EDF Recrute : un IA pour améliorer l’expérience candidat

 « On a un flux gigantesque, et on en est très ravis. Notre site fait partie des plus utilisés en France, et c’est vraiment une grande fierté pour nous », déclare Charles Montorio, responsable du pôle mobilité et recrutement du groupe EDF. Le premier producteur et fournisseur d’électricité en France, fort de 135 000 collaborateurs en Europe et de 165 000 dans le monde, connaît actuellement des volumes de recrutement très importants, avec 15 500 embauches en 2022 au sein du groupe, dont 2 800 chez EDF SA. « L’année 2023 redémarre sur des volumes au minimum équivalents, voire à la hausse par rapport à 2022 », table le responsable.

Dans « un marché qui est pratiquement un marché de plein-emploi », la concurrence avec les autres industriels est vive : « On s’aperçoit que si l’on veut continuer d’être compétitifs, d’améliorer notre sourcing et d’avoir un maximum de candidats qui viennent plutôt signer chez EDF qu’ailleurs, il faut qu’on ait des fonctionnalités nouvelles. » C’est pourquoi le groupe vient de lancer sur sa plateforme de recrutement une solution d’intelligence artificielle permettant de « faciliter l’expérience candidat » en apportant une dimension de matching de CV : « C’est quelque chose qui est déterminant dans la compétitivité qui est la nôtre avec d’autres industriels. »

 

S’adapter aux nouvelles attentes des candidats, et faciliter le travail des recruteurs

Cet outil vise à guider les postulants pendant tout leur parcours de candidature : « Le candidat arrive sur le site, crée son compte, poste son CV, et l’IA intervient immédiatement pour lui proposer une somme de postes qui correspondent à sa demande », explique Charles Montorio. « Le candidat a ensuite la possibilité d’affiner sa requête en sélectionnant un job, un territoire et un niveau de qualification. » Ce dispositif vise à répondre aux nouvelles attentes et postures des chercheurs d’emploi : « Les candidats aujourd’hui vont au plus pressé, au plus offrant, et à celui qui propose les meilleures conditions pour travailler. Ils n’ont donc pas le temps d’aller sur des sites carrière, d’ouvrir 25 arborescences pour laisser des CV et d’attendre qu’on leur réponde. Ils ont besoin d’avoir une réponse immédiatement, comme lorsqu’ils commandent en deux minutes sur Internet. Donc notre challenge, c’est de faire en sorte qu’on ait réussi à les capter dans ces deux minutes. »

Le contact avec un salarié d’EDF se doit également d’être le plus rapide possible : « Une fois qu’on l’a capté, il faut très vite qu’il soit mis en relation avec le recruteur, parce que c’est essentiel qu’il voie quelqu’un pour l’aider à faire son choix. Il faut qu’on puisse répondre à ses questions. » Du côté interne, cet outil s’ajoute à la solution MyHR et lui permet d’être « en capacité industrielle » de traiter les centaines de milliers de candidatures reçues chaque année. Il vient également apporter des informations indispensables en matière de ranking et de scoring. « Nous a besoin d’outils qui simplifient le boulot de celles et ceux qui recrutent, a fortiori quand les volumes sont aussi importants », estime le responsable. Cette solution d’IA permet ainsi aux recruteurs de « prendre un peu de recul ou de hauteur par rapport à l’analyse des documents » avant de travailler en profondeur la caractérisation et l’entretien d’embauche.

 

Une « logique de progrès permanent »

Établi en partenariat avec un éditeur extérieur, et avec la participation active des équipes de recruteurs et de spécialistes des questions SI et IT au sein du groupe, cet outil d’IA a été « bâti avec et pour les utilisateurs ». Il a néanmoins été volontairement limité à la moitié de sa capacité réelle « pour éviter les biais, les travers », précise Charles Montorio. « Ce sont des cordes de rappel qu’on s’oblige à respecter. EDF est un employeur responsable et souhaite éviter ces biais. »

Dans sa « logique de progrès permanent », le groupe entend développer plus loin son utilisation de l’IA au sein des RH, sur des questions de mobilité, de formation, et bien entendu de recrutement. « Ce n’est pas une chose spontanée ou naturelle », précise le responsable : « Il faut qu’on l’éduque cette IA. Plus elle va être pertinente et plus on en aura besoin, c’est un cercle vertueux. Je pense que nous aurons gagné, sur la partie recrutement, quand l’IA sera suffisamment pertinente pour faire remonter à la surface des CV auxquels nous n’aurions jamais pensé. Là on pourra considérer que l’IA a fait son job. »

Un autre domaine important où l’IA a un rôle à jouer est la féminisation des métiers au sein d’EDF : « Nous avons une ambition qui est très forte sur ce sujet-là. Nous avons terminé 2022 avec 29 % de recrutement de femmes, là ou l’année précédente nous étions deux ou trois points en deçà. Nous visons à recruter 36 % de femmes à l’horizon 2030, et nous espérons que l’IA peut nous y aider. 

