Parcours Wataru : Un séminaire “anti burn out” pour sortir de l’épuisement professionnel et se remettre en mouvement

Face à un contexte anxiogène, de plus en plus de dirigeants et de managers ressentent une pression interne qui les met en tension, voire en difficulté au sein de leur entreprise. Résultat : ils se sentent fatigués, ont du mal à récupérer malgré les congés, ne ressentent ni énergie ni envie … D’ailleurs, le taux de burn out a doublé en un an à peine, et les managers sont 1,5 fois plus touchés. Bénédicte COSTEDOAT-LAMARQUE, co-fondatrice de Wataru, dirigeante de Be Change Live et auteure du livre “Le burn out, une opportunité de transformation intérieure” (éditions L’Harmattan, 2019), souligne : « La crise sanitaire, son contexte mondial insolite et leurs conséquences (télétravail, contraintes de fermeture, incertitude…) exacerbent les tensions dans l’activité des entreprises, ainsi que les tensions interpersonnelles et intrapersonnelles. Certaines autorités médicales alertent sur le fait que le nombre de burn out et de personnes à risque est en hausse ».

Il y a donc urgence à accompagner tous celles et ceux qui se trouvent en situation d’épuisement professionnel. Pour éviter une vague de burn out et permettre à chacun.e de se remettre en mouvement professionnellement, un séminaire inédit de 3,5 jours est proposé aux dirigeants, managers et leaders. Avec un objectif : leur permettre de faire un pas de côté pour y voir plus clair sur eux, leur entreprise, leurs perspectives, voire leur projet de vie professionnel.

Dans le magnifique cadre du Domaine du Taillé, un ancien monastère zen au coeur de l’Ardèche, deux sessions vont être organisées du 21 au 24 septembre et du 18 au 21 octobre 2021.

Le parcours Wataru est un formidable tremplin pour réussir à prendre du recul sur soi, ses enjeux, son écosystème et sa réalité professionnelle.

Entre pairs, dans une ambiance bienveillante, chacun vient se ressourcer et se connecter à l’essentiel, pour soi et son entreprise. A l’issue du séminaire, il est ainsi possible de repartir avec de l’énergie et des idées pour avancer.

L’approche du séminaire est constructive, pragmatique et positive. En pratique, elle se déroule selon trois étapes :

Etape 1 : Entretien pré-séminaire (45mn). Il permet de se connaître et clarifier son intention.

Etape 2 : Le séminaire en présentiel (3,5 jours). Il vise à comprendre les mécanismes intérieurs amenant à l’épuisement (physiologiques, physiques, mentaux, psychiques).  Apprendre à mieux se connaître va ainsi permettre d’identifier ses modes de fonctionnements répétitifs, ses besoins psychologiques et facteurs de stress, ses croyances et conditionnements.

A ce stade, Bénédicte propose aussi des outils simples pour sortir de ces schémas et se reconnecter à ce qui nous anime profondément. C’est aussi l’opportunité de comprendre la raison de cet épuisement à ce moment-là de sa vie.

Etape 3 : Séance de Coaching Individuel (1h, 1 mois après le séminaire). Cette séance de suivi aide à pérenniser et ancrer la mise en mouvement.

Parce qu’elle a elle-même vécu et transformé cette expérience du burn out, après un passé à responsabilités managériales en entreprise de 22 ans, Bénédicte Costedoat-Lamarque a développé une méthodologie unique, basée sur une compréhension réelle des situations et problématiques, quelles que soit la forme qu’elles prennent.

Coach professionnelle certifiée, elle a d’ailleurs les compétences pour accompagner le burn out à 360° (du pré-burn out jusqu’au post-burn out), ainsi que les transformations profondes d’entreprise.

Durant le parcours Wataru, elle mêle :

  • une Approche combinée cognitive / émotionnelle / corporelle : nombreux apports théoriques, gestion du stress, cohérence cardiaque, marche…
  • une Méthode innovante et systémique du MIT (Massachussetts Institute of Technologies), la Théorie U d’Otto Scharmer, basée sur l’émergence, la profondeur et la qualité de présence, permettant de potentialiser le travail sur soi par les apports et résonances du collectif.
  • Plus d’une dizaine d’ateliers pour éclairer ce qui se joue sous une variété d’angles différents : l’inventaire de personnalité individuel “Process Communication”, l’approche systémique, l’approche neurocognitive et comportementale, l’approche jungienne, les pratiques de leadership innovantes…

Le Domaine du Taillé, est un ancien monastère zen entouré de verdure au cœur de l’Ardèche, propice au ressourcement, à l’inspiration, à l’apaisement et au retour sur soi.

Pour profiter pleinement de chaque session, le nombre de participants est volontairement limité à 10 personnes maximum afin de préserver la qualité de présence et d’échange.

Travailler depuis des lieux culturels, c’est possible !

On pourrait la qualifier de « visionnaire » tant elle avait anticipé les chamboulements du monde du travail. Tout commence il y a trois ans, lorsque Sandra Giovannetti prend part à une réunion dans la cafétéria de l’Opéra Garnier, à Paris, avec son équipe. « Travailler dans cet espace chargé d’histoire et de création nous avait complètement redynamisés, rendus plus productifs », se souvient-elle. Cette architecte de formation décide de transformer cette « révélation » en projet professionnel. C’est le début de la start-up Be My Space, qu’elle définit comme « un pont entre le monde des arts et celui de l’entreprise », avec l’objectif de proposer des espaces de travail inspirants et authentiques aux salariés.

Lieux « désirables »

« Ce sont des espaces qui nous racontent des histoires, des lieux où le temps n’existe pas. Ils sont proches de chez nous, proches de notre entreprise. Vous les connaissez peut-être de nom, vous en avez parfois rêvé… », peut-on lire sur le site Internet de la start-up, lauréate du premier incubateur estampillé « Patrimoine » du Centre des monuments nationaux.

Musées, ateliers d’artistes, châteaux du Moyen-Âge… Les salariés d’une entreprise peuvent désormais évoluer dans ce que la fondatrice appelle des « lieux désirables » : « L’être humain fonctionne au plaisir, et l’espace de travail peut aider à répondre à la question du bien-être », assure-t-elle. D’autant que la crise liée au Covid-19 a été un accélérateur sans précédent des mutations du travail dans l’entreprise. Selon une enquête publiée en juin 2020 par l’association des DRH et le Boston Consulting Group, 85 % des directeurs des ressources humaines souhaitent développer le télétravail au sein de leur entreprise de façon pérenne. L’étude indique toutefois que le futur de cette pratique sera hybride, mêlant présentiel et télétravail.

Sandra Giovannetti va plus loin. Pour cette passionnée d’arts et d’architecture, l’organisation du temps de travail pourrait désormais être répartie selon trois types de lieux : le siège, le domicile et un lieu « hybride ». « Les entreprises et les salariés ont passé un cap psychologique. On se dirige vers de nouveaux modèles, avec des budgets associés, explique-t-elle. Le travail en présentiel est indispensable, car c’est le moment où l’on se rencontre, où l’on échange. Mais rencontrer un collègue dans un bureau ou dans un lieu qui fait partie du patrimoine, qui a un vrai pouvoir de séduction et de satisfaction, c’est différent. Les individus auront déjà en commun le fait d’avoir choisi cet espace, ce qui créera deux fois plus de raisons de parvenir à dialoguer.»

Stratégie « gagnant-gagnant »

Pour choisir des lieux appropriés, Be My Space travaille en adéquation avec la raison d’être de l’entreprise. « J’établis d’abord une typologie des besoins avec les dirigeants et les DRH. Une fois qu’un premier tri a été effectué, les salariés peuvent aussi être questionnés. Le but est de proposer une offre sur mesure », précise l’entrepreneuse, qui mise avant tout sur des partenariats de longue durée plutôt que sur des événements ponctuels. Formations, réunions, séminaires… La start-up s’engage ainsi à proposer à l’entreprise, en lien avec son rythme et ses valeurs, un « parcours inspirant » dans des espaces hors des sentiers battus. « C’est également un moyen pour l’entreprise de se positionner en matière de RSE, de montrer qu’elle participe aussi au développement des industries culturelles », ajoute la fondatrice.

Une stratégie « gagnant-gagnant » qui permet aussi de faire la promotion de certains lieux culturels et de valoriser le potentiel du patrimoine, parfois oublié. Chaque mercredi matin, les élèves de Sciences Po peuvent désormais étudier à la Cité internationale des arts, dans le 4e arrondissement de Paris, qui reprend ses fonctions de galerie l’après-midi. Sandra Giovannetti a également installé des espaces de coworking éphémères dans l’orangerie de l’hôtel de Sully, siège du Centre des monuments nationaux, situé dans le quartier du Marais.

Raison d’être, sens et… réalisation de soi

Le professeur Jean-Jacques Breton est un psychiatre canadien à l’origine de travaux sur les « facteurs de protection ». Il explique que, tout comme il existe des facteurs de risque en matière de suicide, il existe des facteurs de protection, utiles à mettre en œuvre. Il précise que « si l’on favorise ces “facteurs de protection”, les gens peuvent améliorer leurs capacités à faire face aux événements stressants ». Et parmi les facteurs de protection qu’il avance, il y a la présence d’objectifs dans la vie et… le sens que l’on donne à sa vie.

