Comment soutenir un collègue atteint d’un cancer ?

Chaque année, le mois d’octobre marque le début d’Octobre Rose, la campagne de sensibilisation internationale du dépistage du cancer du sein, une maladie qui touche 1 femme sur 12 au cours de sa vie selon l’Organisation Mondiale de la Santé. Via diverses activités et évènements, des collectes de fonds pour soutenir la recherche, de nombreuses organisations affichent leur soutien, aident à libérer la parole et incitent les femmes à se faire dépister. Car, toujours selon l’OMS, « détecté tôt, le cancer du sein est guéri dans 90 % des cas ».

Plus globalement, l’Institut national du cancer (INCA) estime à 433.136 le nombre de nouveaux cas de cancer pour l’année 2023 en France (187.526 chez la femme, 245.610 chez l’homme). Santé Publique France annonce qu’une femme sur 6 et 1 homme sur 5 développeront un cancer au cours de leur vie. Si l’âge moyen de prise en charge pour un cancer varie entre 64 ans pour les femmes et 67 ans pour les hommes, il est loin d’être impossible de croiser un collègue touché par la maladie, quel que soit son âge, et peut-être même d’être déstabilisé face au comportement à adopter.

Bien accompagner un collègue malade : la marche à suivre

Collègue, famille ou ami, soutenir une personne malade, c’est avant tout se montrer présent, pour le moral de la personne, mais aussi pour son processus de guérison. 92 % des patients estiment que recevoir du soutien influence positivement leur état de santé (selon le groupe Publicis pour Work With Cancer). Un ressenti confirmé par Marc, cadre de 61 ans en rémission, à l’annonce de son cancer il y a quelques mois : « J’ai reçu des appels des quatre coins du monde de collègues plus ou moins proches, des messages gentils et sincères via SMS, WhatsApp, mails… Je ne m’y attendais pas et ça m’a beaucoup touché. »

Avant, pendant et après le traitement, c’est aussi le rôle de l’entreprise de garder le contact : « même en cas d’arrêt de travail, l’entreprise doit garder un lien avec le salarié pour ne pas briser le lien professionnel, éviter la solitude et le désengagement. On prend des nouvelles, on communique sur les dernières avancées de l’entreprise, etc. », précise Anaëlle Thierry, chargée de recrutement et d’intégration dans une grande entreprise.

Un rythme particulier

Contraignants et fatigants, les traitements lourds entraînent un aménagement des horaires, voire, bien souvent, des arrêts de travail (qui peuvent être successifs, continus ou discontinus). Une pause essentielle pour que le malade puisse se concentrer sur sa guérison et son rétablissement. Pendant l’absence d’un collègue malade, l’entreprise peut procéder à une réaffectation des tâches. Ça a été le cas pour Marc, en arrêt pendant deux mois et demi : « mes missions principales et les urgences du quotidien ont été redistribuées dans l’équipe, mais les sujets de fond n’ont pas été traités ».

Trentenaires à la tête d’une agence de communication, Marie et Julia ont toutes les deux vécu des épreuves ces dernières années et ont appris à composer avec les aléas de la vie : « quand j’ai fait mon AVC, on n’a rien mis en place car c’était très soudain et inattendu, raconte Marie. Mon associée a pris le relais temporairement en essayant de gérer les urgences au jour le jour. »

Et quand Julia, son associée, est diagnostiquée un an plus tard d’un cancer du sein triple négatif, les deux entrepreneurs se sont organisés : « une fois le choc de l’annonce passé, on s’est attelées à un plan d’attaque réaliste, en prenant en compte le fait qu’elle allait sûrement se mettre en mi-temps thérapeutique, même si c’est difficile quand on est à son compte. On s’est posé les bonnes questions : quelles missions Julia avait-elle envie de garder ? Qu’est-ce qu’on pouvait déléguer ? On a fait le choix de s’entourer de personnes de confiance, quitte à baisser nos revenus. » Le plus difficile pour un collègue accompagnant selon Marie ? « Trouver l’équilibre entre trop parler de la maladie et traiter l’autre différemment, ou justement être trop indifférent. J’ai essayé d’être là en suivant de près chaque étape tout en restant professionnelle, en continuant de lui faire confiance et d’avoir des projets à long terme ensemble. »

