La force de l’optimisme

 L’accélération du progrès et la société dans laquelle nous vivons ne sont plus en adéquation avec la mythologie négative associée au travail depuis plusieurs siècles. De plus en plus de voix s’élèvent pour remettre au centre du débat une définition plus large du travail, autour de la notion de dépense d’énergie en vue d’accomplir un objectif. 

Il s’agit aujourd’hui de repenser le travail à l’aune de tous les changements et bouleversements que nous traversons. Plus que jamais, nous avons conscience d’être dans une aventure collective dans laquelle nous avons tous un rôle à jouer. 

Ainsi, le travail peut devenir un espace de résonance, pour reprendre le concept du sociologue et philosophe allemand Hartmut Rosa. La résonance, c’est le fait d’entrer dans une relation de réciprocité avec le monde. On peut changer de regard sur les évolutions du monde du travail, on peut changer de prisme, de charge sémantique. On peut changer notre rapport au travail, et c’est maintenant que cela a le plus de sens car nous sommes dans une époque charnière, principalement en raison du défi environnemental qui redéfinit tout. 

Chacun peut être acteur. Nous nous rendons compte à quel point chaque individu peut prendre sa place et faire évoluer les choses. C’est aussi cela que nous incarnons. On peut agir seul et collectivement. Travailler sur soi et au bénéfice de la communauté. 

Au sein des entreprises, chacun peut porter un message, une conviction, partager des ressources, influencer son environnement par des communications porteuses d’espoir et, bien sûr, avec optimisme ! 

Le monde du travail bouge. Nous cassons les codes pour en créer de nouveaux. Nous participons à ces transformations. Nous souhaitons être un modèle et surtout accompagner ces changements concrètement pour que rayonne un autre rapport au travail ! 

Pourquoi l’optimisme ? 

L’optimisme, c’est la possibilité d’entrevoir une situation de manière positive, la capacité à le faire. C’est percevoir le monde et l’univers avec confiance et enthousiasme. Pour parvenir à être optimiste dans un monde du travail toujours plus rude, il faut imaginer qu’une autre réalité collective est possible. C’est la première étape pour impulser le changement. Et c’est à l’organisation d’écouter ce besoin de renouvellement des perspectives et de le rendre possible. Décortiquer les nouveaux modèles qui le permettent, et partager la puissance de l’inspiration, pour retrouver de l’énergie et comprendre que c’est possible, c’est notre dada au sein du collectif Sowow. 

Ce qui nous rend optimistes pour l’avenir, c’est de voir que nous sommes loin d’être seules à oeuvrer. Nos idées sont partagées, des milliers de gens agissent, sont actifs, solidaires. Nous le voyons de manière concrète grâce à nos explorations. Jeanne a fait une saison de podcast sur la semaine de quatre jours pour comprendre ce nouveau modèle, Sophie réalise une saison sur l’impact positif, Delphine se plonge dans les nouveaux modes de leadership, Léa dans les choix des talents, et de mon côté je m’intéresse à l’écriture collective du nouveau récit du travail. 

Nous sommes aussi optimistes parce que nous sommes dans un monde du travail qui nous permet aujourd’hui de créer ce collectif : en matière d’ouverture d’esprit, d’outils, de forme juridique. Et nous avons besoin de ces élans pour avancer. 

Ensemble, résolument ! 

Le nouveau récit ne peut s’écrire que collectivement. Les mots « oeuvre » et « ouvrage » reprennent de la place, on parle d’artisanat dans le travail. À une époque où le virtuel semble occuper tout l’espace, ce sont pourtant des actions concrètes et des initiatives de préservation de nos liens qui font le socle de notre humanité et la maintiennent. 

