L’IÉSEG et RSE : causes communes

«C’est une école où la dimension humaine, sociale et sociétale est super-poussée », nous déclare Bernard Coulaty, DRH pendant une trentane d’années et aujourd’hui reconverti dans le consulting et l’enseignement, pour nous expliquer son choix de rejoindre l’IÉSEG en 2020. « Mais ce n’est pas seulement pour la prise en compte des enjeux RH et RSE, c’est aussi parce que le statut associatif et non lucratif de l’école lui confère des valeurs particulières, et les deux sont liés. La stratégie RSE de l’école vient des dirigeants et de leurs convictions personnelles, elle est ancrée depuis longtemps. Les stratégies RSE sont plus effectives dans les organisations ayant une vision à long terme avec de vraies valeurs de responsabilité et d’engagement, c’est beaucoup plus facile à implémenter dans ces ce type de culture. Concernant l’IÉSEG, il y a un écosystème culturel autour de l’école qui montre que c’est assez authentique et sincère. »

La stratégie RSE de l’IÉSEG s’articule autour de deux points principaux : « Il y a à la fois l’établissement IÉSEG, qui réunit le personnel enseignant et administratif, sur deux campus à Lille et à Paris, où beaucoup de choses sont faites. Et puis il y a le cursus académique en tant que tel et donc les cours dispensés aux étudiants :  les enseignements RSE sont incessants sur les cinq années du cursus, dans une approche interdisciplinaire, on ne lâche pas un instant nos étudiants sur le sujet et ils savent que nous formons des changemakers ! » Ainsi, dans le cadre du Plan Transition 2026, 100 % du personnel de l’IESEG est formé pendant dix-huit mois aux enjeux de la RSE, à travers différents modules. Et tous participent à la construction de cette stratégie, à travers des groupes de travail : « J’ai été très impressionné de voir cela dans une grande école, je ne m’y attendais pas. Cela donne une ambiance, une coloration et un engagement des collaborateurs que je trouve assez exceptionnels. »

La formation des étudiants à la RSE est également devenue un pilier de l’école, qui attire de nombreux candidats : « C’est rare qu’ils ne citent pas cet aspect changemaker quand ils postulent. Cela commence au niveau du Bachelor et se poursuit jusqu’au niveau du Mastère. Pendant cinq ans, il n’y a pas une année sans focus sur ces enjeux sociétaux. » La RSE occupe aussi une place importante dans le nouveau Mastère spécialisé « Direction Transformation et Développement Humain », que Bernard Coulaty dirige depuis la rentrée, et où ses participants, au profil expérimenté, collaborent avec des étudiants du Programme Grande École sur divers ateliers intergénérationnels : « La RSE n’est pas un sujet laissé aux jeunes, c’est un sujet intergénérationnel : il faut aussi créer du lien à travers cet enjeu. »

Tribune : Pour une souveraineté stratégique : la raison d’être… d’un débat

En résumé : face à l’urgence planétaire et à la quête de sens, la politique a sommé les entreprises de manifester leur adoration de l’écosystème et de mettre en conformité leur marché avec cette injonction. Et ces dernières se sont oubliées dans une pratique mimétique. Chacun « agit pour accélérer la transition vers une économie neutre en carbone », « concilie performance économique et impact positif sur les personnes et la planète », « donne les clés d’un monde numérique responsable », « veille à une mobilité respectueuse »… Pour obtenir un tel résultat : des mois de travail, des codir spécifiques, l’interne interrogé participatif oblige, le tout pour une divine révélation souvent banale.

Ce sont les conditions matérielles et sociales de l’existence qui ont déterminé la conscience d’une entreprise et lui ont donné sa raison d’agir.

La pratique de la raison d’être aide à se situer dans la société, ce n’est pas rien… Mais l’expérience montre qu’elle ne permet pas d’intégrer une vision stratégique souveraine.

À l’étranger, cette pratique est intégrée dans un purpose la liant aux offres et aux actifs.

Les réactions : excellente surprise, un raz de marée de gens ravis de se libérer du dogme ; et d’autres, minoritaires heureusement, arguant qu’il n’y avait ni effet du temps ni injonction politique dans le fait d’avoir le titre de… directeur du pôle raison d’être, ou d’être à la tête d’entreprises nommées « raison d’être conseil ». Mais l’intégration du purpose en France, il y a vingt ans, n’a pas vu éclore de « directeur du purpose ». Le refus, dans la discussion, de voir le conflit d’intérêts est abyssal, comme la confusion entre l’existence (être) et la foi (croire).

Mais rien n’est plus passionnant que de confronter les écoles.

La finance durable fait l’objet de batailles et, jusqu’ici, a peu d’impact sur la valorisation des entreprises : on en pense quoi ?

Des actionnaires minoritaires s’opposent à des conseils d’administration que la raison d’être ne protège pas : on change quoi ?

Le terme « extra-financier » semble condamné à être différent de celui de « financier » : quelle stratégie donne une vision unifiée de l’action ?

À Reputation Age, nous avons assumé l’immense responsabilité de proposer au marché la « souveraineté stratégique », une urgence à l’heure où les entreprises s’épuisent à courir après des positionnements à la mode, des captations d’externalités insoutenables, les doxas durables. Le succès est étonnant et nous touche énormément. D’immenses entreprises armées pour vingt ans de stratégies professionnelles complètes, mais banales et non souveraines, nous ont demandé de travailler pour elles.

Ce débat est un signal faible de l’époque. De plus en plus de gens amoureux d’un futur durable, extérieurs au marketing, n’ayant été ni nourris à la micro-économie compétitive ni habitués génétiquement à lier la communication des entreprises aux demandes de vertu, s’emparent de celle-ci. C’est la version 2023 des communicants de 1990-2010.

Ce n’est pas grave, mais on perd du temps. La France n’est ni anti-économie ni pro-économie, elle demeure pour une partie… a-économie.

La RSE : un grand bluff managérial ?

En 2021, l’éviction du PDG charismatique de Danone, Emmanuel Faber, sous la pression de fonds d’investissement, n’était pas juste un fait divers économique, une nouvelle conjoncturelle, une illustration des péripéties, des tribulations du jeune statut d’entreprise à mission. C’était une illustration parfaite des limites de la bonne volonté en entreprise, « instrument » qui se révèle insuffisant face à un réel de plus en plus complexe et inhospitalier pour les vœux pieux. Ce que j’ai alors nommé « l’effet Faber » ou les limites de la bonne volonté pour transformer les organisations, ne peut trouver meilleur terreau que la responsabilité sociétale des entreprises (RSE).

Est-il possible d’être responsable dans un management de marché ?

Tout choix managérial pleinement efficace a pour objectif de satisfaire les exigences du marché économique. De sa satisfaction découlent la rentabilité et la pérennité des entreprises. C’est un truisme de le dire.

Dès lors, les choix managériaux sont le fruit de combinaisons permettant à l’organisation de produire le modèle qui satisfait le marché économique à un instant T par le truchement de biens et/ou de services donnés. Ce modèle managérial n’a donc pas comme objectif premier d’être « responsable » mais d’être pleinement efficace pour satisfaire un besoin économique donné.

Sauf exception, dans les associations ou dans certains services publics, le choix managérial, loin d’être neutre, est dicté, volens nolens, par la décision de satisfaire le marché. Malgré l’offre exponentielle de modèles managériaux auréolés d’humanisme et de responsabilité, il serait bien naïf de penser que les choix de gouvernance sont dictés par la providence ou par la recherche du bien commun qui transcenderait toute considération autre.

Manager une entreprise est un acte politique !

Le management est donc loin d’être neutre comme nous aimons à le penser, car manager, c’est travailler le divers, lequel n’a jamais été aussi complexe : efficacité à court terme vs soutenabilité, citoyen vs consommateur, cœur vs raison, intuition vs pensée, préservation de l’environnement vs croissance…

Manager, c’est agir politiquement : le manager doit chercher à « préserver le sens des ensembles » pour satisfaire des objectifs de différentes natures, souvent contradictoires dans un commerce temporel donné : se situer hic et nunc, en se projetant à partir du passé tout en donnant des gages au futur.

Ainsi, un management absolument efficace d’une entreprise est antinomique avec une responsabilité sociale. Le maximum d’efficacité justifie le minimum de responsabilité et même le minimum de liberté, comme l’avait bien vu Bernard Charbonneau, comparse de Jacques Ellul et écologiste avant l’heure. La RSE met en exergue la tension entre toute velléité de responsabilisation et le prix qui va avec. La responsabilité a toujours un prix. Il est illusoire de penser qu’on puisse être responsable à peu de frais, c’est une vue de l’esprit.

Ainsi, on peut diriger efficacement, à partir de choix, d’actions efficaces qui produisent l’effet et les résultats attendus, sans pour autant le faire convenablement – c’est-à-dire d’une manière soutenable qui convienne aux personnes et à la société.

L’effet Faber est-il inéluctable ?

Pour éviter de « bricoler dans l’incurable » et d’être pris dans cet effet Faber, il est nécessaire de comprendre qu’agir avec responsabilité et humanité ne se décrète pas dans une organisation : la finalité d’une organisation n’est ni le vrai, ni le beau, ni le bien, mais la capacité à exécuter efficacement l’ordre reçu. Autrement dit, il n’y a pas de sagesse spontanée dans une organisation qui serait la traduction d’une force irrésistible de responsabilité ou d’humanité. La sagesse organisationnelle n’existe pas : seul un homme dont les idéaux surpassent les instincts (Paul Valery) et conscient des risques qu’il prend peut être sage, car il y a toujours un prix à payer.

En outre, il est nécessaire de sortir du mythe de la solution qui permettrait d’être « responsable ». On n’apporte une solution qu’à un problème technique ou mathématique. Seul un « arrangement » est de mise, c’est-à-dire toute action permettant un compromis acceptable eu égard aux données du « problème », qui respecte les parties prenantes et qui ne sacrifie pas le futur pour le présent. L’arrangement, c’est la concrétisation de l’éthique de la non-puissance dont parlait Jacques Ellul.

