L’oeil de … Marianne Robert de Massy, Associée chez Enjeux Dirigeants

Pourriez-vous nous parler de votre parcours et de ce qui vous a amenée à accompagner les dirigeants dans leur transition professionnelle ?

C’est amusant que vous posiez cette question, car je discutais justement avec une dirigeante que j’ai accompagnée il y a deux ans. Je lui disais que je perçois mon métier comme un art. C’est l’art d’accompagner les personnes au juste moment et avec le bon niveau d’interaction pour qu’elles puissent évoluer en fonction de leurs objectifs. Ce métier me passionne, car il allie méthode et intuition. D’un côté, il y a une dimension très structurée, qui repose sur des repères mentaux. De l’autre, il y a l’intelligence du cerveau droit. Ce mélange d’approches crée une synergie unique, adaptée à chaque situation. S’agissant de ma trajectoire propre : mon intérêt pour la psychosociologie m’a conduite à explorer le sens que les individus donnent à leur parcours, ce qui m’a amenée à travailler dans l’outplacement de dirigeants. J’ai débuté ce métier avec une approche de recherche-action, en observant les problématiques sous différents angles. Cela m’a permis de développer, au fil du temps, ma propre méthodologie issue de l’expérience sur le terrain.

Votre approche est-elle unique ou s’inspire-t-elle d’autres méthodes ?

Mon approche est unique dans la manière dont j’agrège différents outils. J’utilise par exemple la respiration et la médiation corporelle, des techniques bien connues, mais c’est l’assemblage spécifique que j’en fais qui est propre à mon accompagnement. Mon unicité réside dans cette combinaison d’éléments, basée sur mon expérience et ma vision holistique (du grec « Holos » qui signifie tout, entier) de la transition professionnelle.

Quels sont les principaux défis rencontrés par les dirigeants en transition professionnelle ?

Les dirigeants que j’accompagne sont souvent des profils exigeants, avec un haut niveau d’expertise. Lorsqu’ils se retrouvent en transition professionnelle, ils font face à une forte pression liée au temps et à la nécessité de résultats rapides. Ils doivent également retrouver un équilibre, car cette phase perturbe bien souvent leur stabilité. Mon rôle est de créer un espace propice pour qu’ils puissent atteindre leurs objectifs tout en acquérant des outils et les repères nécessaires dans cette période d’incertitude.

Votre approche, qui inclut des aspects émotionnels et corporels, peut-elle dérouter certains dirigeants ?

Oui, mes techniques étant atypiques, elles peuvent au premier abord être déroutantes. Mais les dirigeants que j’accompagne comprennent très vite que l’approche cerveau droit, associée à la structure du cerveau gauche va créer une synergie très intéressante. Chaque outil que j’utilise est orienté vers un objectif précis qui donne un sens aux résultats qui en découlent.

Vous intervenez dans de grandes écoles et entreprises, comment adaptez-vous votre approche à ces environnements académiques ?

La pédagogie est essentielle dans mon métier. Elle consiste à partir du terrain de l’Autre, à comprendre leur contexte pour adapter le discours. Dans les écoles ou entreprises, on attend souvent de moi que j’apporte une complémentarité à des approches plus rationnelles. Lors de mes interventions, comme pour BPI Université récemment, j’essaie toujours de transmettre des idées clés tout en intégrant des dimensions plus expérientielles pour ancrer l’apprentissage.

Les attentes des dirigeants ont-elles évolué ces dernières années ?

Oui, on observe un foisonnement d’informations avec l’essor des réseaux sociaux et de l’intelligence artificielle. Aujourd’hui, les dirigeants cherchent davantage à comprendre comment accompagner le changement humain dans leur organisation. Ils veulent des outils pour mieux gérer leurs équipes et se perfectionner dans des domaines comme le leadership ou la gestion de l’énergie. Cette demande d’optimisation et d’efficacité est plus forte que jamais.

Aujourd’hui, on attend des patrons qu’ils soient leaders, bienveillants, transparents, responsables … Les attentes sont-elles trop lourdes à porter ?

Effectivement, on attend des dirigeants qu’ils incarnent de multiples rôles. Cela peut générer un surcroit de stress. C’est là que j’interviens pour les aider à retrouver une juste distance et une vision plus claire. Nous travaillons ensemble sur leurs angles morts et sur la manière de mieux se positionner dans leur environnement.

Vous mettez de l’importance dans la communication et le « ‘savoir parler de soi-même ».

Savoir parler de soi renvoie à la connaissance de soi. Lorque nous avons  conscience de qui nous sommes, de nos talents et de nos potentiels d’évolution, nous sommes  plus à même de communiquer sur nos spécificités et de ce que nous pouvons apporter à l’entreprise.