Faciliter le quotidien d’une personne malade au travail, cela requiert du bon sens

Pourtant, 50 % des personnes atteintes d’un cancer auraient toujours peur d’en parler à leur employeur (selon une étude de l’association Cancer@Work). Pas d’inquiétude selon Anaëlle, « l’entreprise peut en effet alléger la charge de travail du collaborateur, lui proposer plus de télétravail et de flexibilité, voire le changer de poste en fonction de ses envies, mais en aucun cas le rétrograder à cause de sa maladie ». Pour éradiquer la stigmatisation du cancer sur le lieu de travail, la fondation Publicis a lancé Working With Cancer début 2023, la première coalition mondiale d’entreprises avec le soutien de l’Institut Gustave Roussy et de l’association cancer@work en France, le Memorial Sloan Kettering Cancer Center aux Etats-Unis et le MacMillan Cancer Support au Royaume-Uni.

Une idée claire : que chaque entreprise signataire (comme pour l’instant Nestlé, Meta, Unilever, Accor, Disney…) s’engage pour une culture d’entreprise « plus ouverte, solidaire et favorable à l’intégration des salariés atteints de cancer ». Publicis par exemple, garantit l’emploi et le salaire de chaque employé touché par la maladie pendant au moins un an et offre un programme d’accompagnement personnel et professionnel aux malades et aux salariés aidants. Petites, moyennes et grandes entreprises peuvent s’engager, et ainsi aider les malades à vivre un peu plus sereinement cette période difficile, du moins côté travail.

Des petites attentions peuvent faire toute la différence

« Les premiers jours de mon arrêt de travail, j’ai reçu de la part de toute mon équipe un panier rempli de vin et de gourmandises. Se dire que les gens pensent à nous, ça met un peu de baume au cœur », partage Marc. À son retour, ses collaborateurs ont organisé un dîner de retrouvailles. Marie, elle, a opté pour un cadeau symbolique en début de chimio : « on s’est cotisé avec tous nos clients pour offrir à mon associée un très joli collier en forme de trèfle, comme un talisman. À la fin de son traitement, je lui ai offert une nappe qu’elle avait repérée, un cadeau sympa quand on retrouve l’appétit une fois rétabli. » Si les cadeaux personnels et les moments informels rendent le retour au travail plus agréable, l’entreprise peut aussi organiser la réintégration du salarié de façon plus structurée, conclut Anaëlle : « planifier l’aide d’un coach ou d’un autre professionnel, prévoir des rendez-vous hebdomadaires pour suivre la reprise du travail, favoriser la communication interne (dans le respect de la vie privée du salarié)… Presque comme si c’était l’intégration d’un nouveau collaborateur. »

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Comment gérer sa colère au travail ?

Si ressentir certaines émotions fait simplement de nous des humains, un trop-plein peut être mal perçu au travail et facilement gâcher la vie : la vôtre, mais également celle de vos collaborateurs. La preuve, 83 % des salariés affirment avoir déjà pleuré au bureau d’après une enquête Monster.com, et la moitié d’entre eux affirment que c’était à cause d’un responsable ou d’un collègue.

Qu’est-ce qui nous fait vriller au travail ? Selon plusieurs études, ce serait principalement le stress, les conflits interpersonnels, les inégalités salariales, le harcèlement et des conditions de travail défavorables. Vous n’êtes pas responsable de tous les dysfonctionnements d’une entreprise, c’est pourquoi il est nécessaire parfois, d’accepter sa colère, ou de l’exprimer différemment. Vous seriez étonné de l’impact d’un sourire (même forcé) au bureau !

Pour Julie Dubrac, hypnothérapeute, « le plus important, c’est de prendre le temps d’accueillir son émotion et d’en comprendre les origines ». Selon cette spécialiste en gestion des émotions, « dans la majorité des cas c’est le rapport à l’autre qui pose problème ». Trop souvent à deux doigts de l’explosion (voire plus à deux doigts du tout) ? Cette experte partage trois exercices de pro pour calmer ses ardeurs à plus ou moins court terme.

