Portrait : Anne-Sophie Nomblot, présidente du réseau SNCF au Féminin

Comment êtes-vous entrée à la SNCF et quel est votre parcours au sein de cette entreprise ?

Je suis entrée à la SNCF en 2005, à la fin de mes études, après une école de commerce. Plusieurs choses m’intéressaient : l’accessibilité à des postes de manager et la diversité des parcours au sein du groupe. J’étais cheffe de gare et dirigeante de proximité à Marne-la-Vallée, ensuite j’ai travaillé à la direction TGV sur des projets de transformation managériale. Ensuite je suis partie en filiale, à iDTGV, où j’ai travaillé sur plusieurs projets en tant que directrice des services, manager en expérience client. Puis, je suis partie à la direction des gares d’Île-de-France, où je m’occupais d’installer des commerces et des services dans les gares, notamment des crèches, des ateliers de réparation de vélos ou des ateliers de coworking. Et aujourd’hui, je suis donc présidente du réseau SNCF au Féminin depuis le mois d’octobre dernier. J’y suis engagée depuis sa création en 2012. J’ai participé aux ateliers de développement personnel qui y étaient proposés, j’ai été mentor, « intrapreneuse », c’est-à-dire créatrice d’organisation à l’intérieur même de la SNCF. À cette occasion, j’ai fondé un site d’économie circulaire au sein du groupe.

 

Vous êtes donc une professionnelle SNCF de A à Z… Quel lien entretenez-vous avec cette entreprise ?

C’est une structure qui a beaucoup de sens, et je m’en rends compte chaque jour. La notion de service public est très profonde chez moi. Je suis notamment préoccupée par les enjeux de transition énergétique. Le fait que l’entreprise soit ambitieuse sur des sujets environnementaux comme sur des sujets sociétaux, comme la mixité, me portent beaucoup. Un autre élément m’a amenée à m’attacher davantage à cette entreprise : la bienveillance des cheminots et cheminotes. Ils sont toujours prompts à vous expliquer leurs métiers, à transmettre. C’est une très très grande famille.

 

Qu’est-ce que le réseau SNCF au Féminin ?

C’est le réseau des femmes et des hommes qui font bouger les lignes de la mixité au sein du groupe. Il est organisé sous forme d’ambassades, donc il y a des ambassades métiers et des ambassades territoriales pour créer des actions au plus près des salariés. Le réseau offre beaucoup de prestations, comme le mentoring : cette année, 120 binômes ont été créés pour aider les collaborateurs à progresser dans leurs domaines respectifs. Il y a aussi des conférences, des ateliers de développement personnel, des podcasts… Jusqu’à présent, les enjeux de mixité étaient plutôt vus de manière générale. Aujourd’hui, chaque thématique est approfondie par des groupes différents : l’égalité salariale, la féminisation, les conditions de travail des femmes, la parentalité… Quand une personne se saisit d’un sujet, elle le construit sous forme d’intelligence collective pour qu’il se diffuse ensuite au sein du groupe.

 

Y avait-il beaucoup à faire à la SNCF, en matière d’égalité, de mixité et de leadership au féminin ?

 

Justement, les collaboratrices de la SNCF sont-elles encore victimes de stéréotypes sexistes à l’intérieur du groupe et d’incivilités de la part des clients ?

À ma connaissance, pas plus que dans d’autres entreprises du même type. SNCF au Féminin échange beaucoup avec des réseaux similaires chez EDF ou Sodexo, et je n’ai pas l’impression que ce soit plus le cas à la SNCF qu’ailleurs… Je dois vous signaler que nous avons mis en place une ligne d’alerte éthique pour que les victimes ou les témoins de comportements sexistes puissent faire remonter leurs dépositions. De même, chaque année, nous publions les mesures disciplinaires prises en lien avec des agissements sexistes ou du harcèlement. Ce qui prouve qu’à la SNCF c’est « tolérance zéro » sur ce sujet. Cela peut même aller jusqu’à des licenciements.

 

Dans votre parcours, avez-vous connu des situations se rapportant à votre nature ou à votre statut de femme au travail ?

