Portrait : Anne-Sophie Nomblot, présidente du réseau SNCF au Féminin

Comment êtes-vous entrée à la SNCF et quel est votre parcours au sein de cette entreprise ?

Je suis entrée à la SNCF en 2005, à la fin de mes études, après une école de commerce. Plusieurs choses m’intéressaient : l’accessibilité à des postes de manager et la diversité des parcours au sein du groupe. J’étais cheffe de gare et dirigeante de proximité à Marne-la-Vallée, ensuite j’ai travaillé à la direction TGV sur des projets de transformation managériale. Ensuite je suis partie en filiale, à iDTGV, où j’ai travaillé sur plusieurs projets en tant que directrice des services, manager en expérience client. Puis, je suis partie à la direction des gares d’Île-de-France, où je m’occupais d’installer des commerces et des services dans les gares, notamment des crèches, des ateliers de réparation de vélos ou des ateliers de coworking. Et aujourd’hui, je suis donc présidente du réseau SNCF au Féminin depuis le mois d’octobre dernier. J’y suis engagée depuis sa création en 2012. J’ai participé aux ateliers de développement personnel qui y étaient proposés, j’ai été mentor, « intrapreneuse », c’est-à-dire créatrice d’organisation à l’intérieur même de la SNCF. À cette occasion, j’ai fondé un site d’économie circulaire au sein du groupe.

Vous êtes donc une professionnelle SNCF de A à Z… Quel lien entretenez-vous avec cette entreprise ?

C’est une structure qui a beaucoup de sens, et je m’en rends compte chaque jour. La notion de service public est très profonde chez moi. Je suis notamment préoccupée par les enjeux de transition énergétique. Le fait que l’entreprise soit ambitieuse sur des sujets environnementaux comme sur des sujets sociétaux, comme la mixité, me portent beaucoup. Un autre élément m’a amenée à m’attacher davantage à cette entreprise : la bienveillance des cheminots et cheminotes. Ils sont toujours prompts à vous expliquer leurs métiers, à transmettre. C’est une très très grande famille.

Qu’est-ce que le réseau SNCF au Féminin ?

C’est le réseau des femmes et des hommes qui font bouger les lignes de la mixité au sein du groupe. Il est organisé sous forme d’ambassades, donc il y a des ambassades métiers et des ambassades territoriales pour créer des actions au plus près des salariés. Le réseau offre beaucoup de prestations, comme le mentoring : cette année, 120 binômes ont été créés pour aider les collaborateurs à progresser dans leurs domaines respectifs. Il y a aussi des conférences, des ateliers de développement personnel, des podcasts… Jusqu’à présent, les enjeux de mixité étaient plutôt vus de manière générale. Aujourd’hui, chaque thématique est approfondie par des groupes différents : l’égalité salariale, la féminisation, les conditions de travail des femmes, la parentalité… Quand une personne se saisit d’un sujet, elle le construit sous forme d’intelligence collective pour qu’il se diffuse ensuite au sein du groupe.

Justement, les collaboratrices de la SNCF sont-elles encore victimes de stéréotypes sexistes à l’intérieur du groupe et d’incivilités de la part des clients ?

À ma connaissance, pas plus que dans d’autres entreprises du même type. SNCF au Féminin échange beaucoup avec des réseaux similaires chez EDF ou Sodexo, et je n’ai pas l’impression que ce soit plus le cas à la SNCF qu’ailleurs… Je dois vous signaler que nous avons mis en place une ligne d’alerte éthique pour que les victimes ou les témoins de comportements sexistes puissent faire remonter leurs dépositions. De même, chaque année, nous publions les mesures disciplinaires prises en lien avec des agissements sexistes ou du harcèlement. Ce qui prouve qu’à la SNCF c’est « tolérance zéro » sur ce sujet. Cela peut même aller jusqu’à des licenciements.

Dans votre parcours, avez-vous connu des situations se rapportant à votre nature ou à votre statut de femme au travail ?

J’ai eu de la chance car cela m’est arrivé, mais a pris plutôt la forme d’anecdotes… Lorsque j’étais cheffe de gare, j’avais 24 ans, j’ai dû recevoir une délégation japonaise. Ses membres étaient un peu surpris de me voir arriver, parce que je ne correspondais pas forcément à ce qu’ils imaginaient. Pensant que j’étais un homme, ils avaient prévu de m’offrir une cravate…

Comment gérez-vous l’équilibre entre votre vie professionnelle et votre vie personnelle ?

J’ai trois enfants, donc c’est effectivement un sujet, surtout en temps d’école à la maison. J’aime beaucoup mon poste, je lis beaucoup, j’écoute des podcasts, je vis avec mon métier. Donc, je jongle. Avec mon conjoint, nous nous répartissons les tâches au mieux, il n’y a pas de solution miracle. J’essaie aussi de miser sur l’autonomisation des enfants : le plus grand aide la plus petite à faire ses devoirs…

Quelles sont vos ambitions et vos priorités en tant que nouvelle présidente de SNCF au Féminin ?

Quand le réseau s’est créé, il s’adressait principalement aux femmes pour les aider à lutter contre leurs propres freins, contre le syndrome d’imposture, le manque de confiance. Depuis, on s’est rendu compte que les enjeux de mixité sont plus systémiques. Ils ne reposent pas seulement sur les femmes. Aujourd’hui, nous cherchons donc à développer encore plus la présence des hommes dans le réseau. Si nous ne prêchons que des convaincus, nous passerons à côté de plusieurs sujets, comme un meilleur équilibre au sein de la parentalité ou le sexisme. D’autre part, nous voulons être très pragmatiques, car les enjeux de mixité passent souvent par des mesures concrètes, comme la mise en place de vestiaires pour les femmes, d’horaires adaptés pour les jeunes mamans qui souhaitent allaiter leur bébé, d’équipements de protection qui tiennent comptent de la morphologie féminine…

Jusqu’à présent, les objectifs de mixité étaient fixés à court terme ou à moyen terme, dans le cadre d’accords négociés avec les organisations syndicales. Aujourd’hui, nous sommes en train de réfléchir au long terme. Notre groupe est d’une telle taille que si des dispositions sont prises sur le recrutement, par exemple, cela ne se traduira pas forcément dans les chiffres tout de suite… La vision longue nous permet d’imaginer le futur sur une décennie. Sur les métiers techniques, sur les femmes dans les Comex [comités exécutifs], il est important d’organiser les choses, de faire des propositions et de mettre des mesures en place bien en amont.

Dans quels domaines le réseau peut-il innover ?

Le réseau, qui s’adressait beaucoup aux salariés, va maintenant explorer le sujet des liens entre genre et transport. On se rend compte que les femmes n’ont pas forcément les mêmes comportements que les hommes lorsqu’elles voyagent. Elles font des trajets plus courts, plus chargés et plus fréquents. Le réseau est donc en train d’explorer cela pour voir si l’on peut apporter des réponses différenciées à ces enjeux-là. Comme sur d’autres sujets, quand on cherche à rendre les choses plus faciles pour les femmes, on se rend compte que les mesures prises bénéficient aussi aux hommes !

[1] SNCF, SNCF Réseau, Gares & Connexions, SNCF Voyageurs, Rail Logistics Europe, Keolis et Geodis.

Le Grand Entretien : Julie Walbaum, CEO de « Maisons du Monde »

Vous dirigez Maisons du monde depuis juillet 2018. Que signifie le « management inclusif » pratiqué par votre entreprise ?

 

Un management inclusif repose avant tout sur une entreprise à l’écoute, qui sait que sa valeur vient des femmes et des hommes qui la composent, en particulier dans le secteur de la vente au détail qui est le sien. La diversité est une force, et de là vient la plus grande performance de Maisons du monde, une entreprise très féminine : deux tiers de nos collaborateurs sont des femmes, celles-ci dirigent trois quarts des magasins et constituent la moitié du comité exécutif. L’entreprise souhaite comprendre et incarner au quotidien la richesse de la diversité. C’est une responsabilité de tous les jours et de chacun que de promouvoir et de préserver celle-ci.

 

Auparavant, vous étiez la directrice digital et marketing client de l’entreprise. Pourquoi vous êtes-vous portée candidate à ce poste et qu’est-ce qui a fait la différence, selon vous ?

 

Je connaissais Maisons du monde depuis 2014. Le numérique faisant partie de son évolution depuis de nombreuses années, on voyait bien l’accélération du modèle dans ce sens. J’ai donc participé à l’introduction en Bourse de l’entreprise, en 2016, aux côtés du directeur général de l’époque. En 2018, alors que j’avais trois enfants en bas âge, ce n’était pas un choix évident, mais j’avais un projet pour Maisons du monde. Cette entreprise était tellement attachante, avec des femmes et des hommes très engagés, que je me suis lancée. Je pensais que je pouvais entretenir notre longueur d’avance sur le digital. Je souhaitais aussi faire évoluer certains pans de l’organisation, par exemple, donner un nouvel élan à l’offre, poursuivre la croissance rentable, en y combinant plus de « responsabilité ».

 

L’emploi du temps d’une DG est dense. Avez-vous mesuré les contraintes, les obligations quand vous avez candidaté à ce poste, en tant que mère de famille habitant à Paris et non à Nantes, où se situe le siège ?

 

Je crois que l’on ne mesure jamais toutes les données avant d’y arriver… Surtout dans un secteur qui se transforme rapidement et dans un contexte macroéconomique qui a tout de même bougé ces derniers temps. Je crois aussi que, dans la vie, il faut réfléchir… mais pas trop. Je me suis fiée à mon intuition. Pour prendre ce type de responsabilités, cela demande beaucoup d’engagement : il faut avoir un projet et qu’il vous passionne. J’ai pu me lancer dans cette aventure, car mon mari, qui a lui aussi une carrière très remplie, a su et voulu réorienter ses responsabilités au sein de notre famille. Il s’est organisé dans un périmètre plus local, il a moins voyagé. Et cela a finalement enrichi notre expérience familiale.