Trois exercices pour mieux canaliser sa colère au travail

1- Niveau débutant (3 minutes) : la “crise de calme”.

C’est un exercice individuel basé sur la respiration, efficace en trois minutes seulement et à réaliser seul ou à l’aide d’une application de méditation comme Petit Bambou.

  • On commence par s’installer confortablement, les jambes décroisées et les pieds à plat sur le sol.
  • On pose une main sur le ventre
  • On ferme les yeux, et on effectue 3 respirations ventrales : on expire l’air pour vider ses poumons, sans forcer. On inspire par le nez en douceur et on bloque quelques secondes. On laisse l’air s’échapper des poumons en expirant par la bouche. Je recommande de s’octroyer quelques secondes et d’observer ce qu’il se passe dans le corps. On peut terminer l’exercice sur une pensée agréable (un endroit, un objet ou une personne), et on reprend son activité.

2- Niveau expert (quelques séances) : une thérapie brève

Savoir canaliser sa colère passe d’abord par en comprendre les origines. Un accompagnement thérapeutique (de l’hypnose, de l’harmonisation émotionnelle…) peut aider à trouver la racine du problème. Une thérapie dite “brève” dure en moyenne 3 séances selon l’objectif défini. Toutes les ressources de la personne sont mobilisées afin qu’elle puisse effectuer elle-même les changements désirés. Le thérapeute pourra aider à créer un “auto-ancrage” déclencheur d’une émotion positive (comme la joie ou la détente), un petit exercice qui pourra être réutilisé n’importe où, à n’importe quel moment.

3- Niveau maître (quelques mois) : l’auto-hypnose

L’auto-hypnose, c’est un peu comme un voyage au cœur de nous-même, en état modifié de conscience. Cette pratique thérapeutique autonome soigne autant le corps que l’esprit : elle permet notamment d’améliorer la qualité du sommeil, de calmer l’anxiété, d’augmenter la confiance en soi, de changer des comportements compulsifs et même de se préparer à un examen ou une compétition sportive. À condition bien sûr, qu’elle soit pratiquée de façon régulière et assidue, car c’est en améliorant ses capacités de concentration et d’auto-suggestions que l’on pourra ensuite communiquer plus facilement avec l’inconscient. Pour les néophytes, il est conseillé de pratiquer l’auto-hypnose après quelques séances avec un professionnel qui saura vous guider.

Un très bon exercice pour calmer sa colère au travail ? La création d’un “lieu refuge”.

  • On se remémore un endroit qui nous inspire le calme et la sérénité dans lequel on se sent bien (réel ou imaginaire, dans la nature par exemple).
  • On y ajoute ensuite un maximum de détails (couleurs, sons, odeurs, température…) et on s’imprègne des sensations agréables et positives que ce lieu idéal nous procure.

Avec un peu d’entraînement, ce voyage introspectif fait redescendre la pression en quelques minutes seulement – au bureau, comme à la maison !

Frédéric Mazzella : l’entrepreneuriat à coeur

Captain Cause, c’est une solution qui permet aux entreprises de soutenir des projets à impact social et environnemental en impliquant leurs clients ou leurs collaborateurs, qui décident de l’allocation des fonds. Vous dites que cette création a du sens pour vous : vous en manquiez ? 

