Terra Hominis est la première société à mission du monde viticole

Pouvez-vous refaire avec nous le chemin qui a conduit la TPE Terra Hominis à devenir une société à mission ?

Tout a commencé il y a trois ans. Un matin, j’étais en train de me raser dans ma salle de bains et j’ai entendu un reportage à la radio consacré au concept de « société à mission ». Je n’avais jamais entendu ce terme, et pourtant il a résonné en moi comme une évidence. À ce moment-là, en France, vous aviez, d’un côté, des associations loi 1901 et, de l’autre côté, des sociétés classiques, dont l’objectif final était de faire du profit. Et entre les deux, vous aviez des chefs d’entreprise qui montaient des sociétés pour gagner de l’argent, bien sûr, mais aussi pour créer de l’activité et donner du travail à des gens. Ce statut me semblait donc être la solution pour revaloriser l’image des entreprises qui souhaitaient porter une mission d’intérêt publique, un objet social étendu, tout en étant une structure privée, sans subventions ni aides.

La mission devait être cohérente avec la raison d’être de votre entreprise…

Cela collait parfaitement. La mode du financement participatif n’avait pas encore touché le milieu du vin quand j’ai créé Terra Hominis, en 2011. Cette naissance est issue de plusieurs constats : une génération importante de jeunes vignerons était formée, les deux tiers des vignerons avaient plus de 55 ans et ne souhaitaient pas céder leur vignoble à de grosses structures viticoles, les jeunes qui souhaitaient s’installer en viticulture n’étaient pas soutenus par les banques. Enfin, j’avais le sentiment que les Français mettaient de l’argent de côté et cherchaient à lui donner du sens. Terra Hominis a donc été créée pour faire le lien entre la Terre et les Hommes. Le statut de société à mission qui est le nôtre intègre cette mission d’intérêt collectif. Dans l’article 2 de nos statuts, il est désormais écrit que la raison d’être de la société est de préserver les vignobles, la diversité de ses vignerons, tout en créant du lien entre les amateurs de vin et les viticulteurs, et en dynamisant les territoires ruraux. En ces temps complexes, les citoyens sont en quête de sens, et les entreprises doivent assumer leurs responsabilités sociétales et environnementales, tout autant qu’économiques.

Y a-t-il eu un « avant » et un « après » le changement de statut de votre entreprise ?

Pour assurer le suivi de nos engagements, nous avons nommé un référent de mission qui vérifie le bien-fondé de chaque projet. Il soumet chaque dossier à un comité indépendant afin de récolter son avis sur le projet et d’obtenir un rapport d’impact environnemental et sociétal.

Toutefois, je dois vous dire que je pensais qu’il y aurait un « avant » et un « après » au sein de la société française. Selon moi, la création de cette dénomination juridique est la plus grosse évolution du monde de l’entreprise depuis la loi 1901. Alors je pensais que cette avancée créerait un grand boom dans la presse, que les observateurs et les économistes s’empareraient de cette notion. Eh non… Notre société passe totalement à côté des sociétés à mission, alors qu’elles sont les entreprises de demain. Cela me fait penser à l’essor de l’agriculture biologique. Il y a quarante ans, dans un village, un vigneron s’était converti à ce mode de production. Il était le premier viticulteur bio de France. Le maire d était venu le voir en lui disant que son activité pouvait être dangereuse… Aujourd’hui, dans ce village, quasi tout le monde est dans le bio. Je pense que d’ici à quelques années ça ne sera pas aux vignerons bio d’écrire sur les bouteilles qu’ils sont bio mais aux « conventionnels » d’écrire qu’ils ne sont pas bio, car le bio sera la norme ! La société à mission, c’est un peu pareil : on ne pourra plus être là, juste pour faire du capital, au détriment du social et de l’environnemental.

Qu’est-ce que cette qualité apporte à l’entreprise et aux équipes au quotidien ?

 

Souvent, les entreprises se dotent d’une raison d’être, puis deviennent des sociétés à mission. Toutes ces étapes sont franchies pour Terra Hominis : quelle est la prochaine ?

Ce qui fait la richesse de la France, c’est son patrimoine. Mais l’homme est menacé sur ses propres terres. Dans l’avenir, les gros voudront racheter les petits, les lois vont se durcir, il sera de plus en plus difficile d’être vigneron, seul. J’aimerais créer une structure de mise en commun pour producteurs, avocats, juristes, comptables… L’idée est de préparer le monde de demain, avec toujours ce souci de valoriser le terroir et de créer du sens et du lien entre les parties prenantes.