 

La famille reste votre priorité…

 

Oui, mon mari et moi-même nous sommes donné quelques petites règles familiales. Je ne passe jamais plus de deux nuits consécutives hors de mon foyer. Chaque jour, nos enfants sont réveillés ou couchés par l’un de nous deux. Aux vacances scolaires, je prends une semaine de congé et j’encourage les membres du comité exécutif et les collaborateurs de l’entreprise à en faire de même. Vous savez, ce n’est pas très sain de créer une distinction entre le corps dirigeant et le reste des collaborateurs. C’est justement parce que ces derniers me voient avec les mêmes problématiques qu’eux, comme des réunions zoom avec mon fils de trois ans sur les genoux, que cela permet de créer une atmosphère détendue, de dire les choses quand cela ne va pas ou le contraire.

 

Vous parlez avec beaucoup de sincérité de cette répartition entre vos deux « vies ». C’est assez rare dans le monde des grands dirigeants. C’est un choix assumé ?

 

Les collaborateurs de l’entreprise se donnent beaucoup. En tant que dirigeante, je me dois, en retour, de donner du sens à leur travail et de leur accorder de la confiance. Et cela passe par une attitude transparente. J’aime beaucoup ce proverbe africain : « It takes a village to raise a child », « Il faut un village pour élever un enfant ». Cela signifie que tout le monde a un rôle à jouer dans l’aventure et que des liens authentiques, fondés sur la transparence et l’entraide autour d’une vision commune, conduisent à une culture forte et, je le crois, au succès.

 

Avez-vous dû faire face à quelques réticences ? Avez-vous senti que vous deviez faire vos preuves ?

 

Cette question m’est régulièrement posée et, étonnamment, on la pose beaucoup plus aux femmes qu’aux hommes. L’idée est d’assumer pleinement ce que l’on est, sans tomber dans les excès. Je crois que mon rôle de maman et ma vie personnelle m’aident à être une meilleure dirigeante. Car cela m’oblige à prioriser, à donner un cadre très clair aux équipes. Celles-ci doivent être efficaces parce que, moi-même, j’ai besoin d’être efficace. Cela remet aussi l’église au centre du village (toujours lui !) : quand, dans ma vie professionnelle, il m’arrive d’être tendue, la famille me rappelle la vraie valeur des choses et le sens des priorités. Enfin, il me semble important de montrer aux femmes de l’entreprise qu’il ne leur est pas nécessaire d’afficher la panoplie du super-héros dévoué à sa carrière : je gère, je n’ai aucune contrainte extraprofessionnelle, etc. La vie pour moi est faite de vases communicants. L’important est de conserver un engagement et une exigence élevés. Pour le reste, l’adaptabilité est ma meilleure amie. Moins on se met de barrières mentales sur ce que l’on peut et ne peut pas, plus on a de chances de réussir sa vie professionnelle.

 

La bonne gestion de cet équilibre pro-perso est un moteur formidable : pourquoi n’en avait-on pas conscience auparavant ?

 

Parce que le travail était vu comme une fin en soi. Pendant longtemps, on a évolué dans des valeurs masculines assez fortes : la réussite professionnelle avait une fonction statutaire importante. Ce n’était pas le cas dans toutes les sociétés européennes. En Scandinavie, par exemple, c’est tout à fait différent. On avait auparavant une vision très linéaire de la vie des gens, avec des études, un travail… Les générations actuelles nous apprennent à cultiver plus de circularité, avec plus d’équilibre entre les différents pans de notre existence. Et c’est tant mieux !

 

Les grands mots de cette année sont « flexibilité » et « agilité ». J’ai entendu dire que vous demandiez à vos collaborateurs de faire preuve d’une grande efficacité dans les réunions, mais aussi de travailler en autonomie…

 

L’autonomie est une valeur forte chez nous, car Maisons du monde est une entreprise entrepreneuriale. Notre mode de fonctionnement est « agile », dans le sens où nos salariés sont engagés dans les projets et les portent. L’année 2020 a été particulière : je n’ai pas demandé plus d’efficacité à mes équipes, car elles se sont adaptées seules. En tant que dirigeante, j’ai un devoir de vigilance avec mon comité exécutif afin de ne pas privilégier la productivité avant tout.

 

Les entreprises sont davantage des lieux moraux que physiques. Comment vous adaptez-vous ?

 

Il faut arriver à préserver et à renforcer la culture d’entreprise. Nous sommes passés à deux jours de télétravail par semaine. Nous n’avons pas souhaité aller plus loin, car le temps collectif est essentiel pour l’aspect interrelationnel, pour les espaces de liberté induits, pour favoriser la créativité, une valeur importante chez nous. Ces valeurs d’entreprise définissent le quotidien entre les équipes et le management de proximité. Le comité exécutif et moi-même réfléchissons à valoriser ces temps d’interaction, en présentiel mais aussi à distance. À l’occasion de 2020, nous avons lancé une initiative nommée les MDMTalks : le comité exécutif prend la parole auprès de l’ensemble des collaborateurs du siège et des magasins, directeurs et adjoints. On discute de l’actualité de l’entreprise, des difficultés qui sont les nôtres. On met le plus possible en lumière d’autres collaborateurs de l’entreprise. Le discours de transparence, l’échange sur la base d’un jeu de questions-réponses sont au cœur de cet exercice. Je trouve que le Covid nous a permis de cultiver des liens rapprochés avec nos collaborateurs, avec nos équipes en magasin. Quand on a 350 sites en Europe, on ne peut pas avoir la même proximité tout le temps.

 

Comment le numérique peut-il nous amener à développer toujours plus de proximité, sans se substituer à la qualité du temps physique en entreprise ?

 

Avant de prendre mes fonctions, j’ai fait durant trois mois le tour des magasins en Europe, visité plus de 70 sites, participé à 40 dîners avec des directeurs régionaux et de magasins, ce qui m’a permis de sentir le pouls de l’entreprise. Aujourd’hui encore, ces interactions me portent. J’accorde énormément d’importance à la voix de nos équipes en magasin, qui sont au contact de nos clients. À chaque événement, confinement, déconfinement, période de Noël ou autre, le comité exécutif et moi-même étions présents en magasin. C’est important d’aller cultiver le lien vivant : le numérique ne fait pas tout, loin de là.

 

Vous êtes vue sur les sites, vous privilégiez le tutoiement : la perception du PDG a-t-elle changé ?

 

La simplicité de la relation avec le management est, pour moi, la base du rapport de confiance qu’il est possible de nouer avec les collaborateurs. J’ai commencé ma carrière dans des entreprises américaines, donc, probablement, cela laisse des traces. Je tutoie tous les collaborateurs et vice versa. Je pose naturellement beaucoup de questions, car c’est en interrogeant des collaborateurs à plein de niveaux différents que je construis ma perception de ce que doit être l’entreprise de demain. Je vais au contact de façon très large. Le fait de rendre le management accessible est important, d’autant plus dans cette période. Cela passe par la communication. On doit s’appuyer sur un management de proximité pour que chacun endosse la responsabilité de donner du sens à son collaborateur. Le devoir d’exemplarité est pour cela essentiel.

 

Quels sont vos grands projets à la tête de Maisons du monde ?

 

Poursuivre la croissance et y associer plus de durabilité. Ce projet a un soubassement RH très important, car la durabilité porte un pan social et un pan environnemental. Nous sommes une marque-enseigne et nous avons une affinité très forte avec nos clients. Cette marque passe par notre offre. Nous avons donc à cœur de faire croître nos équipes de création. Au-delà du côté tendance et stylé, il faut donc miser sur la durabilité : par exemple, 68 % de notre offre en bois est certifiée. On a lancé pour la première fois du textile certifié Oeko-Tex. En une année, on a atteint 25 % de notre offre textile certifiée de la sorte. On fait la combinaison entre « aller chercher des produits qualitatifs avec un double enjeu d’expérience clients et de durabilité » et « aller chercher des matières toujours plus responsables ». Le produit reste au cœur de nos modèles. S’agissant de l’approche « omnicanal » – qui vise à multiplier les interactions avec le consommateur, à l’heure où le digital prend de plus en plus de place –, l’idée est de continuer à accélérer dans ce sens, mais en affirmant toujours l’importance du magasin, qui crée beaucoup plus de valeur qu’une simple transaction numérique. Tout l’enjeu est de faire évoluer le rôle du magasin dans un modèle omnicanal, avec une marque forte, vers un point de vente qui offre une expérience et un service.

Enfin, notre dernier pan de croissance s’appuie sur le développement des services. En 2019, nous avons pris une participation majoritaire dans Rhinov, une start-up qui fait du conseil professionnel en décoration d’intérieur, 100 % numérique. Ce sont des architectes d’intérieur : vous leur soumettez le petit quiz déco que vous avez rempli, un budget pour votre pièce, et là vous avez des planches déco réalisées par de vrais professionnels. Nous avons l’ambition de démocratiser la déco. Par les produits, bien sûr, mais aujourd’hui aussi par les services. C’est un axe de création de valeur pour nos clients, et c’est aussi une création de valeur durable, qui ne nécessite pas de produire de la matière supplémentaire.

 

Justement, vos intérêts pour les problématiques de RSE sont connus : comment sont-ils incarnés dans Maisons du monde ?

 

 

Avez-vous une feuille de route en fonction de ces engagements ?

