Pascal Demurger, le précurseur

À la tête de la Maif depuis treize ans, vous dites qu’au début votre management était classique. Et cela a « coincé ». Pourquoi ?

Oui, mon expérience précédente s’était déroulée dans l’administration publique, à la direction du budget de Bercy. Je voyais les choses de façon assez traditionnelle, et cela a posé un sujet d’intégration au sein de la Maif. Je ne comprenais pas très bien les particularités de la société, et, en même temps, l’entreprise était dubitative car c’était la première fois qu’un dirigeant, qui plus est un énarque, venait de l’extérieur. Avec tous ces facteurs, il y avait des suspicions et des doutes à mon égard. Cela s’est confirmé lorsque j’ai mené des réorganisations : les négociations ont été assez âpres, jusqu’à ce que l’entreprise m’oppose une vraie résistance. Heureusement, cette période n’a pas duré, et la situation a évolué aux alentours de 2010, grâce à plusieurs facteurs. J’ai d’abord été marqué par une remarque d’une personne qui travaillait avec moi. Elle m’a fait prendre conscience de l’impact de mes décisions sur l’épanouissement et l’équilibre psychologique de mes équipes. J’ai su que je pouvais insuffler une culture bienveillante et attentive, ou, au contraire, faire naître une politique plus dure et concurrentielle. Un autre tournant a été de me rendre compte que les considérations éthiques, au cœur de la MAIF, de chaque réunion de travail, étaient toujours vécues en opposition à la performance. J’ai considéré au contraire que l’éthique ne devait pas être vécu comme un frein à notre activité : elle devait être susceptible de l’enrichir. Enfin, le dernier facteur  était personnel : à cette époque, j’ai eu de longues conversations avec mes enfants, qui m’ont fait prendre conscience des enjeux écologiques et sociaux qui les préoccupaient.  Je me suis donc donné comme objectif de construire une stratégie qui mêle engagement et performance. Cela a été le point de départ des initiatives menées à partir de 2013.

Vous parlez de vos débuts chahutés avec beaucoup d’honnêteté. Craignez-vous, parfois, d’être trop transparent ?

J’en ai eu peur pendant longtemps. Mais aujourd’hui je n’ai plus d’appréhension à être transparent : n’ayant rien à cacher ni à masquer, je me sens totalement aligné avec mes engagements. Je n’ai pas honte de mon parcours, beaucoup d’autres personnes ont vécu un chemin similaire. Une autre raison susceptible d’expliquer cette transparence réside dans l’image que je veux imprimer dans l’esprit de celles et ceux que je rencontre. Je veux laisser sous-entendre que, peu importe l’endroit où nous sommes, il ne faut pas avoir peur d’évoluer et de progresser. D’une certaine manière, le dire sans fard et sans orgueil autorise tout le monde à emprunter cette même voie.

La Maif vous a fait évoluer, dites-vous, et elle continuera d’exister après vous. Le leader est-il également un passeur ?

Je suis totalement en adéquation avec la double dimension de passage et de service. La conscience de sa responsabilité passe aussi par le fait de savoir que nous sommes présents pour un moment donné. Cela conduit à vouloir léguer un héritage à la hauteur de ce que l’on a reçu. Je crois en la notion de servant leader, car j’ai pleinement conscience que tout se fait en dehors de moi. Ma mission est de faire en sorte que les conditions des 9 000 collaborateurs de l’entreprise soient les meilleures possible. J’entends par là, un épanouissement personnel qui anime à la fois leur motivation et leur engagement. Pour résumer, les salariés doivent se sentir dans une communauté solide. De ce fait, mon rôle est ainsi d’offrir un confort psychologique pour que chacun donne le meilleur de lui-même.

Seriez-vous le même patron à la tête d’une entreprise cotée ?

De toute évidence, je n’aurais pas la même marge de manœuvre parce que je devrais rendre des comptes tous les trimestres avec des contraintes de valorisation de dividendes. Par exemple, au début du confinement, en mars 2020, nous avons pris la décision de rembourser nos assurés de leurs primes d’assurance automobile correspondant à la période du confinement, puisque les voitures ne circulaient plus. Cette mesure aurait été difficile à mettre en oeuvre dans une autre compagnie, d’autant plus dans un fonctionnement traditionnel. 