Enfin, la mise en pratique d’une éthique de la non-puissance nécessite un changement des représentations et une éducation sérieuse. Tant que dans les lieux de socialisation nous continuerons de faire comme si, disait Karl Kraus, Dieu avait d’abord créé le producteur, puis le consommateur, et après l’Homme, le management continuera d’être une technique de pouvoir, avec l’injonction de ne décider qu’en fonction des intérêts de ce dernier. Sans une hominisation des femmes et des hommes, nous continuerons de nourrir l’illusion qu’une solution technique (statut à mission, comptabilité inclusive, système de bonus-malus…), aussi pertinente et utile fût-elle, pourrait à elle seule permettre de répondre aux enjeux de responsabilisation sociale et environnementale des entreprises.

Accompagnement et décarbonation : le combo gagnant

« La décarbonation de mon entreprise m’a tuer »

Une « économie de la mort », c’est avec cette indéniable liberté de ton que ces mots venaient d’être prononcés dans le vaste open space, suscitant l’approbation d’un certain nombre de collaborateurs. Puis d’autres exprimèrent que non, cela n’était pas juste, que tout ça n’était qu’une énième séquence de fake news, et puis qu’ils n’allaient pas « se faire avoir » avec du « green washing ». La majorité des collaborateurs restaient quant à eux silencieux. On aurait pu le dire ainsi : ils affichaient une forme d’indifférence. D’autres encore, plus cyniques, pince sans-rire et ambianceurs connus de l’espace de travail, profitèrent d’une pause pour écrire « La décarbonation de mon entreprise m’a tuer » sur le tableau Velleda mural de la cuisine, ce qui ne manqua pas de faire effectivement rigoler les uns – surtout eux, d’ailleurs –, d’en outrer d’autres et de recueillir l’impassibilité du plus grand nombre. Mais que se passait-il dans cette entreprise ? La nouvelle campagne de communication axée sur la politique RSE venait d’y être lancée, avec un focus particulier cette année sur la volonté de décarbonation des activités. On aurait pu dire qu’il s’agissait d’un « flop ». Enfin, on aurait surtout pu dire que le niveau d’engagement des collaborateurs envers la démarche était « normal », c’est-à-dire qu’il était différencié et suivait une courbe… normale. Est-ce qu’il n’y avait pas là des manques en matière d’accompagnement du changement ?

D’insuffisants premiers pas

Effectivement, il y avait là des manques. Et effectivement, force est d’admettre qu’il y a encore beaucoup de manques sur ces considérations au sein des entreprises françaises. Mais prenons un peu de hauteur, avec une mise en perspective sociétale. Actuellement, en France, face à des discours appelant à la mise en œuvre de la transition écologique, l’engagement des citoyens sur ce sujet est pour le moins inégal : si 70 % de la population se déclare inquiète, seuls 30 % agissent en conséquence[1]. Le constat est indéniable : la distance est encore de taille entre la conscience de l’urgence et sa traduction en actes.

Cela dit, les politiques gouvernementales engagent et obligent davantage les entreprises à agir concrètement[2]. Les résultats d’une étude CSA pour LinkedIn et l’Ademe[3] sont à cet égard pour le moins édifiants…

  • L’environnement est la deuxième préoccupation principale des salariés, et même la première pour les jeunes salariés de moins de 35 ans.
  • 88 % des salariés estiment que la transition écologique est un sujet important dans leur entreprise, et 36 % pensent qu’il est prioritaire.
  • 68 % des salariés veulent être formés aux enjeux de la transition écologique dans leur entreprise.

Supposons qu’une entreprise se dote d’une stratégie de décarbonation. Il faut reconnaître que c’est là un judicieux premier pas, mais également qu’elle n’aura fait qu’une faible partie du chemin. Pourquoi ? Pour une raison assez simple : une stratégie de décarbonation a de la valeur en soi, mais une part de cette valeur, comme dans toute stratégie, réside dans sa compréhension, son adoption et sa mise en œuvre par les femmes et les hommes qu’elle concerne. C’est ce qu’on appelle la part people-dependent du retour sur investissement (RSI). Autrement on risque de rester au niveau de l’intention, de l’incantatoire, sans passer à la concrétisation dans les gestes. C’est dans cette concrétisation, et ultimement dans l’institutionnalisation des pratiques – autrement dit, quand un comportement cible devient une norme – que se situe la valeur des stratégies et des politiques de transition écologique au sein des entreprises. Une transformation structurelle de cet ordre ne peut pas s’épargner d’être maillée avec des démarches d’accompagnement du changement vers des devenirs de représentation et de pratiques professionnelles différentes, ancrés dans les quotidiens de travail des collaborateurs. Comment ?

L’engagement du changement

Il est d’abord indispensable pour chaque entreprise d’élaborer un état des lieux des représentations et des pratiques de ses collaborateurs au regard de sa stratégie de décarbonation et des implications de celle-ci dans les quotidiens futurs des activités professionnelles. On peut parler ici d’une démarche d’explicitation. Démarche qu’on peut voir comme une façon de faire émerger le dictionnaire de significations et de pratiques propre à chaque entreprise au regard de la transition écologique, et plus précisément de la décarbonation.

Plusieurs méthodes d’écoute et d’analyse permettent de s’y livrer (entretiens d’écoute, focus groupe, enquêtes quantitatives, ateliers d’explicitation, immersions, analyse documentaire…), au croisement desquelles un portrait objectif de la réalité des pratiques, des perceptions, des leviers d’engagement et des impacts prévisionnels par population pourront notamment être établis. Cette phase permettra également d’identifier les collaborateurs sur lesquels il sera possible de s’appuyer, premiers pas vers la mise en place d’une communauté d’ambassadeurs.

Et puis, cela va de soi, l’occasion sera alors belle d’identifier – pour les accompagner et les dépasser – les résistances potentielles à la compréhension de la stratégie de décarbonation de l’entreprise ainsi qu’à l’adoption des changements de pratique associés. Ces résistances peuvent être multifactorielles…

  • Individuelles : personnalité, socio-démographiques, mécanismes de défense, manque de motivation, habitudes, peur de l’inconnu, incompréhension du changement…
  • Collectives ou socioculturelles : sentiment de perdre certains droits acquis, normes sociales, croyances, valeurs de l’organisation, rituels, mœurs…
  • Politiques : forces syndicales, perspectives de perdre une certaine influence…
  • Liées à la mise en œuvre du changement (cause majeure des échecs) : manque de préparation et d’organisation, absence de consultation et d’implication des collaborateurs impactés…
  • Liées au système organisationnel en place : organisation perçue comme inerte et peu adaptable, capacité de l’organisation à changer…
  • Liées au changement lui-même : changement complexe, peu légitimé, opposé aux valeurs, transformation trop radicale…

Fort de cet état des lieux, il importe de définir collectivement – en y associant une proportion représentative des collaborateurs – une cible comportementale et des éléments de mesure objectivants associés (KPI, ou indicateur clé de performance). Il y aura alors un point de départ (l’état des lieux) et un horizon fixant l’ambition (cible comportementale et KPI de mesure). Les écarts entre les deux seront alors objectivés et pourront dès lors être construits. Puis des plans d’accompagnement du changement – qui prendront notamment en compte les leviers d’engagement et les résistances potentielles identifiés dans la phase d’état des lieux – pourront être déployés. Le principe clé ici est le suivant : c’est en changeant les représentations que l’on change les comportements. Que veut-on dire par plans d’accompagnement ? On peut classer ces plans selon deux types complémentaires et nécessaires pour optimiser l’ancrage des changements souhaités…

  • Les leviers soft, qui concernent la communication, la formation et le coaching, dont voici quelques exemples :
    1. conférences interactives (Pitch Climat, MyCO2…) ;
    2. événements collectifs relayés par les entreprises (le challenge Mai à vélo pour promouvoir le vélo et les mobilités douces auprès des individus, le World Cleanup Day pour engager ses salariés dans une journée de nettoyage de la planète…) ;
    3. ateliers collectifs (L’Éveil vert : formation développée par Onepoint en partenariat avec Little Big Impact pour sensibiliser aux enjeux écologiques et identifier des pistes d’actions ; La Fresque du climat pour s’approprier le défi de l’urgence climatique ; l’Atelier 2tonnes pour découvrir les leviers individuels et collectifs de la transition bas carbone ; Nos vies bas carbone pour connaître les ordres de grandeur essentiels et imaginer des actions nécessaires et désirables pour le climat…) ;
    4. plateformes d’engagement (Eco Challenge, de Little Big Impact, pour sensibiliser ses collaborateurs aux écogestes et encourager le passage à l’action via la gamification ; Ma petite planète pour des défis écologiques à vivre au sein d’un collectif sur un temps court…).
  • Les leviers hard, qui transforment l’organisation, les processus et procédures, et les outils au sein de l’entreprise. On peut alors aussi parler de leviers « d’institutionnalisation ».

De plus, afin d’assurer l’ancrage des changements dans la durée, il est nécessaire de mettre en place des éléments de mesure de ces changements, des baromètres de compréhension et d’adoption des changements associés à des KPI, par exemple. Cela permettra de capitaliser sur les réussites et de les célébrer mais aussi d’apporter des actions correctives là où le changement peine à se concrétiser.