 

Oui, s’agissant de l’offre, nous sommes concentrés sur plus d’écoconception, plus de matériaux recyclés ou durables. Plus de réparation aussi : nous avons un atelier d’ébénisterie dans nos entrepôts, avec des artisans qui réparent les produits pour éviter qu’ils ne soient jetés. Ainsi 18 000 meubles ont été remis à neuf cette année. C’est deux fois plus qu’en 2020. De même, Maisons du monde se situe dans une économie circulaire et solidaire : nous sommes l’un des premiers partenaires d’Emmaüs, à qui nous donnons des dizaines de milliers de produits à l’état neuf issus des retours de nos clients, afin de leur offrir une seconde vie.

 

Dans la thématique de la durabilité, le pôle social est important : comment les collaborateurs sont-ils associés à cet effort ?

Maisons du monde est une entreprise qui crée du profit : notre responsabilité est donc de dégager des contributions dans un système positif. Être collaborateur de Maisons du monde, c’est faire partie d’une entreprise où chaque personne compte, c’est se sentir nécessaires les uns aux autres, construire ensemble une entreprise qui ressemble à ses équipes et les rassemble, c’est avoir la liberté d’être soi-même et avoir la conscience intime d’être au bon endroit. Pour faire vivre cet esprit, notre politique RH allie une proposition adaptée à chaque étape clé du parcours des collaborateurs et des engagements sociaux forts. Nous ambitionnons de créer une école de formation et de devenir une entreprise apprenante pour tous ceux qui partagent les valeurs de la marque. Par ailleurs, Maisons du monde souhaite être un employeur de référence grâce à des engagements responsables forts. Une feuille de route a été formalisée en matière de bien-être, d’inclusion des personnes en situation de handicap et des jeunes, d’égalité hommes-femmes, de dialogue social.

 

Pour une expérience collaborateur optimale, le management de proximité est essentiel…

 

Justement, le groupe a décidé d’intégrer à sa feuille de route RSE des objectifs RH sur le renforcement du management de proximité et sur l’amélioration des conditions de travail pour les équipes. Ce plan d’action s’enrichit des retours des collaborateurs collectés lors de l’enquête sociale réalisée en septembre 2019 et renouvelée tous les deux ans. La hiérarchie présente sur place est un élément clé pour mieux accompagner les collaborateurs. Dans cette optique, la formation des cadres est essentielle. Chaque année, un plan spécial est déployé avec des modules où l’on apprend l’importance de créer des rituels managériaux ou commerciaux pour diffuser l’information et mobiliser les équipes. De même, dans un souci de proximité, les équipes ont été dimensionnées à taille « humaine », cette organisation ayant pour conséquence le renforcement du nombre de managers de proximité afin de garantir une meilleure connaissance des équipes et une amélioration de la qualité de la relation de travail.

 

J’entends une forme d’aplanissement de la hiérarchie, un management de proximité renforcé, des solutions apportées aux problématiques RSE, des avancées en matière d’inclusion : tous ces éléments contribuent-ils à construire des valeurs attrayantes pour les plus jeunes ?

 

Pour tous ! Nos valeurs d’audace, de passion, d’engagement et d’exigence sont illustrées ainsi. Notre « raison d’être » est en cours de construction, il est aujourd’hui temps de la formaliser et de lui apporter des éléments de preuve à travers des plans d’action dans tous les métiers. Nous souhaitons que cette raison d’être s’incarne et se vive au quotidien. Nous avons tous besoin de sens au travail. Aujourd’hui, plus que jamais.

 

Quelles seront les tendances QVT de demain ?

 

Le télétravail est là pour durer, même s’il l’est de façon mesurée. Nous passerons donc plus de temps à la maison. Nous chercherons également du sens dans l’activité et l’expérience professionnelle au sens large. Un nouvel équilibre devra être trouvé, entre métier et vie personnelle, entre productivité et déconnexion. Et sur le lieu de travail même, le bureau devra être repensé, les rythmes également. Le temps collectif pourrait être réservé à la création, à l’innovation et au développement des liens entre collaborateurs. La culture devra être renforcée, car ce sera le liant de la société. Les manageurs de demain devront appréhender ces réalités dans une démarche holistique 

 

 

Burnout : le pattern de la performance

Il est aujourd’hui certain que nous vivons une situation dans laquelle il était difficile de se projeter il y a encore 1 an et demi…

Malgré ce contexte particulier, avez-vous toujours tendance à chercher à « performer » dans la vie ?

Essayez- vous de vous organiser pour que tout soit parfait, organisé tel que vous le souhaitez ?

Avez-vous une tendance à critiquer vos actions, à parfois vous comparer aux autres ?

Si tel est le cas… c’est excellent ! Vous faites partie des 80% de la société qui porte ce schéma qu’on appelle le pattern de la performance.

La personne qui a le pattern de la performance ressent souvent que :

  • elle n’est pas assez,
  • elle n’est pas à la hauteur,
  • elle n’en fait pas assez
  • elle se sent coupable,
  • elle se met en doute,
  • elle a des hauts et des bas.

Pourquoi l’être humain cherche à performer dans la vie ?

Parce que lorsqu’il performe, il va chercher à l’extérieur ce qu’il n’arrive pas à se donner lui-même : la reconnaissance, la paix, l’amour et l’attention.

Le regard et le jugement des autres semblent lui apporter une forme de paix d’esprit… Dans tous les cas à court terme…

L’amour, la reconnaissance, la paix et l’attention sont de l’énergie. L’être humain cherche et se nourrit d’énergie. C’est à ça qu’il carbure !

Lorsque vous êtes pris dans ce pattern, vous perdez beaucoup de ressources et vous avez une tendance à vous faire mal.

C’est une boucle sans fin, qui amène inévitablement vers l’épuisement voir vers le burnout…

Une solution : Faîtes une pause consciente 15 minutes par jour.

Prenez le temps d’aller marcher 15 minutes chaque jour en pleine conscience ! Pas de téléphone, pas de musique dans les oreilles, …

Marchez en apportant de l’attention sur votre respiration, sur les bruits aux alentours. Levez les yeux au-dessus de l’horizon et observez consciemment la belle personne que vous êtes !

Cette simple prise de conscience, suivie de cette mise en action, vous permettra de reprendre le contrôle sur votre quotidien et retrouver une plus grande sérénité et d’éviter les écueils du burn-out…

Trop simple pour être crédible … ? Ne me croyez pas… Testez !

Entreprise et yoga : pourquoi pas ?

85 % des maladies professionnelles reconnues sont des troubles musculo-squelettiques (TMS) alors profitez-en pour faire de la prévention en invitant à développer le tonus musculaire, la souplesse et l’agilité pour une meilleure forme physique…

« S’épanouir en comprenant mieux son corps et en l’écoutant. »

Souvent proposée pendant la pause déjeuner ou de détente, la pratique du Yoga permet de consolider les liens entre collègues par son effet fédérateur, mais également avec sa hiérarchie.

En effet, il n’est pas rare de retrouver patron et employés partageant ce moment ensemble.

Un seul objectif commun : se faire du bien tant physiquement que dans la tête.

Cette activité vous apprend à prendre du recul et à lâcher-prise pour mieux gérer ses émotions, son stress mais également apaiser le climat de travail en renforçant la concentration, la créativité et la confiance en soi.

Les effets bénéfiques du yoga sont multiples.  En effet, les entreprises, offrant cette prestation, renforcent leur image de marque apparaissant ainsi modernes et surtout soucieuses du bien-être de leurs équipes.

Pour ma part, en tant que psychanalyste, professeure de Yoga et autrice de La maison des Yogis (La Marmotière éditions) j’avoue m’octroyer des moments de « Pause Yogique » pour me ressourcer et être en mesure de poursuivre ma journée dans de meilleures conditions.

Pourquoi pas vous ?

Société Générale, la RSE est une colonne vertébrale

« L’entreprise doit être le lieu de création et de partage de sa valeur. La loi Pacte permet de redéfinir la raison d’être des entreprises et de renforcer la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux liés à leur activité », écrit le ministère français de l’Économie, des Finances et de la Relance sur son site Internet. Partie intégrante d’une démarche RSE (responsabilité sociétale des entreprises), la notion de raison d’être prend de plus en plus de sens face à la crise sanitaire et au choc financier que le monde traverse.

Créée il y a plus de cent cinquante ans afin de « favoriser le développement du commerce et de l’industrie en France », la banque au carré rouge et noir a été l’une des pionnières en la matière. Quelques mois seulement après l’adoption de la loi Pacte, elle s’est dotée de sa raison d’être, en janvier 2020. « Elle agira comme la clé de voûte de nos choix stratégiques et la boussole pour guider nos actions au quotidien », précisait alors Frédéric Oudéa, directeur général du groupe. Le rapport intégré de la Société générale 2019-2020 ajoute que cette raison d’être affirme « l’ambition [de la banque] de continuer à jouer un rôle moteur dans les transformations positives du monde. Elle [la] projette dans le long terme, en [l’]inscrivant dans un monde où le développement économique est devenu indissociable du progrès environnemental et social ».

Cette nouvelle « colonne vertébrale » du groupe, qui emploie plus de 138 000 collaborateurs dans 62 pays, a été le fruit d’un long processus, auquel a participé l’ensemble des parties prenantes. Le projet a ensuite été analysé par le comité de direction, puis validé par le conseil d’administration. « Nous nous sommes appuyés sur 85 000 contributions de collaborateurs, recueillies dans le monde entier, des top managers jusqu’aux collaborateurs sur le terrain », précise Martine Lassègues, directrice RSE de la banque de détail de la Société générale en France, qui a elle-même participé à l’élaboration du projet. L’enquête interne a finalement fait émerger trois mots : « innovation », « clients » et « responsabilité », que l’on retrouve dans le choix final. « Chaque terme a été mûrement réfléchi pour que cette raison d’être reflète à la fois les attentes des collaborateurs mais aussi ce que la banque souhaite faire de ses activités, à savoir accompagner le développement de l’économie dans la durée à travers des solutions innovantes. »

Attractivité

Ces dernières années, l’opinion publique est de plus en plus attentive à l’image que reflète l’entreprise au sein de la société. « C’est d’autant plus vrai pour les jeunes générations, davantage sensibles à l’engagement environnemental et sociétal de celui qui les emploie », souligne Martine Lassègues. Plus des deux tiers des entreprises du CAC 40 se sont dotées de cet élément stratégique, même si toutes ne l’ont pas inscrit dans leurs statuts. La banque BNP Paribas consacre ainsi son engagement dans une économie « responsable et durable », tandis que le Crédit agricole assure « agir chaque jour dans l’intérêt de [ses] clients et de la société ». Une manière d’attirer de nouveaux salariés, à l’heure où le secteur bancaire souffre d’une perte d’attractivité (3 % des salariés en CDI ont démissionné en 2018 pour quitter le secteur ou rejoindre un autre établissement).

