Microsoft: «Présentiel-distanciel : l’avenir du travail sera hybride»
Management de proximité empathique, consultation des collaborateurs lors des transformations de l’espace de travail, prise en compte de la vie personnelle et flexibilité : Microsoft mise sur le dialogue et la collaboration pour mettre l’humain au cœur de l’organisation du travail. Rencontre avec Jean-Christophe Pitié, Chief Operating Officer de Microsoft France.
Vous avez pris vos fonctions en France, en septembre 2020, après plusieurs années chez Microsoft à Seattle. Avez-vous dû adapter votre management à des « spécificités françaises » ?
La mission de Microsoft est de donner à chaque individu et à chaque organisation les moyens de réaliser ses ambitions. Cela fait partie intégrante de notre culture d’entreprise, fondée sur un état d’esprit de progrès, de prise de risque, de curiosité et d’apprentissage permanent. Cela dit, la différence France – États-Unis existe dans des domaines précis. En Europe et en France, par exemple, on parle beaucoup du droit à la déconnexion, que l’on a d’ailleurs mis en place chez Microsoft France. Aux États-Unis, particulièrement sur la côte Ouest, c’est quelque chose que vous ne pourriez pas imposer à vos collaborateurs. Cela pourrait être vécu comme une entrave à la flexibilité du travail. Les collaborateurs s’organisent comme cela les arrange. S’ils ont envie de travailler tard le soir ou tôt le matin, partir plus tôt dans l’après-midi pour s’occuper des enfants, ils font ce qu’ils veulent… L’autre différence que je mettrai en exergue réside dans la communication. À Paris, les discussions que je peux avoir avec les équipes respectent une logique très précise : « thèse, antithèse, synthèse ». Tous les arguments sont posés et énumérés, les sujets traités point par point. Dans la culture anglo-saxonne, on va souvent droit au but, on commence par la conclusion, la synthèse. Et souvent, on revient ensuite sur les détails…
Les réunions françaises vous semblent-elles toujours aussi longues ? On sait qu’aux États-Unis la règle est de quarante-cinq minutes au maximum…
Depuis que je suis rentré, début septembre, nos réunions sont toutes en mode virtuel. Je n’ai pas vu de différence, car nous appliquons déjà la règle des réunions de vingt-cinq minutes de préférence et de quarante-cinq minutes au maximum.
Les sujets d’expérience collaborateur et de qualité de vie au travail nous viennent des États-Unis. Quelles tendances y avez-vous observées qui pourraient être appliquées en Europe ?
La flexibilité au travail, la gestion de la vie personnelle, en cohérence avec la profession, sont des sujets très ouverts aux États-Unis, depuis de nombreuses années. Ces douze derniers mois ont permis aux entreprises du monde entier de faire évoluer la vision qu’elles avaient du travail. Microsoft est également concerné. Aujourd’hui, pas un seul de nos collaborateurs européens ne pense revenir en mode présentiel à 100 %. Néanmoins, le bureau reste l’espace privilégié pour nourrir le lien social. Nous avons réalisé une enquête, en coopération avec Opinion Way. Résultat : quatre actifs sur dix affirment que le lien social est un ingrédient clé de leur bonheur au travail. Cette enquête prouve que le travail contribue à notre épanouissement et à notre bien-être [lire encadré]. On l’a surtout vu sur la génération Z. Et je le dis d’autant mieux que je suis père de trois grands enfants. Je l’observe également dans nos équipes : les jeunes collaborateurs ont ressenti plus durement les effets de l’isolement. On le sait bien, les moments d’échange en présentiel ont un réel impact sur la créativité et l’émulation. L’avenir du travail sera donc hybride. Cela me semble incontournable.
Depuis un an, plus que jamais le collectif doit être sans cesse revivifié : quelles ont été vos actions phares pour vos collaborateurs ces derniers mois ?
Nous n’avons pas été pris de cours par la pandémie. Celle-ci a été un accélérateur de pratiques déjà existantes. Nous avions commencé à nous transformer nous-mêmes, et notamment dans notre manière de travailler pour pouvoir accompagner nos clients dans leur propre évolution. Nous avons été particulièrement attentifs au bien-être des collaborateurs. Notre charte de télétravail, par exemple, garantit une pause méridienne d’une heure trente. On essaie également de ne pas positionner de réunions téléphoniques après 17 heures ou d’organiser des réunions plus courtes. Nous organisons des cafés virtuels, conçus comme des moments informels pour passer du temps avec nos collègues. Personnellement, je prends un café virtuel chaque jour. Ces instants non structurés, sans agenda, sont très riches.