Enfin, des éléments complémentaires et transverses en matière d’approche se doivent ici d’être pris en compte car ils sont porteurs d’un impact transformatif particulièrement structurant. Le premier d’entre eux est celui du « mimétisme organisationnel », que l’on peut aussi traduire par « l’exemplarité managériale ». Pourquoi c’est important ? Car bien souvent on imite les gens « au-dessus » de nous car, s’ils y sont, c’est qu’ils doivent avoir eu les bons comportements. Autant dire que, si les managers ne respectent pas les comportements attendus en matière de décarbonation des activités, il y a un réel risque pour que leurs collaborateurs fassent de même. Le deuxième élément : faire en sorte que les engagements des collaborateurs en matière de décarbonation des activités soient réalisés lors de temps collectifs. Cela engage ainsi chacun par effet de régulation sociale. Troisième élément, sur ce sujet comme sur nombre d’autres, il est préférable de faire de petits pas, de pratiquer l’acquisition des attendus via des expérimentations à cycles courts. Et, enfin, dernier élément, la prise en compte de deux circuits composant notre cerveau, le circuit du plaisir (le circuit hédonique), qui nous donne envie de reproduire des choses qui nous font plaisir, et le circuit de la menace, celui qui fait que l’on se sent en déséquilibre, qu’on a peur de ne pas savoir faire, d’être ridicule, d’être en inconfort. Ce dernier est en général celui qui s’allume en premier ! L’enjeu dans le processus de changement est donc notamment d’inhiber le circuit de la menace pour se projeter dans celui du plaisir : rassurer, célébrer les victoires, capitaliser sur l’appartenance sociale, etc.

Faire d’une menace une opportunité

À l’heure où l’engagement écologique prend une part de plus en plus importante dans nos consciences de citoyens, cet engagement est également attendu à l’échelle de l’entreprise, notamment comme vecteur contribuant à l’attraction, à la fidélisation et à l’engagement des collaborateurs. À titre d’exemple : à offre égale, 78 % des salariés préfèrent rejoindre une entreprise engagée dans la transition écologique[4].

« La décarbonation de mon entreprise m’a tuer » ? Disons plutôt qu’elle m’a sauvé, car une démarche d’accompagnement du changement y a été mise en œuvre qui a permis d’atteindre les objectifs de transformation des représentations et des comportements des collaborateurs.

 

[1] Données de l’Observatoire international climat et opinions publiques, EDF et Ipsos, 2022 : https://www.edf.fr/sites/groupe/files/2023-04/obscop22_e-book_planete-mobilisee_complet_20230427_planches.pdf.

[2] Citons notamment la loi de transition énergétique pour la croissance verte, qui impose aux entreprises d’inclure l’empreinte carbone de leurs activités dans leur rapport annuel de gestion, et le code de l’environnement, qui précise les modalités de l’obligation de bilan d’émissions de gaz à effet de serre pour les entreprises de plus de 500 salariés.

[3] Étude réalisée par l’Institut CSA en 2021, mandaté par l’Ademe et Linkedin, https://csa.eu/news/les-salaries-et-la-transition-ecologique-dans-les-entreprises/.

[4] Étude réalisée par l’Institut CSA en 2021, mandaté par l’Ademe et LinkedIn : https://csa.eu/news/les-salaries-et-la-transition-ecologique-dans-les-entreprises/.

Danone Communities : projets à impacts multiples

Comment est né Danone Communities et en quoi cette entité est-elle en lien avec l’ADN social de Danone ?

Tout commence avec la rencontre en 2005 entre Franck Riboud, le PDG de Danone à l’époque, et Muhammad Yunus, fondateur de la Grameen Bank, qui sera Prix Nobel de la paix l’année suivante. Lors de cette rencontre, tous deux décident de joindre leurs savoir-faire dans un projet original, Grameen Danone Food, pour produire des yaourts fortifiés au Bangladesh, de façon à avoir un impact tout au long de la chaîne de valeur : auprès des éleveurs laitiers, en leur assurant un revenu, en créant une usine en 2006 et donc des emplois ; et auprès de la population, car ce yaourt fortifié améliore la santé des enfants. À partir de là, Danone a voulu amplifier cette idée de soutenir des entreprises qui ont un impact social, et le fonds Danone Communities a été créé. Il est complètement inscrit dans ce qu’on appelle le double projet de Danone. Tout d’abord un projet économique et social ancré dans le discours qu’Antoine Riboud a prononcé à Marseille en 1972, où il défendait le fait qu’une entreprise était responsable de ses résultats économiques mais aussi de ses résultats sociaux. Et en même temps dans la mission de Danone, qui est d’apporter la santé au plus grand nombre à travers l’alimentation, notamment aux populations vulnérables.

Quelles sont les principales missions de Danone Communities et quels sont les domaines dans lesquels elle s’investit le plus ?

Danone Communities est là pour démontrer qu’il est possible d’avoir un impact social en s’appuyant sur des mécanismes économiques. Nous soutenons à la fois en financement et en compétences des entreprises qui ont été créées pour résoudre un problème social à travers un business économique, et nous nous focalisons uniquement sur deux secteurs : l’accès à l’eau potable et l’accès à une nutrition équilibrée, où les besoins sont énormes. Deux milliards de personnes n’ont pas accès à l’eau potable, et autant ne disposent pas de suffisamment de micronutriments pour bien grandir et se développer. Ce sont aussi deux secteurs dans lesquels Danone a des compétences.

À quel moment de l’existence des entreprises intervenez-vous ?

Ce sont des entreprises déjà dotées d’un modèle économique mais qui sont encore petites. Nous intervenons après l’incubation pour les aider à atteindre la rentabilité, ce qui est important pour assurer la pérennité de l’impact. Quand elles ont atteint la rentabilité depuis quelques années, nous en sortons et allons investir dans d’autres entreprises. Nous investissons entre 300 000 euros et 1 million d’euros, cela dépend des besoins. Nous sommes toujours actionnaires minoritaires, donc nous investissons avec des partenaires et demandons à avoir un siège au conseil d’administration. C’est important pour nous, parce que nous pensons pouvoir apporter de l’expertise dans le développement de ces entreprises.

Danone Communities soutient actuellement 18 entreprises dans 25 pays différents…

Au total, c’est plus de 11 millions de personnes qui, tous les jours, ont à présent accès soit à l’eau potable soit à une nutrition équilibrée. Nous avons des entreprises un peu partout dans le monde, de Haïti jusqu’au Vietnam, en passant par le continent africain.

Ces entreprises ont-elles aussi un fort impact environnemental ?

Toutes les entreprises d’accès à l’eau potable ont un impact intéressant sur l’environnement, sur deux aspects. Le premier concerne la réduction des émissions de gaz à effet de serre, parce que les populations vont acheter de l’eau potable plutôt que de faire bouillir l’eau locale, ce qui limite aussi la déforestation et l’émission de CO2. D’ailleurs certaines entreprises du portefeuille sont éligibles à des crédits carbone, et c’est l’un de leurs moyens de financement. L’autre élément important est qu’elles vendent leur eau dans des jerricans de 20 litres, réutilisables et approximativement trois fois moins polluants au litre qu’une bouteille de 1,5 l. Cela a aussi un impact sur la santé : moins sujets aux diarrhées, les enfants vont pouvoir être plus assidus à l’école, notamment les petites filles, parce que ce sont souvent les femmes qui malheureusement sont chargées d’aller chercher de l’eau.

Avez-vous des exemples d’entreprises à nous donner ?

Je pense à deux entreprises. La première est Drinkwell, au Bangladesh, dont le modèle économique est celui d’un partenariat avec Daka Wasa, le Veolia local. Drinkwell s’est rendu compte qu’il n’allait pas dans les zones les plus défavorisées et s’est associé avec un entrepreneur, Minhaj Chowdhrury, qui a développé une technologie capable de filtrer l’arsenic, très présent dans l’eau au Bangladesh, rendant ainsi celle-ci potable. Dans ce partenariat public-privé, Dake Wasa donne l’accès aux points d’eau à Drinkwell, qui installe des kiosques à eau équipés de ces filtres. Une fois filtrée, l’eau rendue potable est vendue à très faible prix à la population locale. Aujourd’hui, ce sont 1 million de personnes qui ont accès à l’eau potable.

L’autre entreprise s’appelle Nazava, en Indonésie, et propose un système de filtres à eau à domicile. Et ce qui est intéressant, c’est qu’elle s’est associée avec les réseaux de microfinance pour pénétrer les zones rurales et vendre ses filtres à eau en échelonnant le prix d’achat. Cela permet aux populations concernées, grâce au microcrédit, d’avoir accès à des biens dont les prix sont élevés en premier achat. Et elles font des économies avec l’utilisation du filtre tout au long de l’année, dont la longévité est de trois ans.

Pouvez-vous nous décrire la manière dont Danone Communities promeut les bonnes pratiques à travers ses Learning Expeditions ?

C’est quelque chose d’extraordinaire que ces Learning Expeditions. On rassemble des acteurs de l’accès à l’eau potable – des entreprises dans lesquelles nous avons investi ou d’autres déjà présentes dans notre écosystème – pendant une semaine dans un pays où il y a un business d’accès à l’eau potable pour partager les bonnes pratiques. Nous avons dans notre portefeuille une dizaine d’entreprises du secteur, et cela fait plus de dix ans que nous les accompagnons, donc de nombreuses bonnes pratiques ont émergé et nous les avons formatées. Mais l’important est que ce sont les entrepreneurs eux-mêmes qui les portent, qui partagent avec les autres ce qu’ils ont appris. Nous les aidons à formaliser pour que ce soit pertinent et applicable par les autres, mais in fine c’est leur savoir-faire. Et puis on parle d’échec aussi, parce que c’est intéressant d’apprendre des échecs des autres. L’idée est de grandir plus vite, pour avoir encore plus d’impact.

Si l’idée de départ vient de la direction, Danone Communities a été adopté par les équipes de Danone, notamment à travers le mécénat de compétences, qui a déjà attiré plus de 2 000 collaborateurs. Pouvez-vous nous parler du programme Impact 3 ?