« Il faut néanmoins que l’entreprise tienne ses promesses et ses engagements, que ce ne soit pas que des paroles en l’air ! » précise Martine Lassègues. Selon une étude de l’Ifop pour No Com, Tikehau Capital et l’Essec, publiée en novembre 2019, plus des trois quarts des 1 500 salariés interrogés considèrent que leur entreprise joue, au-delà de son activité économique, un rôle important dans la société et qu’il est désormais de leur responsabilité de défendre ce rôle (73 %). Et si la plupart sont prêts à s’engager dans la démarche de la raison d’être, près de sept salariés sur dix craignent qu’elle ne soit qu’une « opération de communication ».

Pour éviter ce risque, les salariés considèrent que la raison d’être doit constituer un levier de décisions dans l’intérêt des clients. À la Société générale, justement, Martine Lassègues assure que tous les clients de la banque de détail en France – particuliers, professionnels, entreprises et investisseurs institutionnels – sont au centre des préoccupations : « Nous menons de vastes enquêtes auprès d’eux pour connaître les sujets sur lesquels ils nous attendent afin de répondre par des offres adaptées à leurs besoins et à leur préoccupation en matière de RSE. En tant que banque engagée dans la transition énergétique, nous souhaitons avant tout renforcer notre leadership dans ce domaine, aux côtés de nos clients. »

Déterminé à combattre le réchauffement climatique depuis les accords de Paris de 2015, le groupe s’est par exemple engagé à sortir du secteur du charbon thermique à l’horizon 2030 pour les entreprises issues de l’Union européenne ou de l’OCDE, et à l’horizon 2040 pour celles du reste de la planète. « Certains prêts verts ont d’ores et déjà été accordés à des entreprises en fonction de leurs critères de transformation vers une activité plus durable et écologique. L’ensemble de nos agences bénéficient d’électricité verte, et nous menons une vaste politique de verdissement de notre flotte automobile », ajoute Martine Lassègues. Au cours de 2019, la Société générale a été classée première banque mondiale sur l’environnement (RobecoSAM) et récompensée par le trophée de meilleure banque en matière de RSE en Afrique par Euromoney, l’un des plus gros magazines européens de finance internationale.

Sur le terrain, la Société générale propose également une formation RSE à ses collaborateurs, à laquelle 1 500 personnes ont déjà participé en 2020. « En plus de renforcer le sentiment d’appartenance au sein de nos équipes, la RSE permet d’aborder des sujets neufs sur lesquels les banques n’étaient pas forcément attendues par les clients auparavant. C’est un véritable tournant, qui donne aux groupes bancaires un nouveau rôle sociétal, si difficile à ancrer dans l’imaginaire de la population », conclut Martine Lassègues.

« Et n’oublions pas l’aspect social aussi important pour nous. Nous voulons donner au plus grand nombre les moyens d’avoir un impact positif sur l’avenir. Par exemple, plus de 2 600 collaborateurs de notre réseau en France se sont mobilisés pour participer à des actions d’intérêt général en 2019, preuve de l’engagement ancien et durable de nos équipes sur ce volet social de la RSE », poursuit-elle.

« Vision 2025 »

« C’est une nouvelle étape majeure pour nos activités de banque de détail que nous annonçons ce matin : le lancement du projet de rapprochement de nos réseaux Crédit du Nord et Société générale », pouvait-on lire sur une publication de Sébastien Proto, directeur général adjoint de la banque rouge et noire, le 7 décembre. Après plus de deux mois de consultations en interne, les conseils d’administration des deux groupes ont validé ce projet baptisé Vision 2025.

La responsabilité sociale et environnementale sera au cœur de ce nouveau modèle avec l’ambition, pour la Société générale, de devenir une banque de référence à impact positif au cœur des territoires. Les équipes porteront pleinement ces engagements en région, avec notamment le déploiement d’une offre adaptée aux enjeux de la transition énergétique et le développement des échanges avec les décideurs locaux, privés et publics. Le groupe se positionne déjà comme la première des grandes banques françaises à proposer une offre unique de solutions d’épargne et d’investissement en architecture ouverte s’appuyant essentiellement sur une large gamme de produits ISR.

Valérie Decaux, Directrice des ressources humaines du groupe La Poste

Très tôt, vous épousez une carrière dédiée aux ressources humaines. Pourquoi ce choix ?

Ce choix est le produit de la vie. Le hasard ayant bien fait les choses, j’ai choisi de ne pas le contrarier. J’ai fait des études de finances et de marketing et, à l’époque, dans les écoles de commerce, la partie RH était peu développée. J’ai commencé à travailler aux Nouvelles Messageries de la presse parisienne (NMPP), rebaptisées Presstalis en 2009 : j’avais la charge d’un portefeuille d’éditeurs de presse pour lesquels nous faisions du conseil en marketing et du conseil en matière de distribution. Deux dimensions du métier me convenaient : le contact et la réflexion. À l’occasion d’un gros projet d’entreprise – la mise en place d’un système d’information commerciale –, on m’a demandé de développer et de mener le volet formation. C’est comme cela que j’ai basculé au sein de la direction des ressources humaines. Une fois ce projet terminé, j’ai naturellement rejoint la fonction RH de plein exercice, et c’est comme cela que les choses ont commencé.

Quel souvenir gardez-vous de ces dix années au sein des NMPP ?

J’ai eu le temps de « me muscler » sur tous les aspects de la fonction RH. Une facette de cette expérience m’a été utile ensuite : quand vous distribuez de la presse au quotidien, il n’est pas question que les journaux arrivent en retard. J’ai donc expérimenté la gestion des salariés et le « flux tendu ». J’ai retrouvé celui-ci dans la suite de mon parcours dans l’intérim, à VediorBis, devenu Randstad.

Le milieu du travail temporaire vous a-t-il permis d’affiner la face « sociale » de votre métier ?

À cette époque, le travail temporaire était en pleine évolution et n’avait pas très bonne réputation. Avec Manpower et Adecco, nous avons réussi à en faire un véritable acteur de l’emploi et à le faire savoir. Nous avons développé des politiques sociales qui n’existaient pas jusqu’alors. J’ai notamment conçu et mis en œuvre des politiques d’insertion et de formation à destination des salariés intérimaires. Quand une entreprise a besoin d’intérimaires, c’est, en général, dans des délais extrêmement courts. J’ai dû m’habituer à travailler vite et à avoir une notion d’efficacité très marquée.

Comment préserve-t-on le capital humain quand on a une telle exigence de réactivité ?

Vous savez, l’image fantasmagorique du DRH qui reçoit quatre personnes dans la journée autour d’un thé est totalement fausse. Je ne l’ai jamais connue ! J’ai toujours eu à cœur d’être en ligne avec l’activité des entreprises : dans son développement, ses restructurations, son rythme, ses besoins. La fonction RH, de mon point de vue, si elle ne suit pas cela, est « hors sol ». Le fait d’être ancré dans la réalité de l’activité de l’entreprise, c’est une forme de garantie d’efficacité de la fonction, une fonction de service aux opérationnels. Le DRH est dans le quotidien de l’activité et de la vie de l’entreprise, chaque jour.

Avec sa signature « Être bien en entreprise », People at Work souhaite se démarquer du côté « mode » et « promotionnel » de l’expérience collaborateur en entreprise. Quelle en est votre définition ?

Le DRH reste une cheville ouvrière entre le management et les collaborateurs. C’est une fonction que l’on ne peut pas exercer n’importe comment, qui ne peut pas être exercée par n’importe qui. Il faut avoir une colonne vertébrale de valeurs extrêmement fortes, car le DRH est tiraillé entre des impératifs financiers et le corps social de la société. Il doit avoir une vraie vision de l’équilibre d’une entreprise. Pour ma part, je n’ai jamais opposé le business, d’un côté, et les salariés, de l’autre, ça ne marche pas comme cela. Au contraire, il faut trouver les points d’intérêt mutuels. Le travail peut être vu comme une contrainte, mais c’est aussi un vrai moyen de se réaliser. Je vais grossir le trait, mais on ne peut pas opposer les « gentils salariés » et le « méchant employeur qui cherche le profit », ça n’est pas vrai, cela n’existe pas. Il y a longtemps que je fais ce métier, et je n’ai jamais rencontré un patron qui pense cela : il est important de ne pas se mettre dans des dialectiques d’opposition parce qu’elles sont fausses. Les dirigeants ont envie que leur entreprise réussisse. Et chacun sait qu’on ne peut pas poursuivre ce but sans l’adhésion et l’engagement de tous, sans une forme de « bien-être au travail ». Sans fierté, sans engagement, on n’y arrive pas. Le DRH tend à être ce point d’équilibre et de réconciliation entre un monde qui a besoin d’être efficient, de faire du profit, tout en embarquant son corps social de la meilleure façon possible. Ma conception de la qualité de vie en entreprise, c’est l’équilibre entre toutes les parties.

En 2008, vous rejoignez la Saur. Vous dites que vous avez choisi le dirigeant, Olivier Brousse, plus que l’entreprise. Pouvez-vous nous expliquer quelle distinction vous faites, en quelques mots ?