Nous pouvons transposer cette étude au monde de l’entreprise. Une personne vit mieux son travail quand elle prend conscience qu’elle est utile à ses collègues. Une aide-soignante, dans un hôpital, allant prévenir l’interne que tel patient souffre d’une réaction cutanée soudaine, ne vivra pas son travail de la même manière que si elle se contentait de faire la toilette du patient. Dans un document intitulé « Travail et santé », le professeur Philippe Davezies apporte une justification médicale à cet aspect : « La perception de l’activité d’autrui active, dans le cerveau, des réseaux de neurones qui réagissent à cette activité de la même façon que s’il s’agissait de la propre activité du sujet sur cet objet. » En une phrase, si l’on facilite l’activité de son collègue grâce à son propre travail, on en retire une satisfaction.

Le sens peut être aussi conçu d’une manière plus générale. Si le but poursuivi par le collaborateur est en harmonie avec des valeurs qui comptent pour lui, il le vivra beaucoup mieux. Cela est parfaitement illustré par Blake Mycoskie, le fondateur de Tom Shoes, une marque américaine de chaussures. Lorsque cette entreprise vend une paire de chaussures, elle en offre une autre à un enfant vivant dans un pays en voie de développement. Ainsi, les salariés et les clients deviennent les partenaires d’une action d’intérêt général.

Que cet intérêt soit général ou de proximité, il faut prendre le temps d’expliquer à chaque collaborateur en quoi son travail est utile. « Prendre le temps d’expliquer, ce n’est pas perdre du temps, c’est en gagner », écrivait Yves Desjacques, le DRH du Groupe Casino puis de La Poste.

Cette importance du sens dans la réalisation de soi pourrait être illustrée par la belle histoire des tailleurs de pierre.

Au Moyen Âge, un passant sur le chantier d’une cathédrale en construction interroge un premier tailleur de pierre sur ce qu’il fait. Celui-ci a la mine sombre et lui assène d’un ton amer : « Vous voyez bien, je casse des pierres ! J’ai mal au dos, j’ai soif, j’ai faim. Mais je n’ai trouvé que ce travail pénible et stupide. »

À la même question, un deuxième tailleur de pierre, au visage plus serein et aux gestes plus harmonieux, répond : « Je suis tailleur de pierre. C’est un travail dur, vous savez, mais il me permet de nourrir ma femme et mes enfants. »

Un troisième tailleur de pierre abat sa masse avec ardeur. Interrogé lui aussi par notre passant, il lui fait la réponse suivante avec un franc sourire : « Moi, je bâtis une cathédrale ! »

Entre le labeur de l’homme qui taille des pierres et le bonheur de l’homme qui contribue à bâtir une cathédrale, il y a le sens.

Entre l’hôte ou l’hôtesse de caisse qui encaisse et celui ou celle qui cultive du lien social en parlant aux personnes âgées esseulées, il y a le sens, avec des perceptions du travail très différentes. Dans un cas, on exécute une tâche, dans l’autre, on se réalise dans son travail.

En conclusion, il est essentiel que chacun comprenne à quoi il est utile vis-à-vis de ses collègues et, d’une manière générale, vis-à-vis de la société. Ainsi il sera en meilleure santé, se réalisera plus facilement dans son travail et sera aussi plus efficace.

La quête de sens aide chacun à se réaliser dans son travail. Il est donc logique que la perception de la finalité facilite l’engagement, et donc la réussite.

Travailler en Ehpad au temps du Covid

Aides-soignants ou auxiliaires de vie, intervenant dans des établissements ou au domicile des personnes dépendantes : chez ces professionnels, la lassitude et la souffrance s’expriment quotidiennement, et les raisons en sont à la fois multiples et connues de tous.

« Les risques psycho-sociaux en Ehpad sont pratiquement inhérents à l’activité elle-même, résume une ancienne directrice d’établissement de soins qui n’a pas souhaité que son nom soit cité. Le travail est exigeant, les enjeux sont graves, le personnel est confronté en permanence à la maladie, à l’isolement et parfois au décès des résidents… Bien sûr beaucoup sont en souffrance, d’ailleurs le taux d’absentéisme est très élevé dans ces structures. »

Dans les établissements, c’est souvent le manque de temps et de personnel qualifié qui pèse le plus aux salariés, au point de compliquer l’accomplissement de la moindre tâche. « La distribution des médicaments, par exemple, est un casse-tête, poursuit l’ex-directrice. En théorie, la dose de chaque patient doit être préparée dans une salle à part, au calme. En pratique, la personne qui s’en charge est interrompue en permanence. Ensuite, certains patients ont du mal à prendre leurs médicaments, et en milieu de journée vous retrouvez des comprimés par terre… C’est une des nombreuses “situations-problèmes” que j’avais identifiées en m’appuyant sur les méthodologies développées par l’Anact (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail). Il y en a, hélas, beaucoup d’autres. »

Quant aux professionnels qui interviennent au domicile des patients, environ 3 millions de salariés, leur sort n’est pas plus enviable. « Ces personnes, des femmes à 91 %, commencent leur journée à 6 h 30, détaille Lucas Fialaire, cofondateur en 2019 de la société Keradom, qui propose de digitaliser le recrutement et la formation des professionnels de l’aide aux personnes dépendantes. En milieu de matinée leur travail est terminé et il ne reprend que vers 16 heures, jusqu’à 20 heures. Mais, comme les salaires sont très bas (le smic pour une auxiliaire de vie) et qu’à peine un tiers d’entre elles sont défrayées de leurs kilomètres, elles ne rentrent pas chez elles, patientent sur des parkings de centres commerciaux… »

« Le métier ne fait pas rêver. Les salaires sont bas parce que les tarifs fixés par les départements sont faibles, et les perspectives d’évolution professionnelle, médiocres, développe Lucas Fialaire. Résultat : il manque aujourd’hui 200 000 personnes qualifiées, et le chiffre sera de 500 000 en 2040, tandis que les écoles sont vides. » Une étude menée en 2010, la dernière en date sur ces professions, relevait aussi que le métier d’auxiliaire de vie et d’aide à domicile comptait le plus fort taux d’arrêts de travail, devant le BTP.

Le tableau était donc déjà bien sombre lorsque la pandémie de Covid-19 a commencé à se répandre. Un virus dont on a découvert rapidement qu’il était particulièrement dangereux pour les personnes âgées ou à la santé déjà fragile – la fameuse notion, passée dans le langage courant, de « comorbidité ». De nouveau, les professionnels de l’aide aux personnes dépendantes se sont trouvés en première ligne, souvent dans des conditions déplorables. Dans les Ehpad, il a fallu organiser les visites des familles, isoler les éventuels patients positifs, gérer la situation de membres du personnel potentiellement exposés au virus lorsqu’ils quittaient l’établissement.

Pour le personnel effectuant des visites à domicile, il a d’abord fallu faire avec la pénurie généralisée de masques et de gants. Fallait-il prendre le risque de visiter les patients à risque malgré tout ? Tenir compte de l’avis des familles qui ne souhaitaient plus qu’une personne âgée ouvre sa porte ? Insister face aux personnes dépendantes réticentes, ou « oubliant » de signaler qu’elles étaient cas contact ?

Les premiers mois ont été difficiles. « Pour les personnels qui vont au domicile des patients, souligne Lucas Fialaire, la consigne a été de ne plus passer à l’agence qui les emploie pour éviter le “brassage.” Les gens se sont donc retrouvés seuls, ne pouvaient plus échanger avec leurs collègues ou leur hiérarchie, décompresser… » En Ehpad, des mesures drastiques et souvent inapplicables ont été annoncées à mesure que la pandémie progressait. La dernière salve date de novembre 2020, avec une liste de consignes rendues publiques par la ministre déléguée chargée de l’Autonomie, Brigitte Bourguignon : dépistage hebdomadaire systématique pour le personnel, visites des proches strictement encadrées, installation de « sas de déshabillage » à l’entrée, maintien en poste des salariés testés positifs mais asymptomatiques s’ils étaient jugés « non remplaçables »… Des mesures difficiles, alors que plus de 1 600 Ehpad, soit 1 sur 5, recensaient au moins un cas de Covid parmi ses pensionnaires.

Puis est arrivée la question de la vaccination, dont les personnes âgées sont censées bénéficier en priorité. « On demande aux structures de vacciner, de recueillir le consentement, de recruter du personnel pour des dates précises, et au final, souvent, les doses ne sont pas livrées le jour dit », résume Lucas Fialaire. Une tâche d’autant plus compliquée que, selon un sondage publié en février 2021 par l’entreprise Bluelinea, spécialisée dans la téléassistance pour les seniors, si 40 % des pensionnaires d’Ehpad veulent être vaccinés, 40 % n’ont pas fait leur choix, et 20 % refusent catégoriquement. Quant au personnel, qui est lui aussi censé être prioritaire, tous ne sont pas sur un pied d’égalité : si les soignants doivent effectivement bénéficier rapidement du vaccin, rien n’est prévu pour les auxiliaires de vie.

Et pourtant la pression est forte : le 9 février, un avocat parisien a annoncé pour la première fois le dépôt d’une plainte pour « homicide involontaire » contre un hôpital de la capitale, à la suite du décès d’un patient octogénaire admis pour une pneumopathie et dont la famille estime qu’il n’a pas reçu les soins adéquats.

