De la peur à l’opportunité

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Message d’espoir : oui, il est possible d’activer le changement humain autour de la RSE. L’humanité est toujours capable du meilleur face à des crises majeures.

Par FANNY POTIER-KONINCKX , PARTNER & DIRECTOR, BOSTON CONSULTING GROUP

 Quelques observations en préambule : 

Les faits sont là et indéniables : les ressources planétaires, humaines, sociétales sont appauvries, voire taries dans certains cas. Il ne s’agit pas d’un futur probable mais d’un présent avéré. En d’autres termes, l’urgence est documentée objectivement. 

Nous faisons face à une situation extrêmement complexe et systémique. Nous avons collectivement créé le problème et devons ensemble apporter des solutions. La bonne nouvelle, c’est que les réglementations progressent, notamment en matière d’environnement ; les technologies « réparatrices » existent et continueront à se développer. Les exemples incarnés d’activisme et de génération de ressources deviennent visibles et nous inspirent. La voie nous est montrée. En matière de prise de conscience des enjeux RSE, nous n’avons pas atteint le point de bascule sociologique où nous mettons nos énergies en commun pour nous adapter collectivement. Je veux citer ici le livre de Malcolm Gladwelln Le Point de bascule, qui donne trois clés à réunir pour atteindre celui-ci : la loi des petits nombres (environ 20 % de personnes suffisent à réaliser 80 % du travail) ; le facteur d’adhérence (une histoire mémorable et porteuse de sens, pas de peurs) ; un contexte favorable (notre environnement détermine pour partie nos comportements). 

Le cerveau humain est notre meilleur ami, mais aussi notre pire ennemi. Nous opérons la plupart du temps en mode automatique grâce à sa mémoire phénoménale. Face au changement, même infime, sa stratégie naturelle est le refus d’obstacles, la fuite, par peur de la perte, par incapacité à se projeter dans un avenir incertain. 

Alors, comment pouvons-nous sécuriser notre changement personnel et celui de ceux qu’on embarque avec nous en tant que leaders ? 

Tout d’abord, attaquons de front un certain nombre de croyances très limitantes pour aborder ce changement de manière sereine, concernant la performance, le bonheur, la place de l’homme et de la femme vis-à-vis de la nature. 

Performance : pour affronter la complexité, il faut de la complexité, c’est-à-dire une pensée diverse qui représente la voix de toutes les parties prenantes. Le « héros » visionnaire ne peut que proposer des réponses sous-optimales. Nous avons besoin de la puissance du groupe et d’intégrateurs-médiateurs. Cela ne signifie pas consensus à tout prix mais plutôt écoute de prérogatives parfois opposées puis décision courageuse. 

Bonheur : la surconsommation matérielle ne rend pas heureux, c’est mesuré. La reconnexion à soi, par une pratique créative ou spirituelle ; aux autres, par le don ; à la nature sont des alternatives bien plus probantes pour atteindre le bonheur que l’achat d’une nouvelle robe. 

L’humain dans la nature : nous sommes des vivants parmi le vivant. 

Ensuite, adopter une approche de petits pas. Nous sommes tous intéressés par des sujets différents. Le point d’entrée de l’activisme RSE est individuel – ce ne sont pas les problèmes qui manquent aujourd’hui. Commencez par vous sensibiliser à ce qui vous gratte le plus. Les rapports des Nations Unies sur les objectifs de développement durable sont une source pédagogique et activiste intarissable. Affrontez vos peurs, faites votre deuil du passé et rejoignez un collectif engagé près de chez vous ou devenez fer de lance sur les thèmes qui vous engagent émotionnellement. Par exemple la sensibilisation aux dérives de la pensée unique 

Enfin, en tant que leaders en entreprise, nous avons une responsabilité à développer et à accélérer les engagements RSE de celle-ci, en lien avec sa raison d’être et son modèle d’affaires. La période actuelle est propice à réinterroger la notion de valeur créée pour ses parties prenantes (vues au sens large) et les compromis que l’on fait entre celles-ci (c’est un exercice difficile car il existe des tensions opposées). Introduire une « triple bottom line » comptable est sur le chemin critique du point de bascule sociologique. Se montrer exemplaires au quotidien dans les décisions et les orientations opérationnelles pour rendre concrets ces engagements relève de la nécessité. Accompagner les équipes dans leur adaptation l’est également. 

L’avenir est devant nous, comme une page blanche. Il n’y a pas de raison de le subir. Nous avons une occasion unique de retrouver un esprit d’entreprendre, une dignité humaine par la contribution à quelque chose de plus grand que nous.