Je suis très sensible à la cause environnementale. Les problématiques d’eau potable, de traitement des eaux et des déchets sont au cœur de notre monde, et je trouvais que ce poste avait un véritable attrait, en tant que DRH. Ce qui montre bien que je ne perçois pas ma fonction comme n’accordant pas d’intérêt à l’activité de l’entreprise. La rencontre avec Olivier Brousse a en effet été une rencontre personnelle, sympathique, et elle fut le déclencheur pour rejoindre cette entreprise. Je ne venais pas du secteur de l’environnement et, pourtant, ce dirigeant m’a choisie, considérant que j’avais la capacité à m’adapter à d’autres domaines d’activité.

L’année 2013 vous mène vers une marque emblématique, Monoprix… Qu’avez-vous le plus apprécié dans cette expérience ?

J’ai apprécié de découvrir le monde de la vente au détail. C’était la première fois que j’étais dans une entreprise de B to C, avec des problématiques d’expérience client et de développement de l’e-commerce. Je mesurais au quotidien l’importance de travailler pour une maison historique, Monoprix ayant été fondée en 1932, et pour une marque proche des gens, présente dans toutes les grandes villes. Les métiers du retail sont à la fois difficiles et attachants, comme ceux de La Poste. Le secteur de la grande distribution était déjà en grande mutation quand j’y suis entrée, et cela influait sur les exigences de transformation des comportements au travail de l’ensemble des salariés. Rappelons-nous, il y a quelques années, on attachait moins d’importance au service client. Aujourd’hui, dans les magasins, les produits sont disponibles en rayon, et des femmes et des hommes peuvent vous renseigner ou vous livrer. La notion de service client est devenue un véritable top of mind.

Le Groupe Casino se distingue par la mise en place d’un « management bienveillant ».

J’étais DRH de Monoprix, qui fait partie du Groupe Casino, quand cette politique a été mise en place. Nous avons créé le réseau des « bienveilleurs », ces salariés qui veillent sur les autres et lancent l’alerte quand un collègue ne va pas bien[1]. Et je trouvais que, dans cet univers difficile et exigeant où l’on commence tôt le matin, c’était une attention portée aux salariés qui me semblait indispensable pour les managers de proximité, les directeurs de magasin et les employés. Nous devions soutenir cette exigence mentale et physique envers les salariés. J’ai moi-même participé à décharger des cagettes, à mettre en rayon, à l’aube, des produits frais. Je peux vous dire que le travail est considérable. Quand on n’est pas entraîné, au bout d’une journée on est cuit ! De même, la relation aux clients est difficile, on le voit avec la montée des incivilités. Mettre en œuvre la démarche de « management bienveillant », qui est une forme de care, était assez puissant.

Et puis l’opportunité de devenir DRH de La Poste s’offre à vous. Vous intégrez un groupe en plein bouleversement. Le grand enjeu est d’accompagner les postiers dans la transformation de leur entreprise et de leur profession. Comment pourriez-vous définir le rôle qui est le vôtre ?

Le cœur du métier de DRH est d’offrir des possibilités en matière d’évolution de carrière, de parcours professionnel et de formation, de façon à permettre l’évolution des métiers qui sont en attrition, comme c’est le cas à La Poste, car le courrier baisse de façon drastique. Ce phénomène est d’autant plus prégnant depuis le début de la crise sanitaire, car 85 % des expéditions de courrier viennent des entreprises. La fermeture des entreprises, particulièrement durant le premier confinement, a accéléré cette baisse, qui était déjà réelle depuis une dizaine d’années. Le trafic du courrier baisse en moyenne, de 7 % à 8 % par an. Nous commençons l’année 2021 avec une « baisse du double ». Tout le sujet de la DRH de La Poste que je suis est de regarder comment nous pouvons faire évoluer les carrières des postiers vers des fonctions en développement et comment leurs compétences peuvent être valorisées. Deux compétences transverses me semblent aujourd’hui majeures. Tout d’abord, les entreprises doivent porter le rôle sociétal de former leurs salariés aux outils numériques. À La Poste, la proximité humaine est quotidienne, et si nous souhaitons que nos facteurs puissent aider nos clients sur différents sujets, cela suppose qu’ils soient à l’aise avec ces outils. La seconde compétence transverse, c’est la posture client. Celle-ci doit exister pour les fonctions de service mais aussi pour les fonctions supports, car c’est le gage d’un bon fonctionnement et d’une coopération réussie. La transition numérique et la posture client sont des compétences de demain et des clés pour les transformations des entreprises.

Nous avons relaté les grandes étapes de votre parcours. Quels ont été les grandes évolutions du métier de DRH depuis vos débuts ?

La fonction est plus exigeante et protéiforme. Le niveau attendu est plus élevé qu’il y a quinze ans. Aujourd’hui, un DRH doit rester un bon expert, un bon technicien de sa fonction. Tous les aspects réglementaires se sont considérablement complexifiés. La fonction doit aussi être nourrie d’une vision stratégique plus forte, car nous évoluons dans un monde incertain et cela suppose d’avoir une sorte de vista. Un DRH doit sentir comment le monde du travail évolue : vers quoi il va aller et vers quoi l’entreprise peut s’orienter en faisant évoluer son corps social.

[1] Voir à ce sujet, notre interview de Franck-Philippe Georgin, Secrétaire Général du groupe Casino – People at Work n°1

Louis Jauneau Directeur expérience collaborateur chez GreenFlex

Pouvez-vous nous présenter votre rôle ?

Je suis chargé de faciliter les relations entre les collaborateurs et l’entreprise. Mon périmètre d’action touche donc autant à la communication interne qu’au facility management, c’est-à-dire à l’accès aux installations, aux équipements et aux infrastructures de la société. Je dois également avoir des notions en knowledge management, à savoir la gestion des outils, les méthodes et les modes d’organisation pour faciliter la conservation et surtout le partage des connaissances réparties dans l’entreprise. J’accompagne également la direction générale et le CoDir sur des missions spécifiques. L’expérience collaborateur consiste à accompagner le salarié tout au long de sa vie dans la société. Quand il arrive, quand il part, je suis là pour activer tout ce que le salarié vit chez GreenFlex et pour faciliter son accès à des sujets directs, comme son espace de travail, ou plus éloignés, comme son appropriation de la « responsabilité sociale » de notre entreprise, son implication dans la « raison d’être » de celle-ci. De manière plus concrète, je crée des animations pour favoriser la cohésion de groupe, comme des teams building engages, rencontres inspirantes, sensibilisation, et j’organise des concours d’innovations ou encore des présentations des engagements personnels des collaborateurs.

Pourquoi, à un moment ou à un autre, une entreprise décide-t-elle de se doter d’un responsable expérience salarié ?

Cela se fait naturellement. Mais cela dépend aussi de la mentalité même de l’entreprise. GreenFlex est une structure d’une dizaine d’années qui a bénéficié d’une croissance importante en très peu de temps, il était donc important de s’adapter aux nouveaux défis tout en préservant le capital humain. Les sociétés qui accueillent sans cesse de nouveaux collaborateurs, qui acquièrent des structures susceptibles de bouleverser leurs écosystèmes ont besoin de s’adapter très vite. L’expérience collaborateur part de cela, de la nécessité de répondre aux défis de la transformation, tout en ménageant la productivité des équipes.

La crise sanitaire engendre isolement et risques psycho-sociaux liés au télétravail et à la difficulté de manager à distance… Je suppose que votre poste est central en cette période ?

Depuis une année, il a fallu réagir vite et bien. Deux ans avant le développement de la pandémie, nous avions déjà mis en place deux jours de télétravail par semaine. Nous vivions dans une logique de flex-office, avec des règles précises construites avec les collaborateurs. Cette adaptation ne s’est donc pas faite dans la précipitation. D’un point de vue fonctionnel : quand les décideurs politiques nous ont imposé le confinement en quarante-huit heures, malgré les problèmes de réseaux, tout le monde était donc opérationnel, sans que le collectif soit fragilisé. Nos événements et animations habituellement situés dans nos locaux ont été dématérialisés. Parallèlement, nous avons mis en place une politique de communication interne intensive : alors que des « points d’échanges » étaient ritualisés chaque trimestre par équipe et chaque semestre pour le groupe, nous avons accéléré le processus pour communiquer, tous les quinze jours, en fonction de l’actualité, avec l’ensemble de GreenFlex. Tout ce qui était « physique » a pu être dématérialisé : les cours de yoga, les séances de massage et d’automassage. Tout ce qui ordinairement appartenait au domaine du bien-être du salarié au sein de l’entreprise a été transporté au domicile. C’était une façon de garder un lien vertueux, de rassurer les collaborateurs. Enfin, nous avons intensifié notre politique de randomcoffee, ce qui permet de connecter les collaborateurs entre eux grâce à une mise en relation ciblée. L’idée est de préserver le lien entre le collaborateur et l’entreprise mais aussi de préserver la relation entre les salariés eux-mêmes… Mon poste a été et est donc central dans la crise. Mais le responsable expérience collaborateur n’est jamais seul, il a besoin d’être associé aux ressources humaines, à la direction, au service RSE. Sinon, cela ne tient pas debout. Ce métier englobe les sujets que peuvent traiter les chiefs happiness officers [CHO] ou les feel good manager ailleurs. Même si, personnellement, je n’ai jamais cru que j’étais responsable du bonheur des gens, je sais qu’au sein de l’entreprise je peux y contribuer. GreenFlex a été fondée sur une base théorique : comment l’entreprise peut-elle se construire avec des collaborateurs sereins ? Cette question est prégnante. Chaque jour, nous essayons d’y apporter des réponses. C’est un défi au quotidien.

La valeur ajoutée de votre métier est de créer une culture d’entreprise propice à l’engagement.