Face à un tel tableau, parler de « qualité de vie au travail » relèverait presque de la provocation, et les recruteurs en sont conscients. L’âge moyen des professionnels du secteur est de 48 ans, et même de 51 ans en zone rurale. Départs à la retraite et reconversions aidant, ce sont 4 millions de postes qu’il faudra pourvoir d’ici à 2040, et les profils qualifiés n’existent pas en nombre suffisant. « Tout le monde le sait, c’est une vraie bombe à retardement. Aujourd’hui déjà, 20 % des demandes d’accompagnement déposées par les familles sont refusées, faute de personnel disponible », martèle Lucas Fialaire.

Des solutions ? Dans les structures comme les Ehpad, on estime qu’il faut commencer par travailler sur le management. Comprendre les conditions de travail réelles du personnel, privilégier la discussion et les échanges de groupe, veiller à remplacer les salariés absents. Plus largement, c’est surtout la question de la revalorisation de ces professions qui se pose. Une revalorisation qui passe largement par la formation, afin de faire évoluer des professionnels qui débutent souvent tout en bas de l’échelle. Sans doute en recourant plus massivement à l’enseignement à distance et à l’e-learning.

Covid-19 : La qualité de vie au travail s’est dégradée selon 28 % des salariés du privé

La crise sanitaire et économique liée à la pandémie commence à peser lourdement sur la santé et le moral des Français, selon une étude Ifop/Malakoff Humanis réalisée auprès de 3 504 salariés du privé publiée cet automne.

En termes de qualité de vie au travail, 28 % d’entre eux déclarent qu’elle s’est dégradée, 40 % que leur rythme de travail s’est accéléré, et 18 % estiment que leur travail a moins de sens pour eux. S’ils sont huit sur dix à se trouver en bonne santé, 12 % ont le sentiment que leur état de santé s’est dégradé, et 45 % déclarent se sentir plus fatigués physiquement et psychologiquement qu’avant la crise.

Les facteurs de risques psychosociaux se dégradent également, puisque 23 % des sondés estiment que leur travail empiète sur leur vie personnelle, 14 % déclarent subir des tensions au travail, et 20 % révèlent avoir peur de perdre leur emploi. Et s’ils sont 86 % à attendre de leur entreprise qu’elle intègre durablement la prévention et la santé dans sa stratégie, ils ne sont que 53 % à penser qu’elle le fera.

Seule note positive au tableau, 23 % des interrogés déclarent avoir davantage le sentiment de faire un travail utile pour la société. Parmi eux, on trouve 43 % de travailleurs du secteur de la santé ou de l’action sociale.

Le Grand Entretien : Alexandre Ricard, président directeur général du groupe PERNOD RICARD

Il ne doit pas être simple, aujourd’hui, d’être le PDG d’un groupe mondial, producteur et distributeur de vins et spiritueux, à l’heure où les bars, hôtels, clubs et restaurants, les réunions familiales, bref les espaces de convivialité sont fragilisés. Comment allez-vous et comment se porte le groupe ?

Deux mots me viennent à l’esprit : résilience et agilité. Résilience tout d’abord : les êtres humains s’adaptent toujours à leur environnement et à ses bouleversements. Et agilité, parce que nous nous sommes adaptés, partout où nous sommes présents dans le monde, c’est-à- dire sur 86 marchés. Au-delà des chiffres et des résultats, nous avons en effet enregistré des gains de part de marché sur la quasi-totalité des pays dans lesquels nous opérons. Le chiffre d’affaires clos fin juin 2020 s’est élevé à 8,448 milliards d’euros.

Dans un contexte difficile, nous avons observé “une bonne résilience du Off-Trade”, la vente à emporter de nos produits, tout simplement parce que les consommateurs se sont tournés plus encore que d’ordinaire vers des marques de confiance.

Comment vous associez-vous au secteur bars et restaurants, l’un des plus durement touchés par la crise ?

Cet environnement est fortement impacté. Dès les premiers jours de cette crise sanitaire, nous avons décidé de soutenir le secteur. De manière concrète, en France, nous nous sommes associés à la plate-forme “J’aime mon bistrot”, qui vise à soulager la trésorerie de ces entreprises essentielles à la vie sociale que sont les cafés, bars et restaurants. Nous sommes partenaires de l’initiative “1 000 cafés”, projet qui s’est donné pour ambition de permettre la sauve- garde ou l’ouverture de 1 000 cafés dans des communes de moins de 3 500 habitants.

La contribution de Pernod Ricard prend la forme d’une dotation financière et se matérialise également par un accompagnement à l’installation des nouveaux cafetiers. Cet engagement passe par le partage d’outils de formation pour les futurs gérants afin de les former à une vente responsable des produits alcoolisés ou à la gestion durable de leur établissement. Sans oublier nos dons d’alcool pur au laboratoire Cooper pour lui permettre de fabriquer, dès le début de la crise, des millions de doses individuelles de gel hydroalcoolique.

La signature de Pernod Ricard, “créateur de convivialité”, est une belle promesse. Concrètement, comment comptez-vous créer de la convivialité aujourd’hui ?

Il y a des choses qui vivent et survivent au-delà des crises. Le besoin de partager des moments, de se retrouver ensemble, reste intact. Parfois, il faut des crises comme celle-ci pour que les individus prennent conscience de l’importance de la convivialité. Vous n’imaginez pas le nombre de témoignages que je reçois de la part d’hommes et de femmes qui se retrouvent complètement dépités à mesure que cette crise s’installe.

Le repli sur soi, le confinement sont contre nature. Prenons de la hauteur, et n’oublions pas que notre civilisation a surmonté bien des épreuves. Il faudra tirer les leçons de cette crise.

Terrasse de The Island
Terrasse de The Island, quartier Saint-Lazare, Paris © Myr Muratet

Allez-vous démontrer que vous-même, à l’échelle du groupe, avez tiré les leçons de cette crise, par une stratégie RSE plus ciblée par exemple ?

J’aime rappeler ce dicton anglais : “Ne jamais gaspiller l’opportunité offerte par une crise.” Indéniablement, les crises accélèrent les tendances en cours. Il est important pour les consommateurs de savoir quelles sont les entreprises derrière les marques qu’ils consomment et les actions qu’elles mènent pour préserver la planète. Et, lorsque je reçois des candidats, c’est une question qui les intéresse beaucoup.

La sensibilité sociale et sociétale de votre groupe vient de loin… Enfant, comme Paul Ricard avait une santé fragile, ses parents l’ont emmené au bord de la mer. C’est donc la nature qui lui a donné un second souffle.

Et il ne l’a jamais oublié. J’ajoute que toutes nos marques viennent de la terre : de la culture des vignes pour nos vins et champagnes, de l’orge pour nos whiskies, du blé d’hiver pour nos vodkas… Il nous faut être cohérents, avec notamment une politique RSE renforcée. Le groupe travaille sur 250 000 hectares, aux quatre coins du monde, d’où sortent 2,6 millions de tonnes de raisin, de canne à sucre, de céréales ou de grains de café…

Nous sommes fiers d’avoir rejoint l’alliance Business for Nature réunissant des entreprises et organisations qui se mobilisent autour de la protection de l’environnement. Il s’agit d’une avancée importante pour le groupe, qui continue à faire de la protection de l’environnement et de la biodiversité, ainsi que de la préservation des écosystèmes naturels des priorités de sa feuille de route 2030. Notre futur dépend de l’aptitude de nos communautés mondiales à unir leurs forces pour assurer un avenir plus durable et plus solidaire.

À l’échelle du groupe Pernod Ricard, com- ment se traduit cette cohérence entre des marques qui puisent leur force dans la nature, les demandes des collaborateurs et les attentes des consommateurs ?

La cohérence vient des chiffres. Nous avons réduit de 33 % notre intensité carbone et de 23 % notre consommation d’eau par litre d’alcool. Le confinement a été l’occasion d’accélérer quelques objectifs : la fin des plastiques uniques utilisés en points de vente, comme les gobelets et les pailles, a été avancée de 2025 à 2021.

Vous le dites, cette crise accélère des tendances. À titre personnel, en tant qu’homme, y a-t-il des événements qui vous ont surpris ?

Oui. Et la leçon que je retiens m’a été donnée par les femmes et les hommes qui font partie du groupe Pernod Ricard. J’ai constaté, au travers des 19 000 collaborateurs à travers le monde, une résilience et un engagement incroyables. Tout le monde est resté sur le navire, chacun s’est demandé comment il pouvait être utile. Et certains n’ont même pas attendu de réponse : ils ont eu des idées. En témoignent les quatre millions de litres d’alcool pur ou le million de litres de gel que nous avons produits sur nos sites, pour nos communautés. Cela vient du terrain, de manière spontanée et sur différents marchés en Suède, en Irlande, en France.

Ce n’est pas quelque chose qui aurait été décrété au siège. Permettez-moi de vous le dire : ces actions sont remarquables. Pour la petite histoire, aujourd’hui, les policiers de New York se désinfectent les mains avec du gel provenant de nos distilleries de Bourbon dans le Kentucky. La crise a ceci d’intéressant : être sans cesse impressionné par ses propres équipes.

La crise vous donne donc l’occasion de tester votre modèle décentralisé…

C’est l’un des principaux enseignements à l’échelle du groupe. Nos managers, locale- ment, se sont d’eux-mêmes mobilisés et ont pris de bonnes décisions. Décentralisée, Pernod Ricard est une entité structurée pour être flexible et agile, je m’en rends compte chaque jour. Faire face à la crise ne nous fera pas dévier de notre stratégie sur le long terme. Nous poursuivons aussi notre transformation digitale, nous accélérons les investissements.

