Briser le plafond de verre : mode d’emploi en quelques clés

Le « plafond de verre » a heureusement commencé à se fissurer ces dernières décennies. Les lois successives pour favoriser la parité ont été déterminantes dans cette évolution. Pourtant, si quelques femmes parviennent à diriger de grandes entreprises, elles restent encore des exceptions. Alors que les femmes représentent 58 % des étudiants en master, elles n’occupent que 17 % des postes de direction et ne représentent que 2 à 3 % des PDG en France. « Les femmes leaders restent des “anecdotes” », faisait remarquer récemment la nouvelle PDG de Solvay, Ilham Kadri.

Enrayer ce phénomène du plafond de verre, c’est agir au niveau des gouvernances, non seulement pour faire progresser la part des femmes dans les hiérarchies et l’égalité salariale, mais également pour faire évoluer la culture d’entreprise vers plus d’inclusion. Dans le cas contraire, comme on peut déjà le constater, certaines de ces rares femmes leaders quittent l’entreprise car elles ne se reconnaissent pas dans les valeurs de celle-ci et n’ont aucune envie de ressembler à leurs dirigeants.

À titre individuel, pour accélérer votre carrière, je vous conseillerais d’agir déjà sur ce que vous pouvez maîtriser : vous-mêmes !

  1. Autorisez-vous à accéder au pouvoir

Se débarrasser de nos croyances limitantes est une étape importante.

J’invite les personnes que j’accompagne à remplacer celles-ci par de nouvelles croyances –  stimulantes, cette fois – pour ne plus subir leur inconscient mais le façonner selon leurs objectifs. C’est ce que j’ai appris en me certifiant en hypnose et en autohypnose, et c’est que j’aime transmettre. C’est une technique qu’utilisent d’ailleurs tous les grands champions, tels que les navigateurs en solitaire.

Et peut-être un jour oserez-vous dire, comme Delphine Ernotte lors du lancement de la série animée féministe Culottées, juste avant sa reconduction à la tête de France Télévisions : « J’aime le pouvoir » ! Un frisson délicieusement transgressif avait alors traversé l’assemblée, sidérée d’entendre une telle phrase dans la bouche d’une femme…

  1. Misez sur votre singularité

S’autoriser d’abord à être soi, voilà la plus grande audace ! Ne pas singer les hommes ni se comparer à qui que ce soit mais exploiter sa propre singularité, avec son talent, ses forces, ses failles, ses convictions. C’est la meilleure façon de gagner en légitimité. Car, si vous êtes vous-mêmes, vous serez forcément excellente ! Et vous pourrez faire valoir votre propre modèle de leadership. Une fois que vous aurez les clés de la maison, vous pourrez même en changer les serrures et l’architecture. À l’instar de Jacinda Arderm, Première ministre en Nouvelle-Zélande, plébiscitée dans son pays mais également encensée dans le monde entier pour son humanité, son empathie, sa transparence (notamment dans sa gestion des attentats), mais aussi pour son sang-froid et sa capacité à prendre des décisions rapides et assumées, comme dans sa gestion de la pandémie de Covid-19.

  1. Être parfaite ? Surtout pas !

Viser la perfection au mieux engendre de la frustration, au pire nous paralyse. Je vois beaucoup de femmes qui n’osent pas prendre un job de peur de ne pas être parfaite. Quel gâchis ! La perfection n’existe pas. Plus vite vous le comprenez, plus vite vous progresserez. Alors oui, c’est difficile de lâcher prise, surtout quand on a l’habitude d’être valorisée pour son perfectionnisme, mais osez prendre plaisir à être imparfaite ! Déléguez tout ce qui ne vous semble pas important, au travail comme la maison, et dé-cul-pa-bi-lisez ! C’est autant de temps qui vous sauverez pour vous détacher de l’opérationnel, pour penser stratégie, vous ressourcer et nourrir votre curiosité !

  1. Cultivez la sororité

Elles ne sont pas rares les femmes témoignant du fait d’avoir plus souffert du comportement de leurs managers femmes que de leurs managers hommes. Et alors ? Même si certaines dirigeantes pionnières qui en avaient bavé pour accéder à leur poste n’ont pas facilité la progression des suivantes, cela ne nous empêche pas d’incarner nous-même le changement que nous voulons. Nous sommes nombreuses à ne plus avoir envie de reproduire cela, à l’instar d’une Christine Lagarde ou d’une Emma Watson. Et il nous est aisé de faire la courte échelle aux plus jeunes, qui, elles, ont totalement intégré l’importance du réseau, voire du mentoring. Je conseillerais juste de le faire avec une réelle authenticité dans la démarche. Les rencontres sont magiques, source de beaucoup de joie et d’apprentissage. Soyez vous-mêmes une chance pour les autres, et la chance vous sourira !