Le poste est d’être garant de la raison d’être de l’entreprise et de ses valeurs. C’est autant de la communication managériale que de la communication interne. J’ai la chance d’avoir fait partie du démarrage de GreenFlex, cette petite société de 3 collaborateurs qui est devenue un réseau de plus de 500 professionnels. J’accompagne et j’accueille toutes les personnes nouvelles arrivant chez GreenFlex, cela fait partie de leur expérience. Celle-ci commence le jour où la personne signe son contrat, jusqu’à la fin d’un processus d’onboarding. Cette « intégration » semble assez classique, et, pourtant, il y a pas mal d’entreprises pour lesquelles ça ne l’est pas tant que ça. Un mois avant son premier jour, on appelle le collaborateur et on organise son parcours d’arrivée : un pack lui est remis avec l’historique de la société, la définition de ses valeurs. Je lui donne tout ce qui ne se trouve pas sur le site Web. Je lui donne de la matière et de la vie avec une présentation de l’organigramme, des équipes, j’organise une visite des locaux, d’autant que nos bureaux ont été co-construits par les collaborateurs. Nous travaillons en flex-office, nous bénéficions d’un grand co-working et d’espaces de convivialité. La culture de notre entreprise est retranscrite dans cet aménagement intérieur. Il est très important de se sentir accueilli. Cela nous permet d’échanger des émotions. Chaque salarié passe par cette porte d’entrée, qu’il soit stagiaire ou directeur. Dès le début, les valeurs de l’entreprise lui sont transmises.

Votre approche de l’intégration des collaborateurs est très « start-up ».

Oui, mais nous ne sommes pas dans le cliché de la start-up avec des flamants roses à l’accueil. Tout a un sens : oui, nous avons un baby-foot comme n’importe quelle start-up qui se respecte, mais ce baby-foot a été choisi avec les collaborateurs : c’est un projet qui a été voté, on l’a acheté de seconde main car GreenFlex fait du développement durable, on a été jusqu’à choisir la forme des poignées – longues plutôt que rondes – et on l’a posé à un endroit où on peut y jouer à n’importe quel moment… Donc, il y a le symbole du baby-foot, qui est un grand classique, et il y a son message implicite : « Tu peux jouer au baby-foot quand tu veux, je ne te surveille pas, je te fais confiance, mais je compte sur toi. » Cela change beaucoup de choses. Il y a beaucoup de clichés autour du CHO, de l’expérience collaborateur, chacun appelle cela comme il le souhaite. Or, la différence, c’est le sens qu’on y met. L’expérience collaborateur n’est ni un gadget ni un effet de mode, c’est un sujet de fond qui répond à des enjeux d’engagement, de transformation et de performance globale et durable.

Quel est le profil idéal du responsable expérience collaborateur ?

C’est une très bonne question parce qu’il n’y a pas de parcours type. Ce sont souvent des professionnels de la communication, de l’assistanat de direction ou des ressources humaines qui cherchent à faire évoluer leur carrière. En matière de philosophie d’esprit, il faut être éminemment empathique, optimiste, flexible aussi. Tout part de l’idée d’engagement : comment je mets à l’honneur les collaborateurs, comment ils se sentent considérés. Moi, j’ai commencé ma carrière de feel-good manager avec les glaces Mister Freeze. Nous étions situés dans nos tout premiers locaux, rue du Faubourg-Poissonnière, à Paris. De très grandes verrières réchauffaient la pièce. Et un été, c’était intenable. Un jour de canicule, je suis donc allé acheter des Mister Freeze pour les quinze collaborateurs qui étaient avec moi. Et, jusqu’à la fin de cet épisode de chaleur, à tour de rôle, nous allions chercher une glace pour les autres. Je me suis emparé de cet esprit de responsabilité collective, j’ai adoré cela. À l’époque, j’étais responsable marketing et j’ai de plus en plus été animé par cet esprit de groupe. Peu à peu, je me suis occupé des collaborateurs, sans être un RH mais en étant à la frontière des nouveaux métiers, des nouvelles compétences qui vont regrouper des parties RH, des parties de communication interne, de communication managériale aussi. Le responsable expérience collaborateur fait le pont entre toutes ces instances.

GreenFlex en chiffres

550 collaborateurs dans 20 bureaux, en France et en Europe.

Le Delta : un siège de + de 3 200 m², co-construit avec les collaborateurs.

Télétravail en coworking : est-ce possible ?

Pour retrouver le lien social qui manque tant, de plus en plus de télétravailleurs font le choix de se rendre dans des tiers lieux près de chez eux, une journée par semaine ou plus. D’abord utilisés par des freelancers et des startupers, ces espaces de coworking qui se multiplient depuis une dizaine d’années dans les centres urbains voient dans cet afflux de salariés exilés une belle perspective de croissance. Ils leur offrent un cadre agréable répondant aux normes sanitaires, ainsi qu’une atmosphère professionnelle, stimulante et conviviale où ils peuvent travailler en toute sérénité et où chaque discussion devant la machine à café avec des coworkers venus d’horizons différents est une occasion d’élargir leur réseau.

Les télétravailleurs y trouvent surtout un bureau ergonomique, privatif ou ouvert intégralement consacré à leurs tâches, ainsi que des salles de réunion et des phone boxes. Des services sont inclus dans l’abonnement, notamment la mise à disposition d’équipements bureautiques et d’une assistance technique. Grâce à cet espace hors de chez eux, les salariés peuvent renouer avec un rythme professionnel plus familier : la journée de travail y est plus productive qu’à la maison, et elle se termine par un trajet de retour qui offre un sas de décompression bienvenu avant de retrouver son foyer.

Bon compromis entre télétravail et ambiance d’entreprise, le coworking peut aussi être une option intéressante pour les sociétés, et ce quelle que soit leur taille. Alors que 60 % des organisations envisagent de renégocier leur bail en 3-6-9 et que 36 % comptent réduire leur surface, les espaces partagés et leurs offres flexibles pourraient être la clé de la transition vers un télétravail durable. Certes, leurs tarifs sont légèrement supérieurs à ceux de bureaux classiques, mais leurs services libèrent les entreprises de nombreuses contraintes.

Les tiers lieux ne représentent aujourd’hui que 2 % des surfaces de bureau du pays, mais ce pourcentage pourrait être décuplé dans les dix prochaines années. Leur essor permettra de redéfinir le bureau traditionnel comme un espace de collaboration et d’échange, où les salariés ne se rendraient que quelques jours par semaine, pour des activités bien précises. Le reste du temps, les espaces partagés leur permettront de travailler à distance dans de bonnes conditions et de briser la monotonie du homeworking.

Télétravail en coworking, est-ce légal ?

Rien ne permet à une entreprise de s’opposer à ce que l’un de ses employés en télétravail exerce son activité depuis un tiers lieu, à partir du moment où celui-ci répond aux normes sanitaires en vigueur. Comme à son domicile, le salarié peut bénéficier de la même prise en charge qu’en entreprise au niveau des accidents du travail, et il est couvert par son assurance responsabilité civile professionnelle pour les dommages qu’il pourrait causer à autrui. Une assurance multirisque professionnelle est conseillée pour protéger ses biens et matériels, mais elle n’est pas obligatoire.

Créativité, humanité, qualité de vie au travail : le rôle des artistes en entreprise

Pourquoi cette connexion inhabituelle ? Pourquoi maintenant ?

Notre environnement et les problèmes à résoudre dans ce contexte sont d’une telle complexité qu’il faut les aborder à 360° pour éviter les angles morts et limiter les biais de perception au maximum. Le statu quo n’est par ailleurs plus possible pour l’entreprise qui doit se réinventer en permanence. On voit se multiplier les méthodes créatives comme le design thinking, dont le but est d’appliquer la démarche d’un designer pour répondre à un projet d’innovation ou les cartes cognitives et mentales du mind mapping.

Les artistes font partie des profils pluridisciplinaires à inclure dans ces démarches de divergence-convergence. Ils ont généralement fait le choix assumé de développer le fameux cerveau droit créatif. Ils apportent un regard latéral et sensible dans la résolution de problèmes complexes et, à cet égard, sont de formidables capteurs de tendances et d’innovation. Enfin, le processus de création artistique est un processus d’exploration ouvrant la place à la répétition de l’essai, au choix de nouvelles voies de développement devant l’échec, à l’acceptation de la vulnérabilité devant l’inconnu.

L’intervention artistique en entreprise existe depuis longtemps et prend différentes formes plus ou moins transformationnelles : la collection d’art en entreprise, les résidences d’artistes visant à la poursuite par l’artiste d’un projet de création, les démarches d’art thinking plus maillées pouvant conduire à la production d’une œuvre collective mais visant également un apprentissage méthodologique pour l’organisation.

S’inscrivant dans cette tradition d’accueil des artistes en entreprise, le Boston Consulting Group (BCG) reçoit « en résidence » Jeanne Bloch, artiste-chorégraphe et chercheuse, maker dans le cadre de sa recherche artistique « L’impact de la pollution lumineuse sur les capacités humaines d’imagination ».

Jeanne Bloch, en quoi consiste votre résidence au BCG ?

Ma recherche danse et lumière se construit depuis une dizaine d’années à travers la mise en place d’installations interactives et immersives, de performances et par l’écriture d’articles de recherche. En m’intéressant à l’impact de la pollution lumineuse sur l’imagination, j’aborde d’une part, le rôle de l’expérience, ici, l’expérience de la lumière comme lieu de production de connaissances, et, d’autre part, la prise en compte de la subjectivité de chacun à travers ses capacités d’imagination. Je me questionne sur l’omniscience de la lumière dans nos vies surexposées. Par exemple, les écrans LED qui nous entourent projettent une lumière « perdue » qui efface les zones obscures de nos intérieurs. À travers ma recherche artistique, je souligne la nécessité ambiguë de conserver à la fois l’obscurité et la lumière, aussi bien dans nos intérieurs que dans les espaces extérieurs.