Alors donnons de la force aux initiatives enthousiasmantes, aux explorations optimistes et à la force du collectif qui nous permettra de créer ce monde plus vertueux tant attendu ! l 

Raison d’être, sens et… réalisation de soi

Le professeur Jean-Jacques Breton est un psychiatre canadien à l’origine de travaux sur les « facteurs de protection ». Il explique que, tout comme il existe des facteurs de risque en matière de suicide, il existe des facteurs de protection, utiles à mettre en œuvre. Il précise que « si l’on favorise ces “facteurs de protection”, les gens peuvent améliorer leurs capacités à faire face aux événements stressants ». Et parmi les facteurs de protection qu’il avance, il y a la présence d’objectifs dans la vie et… le sens que l’on donne à sa vie.

Nous pouvons transposer cette étude au monde de l’entreprise. Une personne vit mieux son travail quand elle prend conscience qu’elle est utile à ses collègues. Une aide-soignante, dans un hôpital, allant prévenir l’interne que tel patient souffre d’une réaction cutanée soudaine, ne vivra pas son travail de la même manière que si elle se contentait de faire la toilette du patient. Dans un document intitulé « Travail et santé », le professeur Philippe Davezies apporte une justification médicale à cet aspect : « La perception de l’activité d’autrui active, dans le cerveau, des réseaux de neurones qui réagissent à cette activité de la même façon que s’il s’agissait de la propre activité du sujet sur cet objet. » En une phrase, si l’on facilite l’activité de son collègue grâce à son propre travail, on en retire une satisfaction.

Le sens peut être aussi conçu d’une manière plus générale. Si le but poursuivi par le collaborateur est en harmonie avec des valeurs qui comptent pour lui, il le vivra beaucoup mieux. Cela est parfaitement illustré par Blake Mycoskie, le fondateur de Tom Shoes, une marque américaine de chaussures. Lorsque cette entreprise vend une paire de chaussures, elle en offre une autre à un enfant vivant dans un pays en voie de développement. Ainsi, les salariés et les clients deviennent les partenaires d’une action d’intérêt général.

Que cet intérêt soit général ou de proximité, il faut prendre le temps d’expliquer à chaque collaborateur en quoi son travail est utile. « Prendre le temps d’expliquer, ce n’est pas perdre du temps, c’est en gagner », écrivait Yves Desjacques, le DRH du Groupe Casino puis de La Poste.

Cette importance du sens dans la réalisation de soi pourrait être illustrée par la belle histoire des tailleurs de pierre.

Au Moyen Âge, un passant sur le chantier d’une cathédrale en construction interroge un premier tailleur de pierre sur ce qu’il fait. Celui-ci a la mine sombre et lui assène d’un ton amer : « Vous voyez bien, je casse des pierres ! J’ai mal au dos, j’ai soif, j’ai faim. Mais je n’ai trouvé que ce travail pénible et stupide. »

À la même question, un deuxième tailleur de pierre, au visage plus serein et aux gestes plus harmonieux, répond : « Je suis tailleur de pierre. C’est un travail dur, vous savez, mais il me permet de nourrir ma femme et mes enfants. »

Un troisième tailleur de pierre abat sa masse avec ardeur. Interrogé lui aussi par notre passant, il lui fait la réponse suivante avec un franc sourire : « Moi, je bâtis une cathédrale ! »

Entre le labeur de l’homme qui taille des pierres et le bonheur de l’homme qui contribue à bâtir une cathédrale, il y a le sens.

Entre l’hôte ou l’hôtesse de caisse qui encaisse et celui ou celle qui cultive du lien social en parlant aux personnes âgées esseulées, il y a le sens, avec des perceptions du travail très différentes. Dans un cas, on exécute une tâche, dans l’autre, on se réalise dans son travail.

En conclusion, il est essentiel que chacun comprenne à quoi il est utile vis-à-vis de ses collègues et, d’une manière générale, vis-à-vis de la société. Ainsi il sera en meilleure santé, se réalisera plus facilement dans son travail et sera aussi plus efficace.

La quête de sens aide chacun à se réaliser dans son travail. Il est donc logique que la perception de la finalité facilite l’engagement, et donc la réussite.

Osons l’optimisme !