Danone Communities, au-delà de son impact social, a un impact sur les employés et sur leur engagement par rapport à Danone. Pour ces personnes, c’est une façon de vivre le double projet. Impact 3, c’est un programme qui a trois impacts. Le premier concerne l’entreprise du portefeuille de Danone Communities que l’employé va aider, en lui apportant sa compétence et en lui permettant de résoudre un problème à un moment donné. Pour les entrepreneurs du portefeuille c’est une valeur extraordinaire. Cela a aussi un impact sur le salarié, parce que cela le transforme : en mission, il se retrouve confronté à un environnement qu’il ne connaît pas, un environnement de start-up, dans des pays en voie de développement, avec très peu de moyens et des contextes extrêmement changeants, fragiles. Il sort de sa zone de confort et revient grandi de cette expérience. Enfin cela a un impact sur Danone, puisque cet employé va restituer ce qu’il a appris sur le terrain : un côté plus entrepreneurial, de l’agilité, et ça, il le redonne au jour le jour dans son job. Ce qui est intéressant, c’est que tous les employés de Danone se rendent compte de l’impact qu’ils peuvent avoir. Cela a une valeur énorme de se dire qu’on a un impact, en plus avec un enjeu social. Donc c’est très valorisant, réconfortant, c’est fort pour les employés. Cela fait un lien direct avec la mission de Danone et son ADN économique et social : il y a une vérité derrière la mission et l’ADN de Danone

Les collaborateurs de Danone détiennent aussi près de 40 % du fonds commun de placement de Danone Communities. Qu’attendent-ils de cet investissement ?

Effectivement, la spécificité de ce fonds est qu’il est ouvert aux salariés. Ils peuvent chaque année placer tout ou partie de leurs intéressements et participations – en France, puisque le placement dans le fonds n’est ouvert qu’aux salariés français –, et c’est vrai que chaque année de nombreux salariés font des placements. Aujourd’hui, j’ai l’habitude de dire que ce fonds appartient aux salariés, puisque in fine ils en sont les plus gros actionnaires.

Quand on discute avec eux, ils investissent d’abord « pour l’impact », en lien avec leur engagement sur des projets qui ont un impact social. Concernant le retour sur investissement, ils nous disent qu’au minimum ils ne veulent pas perdre d’argent, et que, s’ils peuvent faire 1 ou 2 %, c’est tant mieux… Pour certains salariés, c’est extrêmement important parce que c’est un placement qui a du sens, un placement de cœur, et que c’est leur contribution à ces projets. Ils représentent aujourd’hui près de 40 % du fonds, mais, mon rêve, c’est que ce soit plus de 50 %.

Jeunesse sentinelle

Que ce soit à HEC, à AgroParisTech ou à Polytechnique, les cérémonies de remise de diplômes offrent désormais des tribunes aux jeunes diplômés pour exprimer leur inquiétude face à l’urgence climatique, leur colère devant la lenteur de la transition écologique et leur refus de participer à des projets professionnels qu’ils jugent « écocides ». Conscients de la gravité de la situation environnementale et du pouvoir qu’ils ont entre leurs mains pour tenter de faire évoluer les pratiques, les mentalités et le système économique, de nombreux étudiants se sont regroupés en collectifs, depuis 2018 et les grandes marches pour le climat, afin de se faire entendre et d’exiger des institutions, des établissements d’enseignement supérieurs et des entreprises qu’ils opèrent des changements aussi radicaux qu’impérieux.

C’est le cas du collectif Pour un réveil écologique, un mouvement créé il y a cinq ans par des étudiants de diverses grandes écoles françaises et qui s’est fait connaître à travers un manifeste appelant à la mobilisation de « tous les acteurs de la société » pour réagir face à « une catastrophe environnementale et humaine » imminente. Signé par 34 000 étudiants à travers le pays, ce manifeste a été suivi de nombreuses initiatives de la part du collectif, qui n’a cessé depuis de se structurer et d’attirer de nouveaux adhérents, dont Benjamin Valette, membre du pôle enseignement, qui a rejoint le mouvement en septembre 2022. Étudiant en affaires publiques aux Mines de Paris après avoir obtenu son diplôme d’ingénieur à l’ESPCI Paris-PSL, il est actuellement en stage de fin d’études à la Direction générale des entreprises au sein du ministère de l’Économie.

Une action de lobbying pour « changer de trajectoire »

Faisant le constat « d’une situation qui n’avance pas, qui se bloque », Benjamin Valette, à l’instar de ses compagnons, reste néanmoins convaincu que cet état de fait « n’est pas une fatalité ». « Il faut prendre notre avenir en main si on veut changer de cap, affirme-t-il. On est pour un changement radical de trajectoire si on veut avoir un avenir qui nous offre des perspectives les plus épanouissantes possible. » L’idée est certes de « se battre pour les enjeux environnementaux », mais « aussi d’essayer de sauver nos sociétés et de faire en sorte que les personnes qui vont être les plus touchées, c’est-à-dire les plus précaires, subissent le moins possible » les effets de la crise environnementale.

Pour cela, le collectif a fait le choix du lobbying actif auprès d’une « multiplicité d’acteurs à l’échelle nationale ». « Notre position, précise Benjamin Valette, c’est de faire avancer encore plus vite les choses, toujours demander plus que ce qui est fait, pour essayer d’atteindre au plus proche les attentes vis-à-vis de l’urgence climatique. » Un lobbying qui se veut complémentaire d’autres méthodes militantes : « Les manifestations et la désobéissance civile permettent à des actions comme les nôtres d’être beaucoup plus entendables. Cela nous permet d’avoir de la place dans le débat public et dans les médias. »

Le collectif Pour un réveil écologique n’a ainsi pas hésité à s’inviter dans le débat de la dernière élection présidentielle en publiant un plaidoyer général pour « proposer de mettre en œuvre des solutions concrètes, de lever les freins et de créer de vraies incitations, même si elles sont coercitives, pour faire bouger les choses au sujet du monde de l’entreprise et de l’emploi ». Au programme de ce plaidoyer : imposer une stratégie bas carbone plus stricte, évaluer l’impact environnemental des lois, obliger les entreprises à réaliser leur bilan carbone et à publier leurs rapports extra-financiers sur la biodiversité, indexer les rémunérations variables sur des critères environnementaux, ou encore faire davantage de prospective au niveau des emplois verts et être vigilant vis-à-vis de la reconversion de certains postes dans un monde idéalement bas carbone.

Faire pression sur les établissements d’enseignement supérieur

Mais c’est avant tout dans le domaine de l’enseignement supérieur que le collectif se fait le plus pressant. Il a notamment publié un autre plaidoyer qui propose dix mesures « ambitieuses et applicables directement, en moins d’un an », porté auprès de toutes les directions d’écoles et de toutes les présidences d’université. Articulé autour de trois chapitres (structurer l’ensemble de la gouvernance pour transformer, revoir la politique de formation et réduire les impacts socio-écologiques directs), ce programme se veut concret et exigeant pour permettre aux établissements d’enseignement supérieur de jouer pleinement leur rôle dans la lutte contre le changement climatique. Les principales demandes concernent « la mise en place d’une feuille de route aux objectifs clairs et quantifiables, qui soient renouvelés et évalués », la création d’un « tronc commun obligatoire, qui traite des sujets environnementaux à la fois sous ses aspects scientifiques mais aussi sociaux et historiques », ou encore l’application d’une « stratégie bas carbone ambitieuse » au sein des établissements.

Selon Benjamin Valette, « quasiment tout le monde souhaite se verdir aujourd’hui, et la transition est un élément de langage qui est entré dans l’écosystème, mais il faut derrière les mots savoir démêler la vraie de la fausse volonté. Aujourd’hui les choses bougent, il y a des acteurs qui veulent faire avancer les choses, pour autant, il ne faut pas se bercer d’illusions. Pour le moment on n’est clairement pas à la hauteur des enjeux, que ce soit dans les universités ou dans les écoles ». Pour donner « une meilleure visibilité de l’écosystème » aux futurs étudiants et leur permettre de « choisir en toute connaissance de cause un établissement qui correspond à leurs attentes », le collectif travaille en collaboration avec des classements, comme ceux de L’Étudiant ou de Change Now, et des labels, tels que le label développement durable des établissements d’enseignement supérieur (DD&RS). « On a réalisé un sondage avec Harris qui montre que les étudiants sont en quête de sens, et les enjeux environnementaux, un sujet majeur pour eux. Et donc ça va forcément se répercuter sur le choix des écoles. »

C’est pourquoi, selon le membre du collectif, « il faut absolument que les étudiants et les jeunes diplômés se mobilisent. Il faut montrer à l’administration l’intérêt qu’on porte à ces sujets, à travers des événements, des actions. Les élèves sont beaucoup écoutés quand ils revendiquent, donc c’est vraiment important ». Le mouvement est d’ailleurs à l’origine, avec d’autres associations et institutions, telles que le Campus de la transition, d’une journée d’échanges avec les directions d’écoles organisée le 12 juillet. « L’idée est de mobiliser et d’accélérer la transition dans les établissements, en donnant des clés pour avancer plus vite. Il faut créer un écosystème qui soit le plus vertueux possible et qui se pousse vers le haut. »

Utiliser « le chantage à l’emploi » pour réveiller les entreprises

L’emploi est également un domaine d’action très important pour le collectif, qui donne aux jeunes diplômés des éléments d’information sur les réelles démarches mises en place dans les entreprises, en sondant les rapports annuels ou en allant directement discuter avec elles pour les challenger sur leurs stratégies RSE. « Il y a plusieurs questions à se poser quand on est en recherche d’emploi : quelle est l’utilité des activités de l’entreprise dans une société inscrite dans les limites planétaires ? Quel est son impact sur l’environnement (climat, biodiversité, pollution, exploitation des ressources, etc.) ? Quelle est l’implication des salariés au sein de l’entreprise sur le sujet ? Ce sont de questions qui peuvent être directement posées en entretien d’embauche. » Selon Benjamin Valette, « l’emploi est un réel levier d’action parce que la transition socioécologique concerne tous les métiers. Les entreprises avec lesquelles on discute identifient quasiment toutes des difficultés de recrutement. Le bassin d’emploi est quelque chose de très important pour elles, donc elles s’en préoccupent. Le ‘‘chantage à l’emploi’’, entre guillemets, change de sens ».