Mon travail consiste donc à les aider à redécouvrir leurs qualités et compétences, et à savoir les présenter avec justesse.

Et vous, auriez-vous besoin d’un accompagnement si vous deviez réorienter votre carrière ?

Bien sûr ! Même avec toute mon expérience, je chercherais un sparring partenaire pour m’aider à identifier mes angles morts. J’apprécie ce processus de développement et d’apprentissage, et j’aurais besoin de quelqu’un capable de me challenger, comme je le fais pour mes clients.

Ces hommes qui s’engagent pour l’égalité

Après des années d’évolution positive, la dynamique de réduction des inégalités entre hommes et femmes au travail a souffert de la crise sanitaire et économique. Les chiffres publiés en mars 2021 par le Forum économique mondial montrent que les femmes sont plus nombreuses que les hommes à avoir perdu leur emploi et que, là où le marché du travail se redresse, cela se fait plus rapidement pour ces derniers. Il faudrait, au rythme actuel, 135,6 années pour combler les inégalités femmes-hommes, soit trente-six ans de plus qu’en 2020 ! En France, le Global Gender Gap Report indique que l’écart de revenu entre hommes et femmes, qu’il s’agisse de salaire, de retraite ou de capital, est de 25 à 28 %.

« Les dirigeants d’entreprise sont À 95 % des hommes : c’est à eux d’agir »

Heureusement, l’égalité professionnelle n’est aujourd’hui plus uniquement considérée comme une cause féminine : il est crucial que les hommes s’en préoccupent si l’on souhaite qu’un véritable changement advienne, et certains en sont particulièrement conscients. Philippe Zaouati, créateur et DG de Mirova, la filiale de Natixis consacrée à l’investissement durable, le dit sans ambages : « Il est indispensable que les hommes prennent conscience des inégalités structurelles qui existent dans le milieu professionnel, car ce sont encore eux qui sont aux manettes aujourd’hui. Les dirigeants d’entreprise sont à 95 % des hommes, et ce sont également eux qui ont la main sur le financement, donc c’est évidemment à eux d’agir. » Cet expert de la finance verte, auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet et enseignant à Sciences Po, considère d’ailleurs qu’en matière d’égalité professionnelle « il n’y a pas de raison objective qui nous empêche d’agir ».

Antoine de Gabrielli, ancien directeur marketing, pense lui aussi que l’égalité professionnelle passera par les hommes. Après avoir fondé Companieros en 2000, un organisme de formation spécialisé entre autres dans les questions de diversité et d’égalité professionnelle, il a créé en 2013 le réseau Happy Men Share More, qui accompagne les entreprises dans leur démarche pour favoriser la mixité et l’égalité professionnelle. « J’étais lassé de constater que les hommes étaient l’angle mort des politiques en faveur de l’égalité professionnelle, se souvient-il. Toutes les conventions où je me rendais étaient à 90 ou 95 % composées de femmes. Pourtant j’étais convaincu que faire de l’égalité un enjeu à résoudre par les femmes débouchait sur une impasse, car cela les rendait de fait responsables des discriminations qu’elles subissaient. En outre, un système perdant pour les femmes est aliénant pour les hommes. Il faut que les hommes, en particulier ceux qui occupent des postes à responsabilités, en soient conscients. »

La dynamique des « petits pas »

Pour ceux qui auraient besoin d’être convaincus, l’égalité femmes-hommes au sein des entreprises a fait ses preuves, explique Philippe Zaouati : « Toutes les études montrent que les entreprises qui sont mieux équilibrées sont plus performantes. C’est par les échanges entre des personnes diverses qu’on arrive à se dépasser, à innover, à sortir du cadre. Le conformisme n’a jamais été un facteur de croissance ni de réussite. » Ce qui est important également, poursuit-il, c’est la dynamique que cela révèle. « Les entreprises qui ont plus de femmes parmi leurs dirigeants sont celles qui ont pris en main, en leur sein, la question de la promotion. Ce sont des entreprises qui ont organisé leur plan de succession, leurs formations, l’évolution de leur direction. C’est forcément positif, car cela traduit un intérêt fort pour leur capital humain. »

On pourrait croire que le temps qui passe favorise le progrès social et que celui-ci a même tendance à se faire « tout seul », mais Philippe Zaouati met en garde contre cette idée fausse, voire dangereuse : « L’égalité professionnelle est un sujet qu’il faut avoir en tête en permanence. Si on ne se penche dessus qu’une fois par an, ça ne marchera pas. Cela passe par le choix des formations, de chaque nomination, chaque embauche, chaque stage… Ce ne sont que des petits pas concrets, tous les jours, qui permettent de guider l’entreprise vers plus d’égalité. »