Je suis toujours à la recherche de sens, et si possible de « bon » sens ! Ce que permet d’offrir Captain Cause. On crée un pont entre entreprises et associations à impact social ou environnemental, ce qui développe une nouvelle relation qu’une entreprise peut avoir avec les personnes qui la font exister : ses collaborateurs et ses clients. Notre plateforme est très utilisée lors des cadeaux d’affaires de fin d’année : les clients, les partenaires ou les collaborateurs reçoivent en cadeau un don préfinancé à distribuer. Ils ont alors la responsabilité d’en faire le meilleur usage. Et cela marche : 150 entreprises se sont déjà engagées à nos côtés. Pour revenir à votre question, il est vrai que je me suis posé la question sur ma valeur ajoutée. En tant qu’entrepreneur, je voulais créer une plateforme utile. Captain Cause est un projet dont la mission me semble importante. Je crois à cet écosystème, car c’est du gagnant-gagnant-gagnant pour tous les acteurs : les entreprises, les associations et chacun d’entre nous individuellement. On permet aux entreprises de débloquer des fonds comme elles ne l’ont jamais fait, avec leurs parties prenantes : clients et employés. C’est une action collective dans laquelle on va utiliser une ressource puissante de l’entreprise – l’argent généré par son activité – pour aller financer des projets à impact. Et cela répond à une attente des parties prenantes, qui sont des humains. Je crois que l’humanité est naturellement portée par des projets positifs. Aujourd’hui, face aux enjeux de notre société, 93 % des gens disent vouloir agir mais ne savent pas comment, quand 90 % attendent que les entreprises et les marques s’engagent, notamment face au changement climatique. À grands problèmes, grands moyens, et cela amène naturellement chacun à penser que les entreprises sont à même d’agir, puisque ce sont des acteurs puissants. 

Vous donnez la chance à des entrepreneurs pourvoyeurs de solutions environnementales et sociales. C’est par eux que passera la transition ? 

En tout cas le statu quo n’est pas la solution ! C’est bien en faisant autrement que nous inverserons la tendance. Plus les structures sont petites, plus elles arrivent à évoluer vite : on y est créatif, on innove. Dans une grande structure, on optimise l’existant : ce n’est pas la même démarche, mais toutes les structures doivent évoluer. Captain Cause permet aujourd’hui d’aider les petits projets à impact, avec le soutien des clients et des collaborateurs, et cela crée un terrain propice à une transition des entreprises. Notre action n’est pas qu’un voeu pieux, nous nous sommes fixé un objectif chiffré : distribuer un milliard d’ici à cinq ans. 

Le patron doit communiquer sur l’impact de son organisation. Est-ce une responsabilité ou une contrainte ? 

Ni l’un ni l’autre, c’est un fait. Et nous n’avons plus le choix. Beaucoup d’entreprises, hélas, sont entraînées dans une forme d’inertie, de business as usual. Elles sont souvent lancées comme des paquebots, et c’est compliqué de les faire tourner. Les personnes emmenées sur ce paquebot demandent qu’on change de cap mais n’y parviennent pas, et elles sont entraînées par la machine… Les salariés ne voient pas comment leur temps de travail, de productivité, d’efficacité répond aux problèmes relayés tous les jours par les médias. Et cela crée forcément un inconfort. 

Cette dissonance cognitive est-elle également présente chez certains patrons ? 

Chez certains, bien sûr, mais ils sont dans la logique de servir l’actionnaire et doivent répondre à une feuille de route basée sur la croissance et la rentabilité. Tout en se posant ces questions, ils font ce qu’on leur demande de faire : leur devoir est de servir une entreprise à profits. Mais l’important réside dans l’alignement entre paroles et actes. Aujourd’hui, tout ce que l’entreprise fait va être rendu public, visible, à un moment ou à un autre. Et il est suicidaire d’avoir un discours qui ne corresponde pas à ses actes. Les entreprises ont une obligation d’alignement, une ligne à trouver entre transparence totale et confiance totale. 

BlaBlaCar vient de publier son premier rapport d’impact. Un audit détaillant ses contributions sociales et environnementales… 

Je souhaitais que BlaBlaCar associe technologie et mobilité verte, inclusive et accessible. Nous contribuons désormais à économiser plus de 1,5 million de tonnes de CO2 chaque année : grâce au covoiturage, le nombre de voitures nécessaires pour transporter le même nombre de personnes diminue. Et les trajets partagés facilitent les rencontres humaines. Notre communauté de voyageurs, pleine d’interactions bienveillantes, compte aujourd’hui plus de 100 millions de covoitureurs dans le monde. Enfin, dernier chiffre, ce rapport extra-financier évoque les 450 millions d’euros économisés par les conducteurs grâce au covoiturage. 

Président de BlaBlacar et de Captain Cause, vous êtes également coprésident de France Digitale, auteur du livre Mission BlaBlaCar et animateur de l’émission-podcast Les Pionniers, sur BFM Business. Quel est le lien entre toutes ces casquettes ? 

