielle. » EDF, Decathlon, La Poste, Saint-Gobain, Airbus… Autant de groupes qui l’ont compris. Les deux premiers ont ainsi formé quelque 70 000 de leurs collaborateurs aux enjeux climatiques par le biais de La Fresque du climat, sur un rythme moyen d’une fresque animée par mois sur deux ans, en fonction de la taille de l’entreprise.

Des référents « fresqueurs » au sein de l’entreprise

Pour permettre un déploiement à grande échelle, l’association forme un collaborateur interne à l’entreprise qui devient l’animateur et le référent officiel Fresque du climat au sein de la structure. « Ces dynamiques permettent au jeu de pouvoir se déployer dans différents pays grâce aux branches internationales des groupes, comme Saint-Gobain, par exemple, qui a des équipes au Brésil », détaille Thomas Dayraud, précisant que 75 % des entreprises du CAC 40 ont aujourd’hui recours à cet outil pour impliquer leurs équipes dans la transition. « Chaque mois nous sommes sollicités par des centaines d’entreprises de toutes tailles, de plus en plus à l’international. En 2022, la proportion des demandes était de 90 % pour la France et de 10 % pour l’étranger. Cette année, on est à 80 % (20 % pour l’étranger). Dans les années à venir, la France ne sera plus qu’un pays parmi les autres », projette le responsable, dont l’association est aujourd’hui implantée en Suisse, au Royaume-Uni, en Espagne et en Belgique. Dans les mois et les années qui viennent, La Fresque du climat vise un déploiement massif de son dispositif dans d’autres pays (notamment aux États-Unis et au Canada), en renforçant l’outillage du jeu.

 

Trois questions à Emmanuel Delannoy, cocréateur de la Fresque de l’Économie régénératrice.

Comment l’idée de créer une Fresque autour de l’économie vous est-elle venue ?

L’idée était de concevoir une fresque tournée vers une économie qui inclue les grands principes de la permaculture. Soit une économie qui intègre les communs, c’est-à-dire tout ce dont l’entreprise bénéficie dans son fonctionnement mais qui ne lui appartient pas.

Quels sont les grands axes de cette fresque ?

Elle se déroule en quatre parties. La première vise à présenter les cycles de vie des produits et à démontrer que l’économie d’aujourd’hui n’est pas circulaire. La seconde, les systèmes dans lesquels l’entreprise s’insère, les communs sociaux et environnementaux. La troisième dresse un arbre des causes qui permet de soulever ce qui ne va pas dans l’économie actuelle et de mettre à jour le pourquoi. Enfin, la quatrième présente les piliers de l’économie régénératrice et ses intentions, ses référentiels et ses outils et méthodes, en se basant sur le principe du respect du vivant, en remettant les communs environnementaux, absents de l’économie actuelle, au centre.

Quel est l’objectif de cette fresque ?

Pour l’entreprise, elle est un premier pas vers la régénération. Le but est qu’elle lui donne l’envie de mettre en place ce type d’économie, alternative et complémentaire à l’économie capitalistique, dans son système de gouvernance et son modèle économique.