Reprendre la main sur sa vie

Pourquoi avoir entrepris la rédaction de cet ouvrage ?

L’idée m’est venue en 2017. Lorsque mon épouse, Marlène Schiappa, a pris ses nouvelles responsabilités professionnelles à 200 km de notre domicile, j’ai dû assumer mes fonctions au sein de la DRH du Groupe Carrefour tout en m’occupant pleinement de nos deux filles. J’ai alors fait face à une multitude de tâches familiales et personnelles en plus du professionnel à gérer. Cette situation m’a conduit à rechercher les meilleurs outils pour clarifier mes priorités et agir plus efficacement. Ce qui m’a amené in fine à quitter mon employeur et, plus tard, à me lancer en tant que consultant indépendant. Par la suite, j’ai utilisé ces mêmes outils dans mon activité de conseil afin d’aider des managers à mieux appréhender certains enjeux professionnels. Constatant à quel point ces outils avaient été bénéfiques pour mon propre équilibre et pour mes clients, j’ai eu envie de les partager avec le plus grand nombre à travers ce livre.

 

Si vous deviez ne retenir que trois outils dans votre ouvrage, lesquels choisiriez-vous ?

Tout d’abord, Le mind mapping, qui permet de coucher sur le papier l’ensemble des actions à réaliser, de cartographier ses idées et d’être plus efficace quand on passe à l’action. Le getting things done, qui permet de traiter efficacement l’arrivée de nouvelles tâches, en respectant par exemple la « règle des deux minutes » consistant à faire tout de suite quelque chose qui prend moins de deux minutes, comme écrire un mot d’amour à quelqu’un ou payer la cantine des enfants, plutôt que de toujours reporter cette action à plus tard. Enfin, l’ikigaï, mot japonais qui évoque ce qui fait le sel de l’existence, ce qui donne envie de se lever le matin. Cette approche repose sur un équilibre entre quatre sphères : faire ce qu’on aime, ce dans quoi on est bon, ce qui est utile pour le monde, et enfin, ce qui nous rapporte des moyens de subsistance. Cet outil peut aussi bien s’appliquer à un niveau individuel qu’organisationnel.

Ainsi, chacun de nous doit s’écouter pour éviter de franchir la limite du supportable. Se connaître, prendre du temps pour soi et identifier ses propres valeurs permet de bien choisir les projets dans lesquels on va s’investir. Ensuite, il est souhaitable de noter à l’avance dans son emploi du temps les activités qui nous apportent le plus de bien-être. Par exemple, si l’amitié représente un essentiel, planifier un moment entre amis une fois par semaine.

 

La préface de votre ouvrage est signée par Marlène Schiappa, dont on connaît l’engagement pour l’égalité femmes-hommes. Votre ouvrage s’adresserait-il plus aux femmes qu’aux hommes ?

Les enjeux de charge mentale et de conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle, que l’on dédie souvent à un lectorat féminin, intéressent les hommes de plus en plus. La vie de famille, le bien-être affectif ou la pratique d’un sport sont des sujets mixtes désormais. Les hommes comme les femmes veulent mieux gérer leur temps afin de se réaliser dans d’autres sphères que la seule sphère professionnelle. Et le premier confinement n’a fait qu’accélérer le phénomène, en amenant beaucoup de pères à s’investir davantage dans la sphère familiale et domestique, notamment avec l’école à la maison.

Pour un dirigeant d’entreprise désireux d’améliorer la qualité de vie au travail et le « management de soi », quel serait l’enseignement clé de votre livre ?

Dans le quotidien d’un dirigeant, cela commence par dialoguer avec les gens pour mieux les connaître et les comprendre, pour cerner également les domaines dans lesquels l’entreprise peut ou ne peut pas agir, au risque d’être intrusive. En effet, si l’entreprise a tout intérêt à se préoccuper des sujets d’équilibre de vie, elle doit garantir la meilleure qualité du travail possible pour ses employés, mais elle ne doit pas s’immiscer dans leur vie personnelle. Elle doit donc se positionner en facilitation, en accompagnant la mise en relation de ses collaborateurs avec des associations et des partenaires externes qui peuvent les aider.

Pendant la crise liée au Covid, certains enjeux ont pris de l’ampleur et sont venus percuter de plein fouet le monde du travail, comme la parentalité ou la question des aidants familiaux. Par ailleurs, les Français ont changé leur regard sur leur existence et se sont posé beaucoup de questions. Ils aspirent plus que jamais à de meilleurs équilibres, c’est-à-dire à exercer un métier où ils se réalisent tout en gardant la possibilité de s’épanouir dans d’autres dimensions.

 

 

Cédric Bruguière

Après avoir fait ses premières armes dans des cabinets de recrutement, Il a rejoint la DRH France de Carrefour, où pendant dix années il a endossé les casquettes de RH opérationnel et de chef de projet outils, process et méthodes en recrutement, gestion des carrières et talent management.

Aujourd’hui consultant en transformation et développement RH, il est l’auteur de Je manage ma vie, préfacé par Marlène Schiappa (éditions Eyrolles, 2021).