On vous dit souvent que le modèle d’entreprise responsable est facilement applicable quand on n’a ni actionnaires ni concurrence… Comprenez-vous cette opposition ?

La MAIF est enserrée dans les contraintes de la concurrence qui vient en partie d’entreprises internationales et est donc soumise aux mêmes exigences de performance et d’efficacité opérationnelle. Et, avec le temps, j’ai aujourd’hui la certitude que l’engagement crée de la valeur, y compris de la valeur économique, pour l’entreprise. Surtout, les dirigeants n’ont plus le choix : ils doivent s’engager, la pression est forte au sein des entreprises, au niveau de la réglementation et de la part des consommateurs. Même si un patron n’est pas sensible aux problèmes écologiques et sociaux, il peut recevoir suffisamment de signaux pour prendre conscience de cette urgence. Là où la question peut paraître désuète, c’est quand on observeles résultats extrêmement positifs que nous pouvons avoir en mettant les choses dans le bon ordre. Il y a une dizaine d’années, j’avais organisé un séminaire pour les managers afin de leur présenter le management par la confiance et les inciter à s’y lancer. Je me souviens leur avoir dit que le seul objectif à avoir, en tant que manager, n’était pas l’efficacité opérationnelle, les résultats quantitatifs ni la productivité, mais bien l’épanouissement des collaborateurs. Évidemment, ce sujet étonnait tant il semblait contre-intuitif. Mais quand vous le faites de manière sincère, vous obtenez un alignement total entre les aspirations individuelles de chacun et la stratégie de l’entreprise. Cela se manifeste notamment par le niveau de motivation des collaborateurs. Nous l’avons mesuré en dix-huit mois avec une baisse de 25 % de l’absentéisme. Les personnes travaillant à nos côtés peuvent éprouver un certain attachement à l’entreprise et peuvent devenir, au fur et à mesure, de véritables ambassadeurs.

Vous êtes coprésident d’un mouvement d’entrepreneurs et de dirigeants engagés dans la transition écologique et sociale, Impact France.

Cette décision est le fruit d’un cheminement. Pendant une dizaine d’années, je me suis focalisé sur la Maif. Avec une logique d’impact et de contribution, considérant que cela en valait la peine. J’avais deux objectifs : gagner en performance et en attractivité et, en parallèle, avoir un impact sociétal fort. Après diverses sollicitations dans mon environnement professionnel, je me suis rendu compte que mon engagement devait aller plus loin. J’ai donc écrit, en 2019, L’entreprise du XXIe siècle sera politique ou ne sera plus. J’explorais dans ce livre ce cheminement incontournable que doit avoir un dirigeant. À la suite de cette publication, j’ai eu une visibilité plus importante. J’ai été amené à témoigner et à diffuser mes idées dans des événements ou dans d’autres entreprises. Malheureusement, les prises de conscience évoluent assez lentement. Je devais passer à l’étape suivante : toucher les pouvoirs publics, pour faire évoluer le cadre réglementaire et fiscal pour qu’il incite les entreprises à s’engager.  A titre personnel, j’ai publié, en 2022, un rapport à la Fondation Jean-Jaurès allant dans ce sens. Ensuite, j’ai été sollicité par les coprésidents sortants d’Impact France  pour prendre la tête du  mouvement avec Julia Faure et j’ai compris que c’était une occasion unique d’amplifier l’impact que l’on peut avoir. 

Vous proposez d’intégrer des entreprises plus classiques telles que SNCF ou Doctolib. Cela a été mal vécu par certains. Comment l’expliquez-vous ?

Cela a été mal vécu par une poignée de personnes ayant un écart idéologique important et considérant qu’elles ne peuvent se regrouper qu’avec des entreprises complètement pures dans leurs engagements. Les entreprises en phase de transition qui souhaitent faire évoluer leurs pratiques sont encore trop éloignées de ce que ces personnes recherchent. Je considère que l’objectif est d’avancer le plus vite possible, pour faire face à l’urgence et, à terme, transformer l’économie française. Pour cela, il faut embarquer des entreprises plus importantes à condition qu’elles soient dans une transition sincère. C’est ce projet qui a été validé par près de 90% des adhérents du mouvement.