L’inspiration par l’action, autrement dit l’envie d’agir. Et c’est très large. Dans mon émission, j’ai reçu des personnalités très diverses, toutes passionnées et passionnantes : Rodolphe Delord, PDG du ZooParc de Beauval, Claudie Haigneré, spationaute, Marc Simoncini, créateur de Meetic et d’Angell, ou encore Marc Levy, l’écrivain, Bertrand Piccard, l’explorateur, et Messmer, l’hypnotiseur. Ils ont des esprits d’explorateur. Je voulais aller chercher cette diversité dans les manières d’explorer. L’autre valeur mise en avant dans Les Pionniers, c’est le travail : on constate à quel point rien ne se fait sans travail. C’est à l’opposé de la culture du paraître ou de la décorrélation entre travail et succès que l’on peut voir dans certaines téléréalités ou sur les réseaux sociaux. 

Lorsque l’on parle de scale-up comme la vôtre, on évoque des success stories. Cette réduction de langage évoquant une forme de facilité vous agace-t-elle ? 

C’est le résultat de raccourcis naturels : c’est plus simple d’imaginer un chemin direct et court derrière un succès que d’aller analyser les méandres et les obstacles surmontés pour arriver à bon port. BlaBlaCar est issu d’une expérience personnelle : lors d’un déplacement de fin d’année, je réalise un trajet en voiture de 500 kilomètres, faute de place disponible dans les trains. C’est le point de départ d’une réflexion pour trouver une solution qui permettrait de repérer les places vides dans des voitures qui réaliseraient le même trajet. On peut alors penser qu’une fois l’idée trouvée « l’intendance suivra », mais, pour l’entrepreneur, il n’en est rien : il doit tout construire brique par brique. Il ne faut pas chercher d’ascenseur, les entrepreneurs prennent toujours les escaliers ! Plus récemment, j’ai créé Captain Cause en voyant des jeunes de 20 ans défiler pour la Marche du climat avec des panneaux affichant : « Quand je serai grand, je voudrais être vivant ! » Je me suis dit que le moment était venu de lancer Captain Cause ! 

Rétablir l’équilibre

 Cela fait déjà de nombreuses années que les enjeux de RSE sont présents dans les organisations avec une intensité plus ou moins forte souvent liée aux réglementations administratives, aux problématiques politiques et aux malheureusement inévitables catastrophes climatiques ou environnementales, depuis Bhopal (1984) jusqu’à Fukushima (2011). En revanche, il est un domaine qui n’est pas toujours pris en considération à hauteur de l’enjeu, c’est l’impact social et économique de cette lutte contre un réchauffement climatique désormais avéré. En effet, l’activité même de l’entreprise est plus ou moins fortement impactée par ces politiques légitimes de protection de notre planète et des écosystèmes. Dans certains cas, les conséquences sociales et humaines semblent non pas oubliées mais un peu négligées sur le moyen long terme. Et pourtant, les engagements des entreprises s’inscrivent quasi toutes dans des politiques RSE ambitieuses et affirmées. 

On ne peut que constater un déséquilibre de fait – et par certains côtés, de droit – entre la responsabilité sociale et la responsabilité environnementale. Pour mémoire, la décision de bannir les véhicules à essence à l’horizon 2030 finalement repoussée semble vertueuse, mais son impact sur l’emploi est considérable. On peut l’accepter comme un mal nécessaire mais regretter dans le même temps qu’à cette décision politique au nom de la planète ne corresponde pas une autre décision politique au nom de l’humain. La question n’est en effet pas d’opposer, comme s’il existait une concurrence malsaine entre l’Homme et la Planète, mais au contraire de réconcilier les deux approches de manière beaucoup plus systématiques et en mesurant avec précision les deux impacts à égalité d’importance. Il en va non seulement de l’adhésion des populations à une nécessité de protection de notre environnement mais aussi de la cohésion sociale indispensable à tout changement de modèle durable. 