Vos mots sont rassurants et vos projections sereines. Dans le fonctionnement décentralisé de Pernod Ricard, une telle attitude est-elle partagée ?

Ce n’est pas notre première crise et, au risque de vous faire peur, il y en aura d’autres… Les bouleversements du monde doivent être utilisés comme des leviers. Nous avons commencé à le faire, et nous avons gagné des parts de marché. Nous restons très ambitieux. La crise a révélé la solidité de nos fondamentaux. Permettez-moi de faire un parallèle. Ricard a été créé en 1932. Au niveau du PIB, ce fut la pire année qu’on ait connue dans l’histoire de la France, hors période de guerre. Il en sera de même pour 2020, année que nous avons choisie pour fusionner les deux sociétés de distribution Pernod et Ricard, depuis le 1er juillet dernier.

Cet été, alors que les sociétés du monde se posaient la question du “comment” : “comment faire revenir les gens au travail ?”, “dans quel environnement aéré, sécurisé ?”, vos salariés rejoignaient le nouveau siège parisien… Ce lieu répond-il à de nombreuses questions que pouvaient se poser les collaborateurs de retour sur site ?

Quand on est une entreprise qui s’inscrit sur le long terme, centrée sur l’humain, on doit donner envie aux collaborateurs de venir et d’échanger dans un environnement sympathique, attractif et sans exubérance. Et un groupe mondial se doit d’être cohérent : si notre signature est “créateur de convivialité”, cette dernière doit être vécue, avant tout, par nos collaborateurs.

La convivialité se conjugue sur l’échange, le partage, la rencontre, elle ne peut pas être enfermée dans un agenda. Une réunion, une présentation, des décisions peuvent se vivre à distance ; la chaleur humaine, non. Nous souhaitons valoriser tous ces petits interstices qui se passent entre les humains, ces rencontres informelles qui se produisent sur le lieu de travail. Car c’est là que se génèrent les meilleures idées, la meilleure agilité et la meilleure collaboration.

Tout a été pensé en ce sens, pour créer cette disruption qui engage performance et rapidité. Au sein de ce nouveau siège, on est amené à croiser des gens que l’on ne connaissait que très peu jusqu’ici. L’absence de silos et de bureaux fermés incite les conversations à se libérer.

18 000 m2 et 7 étages, avec la réunion des sept sites de la région parisienne, au cœur même de Paris, votre démarche est contraire à celle de la plupart des grandes entreprises quittant le centre de la capitale…

Il est vrai que là où certains réduisent la taille de leurs bureaux, nous avons ici pour nos 900 collaborateurs quelque 2400 places, 600 postes de travail dits “normaux” (table, chaise…), le reste étant distribué en espaces collaboratifs. Tous les ordinateurs et téléphones sont portables, nous nous acheminons vers du “zéro papier”. Donc, oui, nous assumons être à contre-courant.

Même le PDG que vous êtes n’a pas de bureau attitré… Quels bénéfices retirez-vous de ce concept ?

Le premier bénéfice est déjà de vivre cet adage qui m’est cher : “L’exemple vient du haut.” Décloisonner ce que j’appellerais “le bureau à l’ancienne” permet à chacun de venir partager ma table, d’engager une discussion, de créer de nouvelles collaborations. Et chaque jour, je vois apparaître un peu plus de spontanéité dans les sujets que l’on me propose. Il faut cultiver cette simplicité. Cela me permet de voir ce qui se passe, de faire partie du flux de rencontres des personnes. Les valeurs, la culture d’entreprise est un ciment qui se fabrique au quotidien.

Lieu de convivialité THE ISLAND
Lieu de convivialité et de collaboration donnant, au fond, sur la game room. © Myr Muratet

Vous êtes PDG, vous êtes à la tête d’une hiérarchie pyramidale : on comprendrait que vous ne soyez pas abordable… Briser les murs : cela garantit vraiment votre proximité ?

Pour vous montrer que tout ceci n’est pas un discours corporate : on a travaillé le bâtiment sur deux flux de circulation. Horizontal tout d’abord : à chaque étage, un carrefour de rencontre a été créé. Il est matérialisé par un bar où chacun peut se servir un café ou un thé. Le second flux est vertical, grâce aux escaliers qui ont été complètement réintégrés dans le projet, redécorés de façon qu’on ait envie de croiser du monde.

Je crois savoir que vos collaborateurs vous “tutoient”. Et on le sent, on le voit ici, un esprit de start-up règne. Qu’est-ce que la “culture start-up”, qu’elle soit réelle ou fantasmée, peut amener aux grandes entreprises d’aujourd’hui ?

Ce qui définit cette “culture start-up”, c’est l’absence de formalisme et de procédures souvent bureaucratiques. L’idée est de prendre le meilleur des deux mondes, c’est- à-dire allier la puissance d’un grand groupe avec la capacité à générer des idées, des innovations, des créations, l’absence de silos qui caractérisent les start-up. Si on réussit cette alchimie, cela ne peut que fonctionner.

Votre expérience à l’international est conséquente : Royaume-Uni, États-Unis, Hong Kong, Irlande. Avez-vous apprécié des conceptions d’entreprises, des organisations, qui vous inspirent encore aujourd’hui ?

Nous avons plusieurs dizaines de nationalités représentées ici au siège, donc je ne suis qu’un “exemple international” parmi d’autres. Toutefois, ce qu’il me reste de mon expérience propre, c’est le côté direct, efficace et court d’une réunion à l’anglo-saxonne. Mais ce que j’apprécie aussi en France, c’est le côté convivial. Résultat, au sein de “The Island”, je fais beaucoup moins de réunions qu’auparavant, j’envoie et reçois moins de mails, parce que je croise beaucoup plus de gens. Tout se fait au fil de l’eau.

Vous me présentez ces interactions humaines comme novatrices et, pourtant, elles relèvent du bon sens…

Notre culture est une culture de bon sens. Nous la cultivons pour nos salariés, mais aussi pour nos consommateurs. Votre réflexion me fait penser à un engagement du groupe en leur direction. En tant que numéro 2 mondial des vins et spiritueux, nous souhaitions nous engager fortement pour la prévention et la lutte contre toute forme d’abus d’alcool. Il y a dix ans, Pernod Ricard a créé le programme Responsible Party, en partenariat avec le réseau Erasmus Student Network, dans l’objectif de sensibiliser les étudiants à une consommation responsable. La clef du succès, c’est que c’est un programme conçu et porté par des étudiants, pour des étudiants. Voilà un exemple très concret du bon sens en action.

La signature de notre magazine est “Être-bien en entreprise”, plutôt que “Bien-être”, notion qui ne nous semble pas adaptée au monde professionnel. Quelles sont pour vous les conditions les plus élémentaires pour que l’“Être”, justement, soit “bien” en entreprise aujourd’hui ?

Qu’il reçoive des communications claires et cohérentes. Aucune personne, aucune équipe ne vous suivra si vous ne faites pas coïncider votre vision et vos décisions.

Ce nouveau siège Pernod Ricard est baptisé “The Island” en référence aux îles Paul Ricard situées au large de Bandol et de Six-Fours, dans le Var. La fondation de l’entreprise, la réussite de votre grand-père, qu’il partagera avec son personnel, en lui distribuant des actions gratuites. La création de l’Institut océanographique, précurseur dans la protection de l’environnement, aux Embiez, l’île de Bendor, haut lieu de la création artistique, la création du circuit Paul Ricard…, l’histoire de Ricard est jalonnée d’étapes fortes. À quels moments songez-vous à cet héritage ?

Bien sûr, nos fondamentaux sont extraordinaires. Mon grand-père Paul Ricard souhaitait une politique d’entreprise centrée sur les ressources humaines. Vous avez évoqué l’intéressement et la participation, il avait aussi favorisé les vacances des salariés, organisait des lotos à Noël et les lauréats pouvaient gagner leur maison… Car il voulait que chaque salarié soit propriétaire, qu’il ait un toit.

Parce que quand on est propriétaire, on est responsabilisé, on est fier. Cet héritage est donc présent à chaque fois que l’on ouvre un nouveau chapitre, comme avec l’édification de ce nouveau siège, au centre de Paris. Ce déménagement physique est l’illustration de la transformation de nos méthodes de travail, totalement digitalisées. La pièce dans laquelle nous parlons est wireless. Moi-même, je n’ai plus qu’un casier. Nous stockons nos documents dans des librairies virtuelles. De même, nos transformations internes se reflètent à l’externe, dans nos relations avec le consommateur.

Depuis 2015, nous avons redessiné notre modèle avec une approche “consumer centric”. Aussi, je vois difficilement comment on peut se dire “obsédés par le consommateur” et être excentrés physiquement. Ce qui explique l’installation de notre siège au cœur du quartier Saint-Lazare. Cette transformation n’aurait pas été possible sans nous appuyer sur l’histoire, la transformation et les valeurs du groupe. Mon oncle et prédécesseur, Patrick Ricard, aimait à dire de notre groupe qu’il est “une synthèse du passé et un regard sur l’avenir”.

Entre le passé et l’avenir, il y a le présent. Quand on s’appelle Ricard, Monsieur Ricard, quand on est le “3e homme Ricard” à diriger le groupe, c’est un défi quotidien, une chance, une responsabilité, une opportunité ?