Aujourd’hui, vous êtes écouté, les médias vous invitent, le grand public apprécie votre militantisme. Vous avez pris position pour une autre forme de redistribution des bénéfices, plaidant pour limiter les superprofits en période de crise. Est-ce que vous vous êtes fait des contradicteurs ou des ennemis parmi vos homologues ?

J’ai eu des contradicteurs bien sûr, mais en nombre réduit. En réalité, ceux qui n’entendent pas ce discours sont ceux qui ont intérêt à y résister.  et qui ne comprennent pas que le XXIe siècle est basé sur l’engagement. L’irruption de patrons d’un nouveau genre peut les interroger. Finalement qui sommes-nous ? Des militants ou des patrons ? Le fait de croiser ces deux catégories dérange les acteurs qui s’accommodent des oppositions cristallisées. Mais l’immense majorité des dirigeantes et dirigeants que je rencontre ont pleinement conscience de la nécessité de s’engager. 

Cet engagement vertueux qui est le vôtre est totalement aligné avec celui de la Maif et même au-delà. Comment imaginez-vous votre avenir ? Dans la sphère politique ?

L’après, pour ma part, c’est mon implication auprès d’Impact France. Mais, vous savez, ce que nous abordons depuis le début de cette interview est politique. Pour moi, l’entreprise devient un objet politique au sens où on ne la conçoit plus comme une entité isolée du reste du monde. Si elle a des impacts, positifs comme négatifs, elle a une responsabilité qui est d’ordre politique sur la cité. La question qui se pose alors est : comment mettre en œuvre cette conviction ? Est-ce que c’est en démontrant que nous pouvons transformer le modèle de l’entreprise en pratique ? Est-ce que c’est en prenant la tête d’un mouvement d’entreprises qui se veut puissant et influent ? Ou d’un ministère ? Pour ma part, j’ai choisi les deux premières solutions. Au fil des années, il y a eu une relation particulière et extrêmement forte qui s’est nouée entre la Maif et moi. Cette relation est si stimulante que je ne veux surtout pas m’en priver. Et cet engagement, je le poursuis pleinement avec Impact France…

Raison d’être, antichambre de l’entreprise à mission

Selon les dernières annonces publiques, 55 % des entreprises du CAC 40 déclarent avoir une raison d’être. C’est le cas, par exemple, du groupe Carrefour[i] et du groupe Atos[ii].

Bien évidemment, les raisons d’être annoncées tiennent leurs promesses uniquement si celles-ci sont suivies d’actions concrètes. La raison d’être d’une entreprise se prouve par la mise en mouvement de ses engagements au quotidien, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’organisation. C’est l’objectif des entreprises les plus conscientes et les plus courageuses. Au-delà d’affirmer leur raison d’être, celles-ci ont choisi de devenir des « sociétés à mission » et ainsi d’améliorer notre société et notre environnement en mettant leur modèle économique au service d’un impact positif.

Actuellement, une seule entreprise cotée au CAC 40 s’est engagée dans ce sens : le groupe Danone (lire notre interview de Valérie Mazon p. XXX). Et celle-ci fait face à de nombreuses critiques depuis cette annonce. Pourtant, les analystes s’accordent à reconnaître que les entreprises qui ont le mieux résisté à la crise en 2020 sont les entreprises responsables. L’entreprise classique reçoit des pressions de toutes parts (ONG, clients, salariés et même actionnaires) et n’a plus d’autre choix que celui d’évoluer. Les consommateurs ont d’ailleurs bien compris qu’ils avaient souvent plus de pouvoir en « votant » avec leur carte bleue plutôt qu’avec leur bulletin de vote. Et ils savent ce qu’ils veulent : plus de la majorité des Français souhaitent que les entreprises prennent leurs responsabilités[iii] pour vivre dans un monde plus juste.

