L’ENGAGEMENT : PLUS EFFICIENT QUE LE BIEN-ÊTRE ?
Les initiatives de qualité de vie au travail (qu’elles soient QVT ou QVTC) se multiplient au sein des entreprises, avec des ambitions louables : améliorer le bien-être des collaborateurs, réduire le stress et renforcer la satisfaction professionnelle. Pourtant, malgré des investissements conséquents, ces initiatives ne semblent pas toujours produire les effets escomptés sur la santé mentale des employés sur le long terme. A force d’insister sur l’aspect protection et bien-être que l’époque semble considérer comme la solution à tous nos maux, ne faut-il pas revoir cette approche et remettre l’engagement au centre des préoccupations des organisations et de leurs leaders ?
LES LIMITES DES APPROCHES ‘BIEN-ÊTRE’ : CONSOMMATEURS OU ACTEURS ?
De nombreuses organisations ont mis en place des politiques visant à améliorer la « vie au travail » : espaces de détente, horaires flexibles, services divers, activités sportives ou autres méditations en tous genres. Si ces dispositifs peuvent ponctuellement améliorer l’expérience des salariés, ils ne suffisent pas à eux seuls à renforcer durablement leur engagement. En effet, sans un lien direct avec le sens du travail et l’implication personnelle, ces initiatives peuvent même générer des comportements passifs où le collaborateur devient consommateur plutôt qu’acteur de son propre bien-être.
Ce phénomène de « consommation de bien-être » a pour effet pervers de détourner l’attention des véritables moteurs de la motivation et de la résilience des collaborateurs. À terme, cette approche peut engendrer une forme de dépendance aux dispositifs externes, sans que le salarié ne développe réellement une capacité à s’approprier son environnement et à s’impliquer activement dans son travail.
EXPÉRIENCE COLLABORATEUR VS ENGAGEMENT : UN CHANGEMENT DE PARADIGME
Je pense essentiel de distinguer deux notions distinctes mais complémentaires, souvent confondues : l’expérience collaborateur et l’engagement.
- L’expérience collaborateur représente ce qui est fait AVEC les salariés : les initiatives de QVT, les services mis en place pour leur bien-être, les processus de la chaine de valeur RH, du onboarding à la sortie voire au retour. Ces mesures, bien que positives, positionnent souvent le collaborateur en simple consommateur de dispositifs pensés par l’entreprise.
- L’engagement, en revanche, se construit PAR les salariés eux-mêmes. Il met l’accent sur l’effort, le mérite et l’implication active. Plutôt que de simplement recevoir des bénéfices externes, le salarié devient acteur de son propre développement et de celui de l’organisation, ce qui favorise sa croissance personnelle et professionnelle.
Cette distinction est essentielle pour comprendre pourquoi certaines politiques échouent à produire un engagement durable. Une entreprise peut offrir toutes les conditions matérielles idéales, si elle ne valorise pas l’investissement, l’autonomie et la contribution de chacun, elle ne suscitera pas un engagement authentique.
Parmi les questions clés associées :
- Veut-on des salariés consommateurs d’une expérience ‘sympa’ ou acteurs et coproducteurs de celle-ci ?
- Les managers savent-ils naviguer entre bienveillance qui protège et exigence qui fait grandir ?
- Comment définir une politique RH associant bien-être et goût pour la performance ?
- Au-delà de la qualité de vie ‘au’ travail, comment l’entreprise remet au centre la qualité ‘du’ travail individuel et collectif, à travers une organisation apprenante ?
- La diversité est attendue pour définir une entreprise responsable, mais que fait-on sur le volet inclusion, véritable levier d’engagement collectif au sein des équipes ?
- La DRH est-elle dans une posture de transaction ou de transformation ?
VALORISER LES MOMENTS PRÉCIEUX ET CHASSER LES IRRITANTS
Mon expérience de terrain dans des environnements et contextes très divers m’a convaincu que ce qui contribue le plus à la santé mentale des collaborateurs, c’est l’orchestration d’un savant et fragile équilibre entre des moments ou des situations qui peuvent marquer positivement ou négativement le parcours des salariés :
- Des moments précieux de la chaine de valeur RH à valoriser : un onboarding réussi, un feedback constructif, une reconnaissance bien pensée, la célébration des succès, les opportunités de mobilité interne…..
- Des irritants organisationnels à réduire ou éliminer : une hiérarchie trop rigide, des objectifs flous, un manque de reconnaissance ou une culture du micro-management, des processus trop lourds, une centralisation excessive….
L’ENGAGEMENT COMME LEVIER D’APPROPRIATION : LES 5 MOTEURS FONDAMENTAUX
Dans mes précédents ouvrages, en particulier ENGAGER POUR TRANSFORMER (EMS 2024) , j’ai identifié 5 moteurs d’engagement individuel, qui vont bien au-delà des initiatives classiques et surtout au-delà d’une simple satisfaction ou motivation des salariés :
- S’approprier son environnement : un salarié pleinement engagé est celui qui a une maîtrise sur son travail et qui peut influencer son cadre professionnel. Donner plus d’autonomie et de pouvoir de décision favorise cette appropriation.
- Être connecté émotionnellement : l’engagement repose sur la qualité des relations interpersonnelles au sein de l’entreprise. Une culture du collectif, du partage et du ‘care’ est essentielle.
- Adhérer aux objectifs et aux valeurs de l’entreprise : un salarié qui comprend et partage les valeurs de l’entreprise se sentira davantage impliqué dans son travail.
- Faire le « extra mile » : l’engagement ne se limite pas à remplir ses missions. Il s’agit aussi de dépasser les attentes, de proposer des idées et d’apporter de la valeur ajoutée.
- Avoir du sens : l’un des plus puissants leviers de motivation est la perception du sens dans son travail. Un salarié doit savoir en quoi son rôle contribue à une finalité plus large et inspirante.
LES 4 ACTEURS DE LA « COPRODUCTION » DE L’ENGAGEMENT
Au-delà de ces 5 moteurs, il faut reconnaitre que l’engagement est un phénomène collectif qui implique plusieurs acteurs, qui agissent dans une logique systémique en « coproduction » de cet engagement :
- Le collaborateur est le premier responsable de son engagement, en s’impliquant activement et en cherchant du sens à son travail. On peut regretter que peu d’entreprises accompagnent les salariés à réfléchir aux moteurs et piloter les moyens de leur engagement.
- L’équipe : le travail et les rituels d’équipe renforcent l’engagement par la coopération, le soutien mutuel et l’émulation collective. L’équipe est aussi le lien privilégié du volet « inclusion » des politiques de diversité.
- Le manager joue un rôle clé en créant un cadre structurant et inspirant, tout en veillant à l’équilibre entre bienveillance protectrice et exigence qui fait grandir chacun.
- L’organisation doit proposer un environnement favorable à l’autonomie, une culture apprenante et une expérience collaborateur responsabilisante et stimulante.
En s’inscrivant dans une transformation globale et durable, les entreprises peuvent non seulement améliorer la santé mentale de leurs collaborateurs, mais aussi renforcer leur compétitivité et leur attractivité. Loin d’un simple confort de surface, l’engagement est la clé d’un bien-être véritablement ancré dans la réalité du travail.