Aussi, le collectif Pour un réveil écologique entend débusquer le greenwashing, « le mal contre lequel il va falloir se battre dans les années qui viennent », une pratique « très pernicieuse, pas si simple que ça à déceler ». Sur son compte LinkedIn, suivi par plus de 150 000 personnes, le collectif dénonce les entreprises qui s’y adonnent, à travers un « panthéon » ou un « calendrier de l’avent » du greenwashing. « On dissimule de très mauvaises pratiques sous le couvert d’un vernis vert, et c’est ça c’est vraiment dangereux. »

Pour autant, les jeunes diplômés choisissent-ils délibérément leur entreprise en fonction de cet enjeu environnemental ? « C’est un critère qui émerge de plus en plus, mais ce n’est pas forcément le cas pour tout le monde. Les gros critères qui restent aujourd’hui indispensables pour accepter un emploi seront le salaire, les opportunités d’évolution professionnelle ou l’ambiance au travail. Alors on ne peut pas dire que l’ensemble des étudiants ne veut choisir que les entreprises qui intègrent les enjeux socio-écologiques, mais ça prend de plus en plus d’ampleur, et ça, on le ressent. » Le collectif vient d’ailleurs de présenter un nouveau projet, intitulé « Pour l’emploi de demain », qui identifie les activités et les compétences nécessaires pour accélérer la transition dans une quinzaine de secteurs professionnels.

People at Work vous en dit plus sur l’affichage environnemental

Quelles seront exactement les obligations des entreprises en termes d’affichage ? Selon quel calendrier ?

Il est utile de préciser tout d’abord la distinction entre affichage environnemental, qui fait référence à des informations quantifiées et factuelles, souvent normées et publiées de manière obligatoire, et allégation environnementale, souvent qualitative et qui s’inscrit dans une démarche volontaire de l’entreprise afin de valoriser un produit considéré plus performant que la moyenne d’un point de vue environnemental.

En France, quelques informations relèvent déjà de l’affichage environnemental obligatoire sur certains produits, comme l’étiquette énergie ou l’indice de réparabilité. La loi Climat et résilience prévoit par ailleurs un dispositif d’affichage environnemental sur les produits textiles et alimentaires, pour l’instant expérimental, mais destiné à être rendu obligatoire. Il pourrait s’agir d’un affichage présent sur le produit ou dématérialisé informant le consommateur des impacts du produit, calculé sur l’ensemble de son cycle de vie. Prévue pour 2022, cette régulation a été repoussée et le calendrier n’est pas encore fixé. Les expérimentations touchent cependant à leur fin, ce qui laisse présager des publications proches.

Plusieurs projets de directives européennes sont également en train de voir le jour, principalement pour réguler les allégations environnementales. La dernière en date est la directive « Empowering consumers » [1], adoptée en mai, et qui interdit toute allégation environnementale insuffisamment fondée factuellement et scientifiquement. Son entrée en vigueur est immédiate, avec deux ans prévus pour la transposition par les Etats membres. Elle sera complétée par la directive « Green Claims »[2] qui devrait quant à elle être effective en 2027, et renforcera les exigences méthodologiques de l’affichage environnemental.

Quelles catégories de produits seront concernées par ces réglementations ?

En France, les catégories concernées pour l’instant sont principalement les secteurs agro-alimentaire et textile, ainsi que certains produits électriques et électroniques dans le cadre de l’indice de réparabilité. La liste des catégories concernées est amenée à évoluer pour inclure davantage de produits au fil des ajustements méthodologiques.

La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (dite loi AGEC) prévoit également que les produits soumis à une responsabilité élargie du producteur (REP) comprennent des informations sur des caractéristiques environnementales précises, comme le pourcentage de contenu en recyclé ou la recyclabilité du produit. C’est le cas des emballages ménagers par exemple, mais aussi de certains produits d’ameublement, d’emballages, de jouets…

Quelle sera la méthodologie de calcul de l’impact d’un produit ?

Les méthodologies sont encore en cours de définition.

En France, l’ADEME a lancé pour expérimentation l’outil Ecobalyse[3], qui permet pour les secteurs textile et agro-alimentaire de calculer l’empreinte environnementale d’un produit. Une méthode de calcul définitive devrait ainsi voir le jour d’ici la fin de l’année 2023.

Au niveau européen, le projet de directive « Green claims » vise à formaliser la méthodologie de certification des allégations environnementales. Elle inclut des critères comme la prise en compte de l’intégralité du périmètre du cycle de vie du produit et de ses impacts environnementaux, ou le recours à des standards scientifiques reconnus. Elle prévoit l’interdiction de communiquer sur la neutralité carbone d’un produit ou d’une activité si celle-ci est fondée exclusivement sur la compensation des émissions de gaz à effet de serre. Par exemple, une entreprise qui émet des gaz à effet de serre mais en compense une partie en plantant des arbres ne pourra pas « déduire » de son bilan carbone ces émissions, ni prétendre que son produit est « neutre en carbone » alors qu’il a bien émis du gaz à effet de serre lors de sa production.

Les sources de données à utiliser sont également précisées par le régulateur, qui indique de privilégier autant que possible les données « primaires », c’est-à-dire issues directement de l’entreprise ou les données des fournisseurs, et seulement si nécessaire des informations plus génériques telles que des données sectorielles ou des bases de données tierces.

Est-ce que cela va vraiment aider le consommateur à se repérer ?

L’objectif des évolutions réglementaires sur l’affichage environnemental et l’encadrement des allégations est bien de permettre aux consommateurs de faire des choix de consommation éclairés, tout en mettant fin aux pratiques commerciales trompeuses ! En supprimant les allégations trop génériques ou peu fiables (« vert », « responsable ») au profit d’un affichage environnemental factuel, il sera aussi plus facile d’identifier les produits effectivement plus performants.

Pour le régulateur français, il s’agit d’orienter les consommateurs vers les produits les plus performants au sein d’une même catégorie (par exemple, quel est le meilleur gel douche d’un point de vue environnemental ?), mais aussi – et surtout – d’orienter les choix de consommation vers les catégories à moindre impact sur la base de caractéristiques comparables (en comparant un savon liquide et un savon solide par exemple ou diverses sources de protéines entre elles). Dans les deux cas, cela implique d’avoir pour chaque produit des données suffisamment précises pour permettre la différentiation.

Pour informer correctement le consommateur, il faudra mettre à disposition plusieurs niveaux de résultats : un affichage simple sur le produit, l’emballage ou la page web, qui permet de guider le geste d’achat instantanément, par exemple via une notation A,B,C,D ou une note sur 100 ; des résultats plus détaillés accessibles de manière déportée (en ligne) pour les consommateurs qui voudraient plus de précisions.

Quels sont les risques de Greenwashing qui subsistent malgré ces nouvelles réglementations ?

Le but de la réglementation est justement de lutter contre le greenwashing et les allégations pouvant induire le consommateur en erreur. Définir une méthodologie de construction des allégations précise et claire permet en effet de réduire ces risques en garantissant la fiabilité des informations ainsi que la comparabilité entre produits différents. Le recours à des vérificateurs indépendants sur un large panel de produits peut représenter pour l’entreprise un coût important qui ne peut toujours être intégralement reporté sur les consommateurs. Une solution alternative consiste à encourager la vérification par les pairs, par exemple via des consortiums sectoriels, et de stimuler le rôle de vigies réalisé par des ONG ou association de consommateurs.

Comment transformer ces contraintes réglementaires en axe de différentiation par rapport aux concurrents ?

L’encadrement des allégations environnementales peut être un levier de différentiation pour les entreprises à plusieurs points de vue : tout d’abord en prenant les devants : anticiper ces réglementations pour faire partie des précurseurs de la communication environnementale est déjà un facteur différentiant en soi. Par ailleurs, les produits les plus performants d’un point de vue environnemental seront naturellement mis en valeur par l’affichage, leur conférant un avantage auprès des consommateurs. Alors que 76% des consommateurs se déclarent en faveur d’une consommation responsable[4], un affichage environnemental mettant en avant la performance d’un produit permettra de mieux s’aligner à ces exigences croissantes.

De plus la mise en place dans l’entreprise d’une mesure d’impact des produits est à l’origine d’un cercle vertueux en termes de réduction des impacts et d’innovation. En effet, l’affichage environnemental requiert une connaissance plus fine du cycle de vie de ses produits, ce qui conduit à mieux comprendre où sont les principaux impacts et à innover pour les réduire. Ce cercle vertueux a pu être observé dès 2011, lors du bilan sur l’affichage environnemental réalisé par EY pour le ministère de l’Environnement sur un panel de plus de 150 entreprises[5]. 70% des entreprises ayant participé avaient ainsi déclaré mieux connaître les points faibles et forts de leur produits suite à l’expérimentation.

Communiquer sur la durabilité de ses produits est un moyen de renforcer sa marque en intégrant la durabilité dans son positionnement global. Des messages crédibilisés par des données robustes issues de l’affichage environnemental sont à même de renforcer la confiance des consommateurs envers la marque.

Plus largement, quel sera le rôle de l’Etat et des institutions pour donner confiance aux consommateurs ?

L’Etat détient un rôle structurant indispensable ; fournir un cadre méthodologique et légal précis garantissant une information claire, utile, comparable et une concurrence loyale. C’est également à lui que revient la responsabilité de pousser les entreprises à fournir cette information, d’informer le consommateur de ce dispositif exigeant et de créer la confiance d’ensemble en mettant en place les garde-fous pour écarter tout greenwashing. Enfin, en cas de non-respect de la réglementation, il reviendra enfin à l’Etat de s’assurer que des sanctions dissuasives soient appliquées !