Mon père m’a toujours dit : “Dans la vie, fais ce que tu souhaites mais fais-le bien, et que cela te rende heureux.” La responsabilité qui est la mienne m’enthousiasme chaque matin.

 

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Groupe CASINO : La force du discret

Comment parler de « qualité de vie au travail” aujourd’hui, en pleine crise sanitaire, économique et sociale ?

Il faut non seulement en parler mais semer les petites graines qui vont nous permettre de résister aux tensions qui risquent de s’exacerber dans notre pays dans les mois qui viennent. Durant le confinement, en tant que secteur considéré comme “vital”, nous avons continué notre activité. Sur un plan RH, il nous fallait préserver la cohésion au sein de nos équipes et éviter une rupture entre les collaborateurs des magasins et des entrepôts qui se situaient “en première ligne” et la “base arrière”, c’est-à-dire les sièges et les directions qui étaient pour une large majorité en télétravail. Notre préoccupation était également de garder le lien avec nos salariés : des personnes pouvaient développer énormément d’anxiété, s’agissant de leur santé et du devenir de la société dans son ensemble.

C’est pourquoi, quasiment quotidiennement, nous adressions une communication en interne : vidéos, outils de formation, mise en avant de nos actions en magasins ou à caractère philanthropique, comme lorsque nous avons fait don de deux millions de masques aux hôpitaux français. L’idée était de montrer que la première ligne et la base arrière étaient dans le même bateau. Nous avons aussi déployé des conférences en ligne sur le management bienveillant, avec l’installation d’un fil d’écoute anonyme pour les cadres. Je crois que ces dispositifs étaient nécessaires et le seront encore, c’est pourquoi nous les maintenons.

Dans un contexte d’incertitude générale croissante, les collaborateurs en situation de fragilité doivent être identifiés puis accompagnés au sein de l’entreprise. Concrètement, depuis plusieurs années maintenant, nous avons mis en place un réseau de “bienveilleurs”. Plus que jamais, aujourd’hui, ce réseau est utile.

Ces 1000 bienveilleurs, en magasins ou dans les sièges, sont sensibilisés et formés pour identifier leurs collègues en situation de vulnérabilité et les aiguiller vers des structures adaptées, ou, tout simplement, les écouter et leur apporter du réconfort et davantage d’humanité dans leur quotidien.

“Bienveillance” n’est pas un terme commun dans le monde de l’entreprise. Comment vous êtes-vous approprié ce vocabulaire, tranchant nettement avec l’univers “processisé” que l’on peut imaginer ?

Nous avons opté pour le mot “bienveillance” car c’était la traduction, dans un seul et même terme, d’un héritage des politiques RH conduites par le groupe Casino depuis de très nombreuses années et jusqu’à maintenant. Et si la promotion du management bienveillant fonctionne dans le groupe Casino, c’est parce qu’il est totalement en accord avec l’histoire même du groupe.

À juste titre, la grande distribution est perçue comme un secteur plus difficile que d’autres, entre des négociations commerciales que l’on perçoit comme étant très dures, des mises en rayons qui sont des tâches lourdes, et donc des relations sociales qui peuvent être tendues, un taux de rotation du personnel qui est peut-être plus élevé que dans d’autres secteurs.

Donc, spontanément, on associe peu le terme de “bienveillance” et celui de “grande distribution” : c’est tout le pari que nous avons fait. C’est de dire : “Nous, groupe Casino, avons mis en œuvre depuis 120 ans des politiques sociales innovantes, maintenant il faut accompagner l’encadrement.” Un travail de fond a donc été mené pendant plusieurs années : sensibilisation, formation des cadres, des managers, des directeurs d’établissement et de siège, création d’un réseau de bienveilleurs qui relaient nos politiques et nos actions à un échelon encore plus opérationnel.

Quelles sont les qualités requises pour devenir bienveilleur au sein du groupe Casino ?

De l’écoute, de l’empathie, de l’humilité. Cette capacité de comprendre son collègue, au sens humain du terme. Il faut des qualités de médiateur aussi, pour faire remonter des informations, expliquer des cas, des contextes. C’est une implication au quotidien.

N’avez-vous pas craint de susciter frustrations et crispations en nommant des collaborateurs bienveilleurs et d’autres non ?

Nous avons joué la carte du volontariat. Et la sélection des candidats s’est faite en lien avec les ressources humaines. On ne m’a jamais remonté de tensions de la sorte.

Les secteurs dédiés au personnel, les DRH, syndicats, médecins du travail, n’ont- ils pas vécu l’apparition des bienveilleurs comme un échec ?

L’échec, c’est ne rien faire. Donc si l’on peut ajouter une petite aide dans un océan de solitude pour certains, tout le monde ne peut que le voir positivement. Il n’y a pas de pré carré dans la prévention de la souffrance. Le bienveilleur n’est pas un médecin, ni un psychologue, ni le N+1, ni le “gentil organisateur de soirée du vendredi”. C’est un petit peu de tout cela. Et, donc, il ne fait pas d’ombre aux corps de métiers plus “traditionnels” ou statutaires.

Où s’arrête le rôle de l’entreprise dans l’écoute et le soin apportés aux personnes ?

Le rôle du bienveilleur est d’écouter et, au besoin, d’aiguiller le collaborateur vers des dispositifs adaptés (psychologue, médecin du travail, assistante sociale…). Ce sont les salariés qui fixent la limite. Certains vont avoir tendance à se renfermer sur eux-mêmes, d’autres seront plus expansifs. Nous proposons avant tout une écoute et une aide si le collaborateur le souhaite. Nous essayons de faire connaître largement le dispositif des bienveilleurs et de le dédramatiser, de façon qu’il n’y ait pas de tabou. De même, nous garantissons la confidentialité dans la remontée d’informations.

En moins d’une année, nous sommes passés d’une situation d’urgence à une période de crise sur le long terme. Quelles sont les pistes d’action pour éviter que les relations de travail ne se détériorent, pour maintenir la cohésion d’équipe ?

Le groupe Casino est engagé dans une politique de RSE depuis de longues années. “Nourrir un monde de diversité”, notre signature, est aussi une feuille de route collective que nous fixons à tous les échelons. Nos équipes sont en contact direct avec le public, nous devons apporter des produits de qualité au meilleur prix. Face à la crise, aux perspectives de transformations, il est capital de renforcer la communication interne, pour donner du sens.

portrait de Franck-Philippe Georgin secrétaire général du groupe Casino
Franck-Philippe Georgin, secrétaire général du groupe Casino

En 2019, plus de 30 hypermarchés ou supermarchés ont été cédés. Début 2020, la vente de 567 magasins et de trois entrepôts Leader Price a été conclue… Comment les collaborateurs peuvent-ils recevoir ces évolutions de manière sereine ?

Face à l’ampleur des transformations des modes de consommation, le groupe a fait un choix tourné vers l’avenir : se recentrer sur les formats porteurs (proximité, premium, e-commerce), accélérer la digitalisation, développer de nouvelles activités et anticiper les évolutions des métiers pour les accompagner. Cette démarche d’anticipation a été consacrée dans un accord groupe signé en 2019 avec nos organisations syndicales, avec pour philosophie d’accompagner les évolutions de nos métiers et de nos activités en favorisant la mobilité et la formation des collaborateurs, et donc leur employabilité.

Plus récemment, la branche hypermarchés et supermarchés a mis en place un plan d’accompagnement de ses hôtes et hôtesses de caisse au terme duquel, pendant trois ans, 6000 collaborateurs vont pouvoir être formés aux métiers du conseil et de la relation client. Et 700 directeurs de magasin et managers de caisse vont être formés à la conduite du changement. C’est un dispositif inédit et innovant dans le secteur de la grande distribution. Nous avons créé au sein du groupe un dispositif dédié à la mobilité (“C ma Carrière”), avec des référents mobilité qui accompagnent les collaborateurs dans leur démarche de mobilité. L’application mobile “C mon Groupe”, accessible à tous sur un smartphone, leur offre un accès à tous les postes disponibles, ainsi qu’à l’ensemble des dispositifs d’aide à la mobilité.

Comment encouragez-vous le “sentiment d’appartenance”, dont on sait qu’il est le ciment d’un collectif homogène ?

Nous communiquons auprès de nos collaborateurs sur les classements et “bonnes notes” qui nous sont attribuées, ou encore sur les actions ou les dispositifs innovants que nous mettons en place. Pourtant, ce n’est pas dans la culture du groupe Casino de se mettre en avant. Ce sont les partenaires sociaux qui nous ont encouragés à valoriser nos actions et nos succès. Le sentiment d’appartenance est un levier puissant pour fédérer les équipes, d’autant plus important dans le contexte actuel d’incertitude, voire d’angoisse collective, lié à la situation sanitaire et économique. C’est la fameuse “fierté du maillot”. La métamorphose footballistique est toute trouvée : Geoffroy Guichard, fondateur de notre groupe, a donné son nom au célèbre stade de Saint-Étienne et notre logo est de couleur verte… La fierté d’appartenance permet de nous embarquer dans un récit collectif de transformation.