Les points de rencontre entre l’entreprise et l’artiste se trouvent avant tout dans une écoute et une ouverture à l’autre, sans objectif utilitariste, une respiration féconde. Pour le BCG, mon travail sur la pollution lumineuse d’intérieur fait écho à des enjeux de qualité de vie au travail. L’entreprise a choisi de réfléchir à des questions liées à la lumière dans les bureaux (est-elle susceptible de stimuler l’imagination des collaborateurs ?) ou concernant le développement d’espaces de restauration de l’énergie plus riches que la traditionnelle salle de repos.

Par ailleurs, j’ai proposé de partager avec les équipes de l’entreprise les méthodes de travail collaboratif utilisées dans les rencontres d’artistes, de performeurs mais également au sein d’autres organisations : Bâton de parole, Forum ouvert (ou OST, Open Space Technology), U Theory, Permaculture sociale, etc. La « mise en scène » n’est pas neutre pour un performeur, et la possibilité de s’installer en cercle pour faire circuler un tour de parole est tellement simple mais encore souvent inhabituelle alors qu’elle produit une addition très efficace des intelligences en présence. Produire du sens et de la valeur à partir d’éléments considérés comme disparates constitue l’un des savoir-faire principaux de la démarche artistique à laquelle tout un chacun peut s’entraîner.

Ainsi, imaginer le travail de l’organisation de demain en abordant la distinction entre réalité et virtualité à partir de l’expérience que nous vivons plutôt que de la technologie que nous utilisons ouvre le jeu aux imaginaires et permet de créer du sens à partir de chacun de nous et pour chacun de nous.

Quelles règles à suivre pour la mise en place d’une résidence d’artiste en entreprise ?

L’intervention artistique en entreprise compte de nombreux succès. Un tel rapprochement comporte également son lot de défis, à anticiper pour garantir l’atteinte des résultats souhaités (créativité, transformation, engagement et affiliation des salariés)…

  • Accepter de ne pas connaître la valeur créée à l’avance.
  • Pour autant, cadrer le périmètre de l’intervention et les livrables artistiques et organisationnels souhaités, sachant qu’il s’agit d’un cadrage de concepts, l’enjeu de la collaboration artistique étant précisément d’inventer ceux-ci.
  • Réussir la greffe de l’artiste au collectif.

C’est tout sauf évident. Cela demande de la médiation, de la facilitation, des méthodes, des outils, de la préparation, de l’écoute et du respect. À cet égard, s’appuyer là encore sur les artistes via leur faculté d’observation et leur expérience du processus créatif.

Plus généralement, au travers des initiatives comme la résidence de Jeanne Bloch au BCG, nous développons l’aspect expérientiel de notre offre, afin que le conseil ne soit pas réduit à sa dimension analytique, mais qu’au contraire les clients puissent avoir une vision concrète et immersive de ce qu’est la transformation.

Raison d’être, antichambre de l’entreprise à mission

Selon les dernières annonces publiques, 55 % des entreprises du CAC 40 déclarent avoir une raison d’être. C’est le cas, par exemple, du groupe Carrefour[i] et du groupe Atos[ii].

Bien évidemment, les raisons d’être annoncées tiennent leurs promesses uniquement si celles-ci sont suivies d’actions concrètes. La raison d’être d’une entreprise se prouve par la mise en mouvement de ses engagements au quotidien, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’organisation. C’est l’objectif des entreprises les plus conscientes et les plus courageuses. Au-delà d’affirmer leur raison d’être, celles-ci ont choisi de devenir des « sociétés à mission » et ainsi d’améliorer notre société et notre environnement en mettant leur modèle économique au service d’un impact positif.

Actuellement, une seule entreprise cotée au CAC 40 s’est engagée dans ce sens : le groupe Danone (lire notre interview de Valérie Mazon p. XXX). Et celle-ci fait face à de nombreuses critiques depuis cette annonce. Pourtant, les analystes s’accordent à reconnaître que les entreprises qui ont le mieux résisté à la crise en 2020 sont les entreprises responsables. L’entreprise classique reçoit des pressions de toutes parts (ONG, clients, salariés et même actionnaires) et n’a plus d’autre choix que celui d’évoluer. Les consommateurs ont d’ailleurs bien compris qu’ils avaient souvent plus de pouvoir en « votant » avec leur carte bleue plutôt qu’avec leur bulletin de vote. Et ils savent ce qu’ils veulent : plus de la majorité des Français souhaitent que les entreprises prennent leurs responsabilités[iii] pour vivre dans un monde plus juste.

L’entreprise de demain sera responsable ou ne sera pas

Une nouvelle vague s’apprête déjà à déferler : la France compte aujourd’hui à peu près 100 sociétés à mission. Il y en aura 10 000 d’ici à dix ans. Pour obtenir ce statut, elles devront passer par quatre phases : tout d’abord, choisir une raison d’être et l’inscrire dans leurs statuts, définir ensuite une mission incluant des objectifs sociaux et environnementaux, préciser le plan d’action pour réussir cette mission et, enfin, le point décisif, faire appel à un organisme tiers indépendant pour vérifier que les actes sont à la hauteur des mots.

Alors une fois le cadre défini par la loi et la théorie maîtrisée, comment passer de la vision aux actes ? Les sociétés indépendantes ou familiales rencontreront sûrement moins de contraintes pour faire évoluer leur organisation. Par exemple, le Groupe Rocher a été l’un des premiers groupes internationaux à adopter le statut de société à mission. Avec pour raison d’être de « reconnecter les femmes et les hommes à la nature », il incarne sa mission en plantant des arbres avec ses parties prenantes. De plus, il n’a pas attendu les mesures coercitives prises par le gouvernement pour agir : arrêt des tests sur animaux dès 1988, soit quinze ans avant la législation française, et abolition des sacs plastiques en 2006, soit dix ans avant que la loi interdisant leur emploi n’entre en vigueur. Lors de son intervention au dernier Sustainable Paris Forum, son PDG, Bris Rocher, a encouragé les dirigeants à aller vers la société à mission et a rappelé, à juste titre, qu’il était nécessaire concrétiser la raison d’être « en passant du story telling au story doing ». Car, c’est bien de cela dont il s’agit : communiquer non pas sur ce qui va être fait, mais, bien sûr, ce qui a été fait concrètement.

L’entreprise à mission, un état d’esprit

Alors qu’en France un manager sur trois a déjà fait un burn out, les entreprises à mission proposent à leurs collaborateurs du sens, une « raison d’y être ».

Par exemple, l’entreprise française Veja réinvente la fabrication d’un produit que nous consommons tous : la basket. Chez eux, pas de stratégie RSE, l’écoresponsabilité est directement au cœur de tous les métiers. Cela se traduit par une culture de l’engagement qui alimente les rêves à atteindre ensemble, plutôt que les bilans carbone à réaliser seul dans son coin. Ensemble, les équipes de Veja se lancent régulièrement des challenges à relever pour se stimuler. Le dernier en date : créer la première basket de l’ère post-pétrole !

Le Groupe Rocher et Veja sont deux exemples d’entreprises en adéquation avec leur ADN et en résonance avec les attentes de leurs talents : l’authenticité et la responsabilité. Ces entreprises à mission ont compris que le capital humain était la force la plus précieuse à leur disposition pour accomplir leur mission.

À l’heure où nos modèles de société nous conduisent inéluctablement dans des impasses économiques, sociales et environnementales, les entreprises ont le devoir de faire converger valeurs, objectifs économiques et bien commun. Reste à déployer ce mouvement de l’impact positif et à définir un standard pour mesurer les retombées des actions promises afin que les entreprises soient à la hauteur des enjeux de notre époque.

[i] Raison d’être de Carrefour : « Notre mission est de proposer à nos clients des services, des produits et une alimentation de qualité et accessibles à tous à travers l’ensemble des canaux de distribution. Grâce à la compétence de nos collaborateurs, à une démarche responsable et pluriculturelle, à notre ancrage dans les territoires et à notre capacité d’adaptation aux modes de production et de consommation, nous avons pour ambition d’être leader de la transition alimentaire pour tous. »

[ii] Raison d’être d’Atos : « Avec nos compétences et nos services, nous supportons le développement de la connaissance, de l’éducation et de la recherche dans une approche pluriculturelle et contribuons au développement de l’excellence scientifique et technologique. »

[iii] 51 % des Français considèrent qu’une entreprise doit être utile pour la société dans son ensemble, devant ses clients (34 %), ses collaborateurs (12 %) ou ses actionnaires (3 %). [Source : Ifop, agence Terre de Sienne, enquête « La valeur d’utilité associée à l’entreprise », 15 septembre 2016.]

Raison d’être : y a-t-il un piège ?

Un contexte porteur voire contraignant

Le concept d’« objet de l’entreprise » a progressivement émergé à la suite du concept de responsabilité sociale des entreprises, de la théorie des parties prenantes depuis 2001 (loi NRE) et, plus récemment, de la notion d’impact avec les Objectifs de développement durable (ODD). Ce concept est aujourd’hui intégré dans la gouvernance d’entreprise.

En France, c’est la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises du 11 avril 2019 qui a sauté le pas en imposant un objet social élargi consacrant la place des enjeux environnementaux et sociaux (article 1833 du Code civil) :

« La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. » La loi inclut aussi la possibilité d’insérer une raison d’être dans les statuts (article 1835 du Code civil).

La raison d’être est constituée des principes dont la société se dote et qui vont guider ses orientations stratégiques.

Comment choisir sa raison d’être ?