  1. Associez les hommes

Nous sommes en train d’inventer une société équilibrée entre femme et hommes qui n’a jamais existé. C’est terriblement excitant. C’est beau humainement, moralement, et même économiquement. Mais reconnaissons que les hommes qui sont en train ou sur le point de perdre leur position de domination séculaire subissent un bouleversement souvent déstabilisant. Je crois qu’il faut encourager et valoriser ceux qui nous soutiennent, des patrons comme Stéphane Richard ou Michel Landel, mais surtout nos collaborateurs engagés au quotidien. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons créé le Trophée de l’homme féministe au sein de l’association médiaClub’Elles, que je préside. Les prétendants restent toutefois peu nombreux. Continuer de développer une compréhension commune pour les embarquer est important, mais surtout œuvrer pour parvenir à l’équilibre réel au sein des couples. Le principal frein à la carrière d’une femme, ce sont moins ses enfants qu’un compagnon qui ne coopère pas. On ne le dit pas assez, mais choisissez bien vos partenaires de vie !

Tribune : Sexe et genre ont-ils leur place dans le milieu de l’entreprise ?

Il est toujours bon de faire des distinctions. Distinguons donc. La femme est l’alter ego de l’homme. L’homme ne peut se reconnaître que grâce à la médiation de la femme, et réciproquement. Il y a donc, en ce sens, une nécessité de la femme comme écho de l’homme, et de l’homme comme écho de la femme. La femme permet à l’homme de se connaître lui-même, de se reconnaître. L’homme se voit en la femme, à laquelle pourtant il ne s’identifie pas ; il se réfléchit en elle. Autrement exprimé, l’Homme n’est vraiment lui-même que quand il s’ouvre à l’autre comme à un autre que lui-même, et à l’autre que lui-même comme à un autre lui-même.

En termes d’analyse des entreprises, plus que la distinction entre la femme et l’homme, c’est celle entre la mère et le père qui me paraît la plus éclairante. Les nouveaux modes de management (entreprise horizontale, « libérée », bienveillante, etc.) prétendent en effet nous faire quitter des environnements de travail paternalistes et répressifs, au profit d’environnements aussi prévenants et doux que peut l’être une mère. On n’y cherche plus à sanctionner, mais à prévenir. Passage du hard power au soft power. Pour éviter par exemple que des salariés n’agissent mal, on va chercher à les acculturer en profondeur, à les placer plus ou moins consciemment sous emprise idéologique de telle sorte qu’ils ne voudront plus que ce qui est conforme aux attendus de la Direction. C’est là une évolution de société dont on observe aussi des dérives jusque dans le domaine du droit. Comme il en va dans Minority report avec le « précrime », on s’efforce de plus en plus d’arrêter ceux qui vont commettre un délit avant qu’ils n’aient fait quoi que ce soit de répréhensible. Je dis attention. A vouloir prévenir tout crime, toute faute, on interdit toute liberté. Si, au terme d’un processus de « rééducation » (y compris sous couvert de culture d’entreprise, d’adoption de nouveaux « savoir-être » et d’exigence d’alignement des croyances personnelles sur celles de l’organisation), on n’a plus la possibilité de mal agir, de transgresser, alors on entre dans quelque chose de totalitaire. Il y a des choses qu’il est criminel de vouloir prévenir. On ne peut ni ne doit prévenir la capacité de l’humain à agir contre les autres, contre son propre intérêt, donc à se contredire, car c’est là ce qui le définit.

Existe-t-il des aspirations professionnelles purement féminines ou masculines ? Les femmes peuvent-elles trouvent le bonheur dans tous les métiers ? Les manières de faire diffèrent, mais l’expérience nous enseigne qu’il peut y avoir plus de différences – d’aspiration, de comportement – d’une femme à une autre qu’entre une femme et un homme. Or ce qu’il faut souverainement cultiver en entreprise, ce sont précisément les différences, et, plus encore, la diversité. Nos organisations ont besoin de diversité sexuelle comme elles ont besoin d’une diversité de formations initiales, de cultures, de capacités et de fonctions, parce que l’innovation requiert une diversité de points de vue. Je parle bien là d’une diversité d’opinions et non pas d’une diversité objective, factuellement constatable sur un document administratif. Nos organisations souffrant d’une trop grande uniformité, il est urgent de leur faire redécouvrir la fécondité de la contradiction. De leur réapprendre à intégrer les critiques à leur fonctionnement normal, comme la condition de tout progrès continu.