Mais la grande distribution que l’on a connue hier n’est pas celle d’aujourd’hui…

Ni celle de demain… : digitalisation, automatisation des process, ouverture plus tardive des magasins le soir ou le week- end, automatisation des entrepôts, comme notre nouvel entrepôt intégrant la technologie Ocado à Fleury-Mérogis pour la livraison alimentaire chez les clients. Nous menons ces transformations en accompagnant l’évolution des emplois dans la démarche d’anticipation évoquée précédemment. Au sein du groupe, nous sommes depuis toujours attachés à un dialogue social de qualité, nous observons les métiers en croissance, ceux qui sont en décroissance, et nous levons les barrières internes entre les métiers, comme entre les postes d’encaissement et ceux liés aux services client.

Avez-vous donc adapté vos méthodes de recrutement ?

Nous essayons de recruter des profils spécialisés dans les nouvelles économies et sciences des données. En tant que distributeur, un large pan de notre activité liée à la connaissance du client est en forte croissance, notamment à travers notre filiale relevanC. Aujourd’hui, il est capital d’être en mesure de compiler des datas. Pour attirer ces profils spécifiques, il faut adapter nos méthodes de recrutement, en utilisant les réseaux sociaux, les vidéos ; il faut également considérablement simplifier le parcours, plutôt que de leur proposer des entretiens classiques dans des box, avec une personne qui va vous raconter l’histoire du groupe…

Par ailleurs, pour conserver le lien intergénérationnel dans le groupe, nous avons développé un dispositif de tutorat des nouvelles recrues. Ces mentorats sont réalisés par les personnes qui ont le plus d’expérience, pour relier le meilleur des deux mondes : la solidité, l’expérience, la “sagesse” des employés les plus anciens et l’engouement, l’énergie, la volonté des nouveaux arrivants.

J’imagine que ce système donne aux “tuteurs” un sens renouvelé à leur travail grâce à une transmission de compétences, et donc de valeurs ?

Oui, c’est une activité très valorisante. Et pour le collaborateur nouvellement recruté qui en bénéficie, c’est, en quelques semaines, un condensé de plusieurs dizaines d’années de vie d’entreprise, de gestion des conflits, de savoir-être. Nous connaissons beaucoup de succès sur ce dispositif de mentorat/tutorat.

En Amérique latine, où le groupe Casino possède des filiales, vous privilégiez le recrutement local. Comment homogénéisez-vous la culture d’entreprise, en partie basée sur la qualité de vie des collaborateurs ?

Au sein du groupe Casino, nous avons toujours souhaité conserver la diversité des enseignes et des cultures, en France et à l’international. Monoprix ne s’appelle pas Casino Supermarchés ; en Colombie, nos magasins s’appellent Exito Super ou Carulla ; au Brésil, Pao de Açucar ou encore Assai. L’attachement au groupe s’exprime au travers de valeurs transversales partagées, illustrées principalement dans nos politiques de ressources humaines en matière de diversité, d’égalité hommes-femmes, ou encore de préservation de l’environnement. L’attachement au groupe se traduit donc dans chaque pays et l’encadrement supérieur est chargé de faire vivre cette culture d’entreprise.

La politique QVT de Casino France peut-elle être implantée ailleurs ?

Il y a des attentes comparables. Toutefois, des intérêts prioritaires en matière d’engagement sociétal de l’entreprise priment dans ces pays. C’est le cas pour Exito, engagé contre la pauvreté infantile en Colombie, ou pour l’éducation des enfants au Brésil.

Vos actions en faveur du bien-être de vos collaborateurs sont très discrètes, peut-être à l’image des bienveilleurs, présents au sein de vos équipes, peut-être aussi à votre image. Alors même que la QVT est devenue un phénomène de mode, s’il y a dans ce domaine de bonnes intentions, il y a aussi des postures. Pourquoi le groupe Casino ne communique-t-il pas plus “à l’extérieur” sur ses réalisations concrètes ?

Il est vrai que l’interview que nous réalisons ensemble est une grande exception à la règle. Nous considérons notre politique QVT plus en profondeur. Elle porte ses fruits au quotidien. Elle est peut-être moins illustrative car nous sommes animés par une forme de prudence. On sait ce que l’on fait au quotidien, on sait ce que l’on peut faire de plus, on sait surtout que l’on y va la main tremblante car nous sommes sur de la matière humaine… Nous communiquons très peu sur ces sujets dans les médias, car il suffit qu’une information soit approximative ou fausse pour que notre intention soit retournée contre nous. Par ailleurs, nous ne souhaitons pas figurer comme des donneurs d’exemples ou des censeurs.

Et vous, Monsieur Georgin, quelle est votre raison d’être professionnelle ?

Ce qui est important, c’est de donner de la lisibilité à son action propre. C’est se rendre au travail chaque matin non pas parce qu’il le faut, mais parce que l’on porte des chantiers que l’on a lancés et que l’on a le plaisir et la fierté de les voir aboutir. S’ajoute à cela le sentiment de faire partie d’une équipe unie. C’est cela la qualité de vie au travail, c’est de donner du sens à ce que l’on fait.

1. Etude agence de notation Vigeo Eiris (filiale de Moody’s), réalisé auprès de 129 entreprises européennes du secteur-2020.

 

Voir aussi : L’Oréal : l’innovation sociale est un métier

L’Oréal : l’innovation sociale est un métier

Quand le monde de l’entreprise est ébranlé, le DRH est l’une des colonnes sur laquelle on s’appuie. Or, la complexité des tâches administratives peut reléguer au second plan le rôle «d’accompagnateur» du DRH, accompagnateur des transformations et de la performance collective. Est-ce aussi votre constat ?

Chez L’Oréal, nous sommes toujours dans l’anticipation. Depuis de nombreuses années, nous nous situons dans une transformation de la performance collective qui s’appuie sur une diversité des métiers RH. Et en ce qui concerne les tâches administratives, nous avons pris le chemin de la digitalisation depuis fort longtemps. Nous n’avons pas attendu la crise du Covid pour libérer toutes les forces vives, non seulement pour être au plus proche de nos collaborateurs mais aussi pour donner toute la valeur ajoutée que les ressources humaines peuvent apporter. Un exemple de la digitalisation de nos process : la signature électronique des contrats de travail et la génération automatique d’attestations en tout genre que le collaborateur peut obtenir grâce à une plateforme.

Et en ce qui concerne le recrutement ?

Il y a quelques années, nous avons lancé deux initiatives pilotes en nous appuyant sur l’intelligence artificielle, ce qui nous a permis de libérer les forces vives de nos recruteurs tout en répondant à nos objectifs d’efficacité et de diversité en matière de traitement des candidatures. Dans 15 pays du groupe, tout ce qui est présélection des CV se fait grâce à l’intelligence artificielle, tout comme les réponses que l’on peut apporter à des questions “génériques” des candidats, lors des premières phases.

Ces méthodes ne risquent-elles pas de vider le processus de recrutement de sa substance “humaine” ?

Non, au contraire, car nos recruteurs se focalisent désormais justement sur la détection des talents, les interactions avec le business, bref, tout ce qui est beaucoup plus spécifique. L’aspect qualitatif et humain du processus de recrutement est donc optimal et l’intelligence artificielle ne remplacera jamais le jugement humain, qui constitue le vrai savoir-faire de nos équipes de recrutement.

Parlez-nous de votre expertise en “innovations sociales”. En quoi votre poste est-il un partenaire stratégique auprès de la direction générale ?

C’est un poste important tout simplement parce que l’innovation sociale, dans le groupe, a toujours été au cœur de la stratégie de L’Oréal. Pour Eugène Schueller, le fondateur de notre groupe, “une entreprise, ce ne sont pas des murs et des machines mais des hommes, des hommes et encore des hommes”. Pour vous présenter une initiative que je connais bien, en 2013, le lancement du programme Share & Care a constitué une accélération majeure s’inscrivant parfaitement dans la tradition d’innovation sociale du groupe.

Son objectif était clair : mettre en place un socle commun de protection sociale pour tous les collaborateurs à travers le monde. Share & Care s’articule autour de quatre piliers : la santé physique et émotionnelle, la protection financière, l’équilibre vie professionnelle/vie privée, et l’environnement de travail.

À l’heure où le monde connaît des bouleversements qui remettent en question les attentes individuelles et collectives, votre politique d’innovation sociale est donc plus qu’une nécessité…

Effectivement. Elle s’appuie sur des principes en phase avec les problématiques actuelles : le caractère fondamental de la santé au travail, qu’elle soit physique ou mentale, qui va de pair avec la nécessité de donner du sens au travail ; l’importance de la protection sociale, qu’il s’agisse de la mutuelle ou de la prévoyance, et qui garantit sécurité et sérénité ; l’enjeu de l’équilibre vie professionnelle/vie privée et toutes les aspirations qui en découlent liées à la nouvelle vision du monde du travail, à ses nouveaux modèles, à la parentalité ; et enfin l’importance des environnements de travail, qui doivent continuer à se réinventer pour offrir un cadre inclusif et en phase avec les nouvelles façons de travailler.

L’Oréal ne pouvait poursuivre sa progression sans considérer la qualité de vie au travail de ses collaborateurs. Le “Être-bien au travail”, la signature en couverture de votre magazine me semble tout à fait bien adaptée pour définir la vision de notre programme “Share & Care”.

portrait de Martine Nicolas
Martine Nicolas, directrice générale des relations et de l’innovation sociales chez L’Oréal

On évoque souvent le sentiment de solitude que peuvent ressentir les DRH. Ceux-là même qui, aujourd’hui, doivent être sou- tenus dans leur fonction, surtout avec la montée en puissance des problématiques de motivation et de qualité de vie au travail au sens large, du stress et des risques psychosociaux… De quels outils disposez-vous pour accompagner vos collaborateurs et avec quelle amplitude ?