L’entreprise de demain sera responsable ou ne sera pas

Une nouvelle vague s’apprête déjà à déferler : la France compte aujourd’hui à peu près 100 sociétés à mission. Il y en aura 10 000 d’ici à dix ans. Pour obtenir ce statut, elles devront passer par quatre phases : tout d’abord, choisir une raison d’être et l’inscrire dans leurs statuts, définir ensuite une mission incluant des objectifs sociaux et environnementaux, préciser le plan d’action pour réussir cette mission et, enfin, le point décisif, faire appel à un organisme tiers indépendant pour vérifier que les actes sont à la hauteur des mots.

Alors une fois le cadre défini par la loi et la théorie maîtrisée, comment passer de la vision aux actes ? Les sociétés indépendantes ou familiales rencontreront sûrement moins de contraintes pour faire évoluer leur organisation. Par exemple, le Groupe Rocher a été l’un des premiers groupes internationaux à adopter le statut de société à mission. Avec pour raison d’être de « reconnecter les femmes et les hommes à la nature », il incarne sa mission en plantant des arbres avec ses parties prenantes. De plus, il n’a pas attendu les mesures coercitives prises par le gouvernement pour agir : arrêt des tests sur animaux dès 1988, soit quinze ans avant la législation française, et abolition des sacs plastiques en 2006, soit dix ans avant que la loi interdisant leur emploi n’entre en vigueur. Lors de son intervention au dernier Sustainable Paris Forum, son PDG, Bris Rocher, a encouragé les dirigeants à aller vers la société à mission et a rappelé, à juste titre, qu’il était nécessaire concrétiser la raison d’être « en passant du story telling au story doing ». Car, c’est bien de cela dont il s’agit : communiquer non pas sur ce qui va être fait, mais, bien sûr, ce qui a été fait concrètement.

L’entreprise à mission, un état d’esprit

Alors qu’en France un manager sur trois a déjà fait un burn out, les entreprises à mission proposent à leurs collaborateurs du sens, une « raison d’y être ».

Par exemple, l’entreprise française Veja réinvente la fabrication d’un produit que nous consommons tous : la basket. Chez eux, pas de stratégie RSE, l’écoresponsabilité est directement au cœur de tous les métiers. Cela se traduit par une culture de l’engagement qui alimente les rêves à atteindre ensemble, plutôt que les bilans carbone à réaliser seul dans son coin. Ensemble, les équipes de Veja se lancent régulièrement des challenges à relever pour se stimuler. Le dernier en date : créer la première basket de l’ère post-pétrole !

Le Groupe Rocher et Veja sont deux exemples d’entreprises en adéquation avec leur ADN et en résonance avec les attentes de leurs talents : l’authenticité et la responsabilité. Ces entreprises à mission ont compris que le capital humain était la force la plus précieuse à leur disposition pour accomplir leur mission.

À l’heure où nos modèles de société nous conduisent inéluctablement dans des impasses économiques, sociales et environnementales, les entreprises ont le devoir de faire converger valeurs, objectifs économiques et bien commun. Reste à déployer ce mouvement de l’impact positif et à définir un standard pour mesurer les retombées des actions promises afin que les entreprises soient à la hauteur des enjeux de notre époque.

[i] Raison d’être de Carrefour : « Notre mission est de proposer à nos clients des services, des produits et une alimentation de qualité et accessibles à tous à travers l’ensemble des canaux de distribution. Grâce à la compétence de nos collaborateurs, à une démarche responsable et pluriculturelle, à notre ancrage dans les territoires et à notre capacité d’adaptation aux modes de production et de consommation, nous avons pour ambition d’être leader de la transition alimentaire pour tous. »

[ii] Raison d’être d’Atos : « Avec nos compétences et nos services, nous supportons le développement de la connaissance, de l’éducation et de la recherche dans une approche pluriculturelle et contribuons au développement de l’excellence scientifique et technologique. »

[iii] 51 % des Français considèrent qu’une entreprise doit être utile pour la société dans son ensemble, devant ses clients (34 %), ses collaborateurs (12 %) ou ses actionnaires (3 %). [Source : Ifop, agence Terre de Sienne, enquête « La valeur d’utilité associée à l’entreprise », 15 septembre 2016.]

Terra Hominis est la première société à mission du monde viticole

Pouvez-vous refaire avec nous le chemin qui a conduit la TPE Terra Hominis à devenir une société à mission ?