Ce constat peut se faire au niveau des États, mais tout autant au sein même des entreprises. Malgré une bonne volonté réelle, celles-ci développent des politiques sous l’impulsion des pouvoirs publics, mais également sous la pression de la société – avec parfois d’ailleurs des excès d’indignité dont on les accuse sans mesurer les fragilisations et même les destructions d’emploi que cela implique potentiellement. Certes toutes ne sont pas irréprochables, mais beaucoup tentent de trouver des solutions équilibrées. Les DRH ont leur responsabilité dans ce travail de réconciliation qui commence par mesurer les impacts humains des décisions avec un rôle d’anticipation sur les changements de métier, les nouvelles compétences à acquérir. C’est à cette fonction de porter aussi la communication des décisions RSE pour en démontrer l’équilibre entre enjeux environnementaux et enjeux sociaux. Le plus difficile est sans doute de faire admettre que ces engagements ne sont pas séparables, toujours au nom de la nécessaire cohésion sociale qui doit devenir le meilleur soutien aux politiques environnementales. C’est en cela d’ailleurs que les tenants d’une écologie culpabilisante et punitive se trompent lourdement dans leur approche. 

L’enjeu n’est donc pas de savoir si les politiques RSE relèvent ou non des RH – reprenant là un débat équivalent et sans fin sur la communication –, mais si elles sont co-construites entre la direction RSE et la direction RH. Dans certaines entreprises aujourd’hui, ces deux fonctions sont réunies, mais ce n’est pas une condition de réussite ni de cohérence. Il en va de même dans les enjeux de dialogue social pour que la stratégie de l’entreprise puisse être déclinée dans les instances dans ses quatre dimensions : économique, sociale, environnementale et financière. C’est par cette approche systémique et équilibrée que nous pourrons enfin avoir des politiques RSE ambitieuses, crédibles et respectueuses de l’humain comme de la planète, mais sans naïveté économique ou financière. Comme souvent, c’est une question d’équilibre, et il est certes positif de noter que nombre d’entreprises ont inscrit des enjeux RSE dans les bonus de leurs dirigeants, même si, à y regarder de plus près, ce sont quasiment toujours des critères environnementaux qui s’ajoutent à ceux plus classiques liés à la performance économique et financière. L’un des combats à mener pour la fonction RH est de faire admettre des critères de performance humaine et sociale à la même hauteur, d’abord pour elle-même, mais aussi pour tous les dirigeants. Cela existe un peu, mais c’est loin d’être suffisant face aux enjeux environnementaux et humains qui nous attendent ! 

Itinéraire d’un chercheur d’art

 Vous avez créé une véritable machine du rire. Quel a été votre moteur ? 

La sincérité. À 21 ans, j’ai créé mon premier festival pour aider mes amis humoristes à se faire connaître. Ils essayaient de percer mais ne connaissaient pas les décideurs. Ça a été le fruit d’une intuition sincère. J’ai également monté le premier festival de Montreux pour ces artistes qui avaient besoin d’exposition. Parti à la chasse aux talents, je n’avais pas accès aux têtes d’affiche Je me suis dit que plutôt que de convaincre la presse de venir, autant médiatiser notre show nous-même en filmant et en offrant les images à la télévision. Cela a permis d’accélérer le mouvement. Puis l’arrivée d’Internet et surtout celle des médias digitaux en 2005-2006 ont été la chance de ma vie : j’allais enfin maîtriser toute la chaîne de diffusion. 

Être sincère dans le domaine artistique est la clé du succès. Cela aurait-il fonctionné si vous aviez dirigé une « boîte industrielle » ? 

Difficile de répondre car je ne suis pas le patron d’une boîte industrielle… Pour être tout à fait honnête, je ne vois pas comment mener des équipes, quelles qu’elles soient, sans conviction. Je vois mal quelqu’un se dire : « Je vends un produit qui est pourri pour la santé des gens, mais je vais faire plein d’argent. » 

Cela existe ! 

Ces gens-là, s’ils existent, ne durent pas longtemps. Aujourd’hui, avec le problème d’employabilité, plus personne n’a envie de donner sa vie à un projet qui pollue ou détruit la planète. 

Clients et collaborateurs ne sont plus dupes ? 