Nous avons de nombreux outils à notre disposition pour accompagner au mieux nos collaborateurs. Évoquons par exemple le sujet de la parentalité, cité précédemment. En 2020, nous avons étendu le congé coparent (père et tout nouveau parent) à six semaines rémunérées dans toutes les filiales du groupe, après avoir testé l’initiative dans certains pays pilotes en 2019.

Nous sommes également particulièrement attentifs aux individus et groupes au sein desquels les droits humains sont potentiellement plus exposés à des violations. Ainsi, en 2018, L’Oréal a lancé le programme “Une femme sur trois” ; c’est un réseau européen d’entreprises qui a pour mission de lutter contre les violences faites aux femmes, en sensibilisant le monde du travail aux violences domestiques.

En parallèle, en France, le groupe a lancé, avec 30 entreprises, un programme qu’on appelle “StopE” pour lutter contre le sexisme ordinaire en entreprise. Et, en 2019, nous avons soutenu l’adoption de la convention internationale de l’OIT (Organisation internationale du travail) contre les violences et le harcèlement dans le monde du travail.

Parlons du domaine des compétences. L’“innovation sociale” chez L’Oréal est portée par une offre de formation croissante basée sur l’“upskilling” et le “reskilling”. Le premier consiste à apprendre en continu au sein même de son entreprise. Le deuxième sert à recruter un candidat sur un poste même s’il ne possède pas encore les aptitudes nécessaires.

Je crois qu’il ne faut plus parler d’“évolution des métiers”, mais de “révolutions des métiers”. Il y a quelques années, un informaticien qui sortait de l’école avec des diplômes prestigieux n’avait nullement besoin de se perfectionner quelques années plus tard. Aujourd’hui, si. Quand on voit le changement permanent des métiers IT (Information Technologies), on doit être en accompagnement de ces métiers. Grâce à des plates-formes de formation, nous permettons et encourageons nos collaborateurs à développer leur employabilité. Tous les salariés de L’Oréal peuvent bénéficier de formations en e-learning via notre portail “MyLearning”.

Nous disposons de plus de 10 000 ressources. Un tableur de recherches vous permet d’identifier les formations les plus appropriées pour vous-même : formations techniques, formations en management, en développement personnel… D’ailleurs, depuis le début de la crise du Covid, nous avons vu une augmentation de l’intérêt de nos collaborateurs pour les sujets de bien-être, de relaxation, de sommeil, de nutrition… Les modules de formation aux “méthodes agiles” ont également été particulièrement plébiscités et utiles en cette période totalement inédite.

Quelles sont les compétences les plus recherchées par L’Oréal pour 2021-2022 ?

La crise que nous passons le prouve : l’agilité et la flexibilité sont les clés de demain. Les qualités humaines de souplesse et d’humilité seront les plus recherchées : savoir s’adapter, se remettre en question, savoir reconnaître que l’on ne sait pas tout. Et puis une compétence est absolument indispensable : c’est l’envie d’apprendre. C’est une soft skill cruciale : la curiosité, ne pas avoir peur de se tromper. Je dis toujours : “Si c’est pour se tromper, il faut se tromper vite”, pour avoir la capacité de rebondir.

C’est une donnée très importante aujourd’hui et surtout pour les générations accédant au marché de l’emploi en ce moment même : l’éthique. Les DRH doivent investir le champ de la responsabilité sociale et sociétale ?

Einstein disait : “Donner l’exemple n’est pas le principal moyen d’influencer les autres, c’est le seul moyen.” Sur le long terme, la transparence des discours ne peut passer que dans la sincérité de ce que vous êtes. L’éthique est au cœur de nos engagements. Nous avons l’ambition de devenir l’une des entreprises les plus exemplaires au monde. Intégrité, respect, courage et transparence : ce sont les principes que nous mettons en avant.

En 2019, L’Oréal a été désignée, pour la dixième fois, comme étant l’une des entreprises les plus éthiques du monde, par Ethisphere. De même, nous organisons un rendez-vous annuel autour de l’éthique appelé l’“Ethics Day”, et je ne le manquerais pour rien au monde ! Depuis plus de dix ans, notre PDG, Jean-Paul Agon, répond personnellement, en direct, aux questions éthiques des collaborateurs du monde entier, via un web-chat live totalement anonyme. C’est un grand moment de la vie de notre entreprise.

Cette force de la RSE attire-t-elle de nouveaux talents aujourd’hui et demain ?

Les jeunes générations attendent du respect de l’environnement, de la responsabilité sociale, une société qui respecte toutes les notions d’éthiques. Et ce sera encore plus vrai demain qu’hier. On le voit à travers différentes études que nous menons, L’Oréal est reconnue comme une entreprise attrayante pour les jeunes générations. Bien sûr, notre mission est la beauté, nos produits sont innovants et de qualité, mais ce qui compte dans la durée, ce sont nos valeurs sociétales.

Les entreprises qui grandissent deviennent souvent rigides et bureaucratiques. Faut-il inverser les tendances et mettre en place des systèmes, parfois expérimentaux, qui laissent la place à plus de souplesse et d’agilité ?

Chez L’Oréal, nous sommes guidés par un principe : “freedom within the frame”, c’est-à-dire que nous évoluons certes dans un cadre établi, mais au sein duquel nous avons beaucoup de liberté pour définir notre poste et nos fonctions. Et c’est cela aussi qui booste l’innovation des équipes. Si vous n’avez pas cette liberté autour de vous, vous ne pouvez pas être créatif. Et moi j’ai eu de la chance, depuis 30 ans dans le groupe, de jouir de cette liberté. Je suis donc très attachée à cette entreprise.

 

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Performance humainement durable

Performance. Humainement. Durable. Ces trois mots revêtent un sens fondamental à mes yeux.

• Performance : pour ancrer nos propos et nos investigations dans la réalité de l’entreprise d’aujourd’hui.

• Humainement : pour marquer l’angle résolument humaniste de nos engagements, avec l’idée essentielle d’un gagnant-gagnant à rechercher sans cesse entre l’entreprise d’une part, et les femmes et les hommes qui la composent d’autre part. Cette idée que j’exprime également en parlant d’un cercle vertueux entre le bien-être des personnes et la performance économique.

• Durable : qui évoque le développement durable, la soutenabilité des activités économiques à long terme. Pour ne pas dire leur raison d’être, enjeu clé fort judicieusement remis à l’honneur à la faveur de la loi PACTE de mai 2019.

La pandémie de Covid a mis en lumière l’importance de ce triptyque. En effet, dans les entreprises, l’organisation du travail et les pratiques managériales ont dû évoluer à vitesse accélérée pour préserver et promouvoir cette performance humainement durable.

Parmi les innombrables leviers qui permettent d’agir en ce sens, l’aide à la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle fait désormais partie des incontournables. Dans ce domaine, les semaines de confinement ont fait apparaître de nouvelles problématiques pour les collaboratrices et les collaborateurs. Par exemple, elles les ont contraints à faire cohabiter leur profession et l’école à la maison.

Aujourd’hui, plus que jamais, le souci du suivi scolaire est donc prégnant. Le dernier-né des Guides pratiques de l’Observatoire de la qualité de vie au travail, conçu et publié en partenariat avec les éditions Nathan, est donc dédié aux “responsabilités éducatives”. Comme son nom l’indique, ce nouveau guide éclaire sur les pratiques des employeurs les plus innovants en matière d’aide apportée aux salariés concernant la réussite scolaire de leurs enfants.

Il s’agit d’un parfait exemple d’action qu’une entreprise peut mettre en œuvre dans une optique de performance humainement durable, et ce à double titre : parce que, tout d’abord, la réussite scolaire des enfants constitue un sujet de préoccupation, voire de stress intense, pour les parents, ce qui, dans certaines situations, peut les amener à ne pas pouvoir donner le meilleur d’eux-mêmes au travail ; ensuite parce qu’aider les collaborateurs qui sont parents dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives, c’est permettre à la société tout entière de faire grandir ses futures “forces vives”. C’est donner aux entreprises la possibilité, demain, de recruter des personnes correctement formées par le système éducatif.

Le Guide Concilier vie professionnelle et responsabilités éducatives vise à sensibiliser les dirigeants d’entreprise et leurs équipes aux besoins rencontrés par les salariés-parents dans la conciliation de leur activité professionnelle et de leurs responsabilités éducatives. Il détaille aussi le comment : quelles actions concrètes une direction d’entreprise peut-elle déployer dans ce domaine ?

Ce guide est donc construit autour des principales situations rencontrées par les salariés parents :

• Se rendre disponible au quotidien pour aider ses enfants dans leurs devoirs et leurs révisions.
• Gérer l’épineuse question des écrans.
• Se rendre disponible pour participer à des réunions scolaires.
• S’organiser en cas de grève ou d’absence des enseignants.
• Être présent dans les temps forts de la scolarité, comme la rentrée scolaire, les examens ou les concours, la recherche d’un stage, l’orientation scolaire.
• Accompagner son enfant en cas de difficulté, qu’il s’agisse d’un problème de santé, de décrochage ou de harcèlement par exemple.

