Le Covid-19, catalyseur du besoin de sens

La crise du Covid-19 a profondément perturbé la relation au travail : beaucoup de collaborateurs se sont retrouvés brutalement projetés en travail à distance avec une faible visibilité sur le « retour à la normale ». La crise a prouvé qu’il était possible de maintenir l’activité grâce au télétravail mais a, en même temps, dégradé le sentiment d’appartenance des collaborateurs à l’entreprise en réduisant le travail à sa dimension productiviste.

La période de crise confronte les entreprises à un paradoxe : d’un côté, faire évoluer les modes de collaboration en intégrant plus de flexibilité (8 DRH sur 10[1] jugent que le développement du télétravail de manière pérenne est souhaitable, au moins sous sa forme hybride) et, de l’autre, ranimer le sens du collectif, permettre à l’entreprise d’être à nouveau une « société ».

Il sera crucial pour les dirigeants dans les mois à venir de s’interroger et d’ouvrir le dialogue avec les équipes : « Quel est notre projet collectif ? Qu’avons-nous envie de partager et d’accomplir ensemble ? » Les dirigeants vont devoir éclairer le sens, la vision et les valeurs communes pour réengager et permettre au corps social de se projeter dans l’avenir.

C’est tout l’enjeu de la « raison d’être » : fédérer autour d’un horizon partagé en exprimant la contribution positive de l’entreprise à la société. En éclairant le sens de l’action, la raison d’être a un impact sur la performance, l’épanouissement et la fidélité des collaborateurs :

  • un collaborateur « inspiré » est 2,25 fois plus productif qu’un collaborateur simplement satisfait, selon HBR[2];
  • la même étude montre qu’un collaborateur est 4 fois plus susceptible d’être épanoui au travail quand il travaille pour une entreprise dont il perçoit la raison d’être ;
  • 53 %[3] des collaborateurs se disent prêts à quitter une entreprise où la raison d’être ne serait pas conforme à leurs valeurs.

La raison d’être nourrit également la marque employeur en externe : c’est le facteur principal d’attraction de nouveaux talents, selon 71 % des salariés[4]. Dans la bataille pour attirer les nouvelles générations, la capacité à donner du sens sera un élément déterminant.

Malgré ce pouvoir de mobilisation et d’attraction de la raison d’être, certains dirigeants peuvent se montrer frileux à l’idée de travailler sur l’engagement sociétal, craignant que cela ne les détourne de la performance financière, particulièrement en cette période d’incertitude. Or, nous avons montré dans la première édition de l’Indice de l’engagement sociétal[5] qu’engagement à l’égard des parties prenantes et performance financière vont de pair : plus le score d’une entreprise progresse dans l’Indice – qui évalue la mobilisation des entreprises du CAC 40 à l’égard de l’ensemble de leurs parties prenantes (collaborateurs, clients, partenaires, société), plus son TSR (Total ShareHolder Return) sur un, cinq ou dix ans progresse. Réconcilier sens et performance semble donc relever du bon sens plutôt que de la gageure !

Ce cercle vertueux requiert un engagement authentique de l’entreprise et du top management : les preuves de cet engagement sont aujourd’hui évaluées de façon précise – à travers un panel d’indicateurs ESG, de mesures d’impact, d’indices –, et cette transparence peut agir comme un catalyseur de la confiance entre l’entreprise et ses parties prenantes ou comme le couperet de la défiance en cas d’incohérence. Il incombe ainsi aux entreprises pionnières de démontrer leur progression pour aligner tous les pans de l’organisation avec leur raison d’être.

[1] Étude BCG/ANDRH, juin 2020.

[2] « Engaging your employees is good but don’t stop there », HBR, 2015.

[3] « The case for purpose », Vlerick Business School, 2020.

[4] « Baromètre de la raison d’être », 12-11-2019, NoCom & Tikehau & Essec & Les Échos & Radio Classique.

[5] « Engagement sociétal : où en sont les grandes entreprises », BCG, 2020.