Tout a commencé il y a trois ans. Un matin, j’étais en train de me raser dans ma salle de bains et j’ai entendu un reportage à la radio consacré au concept de « société à mission ». Je n’avais jamais entendu ce terme, et pourtant il a résonné en moi comme une évidence. À ce moment-là, en France, vous aviez, d’un côté, des associations loi 1901 et, de l’autre côté, des sociétés classiques, dont l’objectif final était de faire du profit. Et entre les deux, vous aviez des chefs d’entreprise qui montaient des sociétés pour gagner de l’argent, bien sûr, mais aussi pour créer de l’activité et donner du travail à des gens. Ce statut me semblait donc être la solution pour revaloriser l’image des entreprises qui souhaitaient porter une mission d’intérêt publique, un objet social étendu, tout en étant une structure privée, sans subventions ni aides.

La mission devait être cohérente avec la raison d’être de votre entreprise…

Cela collait parfaitement. La mode du financement participatif n’avait pas encore touché le milieu du vin quand j’ai créé Terra Hominis, en 2011. Cette naissance est issue de plusieurs constats : une génération importante de jeunes vignerons était formée, les deux tiers des vignerons avaient plus de 55 ans et ne souhaitaient pas céder leur vignoble à de grosses structures viticoles, les jeunes qui souhaitaient s’installer en viticulture n’étaient pas soutenus par les banques. Enfin, j’avais le sentiment que les Français mettaient de l’argent de côté et cherchaient à lui donner du sens. Terra Hominis a donc été créée pour faire le lien entre la Terre et les Hommes. Le statut de société à mission qui est le nôtre intègre cette mission d’intérêt collectif. Dans l’article 2 de nos statuts, il est désormais écrit que la raison d’être de la société est de préserver les vignobles, la diversité de ses vignerons, tout en créant du lien entre les amateurs de vin et les viticulteurs, et en dynamisant les territoires ruraux. En ces temps complexes, les citoyens sont en quête de sens, et les entreprises doivent assumer leurs responsabilités sociétales et environnementales, tout autant qu’économiques.

Y a-t-il eu un « avant » et un « après » le changement de statut de votre entreprise ?

Pour assurer le suivi de nos engagements, nous avons nommé un référent de mission qui vérifie le bien-fondé de chaque projet. Il soumet chaque dossier à un comité indépendant afin de récolter son avis sur le projet et d’obtenir un rapport d’impact environnemental et sociétal.

Toutefois, je dois vous dire que je pensais qu’il y aurait un « avant » et un « après » au sein de la société française. Selon moi, la création de cette dénomination juridique est la plus grosse évolution du monde de l’entreprise depuis la loi 1901. Alors je pensais que cette avancée créerait un grand boom dans la presse, que les observateurs et les économistes s’empareraient de cette notion. Eh non… Notre société passe totalement à côté des sociétés à mission, alors qu’elles sont les entreprises de demain. Cela me fait penser à l’essor de l’agriculture biologique. Il y a quarante ans, dans un village, un vigneron s’était converti à ce mode de production. Il était le premier viticulteur bio de France. Le maire d était venu le voir en lui disant que son activité pouvait être dangereuse… Aujourd’hui, dans ce village, quasi tout le monde est dans le bio. Je pense que d’ici à quelques années ça ne sera pas aux vignerons bio d’écrire sur les bouteilles qu’ils sont bio mais aux « conventionnels » d’écrire qu’ils ne sont pas bio, car le bio sera la norme ! La société à mission, c’est un peu pareil : on ne pourra plus être là, juste pour faire du capital, au détriment du social et de l’environnemental.

Souvent, les entreprises se dotent d’une raison d’être, puis deviennent des sociétés à mission. Toutes ces étapes sont franchies pour Terra Hominis : quelle est la prochaine ?

Ce qui fait la richesse de la France, c’est son patrimoine. Mais l’homme est menacé sur ses propres terres. Dans l’avenir, les gros voudront racheter les petits, les lois vont se durcir, il sera de plus en plus difficile d’être vigneron, seul. J’aimerais créer une structure de mise en commun pour producteurs, avocats, juristes, comptables… L’idée est de préparer le monde de demain, avec toujours ce souci de valoriser le terroir et de créer du sens et du lien entre les parties prenantes.