C’est ça. J’ai la chance d’avoir autour de moi des enfants qui n’auront jamais l’idée de travailler dans une entreprise polluante. Ils préféreront ne pas avoir d’argent. Il faut écouter ce cri de la jeunesse, ce mouvement de fond, on doit l’entendre ! On m’a dit il y a vingt-cinq ans : « Si tu veux réussir dans les affaires, tu devras faire des choses que tu n’as pas envie de faire. » J’avais répondu que je préférais ne pas réussir. C’est fondamental pour moi. Je ne veux pas réussir pour réussir. Je veux être fier de moi en me disant que je n’ai fait de mal à personne. 

Vous êtes diplômé en marketing. Vous a-t-on demandé, dans votre entourage, pourquoi vous aviez choisi un secteur si peu sérieux ? 

Oui, et je me suis souvent posé la question. Cela fait trente-cinq ans que j’ai mon business, et j’ai mis vingt ans à le construire – pendant lesquels je ne savais jamais si j’allais boucler l’année. j’ai failli baisser les bras et suis même allé chercher du travail ailleurs. Mais, chaque fois, une voix intérieure me disait : « Fais pas ça, tu vas être malheureux comme la mort. » Et j’ai trouvé la force en écoutant les signes de vie. Par exemple, la fois où j’ai été dévasté de ne pas avoir décroché un job, alors que je me sentais incapable d’entreprendre, de gérer un budget. Mais j’étais con, ce job n’était pas pour moi, c’est tout. 

Vous n’aviez pas eu d’injonctions à la réussite dans votre enfance ? 

Jamais, et je pense que c’est parce que mes parents n’avaient pas beaucoup d’argent. Ma mère, employée, et mon père, commerçant, travaillaient dur pour vivre. On m’a toujours dit que l’argent n’était pas important. Bien sûr qu’il en faut, mais nous pouvons être heureux sans. Mes parents étaient heureux si on était ensemble, si nous faisions une bouffe le dimanche avec des pâtes carbonara, si on faisait une promenade qui ne coûte rien. 

Nombre de vos homologues auraient vécu l’arrivée d’Internet comme une épreuve. Vous, non. Optimisme, adaptation flexible au marché : ce sont des soft skills entrepreneuriaux… 

Je vois toujours les choses du bon côté. Et j’ai interdit à mes équipes de parler de bonnes ou de mauvaises nouvelles. J’enlève l’énergie négative, je crois énormément en l’opportunisme optimiste. Les opportunités, chaque jour, nous en avons dix. 

S’agissant du recrutement, éprouvez-vous des difficultés ou bénéficiez-vous du capital sympathie du secteur du spectacle ? 

On a une marque employeur très forte. Aujourd’hui, si nous ouvrons un poste, nous avons 300 à 400 personnes qui nous écrivent avec de très bons profils. Mais sur les 400 qui postulent, il y en a 390 qui oublient que c’est un job, avec beaucoup de contraintes. Tout le monde n’est pas fait pour ça. Dans l’entertainement, on crée notre vie tous les matins. La flexibilité, c’est la meilleure manière de faire, en étant capable d’abandonner rapidement un projet. 

Songez-vous à l’impact carbone de votre activité ? 

Cela peut être compensé par le streaming. Une salle avec 200 personnes à Paris peut être réservée avec 1 million de visionnages en stream. Digitaliser l’humour induit de nouvelles manières de consommer, dans l’air du temps. Lillarious, le nouveau festival que j’ai créé, possède un volet technologique. L’artiste doit sentir dans la salle ce qu’il se passe sur les plateformes. Le spectateur sent qu’il fait partie d’une communauté de gens qui sont avec lui à travers le monde et avec qui il peut communiquer. Et l’humour permet d’éviter la course au gigantisme. Par rapport aux revenus, ce qui est essentiel pour nous, dans la transparence et la sincérité, c’est d’accepter de mieux les partager. Une vidéo peut générer beaucoup d’argent. Ce qu’il faut, c’est arriver à tracer tout ça avec un tableau de bord résumant les revenus en automatisation avec les artistes pour créer de la valeur économique. C’est fondamental, car les seules plateformes qui partagent des vidéos comme celles-là sont américaines : YouTube, Facebook, etc. Mais nous savons qu’ils changent les algorithmes très souvent. Nous, nous essayons de rééquilibrer les choses.