Mirova a également créé un fonds d’investissement spécialisé, le Mirova Women Leaders Equity Fund, destiné uniquement aux sociétés qui ont au moins 30 % de femmes au sein de leur comité de direction. « Je suis favorable aux quotas et je l’ai toujours été », dit Philippe Zaouati avec conviction. « La loi est indispensable pour donner un cadre et un objectif aux entreprises, qui s’organisent ensuite pour y arriver. » Pour Antoine de Gabrielli, « il faut former tous les managers, hommes et femmes, avoir des Codir et des Comex exemplaires, notamment sur les questions de disponibilité, et identifier et transformer toutes les pratiques qui, sous le couvert d’un “on ne peut pas faire autrement” constituent les multiples freins qui finissent par immobiliser le train de l’égalité ».

Égalité professionnelle ou égalité tout court ?

Peut-on parler d’égalité professionnelle sans parler d’égalité sociale, familiale, etc. ? Philippe Zaouati essaie de séparer les sujets culturels et professionnels. Selon Antoine de Gabrielli, en revanche, il est important de mener une approche globale. En compartimentant les sphères privée, sociale et professionnelle, et en dissociant vie professionnelle et vie tout court, on oppose vie privée et vie professionnelle, l’une se construisant nécessairement au détriment de l’autre : « Il faut avoir conscience que tout le système du travail salarié repose sur la confiscation des temps privés essentiels au service de l’économie marchande. Les femmes, plus que les hommes, résistent à cette confiscation, car ces temps privés essentiels reposent d’abord sur elles, qu’elles le choisissent ou le subissent. »

Cette résistance est un argument souvent avancé pour justifier les inégalités professionnelles, mais Antoine de Gabrielli s’y oppose. Un véritable modèle d’égalité, avance-t-il, devrait au contraire « permettre à chacun, homme ou femme, d’être engagé dans sa vie professionnelle tout en répondant à ses enjeux essentiels de vie privée ». « L’erreur classique, poursuit-il, consiste à considérer que le système du travail est parfaitement logique en l’état. La seule voie serait donc de condescendre à aider les femmes à s’y adapter. Mais il faut comprendre en quoi le travail, tel qu’il est organisé actuellement, est “déclusif” pour beaucoup de femmes et plus largement pour tous ceux qui assument de vraies responsabilités, privées ou sociales, hors du temps de travail. »

Plus question de revenir en arrière

Antoine de Gabrielli ne trouve pas que la jeune génération soit épargnée par les inégalités visibles chez les précédentes. « Il y a des attitudes qui évoluent, dit-il, mais il me semble que, si virilité toxique il y a, celle-ci est plutôt en augmentation qu’en régression. Je ne suis pas sûr que les dernières vingt années n’aient pas amené à un recul civilisationnel, sous prétexte d’interdiction d’interdire ou de modernité. »

Philippe Zaouati va dans le même sens : « Il y a un spectre très large au sein de la jeune génération comme au sein des précédentes, mais ce qu’on observe dans les start-up est inquiétant. Les dirigeants sont très jeunes, et on a malgré tout un écosystème en train de se construire autour des hommes. C’est pourquoi il est si important d’avoir des fonds d’investissement réservés aux entreprises dirigées par des femmes, car il faut corriger cette tendance très vite. Si on la laisse s’installer, c’est de cette façon que toute l’économie de demain continuera à se structurer. Le changement vers l’égalité professionnelle doit être “cranté” – il ne faut surtout pas revenir en arrière. »

Intelligence artificielle : pour un virage éthique et féminin

L’intelligence artificielle véhicule-t-elle des stéréotypes ?

Delphine Pouponneau :

Les algorithmes sont à notre image et les « biais » présents dans notre société peuvent potentiellement être véhiculés dans ceux-ci. Cela commence dès la conception de l’algorithme, puis au moment où on l’alimente avec des données, qui peuvent être elles aussi biaisées. Le développeur peut également influencer l’algorithme avec ses propres biais sans même s’en apercevoir. C’est donc une attention à porter de bout en bout. Tout le processus est à analyser, du prescripteur au développeur. Une fois dans la machine, cela peut générer des discriminations. Cependant, l’IA représente une formidable opportunité dans le domaine de la médecine, de l’éducation ou de l’environnement, par exemple, en raison du caractère exponentiel des données traitées. Mais il faut être vigilant, et cela passe en particulier par la mixité des équipes et la diversité des profils qui gèrent de l’IA.