Qu’en est-il de la mise en place d’un affichage environnemental au niveau européen ?

Un écolabel européen officiel existe déjà depuis plus de 30 ans pour une trentaine de catégories de produits seulement, ce qui le rend anecdotique. Sa certification, basée sur une analyse de cycle de vie, est volontaire. Un projet de passeport produit (Digital Product Passeport) est en cours d’élaboration, qui devrait permettre un accès facilité via un QR code à des données telles que la composition, l’origine et la réparabilité d’un produit. Ce passeport numérique pourrait entrer en vigueur dès 2026 pour les premières industries concernées (textile, piles, électroménager).

Des expérimentations sont également en cours depuis une dizaine d’année afin d’établir une méthodologie commune pour l’affichage environnemental : le PEF, pour Product Environmental Footprint. Basé sur une analyse de cycle de vie et 16 impacts environnementaux, le PEF n’a finalement pas été retenu comme méthode privilégiée dans le cadre de la proposition de directive Green Claims (sortie en mars 2023), qui laisse plutôt la main aux Etats pour définir leurs propres méthodologies, mais il n’en reste pas moins un cadre de référence dont les entreprises peuvent et doivent s’inspirer en raison de son approche par le cycle de vie très intéressante.

 

[1] Directive 2022/0092

[2] Directive 2023/0085

[3] Ecobalyse – Ecobalyse (gitbook.io)

[4] ADEME, « Consommation responsable : s’engager sans renoncer ? », baromètre Greenflex-ADEME, 2023, accessible en ligne : Consommation responsable : s’engager sans renoncer ? – ADEME Infos

[5] Ministère de l’Ecologie, du Développement durable, de l’Energie, Affichage environnemental des produits de grande consommation, 2013, accessible en ligne : 134000775.pdf (vie-publique.fr)

Travailler depuis des lieux culturels, c’est possible !

On pourrait la qualifier de « visionnaire » tant elle avait anticipé les chamboulements du monde du travail. Tout commence il y a trois ans, lorsque Sandra Giovannetti prend part à une réunion dans la cafétéria de l’Opéra Garnier, à Paris, avec son équipe. « Travailler dans cet espace chargé d’histoire et de création nous avait complètement redynamisés, rendus plus productifs », se souvient-elle. Cette architecte de formation décide de transformer cette « révélation » en projet professionnel. C’est le début de la start-up Be My Space, qu’elle définit comme « un pont entre le monde des arts et celui de l’entreprise », avec l’objectif de proposer des espaces de travail inspirants et authentiques aux salariés.

Lieux « désirables »

« Ce sont des espaces qui nous racontent des histoires, des lieux où le temps n’existe pas. Ils sont proches de chez nous, proches de notre entreprise. Vous les connaissez peut-être de nom, vous en avez parfois rêvé… », peut-on lire sur le site Internet de la start-up, lauréate du premier incubateur estampillé « Patrimoine » du Centre des monuments nationaux.

Musées, ateliers d’artistes, châteaux du Moyen-Âge… Les salariés d’une entreprise peuvent désormais évoluer dans ce que la fondatrice appelle des « lieux désirables » : « L’être humain fonctionne au plaisir, et l’espace de travail peut aider à répondre à la question du bien-être », assure-t-elle. D’autant que la crise liée au Covid-19 a été un accélérateur sans précédent des mutations du travail dans l’entreprise. Selon une enquête publiée en juin 2020 par l’association des DRH et le Boston Consulting Group, 85 % des directeurs des ressources humaines souhaitent développer le télétravail au sein de leur entreprise de façon pérenne. L’étude indique toutefois que le futur de cette pratique sera hybride, mêlant présentiel et télétravail.

Sandra Giovannetti va plus loin. Pour cette passionnée d’arts et d’architecture, l’organisation du temps de travail pourrait désormais être répartie selon trois types de lieux : le siège, le domicile et un lieu « hybride ». « Les entreprises et les salariés ont passé un cap psychologique. On se dirige vers de nouveaux modèles, avec des budgets associés, explique-t-elle. Le travail en présentiel est indispensable, car c’est le moment où l’on se rencontre, où l’on échange. Mais rencontrer un collègue dans un bureau ou dans un lieu qui fait partie du patrimoine, qui a un vrai pouvoir de séduction et de satisfaction, c’est différent. Les individus auront déjà en commun le fait d’avoir choisi cet espace, ce qui créera deux fois plus de raisons de parvenir à dialoguer.»

Stratégie « gagnant-gagnant »

Pour choisir des lieux appropriés, Be My Space travaille en adéquation avec la raison d’être de l’entreprise. « J’établis d’abord une typologie des besoins avec les dirigeants et les DRH. Une fois qu’un premier tri a été effectué, les salariés peuvent aussi être questionnés. Le but est de proposer une offre sur mesure », précise l’entrepreneuse, qui mise avant tout sur des partenariats de longue durée plutôt que sur des événements ponctuels. Formations, réunions, séminaires… La start-up s’engage ainsi à proposer à l’entreprise, en lien avec son rythme et ses valeurs, un « parcours inspirant » dans des espaces hors des sentiers battus. « C’est également un moyen pour l’entreprise de se positionner en matière de RSE, de montrer qu’elle participe aussi au développement des industries culturelles », ajoute la fondatrice.

Une stratégie « gagnant-gagnant » qui permet aussi de faire la promotion de certains lieux culturels et de valoriser le potentiel du patrimoine, parfois oublié. Chaque mercredi matin, les élèves de Sciences Po peuvent désormais étudier à la Cité internationale des arts, dans le 4e arrondissement de Paris, qui reprend ses fonctions de galerie l’après-midi. Sandra Giovannetti a également installé des espaces de coworking éphémères dans l’orangerie de l’hôtel de Sully, siège du Centre des monuments nationaux, situé dans le quartier du Marais.

Covid-19 : La qualité de vie au travail s’est dégradée selon 28 % des salariés du privé

La crise sanitaire et économique liée à la pandémie commence à peser lourdement sur la santé et le moral des Français, selon une étude Ifop/Malakoff Humanis réalisée auprès de 3 504 salariés du privé publiée cet automne.

En termes de qualité de vie au travail, 28 % d’entre eux déclarent qu’elle s’est dégradée, 40 % que leur rythme de travail s’est accéléré, et 18 % estiment que leur travail a moins de sens pour eux. S’ils sont huit sur dix à se trouver en bonne santé, 12 % ont le sentiment que leur état de santé s’est dégradé, et 45 % déclarent se sentir plus fatigués physiquement et psychologiquement qu’avant la crise.

Les facteurs de risques psychosociaux se dégradent également, puisque 23 % des sondés estiment que leur travail empiète sur leur vie personnelle, 14 % déclarent subir des tensions au travail, et 20 % révèlent avoir peur de perdre leur emploi. Et s’ils sont 86 % à attendre de leur entreprise qu’elle intègre durablement la prévention et la santé dans sa stratégie, ils ne sont que 53 % à penser qu’elle le fera.

Seule note positive au tableau, 23 % des interrogés déclarent avoir davantage le sentiment de faire un travail utile pour la société. Parmi eux, on trouve 43 % de travailleurs du secteur de la santé ou de l’action sociale.

Le Grand Entretien : Alexandre Ricard, président directeur général du groupe PERNOD RICARD

Il ne doit pas être simple, aujourd’hui, d’être le PDG d’un groupe mondial, producteur et distributeur de vins et spiritueux, à l’heure où les bars, hôtels, clubs et restaurants, les réunions familiales, bref les espaces de convivialité sont fragilisés. Comment allez-vous et comment se porte le groupe ?

Deux mots me viennent à l’esprit : résilience et agilité. Résilience tout d’abord : les êtres humains s’adaptent toujours à leur environnement et à ses bouleversements. Et agilité, parce que nous nous sommes adaptés, partout où nous sommes présents dans le monde, c’est-à- dire sur 86 marchés. Au-delà des chiffres et des résultats, nous avons en effet enregistré des gains de part de marché sur la quasi-totalité des pays dans lesquels nous opérons. Le chiffre d’affaires clos fin juin 2020 s’est élevé à 8,448 milliards d’euros.

Dans un contexte difficile, nous avons observé “une bonne résilience du Off-Trade”, la vente à emporter de nos produits, tout simplement parce que les consommateurs se sont tournés plus encore que d’ordinaire vers des marques de confiance.

Comment vous associez-vous au secteur bars et restaurants, l’un des plus durement touchés par la crise ?

Cet environnement est fortement impacté. Dès les premiers jours de cette crise sanitaire, nous avons décidé de soutenir le secteur. De manière concrète, en France, nous nous sommes associés à la plate-forme “J’aime mon bistrot”, qui vise à soulager la trésorerie de ces entreprises essentielles à la vie sociale que sont les cafés, bars et restaurants. Nous sommes partenaires de l’initiative “1 000 cafés”, projet qui s’est donné pour ambition de permettre la sauve- garde ou l’ouverture de 1 000 cafés dans des communes de moins de 3 500 habitants.

La contribution de Pernod Ricard prend la forme d’une dotation financière et se matérialise également par un accompagnement à l’installation des nouveaux cafetiers. Cet engagement passe par le partage d’outils de formation pour les futurs gérants afin de les former à une vente responsable des produits alcoolisés ou à la gestion durable de leur établissement. Sans oublier nos dons d’alcool pur au laboratoire Cooper pour lui permettre de fabriquer, dès le début de la crise, des millions de doses individuelles de gel hydroalcoolique.

La signature de Pernod Ricard, “créateur de convivialité”, est une belle promesse. Concrètement, comment comptez-vous créer de la convivialité aujourd’hui ?