Nous pouvons évoquer Microsoft Viva, plateforme dévolue à l’expérience collaborateur…
Chez Microsoft, nous pensons que le travail hybride est la nouvelle norme. Nous souhaitons donner à chaque collaborateur les moyens pour travailler sereinement et pour vivre « en collectivité », même à distance. Microsoft Viva est un outil permettant de trouver toutes les informations que vous recherchez, de vous former, de trouver des conseils pour mieux gérer votre temps et votre équilibre vie pro/perso. Cette plateforme permet de mieux gérer ce mode hybride, grâce à des modules. Le premier, Viva Connexion, facilite l’accès aux ressources de l’entreprise, c’est la communication interne dématérialisée qui vous fait accéder à toutes les informations de votre organisation. Viva Topic, quant à lui, est basé sur l’intelligence artificielle et vous propose du contenu pertinent en fonction de vos missions, de vos projets ou de vos échanges avec vos collègues. Le troisième module, Viva Learning, met à disposition toutes les ressources de formation et d’apprentissage disponibles au sein de l’entreprise ou auprès de vos partenaires extérieurs. Le dernier module, que j’utilise beaucoup, Viva Insight, offre des recommandations personnalisées pour vous aider dans la gestion votre temps de travail, dans l’aménagement de temps de pause ou l’optimisation de vos réunions. L’outil peut vous dire « attention vous faites trop de visio », « vous avez beaucoup trop de réunions de groupe cette semaine et pas assez de travail personnel ». Donc, la plateforme peut vous bloquer des plages dans votre agenda.
Y a-t-il des mesures mises en place pour accompagner la pénibilité au travail chez Microsoft France, les risques psychosociaux font-ils l’objet d’une attention particulière ?
Il n’y a pas de facteur de pénibilité en tant que tel chez Microsoft France. Nous avons, évidemment, une équipe médicale, un support psychologique pour tous les employés. Nous avons toujours accompagné nos collaborateurs sur ces sujets. Depuis le début de la crise sanitaire, par exemple, nous avons garanti le confort de nos salariés avec des prêts de matériel, comme des écrans, des casques et des chaises. Des primes exceptionnelles d’équipement ont également été allouées.
Le dossier de couverture de People at Work est consacré aux femmes dans l’entreprise. Dans les faits, plus de femmes dans une entreprise, qu’est-ce que ça change ?
Nous avons de nombreuses initiatives sur la diversité et l’inclusion en général. Je suis personnellement convaincu du rôle essentiel que doit porter le monde de l’entreprise pour favoriser la diversité. Une multitude d’études nous prouve que la parité engage la créativité et la fidélisation des talents. Ce partage d’expérience et de connaissances, j’ai la chance de l’expérimenter en direct puisque je gère des équipes qui proviennent de vingt cultures différentes avec des parcours très différents, des genres différents, des origines différentes. La pluralité des profils ouvre bien des perspectives dans le quotidien de l’entreprise. Cette richesse est essentielle. On a tous à gagner de la diversité des talents. S’agissant de la mixité et de la parité, nous y sommes particulièrement attentifs lors des recrutements : on s’assure qu’au moins une manageuse fasse passer des entretiens, ou encore que les short lists retiennent une majorité de femmes.
Pouvez-vous m’en dire plus sur le programme Be Well, initiative mondiale destinée au bien-être du collaborateur…
C’est un programme réalisé par et pour les collaborateurs de Microsoft. Il touche des sujets aussi variés que la santé physique et mentale, ou encore l’évolution de carrière. Tout au long de l’année, des événements sont organisés, les collaborateurs peuvent y participer quand ils veulent. Par exemple, en janvier, les Discovery Days ont été proposés durant deux jours. À cette occasion, nos collaborateurs à travers l’Europe entière pouvaient se renseigner sur leurs évolutions de carrière chez Microsoft, découvrir de nouveaux métiers ou participer à des sessions de mentoring. Nous avons également proposé des ateliers sur la gestion du sommeil, sur celle du stress ou encore des sessions « inspirationnelles », comme avec l’explorateur Matthieu Tordeur sur la motivation dans un contexte d’isolement ou encore avec le nageur olympique Alain Bernard sur la résilience et le bien-être.