Cristina Lunghi :

Dipty Chander est la marraine d’une action que mène Arborus depuis 2004. « La courte échelle » consiste à inciter des collégiennes issues de quartiers défavorisés à s’orienter vers des métiers masculins, comme l’IA. Au vu de mon engagement pour l’égalité et l’inclusion dans le monde du travail avec le label GEEIS[1], depuis plus de vingt ans, les biais que comporte l’IA m’inquiètent. Ils représentent un réel danger et sont susceptibles de remettre en cause tout le travail entrepris depuis tant d’années pour l’égalité. Or la faible présence des femmes dans l’IA pose la question de la définition du monde de demain s’il est laissé à la seule vision masculine. Il ne faudrait pas que les femmes ratent le virage du XXIe siècle.

Comment définir une IA éthique  ?

DP :

Orange soutient l’approche de la commission européenne et les « recommandations pour une éthique de l’IA de confiance », car nous sommes convaincus que la promesse de l’intelligence artificielle ne saurait se réaliser pleinement qu’en la concevant, en la déployant et la mettant en œuvre de manière responsable. L’intelligence artificielle doit se construire au service de tous, respecter les diversités et lutter contre les risques de biais ou de discrimination.

CL :

Dans les nouveaux algorithmes se trouve aussi le paramétrage d’une nouvelle société. Il faut impérativement saisir cette occasion pour en faire un monde plus inclusif et donc meilleur.

Comment en fait-on des correcteurs de biais ? Sachant qu’au départ en tant qu’êtres humains, on est tous biaisés ?…

DP :

Ce n’est pas un sujet simple mais on voit émerger des prescriptions en la matière. Il est déjà important de faire travailler ensemble les prescripteurs et les développeurs. Ce sont les premiers qui valident la conformité des résultats produits par l’intelligence artificielle, via des processus itératifs pour corriger au fil de l’eau. Assurer un contrôle humain à toutes les étapes de la chaîne pour savoir ce que produit d’IA et le valider ou l’ajuster est fondamental.

CL :

Il me semble aussi très important de sensibiliser les gens à leurs propres biais et au fait que dès qu’il y a interaction avec une machine, aujourd’hui, il y a interaction avec l’IA. Nous sommes à un moment charnière de notre histoire, que j’appelle « l’année zéro » dans mon dernier ouvrage[2]. Tous les systèmes sont à revisiter, l’IA peut devenir une opportunité formidable de remettre tout à « zéro » pour reconstruire sur des bases égalitaires. J’observe un certain nombre de faisceaux convergents et positifs : la charte que nous avons lancée ensemble, le développement des soft skills [compétences transversales] (qui sont traditionnellement attribuées aux femmes, telles que l’empathie, l’écoute, le soin), les règles et actions en faveur de l’excellence et de la confiance dans l’intelligence artificielle mises en place par la Commission européenne en avril. Nous sommes à la croisée des chemins, on peut faire changer les choses.

Comment peut-on donner envie aux femmes de s’engager dans cette bataille ?

DP :

C’est tout notre enjeu à Orange, même s’il n’est pas nouveau, car nous œuvrons depuis des années pour la féminisation de nos métiers. Laissez-moi partager une statistique récente : seules 3 % des bachelières ont choisi la spécialité « numérique et sciences informatiques ». Il faut construire un vrai partenariat entre l’Éducation nationale, les associations et le monde de l’entreprise. À Orange, nous venons de lancer un programme qui se nomme Hello Women pour améliorer la mixité dans les équipes techniques autour de quatre piliers. Le premier vise à sensibiliser les jeunes filles dès le plus jeune âge. Le second contribue à identifier et à attirer les femmes susceptibles d’être recrutées dans ces domaines. Nous avons fait notamment un travail important autour de la marque employeur, en mettant en avant des rôles modèles féminins. Le troisième vise à reconvertir des femmes dans ces filières à forte employabilité. Nous avons créé un CFA [centre de formation d’apprentis] et pris un engagement de 30 % de femmes au minimum dans nos promotions. Nous avons également conclu un partenariat avec l’association Techfugees pour aider à la reconversion de femmes diplômées réfugiées en France. Enfin, le dernier pilier vise à fidéliser les femmes dans les métiers techniques. Nous venons de lancer l’enquête Gender Scan pour comprendre les facteurs d’attraction, d’engagement et de rétention des femmes dans les métiers scientifiques. Nos filières sont des filières d’avenir, offrant de nombreuses opportunités d’emploi. Nous intervenons également beaucoup en faveur de l’entrepreneuriat au féminin.