Finalement, je m’y risque parce que c’est le sentiment qui m’a envahie quand j’ai découvert le contenu de ce magazine. Chaque jour, des salariés et des professionnels agissent avec la conviction qu’ils peuvent participer à leur contemporanéité et améliorer la société en améliorant leurs sociétés. Les mettre en avant dans un même magazine est formidable pour notre moral !

Plus que jamais le “vivre ensemble” est un sujet au cœur de toutes les préoccupations sociétales. Ainsi, la qualité de vie au travail se doit d’être envisagée par l’entreprise comme un devoir citoyen. Il n’est plus l’heure de se cacher derrière des “réglementations” et d’attendre des textes normalisant le “bien-être” au travail. Il y a urgence à agir pour le définir comme une colonne vertébrale de l’entreprise.

À l’heure de la distanciation sociale qui nous fait risquer une société en perte de liens, c’est aujourd’hui que l’entreprise doit se rappeler de sa puissance en tant que collectif. Une responsabilité citoyenne s’impose à chaque salarié qui se doit de veiller sur ses collègues, parfois isolés dans leur vie personnelle.

Bien évidemment, il ne s’agit pas de faire peser une injonction de plus sur des managers ou des DRH eux-mêmes souvent en souffrance. L’entreprise doit simplement rappeler à chaque salarié qu’il a un rôle à jouer dans le bien commun. Une culture d’entreprise ne se décrète pas mais se crée ensemble. Hélas ! La cocréation s’apprend rarement à l’école, on y stimule plus la quête du “bon point” que l’écoute des autres.

Par ailleurs, la passivité vécue en classe se traduit à l’âge adulte par des collaborateurs “consommateurs” de leur entreprise plutôt que parties prenantes. Avouons que les managements pyramidaux infantilisants n’arrangent rien.

Si je suis optimiste, c’est que je suis convaincue que le moment que nous vivons va permettre aux salariés de se rendre compte de leur importance dans le collectif. Souvent, je m’interroge sur ce terme : “travail”. Je me rêve à penser qu’il suffirait de remplacer le mot “travailler” par le mot “œuvrer” pour que chacun prenne la mesure de sa mission et que le narratif du collectif soit réinventé. C’est sur cette question que je vous retrouverai dans le prochain numéro.

 

Voir aussi : Managers, prenez soin de vous !

Résilience pour cette crise… et celles d’après

Lorsque l’adversité frappe, que ce soit le Covid-19, une évolution rapide vers le travail à distance ou une restructuration forcée, la résilience des équipes peut être mise à l’épreuve. La psychologie sait que le Stress, en fonction de nos Perceptions individuelles et collectives, a tendance à déclencher une émotion ou un Affect. Cela conduit à des Réactions comportementales futures et à un certain apprentissage ou à des Connaissances acquises ou non à partir de l’expérience, c’est ce qu’on appelle le processus SPARK. Par exemple, une Perception négative partagée : “Beaucoup de membres de notre équipe prétendent travailler à distance”, enverra l’Affect collectif dans une chute activant les sentiments de trahison, de déception et de haine. Cela conduit souvent à des Réactions procédurières bilatérales culminant dans l’évaluation négative de la performance globale.

À l’inverse, la spirale ascendante est tout aussi possible. Quelles sont les caractéristiques des équipes résilientes pour activer cette spirale ascendante ? Nous avons utilisé le modèle SPARK pour organiser huit caractéristiques majeures, mises en évidence par la littérature scientifique (Sharma & Sharma, 2016 ; McEwen et Boyd, 2018 ; Gucciardi et al., 2018), en catégories faciles à interpréter et nous partagerons avec vous certains des outils qu’un manager, un coach ou un formateur peut utiliser pour comprendre et développer la résilience des équipes.

1 – Un modèle mental commun

Pour être prêts à affronter l’adversité, les membres de l’équipe doivent être sur la même longueur d’onde en ce qui concerne leurs rôles, leurs tâches, la composition de l’équipe et les normes du groupe. C’est leur modèle mental de travail en équipe, qui les aide à se coordonner efficacement, à prévoir le comportement des autres et à prendre des décisions rapidement et sans hésitation.