La cohérence du message est très certainement la question essentielle : un message trop général, pompeux ou inadéquat portera atteinte à la crédibilité de l’entreprise alors que, si la raison d’être devient un élément particulier de l’identité de l’entreprise et est exprimée clairement, elle contribue fortement à son image et devient un élément essentiel pour porter la marque à l’extérieur et valoriser l’entreprise. Mais également dans le domaine des RH, car une raison d’être motivante mobilise les collaborateurs et permet d’en attirer d’autres, notamment les jeunes talents, exigeants désormais sur le purpose [« l’objectif »] de l’activité.

Prenons l’exemple de Carrefour : « Une alimentation de qualité accessible à tous », raison d’être statutaire adoptée le 4 juin 2019. « Notre mission est de proposer à nos clients des services, des produits et une alimentation de qualité et accessibles à tous à travers l’ensemble des canaux de distribution. Grâce à la compétence de nos collaborateurs, à une démarche responsable et pluriculturelle, à notre ancrage dans les territoires et à notre capacité d’adaptation aux modes de production et de consommation, nous avons pour ambition d’être leader de la transition alimentaire pour tous. » Promesse forte, délivrée lors de campagnes publicitaires.

Se pose également la question de la manière de définir la raison d’être. Le processus d’adoption de celle-ci n’est pas neutre. Le rôle des collaborateurs, afin qu’ils s’engagent, devrait être majeur, voire, au-delà, celui de l’écosystème. Philippe Renard, responsable du service gouvernance d’Engie indique avoir consulté une quinzaine d’actionnaires au sujet du cahier des charges. Pourtant, parce que les choses ne sont jamais simples, le revers de la médaille d’un processus engageant l’ensemble des parties prenantes est le risque d’arriver à une formule consensuelle, donc vague ou neutre.

Prenons en contre-exemple Orange : « L’acteur de confiance qui donne à chacune et à chacun les clés d’un monde numérique responsable. » Le processus de création de cette raison d’être a été hypervertueux : mobilisation de l’ensemble des parties prenantes et d’experts (internes et externes : 2 300 propositions recueillies) ; nombreuses questions posées aux salariés (vote de plus de 130 000 salariés) ; vidéos de collaborateurs « gardiens de la raison d’être d’Orange ».

Enfin, quid du risque de purpose washing ou d’une communication soit superficielle, soit peu audible ?

La raison d’être n’est pas un exercice de communication, mais un travail d’alignement stratégique entre mission et actes. Un risque est présent si ce ne sont que des mots. Risque d’ordre réputationnel avant tout, car l’image est une partie de la valeur de la marque ou de l’entreprise. Une raison d’être que personne ne peut reprendre à son compte ne remplit pas son office.

L’exemple de la Française des jeux : structurée autour de cinq piliers (l’offre de jeux, le modèle responsable, l’engagement sociétal, l’ancrage territorial et la durabilité), sa raison d’être s’inscrit dans la continuité de ce qui fait la spécificité de l’entreprise. Le groupe FDJ propose à tous ceux qui aspirent à jouer et à vivre des instants d’émotion une offre de jeux diversifiée et responsable. « Le jeu est notre métier, la contribution à la société notre moteur et la responsabilité notre exigence. Afin de promouvoir une pratique récréative du jeu d’argent, nous plaçons au cœur de nos préoccupations l’accompagnement de nos clients, l’intégrité de nos jeux et la réduction des risques et des conséquences liées à notre activité. Ainsi nous agissons pour prévenir les comportements d’addiction au jeu des mineurs. Héritiers de la Loterie nationale, créée pour venir en aide aux blessés de la Première Guerre mondiale, nous perpétuons nos actions sociétales et solidaires et notre participation au financement de l’intérêt général. Partenaires majeurs du commerce de proximité, nous rendons nos jeux et services accessibles au plus grand nombre, grâce à un réseau de commerçants présent sur tous les territoires. Forts de l’engagement de nos collaborateurs et de notre capacité d’innovation, notre ambition est de poursuivre notre développement dans le cadre d’un modèle responsable et utile à la société, et d’un dialogue étroit avec nos parties prenantes. »

D’autres exemples : autour de sa mission « Ressourcer le monde », Veolia se donne (hors statuts) pour but de contribuer au progrès humain, à la santé publique, aux enjeux économiques et environnementaux, à faciliter l’accès aux ressources naturelles… et de favoriser le bien-être de ses salariés. Dès qu’on passe le stade de la proclamation et qu’une raison d’être est intégrée dans les statuts (Atos, Carrefour, Engie, EDF, Danone), l’entreprise sera redevable devant des actionnaires, des salariés, etc. Différentes parties prenantes n’ayant pas toujours les mêmes intérêts et qui pourraient s’engager dans des actions, voire tenter un contentieux considérant que les bons arbitrages sur les allocations de ressources n’ont pas été réalisés.

Le Groupe Rocher est la première entreprise à avoir choisi d’être « à mission ». Bris Rocher a décidé d’y aller « même si s’engager dans cette voie est s’exposer. La raison d’être, c’est l’impact sur le long terme, à condition que la performance à court terme soit assurée. Être une entreprise à mission, c’est conjuguer performance économique et contribution au bien commun ». La raison d’être statutaire du Groupe Rocher (du 9 décembre 2019) est : « Reconnecter l’homme à la nature. » Forte de ses expertises botaniques, agronomiques et scientifiques et du modèle unique créé à La Gacilly, la société cultive un lien direct avec ses communautés et ses territoires. Bris Rocher s’inscrit dans les racines du groupe et le sillon tracé par son grand-père. Ainsi, la raison d’être du groupe s’accompagne d’engagements : réduction des émissions de gaz à effet de serre de 50 %, certification B Corp de 100 % du groupe, réduction de 30 % des consommations de plastique, plantation de 200 millions d’arbres à échéance 2030.

Tous les secteurs d’activité peuvent-ils trouver une « raison d’être » ?

Les secteurs polluants ou les sociétés commercialisant des produits clairement identifiés comme nocifs pour la santé sont-ils écartés d’office du dispositif proposé par la loi Pacte ? Sur le plan légal, rien n’empêche un industriel du tabac, de la pétrochimie ou de la mode, deuxième secteur le plus polluant au monde, de devenir une entreprise à mission.

Ce qui fait l’entreprise à mission, ce n’est pas la « morale » du produit, c’est la démarche qui place une « raison d’être » et des objectifs au cœur de la stratégie. Cette démarche est hautement « challengeante », ne serait-ce que parce qu’elle est adossée à des relations parties prenantes, internes et externes, qui ne sont pas là pour avoir leur langue dans la poche… Et qui veillent, avec l’organisme tiers indépendant (OTI), à ce que la « mission » soit bien remplie, que l’action quotidienne de l’entreprise soit cohérente avec sa raison d’être et qu’on ne verse pas dans le mission washing. Il y a donc un risque à s’engager dans ce projet : celui de ne pas pouvoir tenir ses engagements ! Mais il y a aussi une formidable opportunité : celle de se transformer.

De ce fait, la démarche peut assurément attirer des industriels exerçant actuellement une activité polluante ou bien dont l’impact social ou sanitaire est critiqué car elle peut les amener à se redévelopper sur des produits et services d’avenir, en considération des défis de la durabilité et en résonance avec les attentes de la clientèle d’aujourd’hui et de demain.

On ne saurait donc qu’encourager les entreprises les moins attendues sur une « raison d’être » à s’en doter pour s’obliger à innover dans le sens de l’histoire. Il y va de la durabilité dans tous les sens du terme et, pour commencer, au sens premier : durer. On pourrait effectivement imaginer qu’un effet de « kodakisation » affecte un certain nombre d’organisations qui rateraient le tournant disruptif de la mission à impact positif. Souvenons-nous : le célèbre producteur d’appareils et pellicules photo ne s’est pas désintéressé du numérique, mais il l’a considéré à la marge de son activité… Un peu comme de trop nombreuses entreprises considèrent encore aujourd’hui la RSE comme une cerise sur le gâteau de la performance ! Mais si, demain, entretenir des relations durables et équitables avec son écosystème devient l’ingrédient principal de la performance, il est déjà grand temps que les secteurs qui produisent massivement des externalités négatives se recentrent autour de l’objectif premier de leur activité.

On ne produit pas des voitures pour polluer, mais pour proposer des solutions de mobilité. On ne produit pas des médicaments pour rejeter des composants chimiques dans l’air et dans l’eau, mais pour soigner. On ne produit pas du prêt-à-porter pour contribuer à l’esclavagisme « moderne » qui touche 40 millions de travailleurs et travailleuses aujourd’hui, mais pour permettre à des gens de se vêtir et de se parer. Devenir une entreprise à mission, cela commence ici : se souvenir de pourquoi on fait ce que l’on fait et, à partir de là, (re)bâtir une chaîne de valeur centrée sur la mission et écartant tout ce qui la corrompt.

En Europe, les femmes n’occupent que 18 % des emplois du numérique

La Commission européenne a publié en décembre dernier un tableau de bord sur la place des femmes dans le monde du numérique, et les écarts sont encore très prononcés entre les sexes, puisque « seulement 18 % des spécialistes des technologies de l’information et de la communication sont des femmes », selon les mots de Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive de la Commission.

Dans le classement des pays, la Finlande, le Royaume-Uni, la Suède, le Danemark et les Pays-Bas occupent les cinq premières places, tandis qu’en bas du tableau se trouvent la Bulgarie, la Roumanie, la Grèce et l’Italie.

La France se classe 9e, l’Espagne 10e, et l’Allemagne 12e. « Pour être à l’avant-garde de la transition numérique, notre industrie doit exploiter pleinement le potentiel de compétences de l’Europe et encourager les talents des femmes », déclare Thierry Breton, le commissaire au marché intérieur, qui promet de consacrer « au moins 20 % du fonds pour la reprise et la résilience au numérique », dans le but d’« ouvrir la voie au renforcement des compétences informatiques des femmes dans toute l’UE ».