Il y a des choses qui vivent et survivent au-delà des crises. Le besoin de partager des moments, de se retrouver ensemble, reste intact. Parfois, il faut des crises comme celle-ci pour que les individus prennent conscience de l’importance de la convivialité. Vous n’imaginez pas le nombre de témoignages que je reçois de la part d’hommes et de femmes qui se retrouvent complètement dépités à mesure que cette crise s’installe.

Le repli sur soi, le confinement sont contre nature. Prenons de la hauteur, et n’oublions pas que notre civilisation a surmonté bien des épreuves. Il faudra tirer les leçons de cette crise.

Terrasse de The Island
Terrasse de The Island, quartier Saint-Lazare, Paris © Myr Muratet

Allez-vous démontrer que vous-même, à l’échelle du groupe, avez tiré les leçons de cette crise, par une stratégie RSE plus ciblée par exemple ?

J’aime rappeler ce dicton anglais : “Ne jamais gaspiller l’opportunité offerte par une crise.” Indéniablement, les crises accélèrent les tendances en cours. Il est important pour les consommateurs de savoir quelles sont les entreprises derrière les marques qu’ils consomment et les actions qu’elles mènent pour préserver la planète. Et, lorsque je reçois des candidats, c’est une question qui les intéresse beaucoup.

La sensibilité sociale et sociétale de votre groupe vient de loin… Enfant, comme Paul Ricard avait une santé fragile, ses parents l’ont emmené au bord de la mer. C’est donc la nature qui lui a donné un second souffle.

Et il ne l’a jamais oublié. J’ajoute que toutes nos marques viennent de la terre : de la culture des vignes pour nos vins et champagnes, de l’orge pour nos whiskies, du blé d’hiver pour nos vodkas… Il nous faut être cohérents, avec notamment une politique RSE renforcée. Le groupe travaille sur 250 000 hectares, aux quatre coins du monde, d’où sortent 2,6 millions de tonnes de raisin, de canne à sucre, de céréales ou de grains de café…

Nous sommes fiers d’avoir rejoint l’alliance Business for Nature réunissant des entreprises et organisations qui se mobilisent autour de la protection de l’environnement. Il s’agit d’une avancée importante pour le groupe, qui continue à faire de la protection de l’environnement et de la biodiversité, ainsi que de la préservation des écosystèmes naturels des priorités de sa feuille de route 2030. Notre futur dépend de l’aptitude de nos communautés mondiales à unir leurs forces pour assurer un avenir plus durable et plus solidaire.

À l’échelle du groupe Pernod Ricard, com- ment se traduit cette cohérence entre des marques qui puisent leur force dans la nature, les demandes des collaborateurs et les attentes des consommateurs ?

La cohérence vient des chiffres. Nous avons réduit de 33 % notre intensité carbone et de 23 % notre consommation d’eau par litre d’alcool. Le confinement a été l’occasion d’accélérer quelques objectifs : la fin des plastiques uniques utilisés en points de vente, comme les gobelets et les pailles, a été avancée de 2025 à 2021.

Vous le dites, cette crise accélère des tendances. À titre personnel, en tant qu’homme, y a-t-il des événements qui vous ont surpris ?

Oui. Et la leçon que je retiens m’a été donnée par les femmes et les hommes qui font partie du groupe Pernod Ricard. J’ai constaté, au travers des 19 000 collaborateurs à travers le monde, une résilience et un engagement incroyables. Tout le monde est resté sur le navire, chacun s’est demandé comment il pouvait être utile. Et certains n’ont même pas attendu de réponse : ils ont eu des idées. En témoignent les quatre millions de litres d’alcool pur ou le million de litres de gel que nous avons produits sur nos sites, pour nos communautés. Cela vient du terrain, de manière spontanée et sur différents marchés en Suède, en Irlande, en France.

Ce n’est pas quelque chose qui aurait été décrété au siège. Permettez-moi de vous le dire : ces actions sont remarquables. Pour la petite histoire, aujourd’hui, les policiers de New York se désinfectent les mains avec du gel provenant de nos distilleries de Bourbon dans le Kentucky. La crise a ceci d’intéressant : être sans cesse impressionné par ses propres équipes.

La crise vous donne donc l’occasion de tester votre modèle décentralisé…

C’est l’un des principaux enseignements à l’échelle du groupe. Nos managers, locale- ment, se sont d’eux-mêmes mobilisés et ont pris de bonnes décisions. Décentralisée, Pernod Ricard est une entité structurée pour être flexible et agile, je m’en rends compte chaque jour. Faire face à la crise ne nous fera pas dévier de notre stratégie sur le long terme. Nous poursuivons aussi notre transformation digitale, nous accélérons les investissements.

Vos mots sont rassurants et vos projections sereines. Dans le fonctionnement décentralisé de Pernod Ricard, une telle attitude est-elle partagée ?

Ce n’est pas notre première crise et, au risque de vous faire peur, il y en aura d’autres… Les bouleversements du monde doivent être utilisés comme des leviers. Nous avons commencé à le faire, et nous avons gagné des parts de marché. Nous restons très ambitieux. La crise a révélé la solidité de nos fondamentaux. Permettez-moi de faire un parallèle. Ricard a été créé en 1932. Au niveau du PIB, ce fut la pire année qu’on ait connue dans l’histoire de la France, hors période de guerre. Il en sera de même pour 2020, année que nous avons choisie pour fusionner les deux sociétés de distribution Pernod et Ricard, depuis le 1er juillet dernier.

Cet été, alors que les sociétés du monde se posaient la question du “comment” : “comment faire revenir les gens au travail ?”, “dans quel environnement aéré, sécurisé ?”, vos salariés rejoignaient le nouveau siège parisien… Ce lieu répond-il à de nombreuses questions que pouvaient se poser les collaborateurs de retour sur site ?

Quand on est une entreprise qui s’inscrit sur le long terme, centrée sur l’humain, on doit donner envie aux collaborateurs de venir et d’échanger dans un environnement sympathique, attractif et sans exubérance. Et un groupe mondial se doit d’être cohérent : si notre signature est “créateur de convivialité”, cette dernière doit être vécue, avant tout, par nos collaborateurs.

La convivialité se conjugue sur l’échange, le partage, la rencontre, elle ne peut pas être enfermée dans un agenda. Une réunion, une présentation, des décisions peuvent se vivre à distance ; la chaleur humaine, non. Nous souhaitons valoriser tous ces petits interstices qui se passent entre les humains, ces rencontres informelles qui se produisent sur le lieu de travail. Car c’est là que se génèrent les meilleures idées, la meilleure agilité et la meilleure collaboration.

Tout a été pensé en ce sens, pour créer cette disruption qui engage performance et rapidité. Au sein de ce nouveau siège, on est amené à croiser des gens que l’on ne connaissait que très peu jusqu’ici. L’absence de silos et de bureaux fermés incite les conversations à se libérer.

18 000 m2 et 7 étages, avec la réunion des sept sites de la région parisienne, au cœur même de Paris, votre démarche est contraire à celle de la plupart des grandes entreprises quittant le centre de la capitale…

Il est vrai que là où certains réduisent la taille de leurs bureaux, nous avons ici pour nos 900 collaborateurs quelque 2400 places, 600 postes de travail dits “normaux” (table, chaise…), le reste étant distribué en espaces collaboratifs. Tous les ordinateurs et téléphones sont portables, nous nous acheminons vers du “zéro papier”. Donc, oui, nous assumons être à contre-courant.

Même le PDG que vous êtes n’a pas de bureau attitré… Quels bénéfices retirez-vous de ce concept ?

Le premier bénéfice est déjà de vivre cet adage qui m’est cher : “L’exemple vient du haut.” Décloisonner ce que j’appellerais “le bureau à l’ancienne” permet à chacun de venir partager ma table, d’engager une discussion, de créer de nouvelles collaborations. Et chaque jour, je vois apparaître un peu plus de spontanéité dans les sujets que l’on me propose. Il faut cultiver cette simplicité. Cela me permet de voir ce qui se passe, de faire partie du flux de rencontres des personnes. Les valeurs, la culture d’entreprise est un ciment qui se fabrique au quotidien.

Lieu de convivialité THE ISLAND
Lieu de convivialité et de collaboration donnant, au fond, sur la game room. © Myr Muratet

Vous êtes PDG, vous êtes à la tête d’une hiérarchie pyramidale : on comprendrait que vous ne soyez pas abordable… Briser les murs : cela garantit vraiment votre proximité ?

Pour vous montrer que tout ceci n’est pas un discours corporate : on a travaillé le bâtiment sur deux flux de circulation. Horizontal tout d’abord : à chaque étage, un carrefour de rencontre a été créé. Il est matérialisé par un bar où chacun peut se servir un café ou un thé. Le second flux est vertical, grâce aux escaliers qui ont été complètement réintégrés dans le projet, redécorés de façon qu’on ait envie de croiser du monde.

Je crois savoir que vos collaborateurs vous “tutoient”. Et on le sent, on le voit ici, un esprit de start-up règne. Qu’est-ce que la “culture start-up”, qu’elle soit réelle ou fantasmée, peut amener aux grandes entreprises d’aujourd’hui ?

Ce qui définit cette “culture start-up”, c’est l’absence de formalisme et de procédures souvent bureaucratiques. L’idée est de prendre le meilleur des deux mondes, c’est- à-dire allier la puissance d’un grand groupe avec la capacité à générer des idées, des innovations, des créations, l’absence de silos qui caractérisent les start-up. Si on réussit cette alchimie, cela ne peut que fonctionner.

Votre expérience à l’international est conséquente : Royaume-Uni, États-Unis, Hong Kong, Irlande. Avez-vous apprécié des conceptions d’entreprises, des organisations, qui vous inspirent encore aujourd’hui ?

