L’entreprise peut encore faire rêver avec ses valeurs
Les organisations subissent une hémorragie profonde et peinent à réenclencher la machine à rêves. Pourtant, les gens ont toujours besoin de sens et de récits qui aident à naviguer dans l’incertitude. C’est donc le moment idéal pour repenser les valeurs.
Faire danser les valeurs au rythme de la société
On pourrait croire que, dans un monde chaotique, la seule chose à laquelle il ne faille pas toucher sont les valeurs : ces idéaux qui différencient les entreprises de leurs concurrents. Il est contre-intuitif de remettre en question ce qui sécurise. Or, il n’y a rien de plus déstabilisant que des valeurs mal orchestrées. Il s’agit donc de les adapter aux besoins sociétaux. En effet, ce ne sont pas les entreprises qui créent les valeurs. C’est la société qui fait émerger certaines valeurs en fonction des époques, aspirations que les entreprises reprennent alors pour rassembler les collaborateurs. Après-guerre, les cultures d’entreprise répondaient au besoin d’appartenance ; dans les années 1970, c’est la possibilité de s’élever individuellement qui primait, alors qu’aujourd’hui apparaissent des besoins d’authenticité, d’inclusion et d’équilibre de vie. Or, des paradoxes existent : les personnes souhaitent exprimer leur vulnérabilité et faire preuve d’audace, co-construire et être non seulement incluses mais valorisées pour leur singularité, travailler moins et s’embarquer dans des projets ambitieux. C’est donc un défi pour les dirigeants de proposer un récit attirant. Il est question de se remettre en cause, comme l’exprimaient des étudiants d’AgroParisTech lors de la cérémonie de remise des diplômes d’avril dernier[1] : « De quelle vie voulons-nous ? Un patron cynique, un salaire qui permet de prendre l’avion, un emprunt sur trente ans pour un pavillon… Et puis un burn-out à quarante ans ? »
Positionner les valeurs au bon niveau, c’est-à-dire au-dessus de la rentabilité
Les valeurs, ce sont des croyances qu’une entreprise possède sur la meilleure manière de réussir. Elles sont plus importantes que le profit. Les dirigeants peuvent renoncer à gagner plus d’argent au nom de leurs valeurs. Par exemple une marque de vêtements peut s’engager à produire en France au nom de l’écologie. Elle va donc renoncer à délocaliser sa production, quitte à réduire sa marge. C’est grâce à des valeurs fortes que les entreprises engagent les collaborateurs. Les valeurs servent à attirer certains profils, définir des comportements souhaitables, choisir entre deux fournisseurs… Là où le bât blesse, c’est quand il y a un décalage entre les valeurs prônées et le vécu des personnes.
Redynamiser les cultures d’entreprise en donnant plus de liberté aux équipes
Les gens ne tolèrent plus l’hypocrisie. Dans son dernier livre, Le Sacre de l’authenticité[2], l’essayiste Gilles Lipovetsky décrit comment les entreprises n’échappent plus à l’exigence de transparence que porte en elle l’expansion de l’authenticité. Pour engager les collaborateurs, il est nécessaire de leur faire vivre des expériences en lien avec les valeurs de l’entreprise ; ce qui ne se fait pas uniquement avec de la communication et des formations. Il s’agit de proposer des moments d’inspiration et d’échanges afin de permettre des changements individuels et de co-construire de nouveaux comportements. Cela demande du temps et une grande confiance des dirigeants envers leurs équipes. Mais quand les marges de manœuvre sont larges, tout devient à nouveau possible…
[1] https://etudiant.lefigaro.fr/article/nos-metiers-sont-destructeurs-le-discours-choc-des-etudiants-d-agroparistech-en-pleine-ceremonie-des-diplomes_f2549aea-d105-11ec-ae5b-3111653054e7/
[2] Le Sacre de l’authenticité, de Gilles Lipovetsky, Gallimard, 2021.