J’ai eu de la chance car cela m’est arrivé, mais a pris plutôt la forme d’anecdotes… Lorsque j’étais cheffe de gare, j’avais 24 ans, j’ai dû recevoir une délégation japonaise. Ses membres étaient un peu surpris de me voir arriver, parce que je ne correspondais pas forcément à ce qu’ils imaginaient. Pensant que j’étais un homme, ils avaient prévu de m’offrir une cravate…

 

Comment gérez-vous l’équilibre entre votre vie professionnelle et votre vie personnelle ?

J’ai trois enfants, donc c’est effectivement un sujet, surtout en temps d’école à la maison. J’aime beaucoup mon poste, je lis beaucoup, j’écoute des podcasts, je vis avec mon métier. Donc, je jongle. Avec mon conjoint, nous nous répartissons les tâches au mieux, il n’y a pas de solution miracle. J’essaie aussi de miser sur l’autonomisation des enfants : le plus grand aide la plus petite à faire ses devoirs…

 

Quelles sont vos ambitions et vos priorités en tant que nouvelle présidente de SNCF au Féminin ?

Quand le réseau s’est créé, il s’adressait principalement aux femmes pour les aider à lutter contre leurs propres freins, contre le syndrome d’imposture, le manque de confiance. Depuis, on s’est rendu compte que les enjeux de mixité sont plus systémiques. Ils ne reposent pas seulement sur les femmes. Aujourd’hui, nous cherchons donc à développer encore plus la présence des hommes dans le réseau. Si nous ne prêchons que des convaincus, nous passerons à côté de plusieurs sujets, comme un meilleur équilibre au sein de la parentalité ou le sexisme. D’autre part, nous voulons être très pragmatiques, car les enjeux de mixité passent souvent par des mesures concrètes, comme la mise en place de vestiaires pour les femmes, d’horaires adaptés pour les jeunes mamans qui souhaitent allaiter leur bébé, d’équipements de protection qui tiennent comptent de la morphologie féminine…

Jusqu’à présent, les objectifs de mixité étaient fixés à court terme ou à moyen terme, dans le cadre d’accords négociés avec les organisations syndicales. Aujourd’hui, nous sommes en train de réfléchir au long terme. Notre groupe est d’une telle taille que si des dispositions sont prises sur le recrutement, par exemple, cela ne se traduira pas forcément dans les chiffres tout de suite… La vision longue nous permet d’imaginer le futur sur une décennie. Sur les métiers techniques, sur les femmes dans les Comex [comités exécutifs], il est important d’organiser les choses, de faire des propositions et de mettre des mesures en place bien en amont.

 

Dans quels domaines le réseau peut-il innover ?

Le réseau, qui s’adressait beaucoup aux salariés, va maintenant explorer le sujet des liens entre genre et transport. On se rend compte que les femmes n’ont pas forcément les mêmes comportements que les hommes lorsqu’elles voyagent. Elles font des trajets plus courts, plus chargés et plus fréquents. Le réseau est donc en train d’explorer cela pour voir si l’on peut apporter des réponses différenciées à ces enjeux-là. Comme sur d’autres sujets, quand on cherche à rendre les choses plus faciles pour les femmes, on se rend compte que les mesures prises bénéficient aussi aux hommes !

 

[1] SNCF, SNCF Réseau, Gares & Connexions, SNCF Voyageurs, Rail Logistics Europe, Keolis et Geodis.

Optim’services : Locomotive QVT de la SNCF

Fournir aux entités et aux personnels du groupe SNCF des services dans les domaines de la santé, de l’action sociale, des démarches administratives, des déplacements professionnels, du recrutement ainsi que de la comptabilité en assurant au comité de direction de la SNCF des coûts de structure maîtrisés : voilà un exercice d’équilibriste auquel Xavier Roche a accepté de se prêter en 2015.