Nous avons plusieurs dizaines de nationalités représentées ici au siège, donc je ne suis qu’un “exemple international” parmi d’autres. Toutefois, ce qu’il me reste de mon expérience propre, c’est le côté direct, efficace et court d’une réunion à l’anglo-saxonne. Mais ce que j’apprécie aussi en France, c’est le côté convivial. Résultat, au sein de “The Island”, je fais beaucoup moins de réunions qu’auparavant, j’envoie et reçois moins de mails, parce que je croise beaucoup plus de gens. Tout se fait au fil de l’eau.

Vous me présentez ces interactions humaines comme novatrices et, pourtant, elles relèvent du bon sens…

Notre culture est une culture de bon sens. Nous la cultivons pour nos salariés, mais aussi pour nos consommateurs. Votre réflexion me fait penser à un engagement du groupe en leur direction. En tant que numéro 2 mondial des vins et spiritueux, nous souhaitions nous engager fortement pour la prévention et la lutte contre toute forme d’abus d’alcool. Il y a dix ans, Pernod Ricard a créé le programme Responsible Party, en partenariat avec le réseau Erasmus Student Network, dans l’objectif de sensibiliser les étudiants à une consommation responsable. La clef du succès, c’est que c’est un programme conçu et porté par des étudiants, pour des étudiants. Voilà un exemple très concret du bon sens en action.

La signature de notre magazine est “Être-bien en entreprise”, plutôt que “Bien-être”, notion qui ne nous semble pas adaptée au monde professionnel. Quelles sont pour vous les conditions les plus élémentaires pour que l’“Être”, justement, soit “bien” en entreprise aujourd’hui ?

Qu’il reçoive des communications claires et cohérentes. Aucune personne, aucune équipe ne vous suivra si vous ne faites pas coïncider votre vision et vos décisions.

Ce nouveau siège Pernod Ricard est baptisé “The Island” en référence aux îles Paul Ricard situées au large de Bandol et de Six-Fours, dans le Var. La fondation de l’entreprise, la réussite de votre grand-père, qu’il partagera avec son personnel, en lui distribuant des actions gratuites. La création de l’Institut océanographique, précurseur dans la protection de l’environnement, aux Embiez, l’île de Bendor, haut lieu de la création artistique, la création du circuit Paul Ricard…, l’histoire de Ricard est jalonnée d’étapes fortes. À quels moments songez-vous à cet héritage ?

Bien sûr, nos fondamentaux sont extraordinaires. Mon grand-père Paul Ricard souhaitait une politique d’entreprise centrée sur les ressources humaines. Vous avez évoqué l’intéressement et la participation, il avait aussi favorisé les vacances des salariés, organisait des lotos à Noël et les lauréats pouvaient gagner leur maison… Car il voulait que chaque salarié soit propriétaire, qu’il ait un toit.

Parce que quand on est propriétaire, on est responsabilisé, on est fier. Cet héritage est donc présent à chaque fois que l’on ouvre un nouveau chapitre, comme avec l’édification de ce nouveau siège, au centre de Paris. Ce déménagement physique est l’illustration de la transformation de nos méthodes de travail, totalement digitalisées. La pièce dans laquelle nous parlons est wireless. Moi-même, je n’ai plus qu’un casier. Nous stockons nos documents dans des librairies virtuelles. De même, nos transformations internes se reflètent à l’externe, dans nos relations avec le consommateur.

Depuis 2015, nous avons redessiné notre modèle avec une approche “consumer centric”. Aussi, je vois difficilement comment on peut se dire “obsédés par le consommateur” et être excentrés physiquement. Ce qui explique l’installation de notre siège au cœur du quartier Saint-Lazare. Cette transformation n’aurait pas été possible sans nous appuyer sur l’histoire, la transformation et les valeurs du groupe. Mon oncle et prédécesseur, Patrick Ricard, aimait à dire de notre groupe qu’il est “une synthèse du passé et un regard sur l’avenir”.

Entre le passé et l’avenir, il y a le présent. Quand on s’appelle Ricard, Monsieur Ricard, quand on est le “3e homme Ricard” à diriger le groupe, c’est un défi quotidien, une chance, une responsabilité, une opportunité ?

Mon père m’a toujours dit : “Dans la vie, fais ce que tu souhaites mais fais-le bien, et que cela te rende heureux.” La responsabilité qui est la mienne m’enthousiasme chaque matin.

 

Voir aussi : L’oeil de… Thierry Marx

Performance humainement durable

Performance. Humainement. Durable. Ces trois mots revêtent un sens fondamental à mes yeux.

• Performance : pour ancrer nos propos et nos investigations dans la réalité de l’entreprise d’aujourd’hui.

• Humainement : pour marquer l’angle résolument humaniste de nos engagements, avec l’idée essentielle d’un gagnant-gagnant à rechercher sans cesse entre l’entreprise d’une part, et les femmes et les hommes qui la composent d’autre part. Cette idée que j’exprime également en parlant d’un cercle vertueux entre le bien-être des personnes et la performance économique.

• Durable : qui évoque le développement durable, la soutenabilité des activités économiques à long terme. Pour ne pas dire leur raison d’être, enjeu clé fort judicieusement remis à l’honneur à la faveur de la loi PACTE de mai 2019.

La pandémie de Covid a mis en lumière l’importance de ce triptyque. En effet, dans les entreprises, l’organisation du travail et les pratiques managériales ont dû évoluer à vitesse accélérée pour préserver et promouvoir cette performance humainement durable.

Parmi les innombrables leviers qui permettent d’agir en ce sens, l’aide à la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle fait désormais partie des incontournables. Dans ce domaine, les semaines de confinement ont fait apparaître de nouvelles problématiques pour les collaboratrices et les collaborateurs. Par exemple, elles les ont contraints à faire cohabiter leur profession et l’école à la maison.

Aujourd’hui, plus que jamais, le souci du suivi scolaire est donc prégnant. Le dernier-né des Guides pratiques de l’Observatoire de la qualité de vie au travail, conçu et publié en partenariat avec les éditions Nathan, est donc dédié aux “responsabilités éducatives”. Comme son nom l’indique, ce nouveau guide éclaire sur les pratiques des employeurs les plus innovants en matière d’aide apportée aux salariés concernant la réussite scolaire de leurs enfants.

Il s’agit d’un parfait exemple d’action qu’une entreprise peut mettre en œuvre dans une optique de performance humainement durable, et ce à double titre : parce que, tout d’abord, la réussite scolaire des enfants constitue un sujet de préoccupation, voire de stress intense, pour les parents, ce qui, dans certaines situations, peut les amener à ne pas pouvoir donner le meilleur d’eux-mêmes au travail ; ensuite parce qu’aider les collaborateurs qui sont parents dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives, c’est permettre à la société tout entière de faire grandir ses futures “forces vives”. C’est donner aux entreprises la possibilité, demain, de recruter des personnes correctement formées par le système éducatif.

Le Guide Concilier vie professionnelle et responsabilités éducatives vise à sensibiliser les dirigeants d’entreprise et leurs équipes aux besoins rencontrés par les salariés-parents dans la conciliation de leur activité professionnelle et de leurs responsabilités éducatives. Il détaille aussi le comment : quelles actions concrètes une direction d’entreprise peut-elle déployer dans ce domaine ?

Ce guide est donc construit autour des principales situations rencontrées par les salariés parents :

• Se rendre disponible au quotidien pour aider ses enfants dans leurs devoirs et leurs révisions.
• Gérer l’épineuse question des écrans.
• Se rendre disponible pour participer à des réunions scolaires.
• S’organiser en cas de grève ou d’absence des enseignants.
• Être présent dans les temps forts de la scolarité, comme la rentrée scolaire, les examens ou les concours, la recherche d’un stage, l’orientation scolaire.
• Accompagner son enfant en cas de difficulté, qu’il s’agisse d’un problème de santé, de décrochage ou de harcèlement par exemple.

Des témoignages et de bonnes pratiques de décideurs RH des groupes BNP Paribas, La Poste ou Société Générale s’avèrent très éclairants. À titre d’exemples :

• La Poste propose notamment aux postiers “un accès gratuit à une plate-forme sur Internet composée d’enseignants qui aideront l’élève dans la compréhension de son cours et dans ses devoirs. Cette solution de soutien scolaire est accessible sur l’ensemble du territoire et pour tous les niveaux scolaires. Au-delà de l’aide aux devoirs, elle propose un accompagnement des enfants sur différentes problématiques liées à la scolarisation : coaching des enfants comme des parents (sur le suivi des devoirs), formulation des choix sur Parcoursup, rédaction de CV ou de lettres de motivation, mise en relation pour les stages de 3e… Des tarifs ont aussi été négociés avec deux prestataires proposant des cours particuliers et des stages de révision. Ainsi, chacun peut trouver la formule la plus adaptée à sa situation”.

• Chez BNP Paribas, l’accord sur “le temps à la carte” est “utilisé par un nombre important de collaborateurs qui peuvent ainsi organiser de manière plus souple leurs temps de vie professionnels et personnels. En effet, cet accord permet aux collaborateurs d’acquérir et d’utiliser au cours d’une année civile des droits à congés supplémentaires non rémunérés en plus de leurs congés payés. Les collaborateurs peuvent acheter entre 5 et 20 droits par an, permettant des accompagnements spécifiques pour les enfants ou l’aménagement des temps personnels supplémentaires”.

• La Société Générale met à la disposition des salariés parents une plate-forme qui “dispose d’un service d’aide aux devoirs avec plus de 25 000 profils de professeurs disponibles partout en France pour des cours particuliers à domicile dans plus de 20 matières”. Par ailleurs, le groupe bancaire organise chaque trimestre des conférences parentalité animées par des professionnels de l’enfance sur des thèmes variés : l’intelligence émotionnelle, la confiance, l’éducation positive, la fratrie… Enfin, la Société Générale verse une allocation d’études et/ou une allocation de vacances pour chacun des enfants à charge fiscale.

 

Voir aussi : Les chemins de l’épanouissement