CL :

En effet, la création d’entreprise est un enjeu majeur. Les startupeuses sont 17 % seulement, et, depuis vingt-cinq ans, le nombre de créatrices a à peine augmenté. La difficulté pour avancer en matière de création s’explique par des schémas culturels biaisés dont on n’arrive pas à sortir. C’est un problème de société, de culture. Toutes nos initiatives prises par Arborus, Gender Scan, Les Pionnières, ou Mampreneures vont dans le bon sens. Pour autant, il est essentiel de changer de paradigme au niveau de notre projet de société pour en faire une société plus juste. L’IA pourrait peut-être permettre de bousculer les lignes car elle rend possible une prise de conscience.

DP :

Nous constatons que dans certains pays nous n’avons pas de problème de féminisation autour de l’IA et de la data. Les jouets sont genrés, les séries aussi. Et on sait qu’elles influencent énormément le public. Si nous pouvions avoir une série où les modèles féminins ne soient pas des stéréotypes ! Nous devons tous faire un effort collectif pour « débiaiser » : presse, éducation, médias, monde ludique…

L’IA peut-elle jouer un rôle dans les problématiques de qualité de vie au travail ?

DP :

Les robots viennent soulager les collaborateurs des tâches pénibles ou à faible valeur ajoutée. Les chatbots, les supports de conversation aident beaucoup nos conseillers, qui peuvent se focaliser sur les questions les plus complexes. Bien entendu, cela nécessite qu’on les accompagne par la formation, pour les faire monter en compétence. On utilise de l’IA pour faire de la maintenance prédictive et ainsi anticiper les pannes d’équipement chez nos clients. L’IA aide à la prise de décision et apporte des éclairages complémentaires. En matière de RH, à Orange, nous proposons au candidat d’utiliser notre programme CV Catcher, qui va lui suggérer des offres plus ciblées sur son profil et de manière de plus en plus fine selon ses réactions.

L’IA permet une meilleure maîtrise du travail et facilite la vie des collaborateurs. Là encore, restons vigilants pour accompagner les équipes : la charge cognitive peut être forte si l’humain n’a plus que des cas complexes à gérer. Il faut assurer la complémentarité entre l’homme et la machine à tous les niveaux.

CL :

L’IA en entreprise permet d’optimiser l’organisation du temps de travail, des partages d’informations sur les gardes d’enfants, du mentorat… Beaucoup de start-up améliorent notre quotidien, comme Blablacar, qui permet d’optimiser les déplacements et les rend plus économiques et écologiques. Au quotidien avec nos smartphones, il est possible de régler beaucoup de problèmes à distance. Tout cela favorise l’humain.

Quelles sont les prochaines étapes ?

DP :

La création de la Charte Arborus pour une IA inclusive a constitué une première brique permettant par ailleurs de mobiliser un grand nombre d’acteurs pour sensibiliser sur ces sujets. L’obtention du label GEEIS-AI illustre notre engagement pour l’égalité numérique et s’inscrit dans le prolongement de la signature de la Charte. Le référentiel GEEIS-AI, mis en place par le Fonds Arborus et confié à la certification du Bureau Veritas, permet de sensibiliser toute la chaîne d’élaboration de l’IA, de sa conception jusqu’à son exploitation.

Cela nous a permis de nous coordonner en interne et de structurer notre démarche. Nous espérons que nous aurons de plus en plus de participants aux deux initiatives. Nous avons lancé notre comité éthique, présidé par Stéphane Richard, comprenant de nombreux membres externes, à qui nous demandons de nous « challenger » sur l’usage de l’IA, ce qui nous semble procéder de l’éthique.

Le groupe Orange et Arborus sont à l’origine de la première Charte internationale pour une intelligence artificielle inclusive.

Ce texte se veut être une référence pour l’ensemble des entreprises engagées en faveur de l’égalité des chances. Il a pour vocation de garantir une IA conçue, déployée et appliquée de manière responsable. La Charte repose sur une conviction : l’IA est un levier de développement et de progrès dans les domaines de l’éducation, de la santé, de l’environnement et de l’industrie. Cette technologie est aussi une opportunité pour réduire les inégalités, elle doit être mise au service de l’un des grands défis du XXIe siècle : l’égalité et l’inclusion. Danone, EDF, L’Oréal, Orange, Metro, Sodexo, sociétés engagées dans une politique européenne et internationale en faveur de l’égalité professionnelle et labellisée GEEIS, sont les premières signataires de cette Charte.

[1] GEEIS : Gender Equality European & International Standard.

[2] Plaidoyer pour l’égalité. Année zéro, de Cristina Lunghi, L’Harmattan, 2018.