Faire entrer “la grande maison” dans une nouvelle ère n’était pas une mince affaire. Pour commencer, la juxtaposition de plusieurs entités de services (paie, comptabilité, RH, SI, environnement du travail) et des centres de services partagés issus des trois établissements publics (EPIC) de la SNCF devait porter un seul et même nom : ce sera Optim’services.

“Le naming était très important, se souvient Xavier Roche. Les agents devaient se reconnaître dans une même entité, un même support pour le soutien financier, médical et social des équipes, l’idée d’optimisation me semblait donc à propos.”

Seconde étape : accompagner et participer à la transformation de la SNCF dans une ère numérique. “Nous avons réussi à digitaliser nos services et à les rendre plus innovants pour les agents du groupe, avec par exemple la dématérialisation des bulletins de paie, une application de self-service administratif pour les cheminots et la mise en place de cabines de télémédecine sur les campus de Saint-Denis”, explique le DG d’Optim’services.

Dès lors, Xavier Roche prend des mesures qu’il qualifie d’“audacieuses” pour la SNCF : “Il y a trois ans, j’ai fait le choix de remplacer la totalité des ordinateurs fixes dans ma direction par des portables au cas où, à l’avenir, le télétravail se développerait. J’y suis d’ailleurs favorable. On peut dire que l’avenir m’a donné raison.” À l’origine de cette décision avant-gardiste : la prise de conscience d’un paradoxe : “La dépense d’énergie des salariés dans les transports est considérable. Et, paradoxalement, c’est un peu majoré à la SNCF dans la mesure où, pour les cheminots, le train est tout à fait accessible. Contrairement à d’autres entreprises, nous avons énormément de salariés qui vivent très loin. Des hommes et des femmes font Reims-Paris ou Paris-Lyon tous les jours.”

Ce constat a conduit Xavier Roche à digitaliser certains services : “Cela présentait deux avantages : pousser le travail vers des implantations où j’avais des salariés, et garantir à ces derniers l’assurance de rester à proximité de leur lieu de vie.” Bien avant la crise sanitaire que nous connais- sons aujourd’hui, Xavier Roche était convaincu de la stratégie gagnant-gagnant du télétravail.

Sa solution : deux jours, voire trois, de travail hebdomadaire à distance, et des journées consacrées à des travaux collectifs. “La SNCF est une entreprise historique. Nous sommes des héritiers d’implantations qui datent des époques où les sous-préfectures étaient situées à moins de trois jours de cheval de tout citoyen… Nous ne pouvions pas rompre avec ce passé, fermer les sites, réunir les cheminots dans de grands centres, au risque de provoquer des drames personnels.” Selon lui, cette démarche ancrée dans la continuité aurait permis aux salariés de continuer à réaliser un travail de qualité au sein d’une entreprise en plein bouleversement.

“Je n’ai jamais caché la vérité aux cheminots de ma direction : si vous souhaitez continuer à travailler à Bayonne ou à Valenciennes, il n’y a pas de secret, il faut que vous acceptiez de passer par des outils numériques. J’ai par ailleurs pris des engagements très forts : tout le monde aura sa place dans les réformes, tout le monde gardera un boulot dans le cadre de notre grande direction des services”, assure Xavier Roche. Ses collaborateurs ont compris cette nécessité de faire évoluer les mentalités. “Je leur proposais une façon douce d’évoluer avec un impact personnel le plus limité possible.”

C’est avec cette simplicité d’approche que Xavier Roche pense être parvenu à réaliser en douceur les travaux de mutualisation, de digitalisation, d’industrialisation nécessaires. “L’optimisation passe par des réalisations concrètes, comme notre application de self-service pour l’administration RH. On peut presque tout faire soi-même en saisissant ses données sur des thèmes comme les commodités par exemple.”

Et, concernant les restructurations en cours : “Nos salariés sont des statutaires, il n’est donc jamais envisagé de plans sociaux, les réductions d’effectifs reposent sur du non-remplacement de départs à la retraite. Nous avons réussi sur l’amélioration du service et la productivité ; les collaborateurs, dans leur grande majorité, sont montés à bord”, conclut-il.

 

Voir aussi : CPAM : La coopération en pratique