Comment pouvons-nous alors construire un modèle mental commun ? Un de mes outils préférés est le “Team Canvas” (toile d’équipe), un processus qui permet à l’équipe de clarifier ses rôles, ses objectifs, ses valeurs, ses propositions et son but commun.

2 – L’attitude positive

L’ouverture d’esprit, l’optimisme aident les équipes à s’ajuster, à improviser et à développer de nouvelles idées tout en étant capables de s’adapter en temps réel à des circonstances changeantes. Quelles mesures peuvent être prises pour développer l’attitude positive de votre équipe ? Entraînez-vous à recadrer les défis pour en faire des opportunités et introduisez des techniques de créativité.

3 – Sécurité affective

La résilience de l’équipe augmente lorsque chacun sait qu’il est sûr de prendre des risques interpersonnels, par exemple en proposant des idées inhabituelles ou créatives sans craindre d’être critiqué. Cela permet une plus grande diversité de perspectives au moment où une telle diversité est nécessaire.

La sécurité affective peut être développée en mettant en place un rituel de présentations positives qui permet de se présenter différemment. De même, le fait de permettre et d’accepter les émotions difficiles peut rappeler à l’équipe que la vulnérabilité est permise et fait partie de la vie professionnelle.

4 – Sentiment d’appartenance

Les équipes résilientes développent leurs propres rituels affectifs, comme des Apéros Zoom, l’utilisation ludique d’émoticônes ou des moments de pleine conscience avant de commencer une réunion. Des rituels sont mis en place pour s’aider mutuellement à maintenir la gestion des émotions en faisant de l’exercice et en prenant le temps de se reposer. Par conséquent, la plupart des équipes résilientes observent un fort sentiment d’appartenance, de collaboration et de relations positives en leur sein.

5 – Débrouillardise

La contrainte émergente des équipes est la nécessité de faire plus avec moins. Quel que soit le secteur, les attentes en matière de résultats ne sont souvent pas équilibrées avec les ressources – par exemple le budget et le personnel fournis. Il faut donc que les équipes s’efforcent de mieux exploiter les forces de leurs membres et d’optimiser l’adéquation entre les forces et les tâches. Il faut également discuter régulièrement des priorités et des domaines dans lesquels l’énergie collective doit être dirigée.

Mon outil préféré pour développer la conscience d’une équipe des forces de chacun est le Teamscope+ (Positran, 2020), un outil digital autour des Carte des forces. Initialement réalisée en ligne par chacun des membres de l’équipe, la sélection peut aussi être effectuée en face à face et permet aux équipes d’optimiser l’attribution des forces et des tâches en conséquence.

6 – Persévérance

S’il est important de trouver la meilleure façon d’avancer, il est tout aussi important de continuer lorsque les choses sont difficiles et que le chemin est semé d’embûches. Le fait de se concentrer sur les solutions et d’accomplir des tâches qui correspondent aux forces de chacun aide aussi à la persévérance et peut même permettre à l’équipe d’atteindre le team-flow.

7 – Analyse critique

Les équipes résilientes ont de solides rituels de rétroaction. Encouragez l’utilisation de revues quotidiennes, ou l’échange de commentaires positifs sur des travaux incomplets. Incitez vos collègues à aborder les “échecs” de manière positive, en utilisant des pratiques telles que le “CV des échecs”.

8 – Efficacité collective

Au-delà de la confiance de chacun dans sa capacité à réussir, les membres d’une équipe résiliente croient ferme- ment qu’ils peuvent agir efficacement et accomplir des tâches ensemble. L’efficacité collective est une conséquence de la réalisation réussie des objectifs, mais elle peut être développée davantage par une formation stimulante (pensez à un escape game en équipe), la célébration des réalisations en fin de semaine et la démonstration de gratitude et d’appréciation des uns envers les autres.

 

Voir aussi : Les lumières d’un hiver inédit