Des témoignages et de bonnes pratiques de décideurs RH des groupes BNP Paribas, La Poste ou Société Générale s’avèrent très éclairants. À titre d’exemples :

• La Poste propose notamment aux postiers “un accès gratuit à une plate-forme sur Internet composée d’enseignants qui aideront l’élève dans la compréhension de son cours et dans ses devoirs. Cette solution de soutien scolaire est accessible sur l’ensemble du territoire et pour tous les niveaux scolaires. Au-delà de l’aide aux devoirs, elle propose un accompagnement des enfants sur différentes problématiques liées à la scolarisation : coaching des enfants comme des parents (sur le suivi des devoirs), formulation des choix sur Parcoursup, rédaction de CV ou de lettres de motivation, mise en relation pour les stages de 3e… Des tarifs ont aussi été négociés avec deux prestataires proposant des cours particuliers et des stages de révision. Ainsi, chacun peut trouver la formule la plus adaptée à sa situation”.

• Chez BNP Paribas, l’accord sur “le temps à la carte” est “utilisé par un nombre important de collaborateurs qui peuvent ainsi organiser de manière plus souple leurs temps de vie professionnels et personnels. En effet, cet accord permet aux collaborateurs d’acquérir et d’utiliser au cours d’une année civile des droits à congés supplémentaires non rémunérés en plus de leurs congés payés. Les collaborateurs peuvent acheter entre 5 et 20 droits par an, permettant des accompagnements spécifiques pour les enfants ou l’aménagement des temps personnels supplémentaires”.

• La Société Générale met à la disposition des salariés parents une plate-forme qui “dispose d’un service d’aide aux devoirs avec plus de 25 000 profils de professeurs disponibles partout en France pour des cours particuliers à domicile dans plus de 20 matières”. Par ailleurs, le groupe bancaire organise chaque trimestre des conférences parentalité animées par des professionnels de l’enfance sur des thèmes variés : l’intelligence émotionnelle, la confiance, l’éducation positive, la fratrie… Enfin, la Société Générale verse une allocation d’études et/ou une allocation de vacances pour chacun des enfants à charge fiscale.

 

Voir aussi : Les chemins de l’épanouissement

Le recrutement doit changer de mains

Recruter : même par temps calme, aucun autre verbe, dans l’univers des ressources humaines, ne suscite tout à la fois autant d’espoir et d’inquiétude, quel que soit le côté où l’on se place, recruté comme recruteur :

• espoir de trouver un poste qui garantit du “kif” pour l’un et de conquérir LE candidat qui coche toutes les cases pour l’autre ;

• crainte de se tromper d’entreprise pour l’un et de profil pour l’autre.

Aucune mission n’est plus audacieuse et plus compliquée que celle du recrutement, car elle a trait directement à l’humain, tout à la fois complexe et imprévisible. Comment alors, par temps fort, et particulièrement en ces périodes de crise marquées du sceau du Covid-19, très chaotiques économiquement parlant, peut-on oser parler de recrutement ?

Comment peut-on imaginer que des entreprises s’engagent auprès de nouveaux collaborateurs, aussi talentueux soient-ils, alors que l’avenir n’a jamais paru aussi incertain et que le nombre de destructions d’emplois ne cesse d’augmenter ?

Cela peut en effet paraître paradoxal, mais il n’en est rien. Si des pans entiers de certains secteurs économiques s’effondrent, si des métiers disparaissent, d’autres voient le jour, tirés entre autres par les évolutions technologiques, les grands enjeux climatiques, les nouvelles orientations environnementales et les nouvelles formes de travail (management de transition, freelancing). Sous l’égide de startupers audacieux comme sous l’impulsion de chefs d’entreprise ou autres grands dirigeants visionnaires, la quête des talents se poursuit, voire s’accentue dans certains secteurs (santé, sécurité, logistique, digital…), ce dont on ne peut que se réjouir.

En ces temps de crise, la question à se poser n’est donc pas tant doit-on ou non recruter, mais bien plutôt qui doit recruter et comment pour s’assurer de l’adéquation des nouvelles recrues aux exigences des postes à pourvoir, souvent essentiels pour la pérennité de l’entreprise, voire pour sa survie ? La tentation peut alors être grande de dérouler selon la routine habituelle les processus de recrutement qui ont fait tant bien que mal leurs preuves jusqu’alors et qui rassurent, en particulier ceux qui en sont à l’origine, à savoir les services des directions des ressources humaines. Mais ce serait faire fi de plusieurs paramètres déjà naissants avant la crise du Covid-19 et que celle-ci exacerbe. Comme le précise Isabelle Bastide (PDG de PageGroup) dans son ouvrage Le recrutement réinventé :

1 – c’est la fin des modèles : Les compétences techniques relatées dans le CV ne suffisent plus ; l’intuition humaine, l’intelligence émotionnelle, les softs skills sont de plus en plus recherchés ; on ne recrute plus des profils stéréotypés, mais des personnalités qui se révèlent non plus uniquement à travers un entretien d’embauche classique, mais bien plutôt via des plates-formes de recrutement, des vidéos, chats live, forums, jeux-concours, escape games…

2 – place à l’open recrutement : On assiste à l’émergence de principes de cooptation et de recommandation ; en utilisant le réseau professionnel de leurs salariés pour recruter, les entreprises transforment ces derniers en chasseur de têtes. C’est donc tous ensemble : managers, DRH et collaborateurs qu’il faut aujourd’hui envisager les recrutements, sans oublier que…

3 – … la balle est désormais dans le camp des candidats : Les candidats ont mûri, ils ont accès à davantage d’informations et de choix. Ils adoptent une attitude consumériste et sont susceptibles, même en période de crise, de décliner la lettre d’embauche d’une entreprise au sein de laquelle, hier, ils rêvaient d’être engagés.

portrait de dominique BELLOS
Dominique Bellos, ex-directrice des ressources humaines d’HUTCHINSON

Est-ce à dire que recruter serait devenu plus difficile qu’avant la crise du Covid-19 ? Non, le recrutement n’est pas plus difficile aujourd’hui qu’hier, mais il n’est définitivement plus la chasse gardée des dirigeants, des DRH et des managers, ni même des cabinets de recrutement, aussi experts soient-ils en la matière.

Les premiers recruteurs de l’entreprise sont désormais ses collaborateurs. Aucune campagne de recrutement, aucune communication institutionnelle, fussent-elles des plus attractives, ne refléteront l’entreprise si ses collaborateurs ne s’y reconnaissent pas. Et même si le masque devient obligatoire dans l’entreprise pour des raisons sanitaires, il se devra de “tomber” dans toutes les autres circonstances.

Une marque employeur, transparente et efficace, ne se décrète pas, elle se construit à travers ses collaborateurs. En les encourageant à communiquer grâce aux réseaux sociaux sur leur entreprise telle qu’elle est vraiment, les dirigeants, les DRH et les managers font d’une pierre deux coups :

1 – ils invitent leurs salariés à s’engager très en amont sur la marque employeur en les incitant à devenir les ambassadeurs et les relais naturels de l’entreprise et à renforcer par là même leur sens des responsabilités à l’égard de celle-ci ;

2 – ils se montrent rassurants envers leurs potentiels candidats et futurs talents en répondant à l’une de leurs très fortes attentes : l’authenticité.

Bien recruter suppose donc de savoir retenir et fidéliser ses collaborateurs. Le capital confiance va devenir crucial, et ce dès la phase d’intégration du nouveau talent. Il ne faudra plus raisonner uniquement en compétences techniques ou en domaines d’expertise. Le futur collaborateur est avant tout un être humain dont l’intelligence émotionnelle sera à prendre en compte. Gagner sa confiance supposera plus que jamais de la part des managers de savoir faire preuve d’un leadership empathique et rassurant, de surcroît quand celui-ci devra s’exercer à distance, sécurité oblige. Il faudra donc former les recruteurs, dont les managers, à recruter différemment, dans une approche à plus long terme, à travers un “parcours candidat” impactant, personnalisé et authentique.

Désormais, savoir évaluer avec justesse ses futurs talents fera partie intégrante de la mission de l’entreprise. Or, dans cette période exceptionnelle à bien des titres, tous les compteurs ou presque sont remis à zéro, la plupart des indicateurs repères sont caducs, ceux concernant le recrutement ne font pas exception. Il va donc falloir adapter, voire réinventer, les outils d’évaluation, sans visibilité aucune, mais avec une seule certitude : les candidats devront disposer du potentiel requis pour faire face aux challenges de l’entreprise, dont l’avenir est chargé d’incertitudes. Il ne suffira donc plus de vérifier si les compétences annoncées ont bien été démontrées dans leurs précédentes missions, il faudra surtout et avant tout détecter s’ils disposent ou non du potentiel (hard & soft) requis par le poste, puis d’en évaluer le niveau “in vivo”. Le savoir-être face aux incertitudes se révélera un atout majeur particulièrement recherché.

Mais là ne s’arrêtera pas la mission de l’entreprise en matière de recrutement. Elle devra être en mesure d’apporter au candidat retenu un accompagnement sur mesure, pour faciliter son intégration, dans les meilleurs délais, et un environnement managérial qui favorisera son épanouissement et lui permettra de réaliser son potentiel en toute autonomie et authenticité.

C’est à ces conditions que l’entreprise pourra attirer et retenir ses futurs talents afin de relever ses challenges les plus audacieux.

 

Voir aussi : Les soft skills : atouts de demain