Gestion des hauts potentiels : un axe fort de la stratégie RH des entreprises

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Dans un marché de l’emploi bouleversé par la pénurie de compétences et l’accélération technologique, la gestion des hauts potentiels s’impose comme un enjeu stratégique pour les entreprises. Longtemps entourée de fantasmes, cette notion évolue désormais vers une approche plus pragmatique : identifier, développer et fidéliser des collaborateurs capables d’apprendre vite, de s’adapter et de porter l’innovation. À partir de l’étude Simundia menée sur plus de 1 200 coachings, cet article décrypte ce qui fait réellement un talent aujourd’hui, et comment les organisations peuvent créer les conditions pour libérer leur potentiel.

Par Morgane Huby

Dans un contexte où la guerre des talents se poursuit et où la pénurie de compétences devient un défi majeur (75 % des employeurs déclaraient déjà en 2025 avoir du mal à recruter les profils nécessaires, contre 36 % en 2014 selon la dernière étude Simundia), la gestion des hauts potentiels apparaît comme un levier stratégique déterminant. Détecter, accompagner et fidéliser ces profils n’est plus seulement un enjeu RH : c’est un impératif de compétitivité. Encore faut-il dépasser les fantasmes associés à ces talents, parfois perçus comme atypiques ou difficiles à décoder, au risque de les isoler plutôt que de les valoriser.

C’est tout l’intérêt de l’étude menée par Simundia, plateforme de coaching reconnue des équipes RH, construite sur plus de 1 200 coachings réalisés en 2023-2024. Elle éclaire avec précision les attentes spécifiques de ces collaborateurs à fort potentiel, mais aussi les difficultés rencontrées par les organisations pour transformer ce vivier en moteur de performance durable. Car ces HiPo ou High Potentials sont aussi appelés à être les managers, les experts et les relais d’innovation de demain.

HPI, HPE… et si le talent était d’abord professionnel ?

En dépit d’une forte médiatisation, la notion de haut potentiel reste encore souvent associée au mythe d’un « super-profil » doté d’un QI supérieur à 130 (définition OMS). Pourtant, en entreprise, le haut potentiel ne se résume jamais à cette vision neuropsychologique. L’étude Simundia rappelle qu’aucune définition officielle n’existe pour les hauts potentiels professionnels (HPP), ce qui laisse place à de nombreuses interprétations.

« On limite trop souvent le haut potentiel au quotient intellectuel alors que, dans les faits, il est bien plus lié au quotient émotionnel », souligne Olivier Wautier, responsable marketing et communication chez Simundia. « Le talent s’exprime dans un contexte donné, en lien avec la culture, les valeurs et les besoins de l’entreprise. » Ainsi, le talent est souvent un collaborateur « normal », animé par une envie forte d’apprendre, une curiosité constante et une capacité supérieure à décoder son environnement.

L’adaptabilité, marqueur commun des talents

Le constat est unanime parmi les organisations interrogées : le talent est celui qui affiche une performance supérieure à la moyenne, se montre curieux et apprend vite. S’y ajoutent trois soft skills clés : créativité, proactivité et adaptabilité.

Dans un contexte de transformations économiques, sociétales et digitales accélérées, et alors que l’Intelligence Artificielle bouleverse les pratiques de travail, l’adaptabilité devient un critère décisif. La résilience des talents, supérieure à celle d’autres collaborateurs, constitue un atout professionnel majeur. « Les HiPo sont des moteurs d’innovation capables d’embarquer le collectif », confirme Olivier Wautier. Leur capacité à anticiper, comprendre et absorber le changement est un atout clé pour des entreprises confrontées à des cycles de transformation de plus en plus courts.

Créer un cadre clair pour valoriser les hauts potentiels

Identifier des talents ne suffit pas : il faut leur offrir des conditions favorables à l’expression de leur potentiel. Selon l’étude Simundia, leurs priorités sont nettes :

  • développer leur leadership (49 %),
  • améliorer leurs compétences en communication,
  • mieux organiser leur charge de travail.

Ces attentes révèlent un besoin de structure et de montée en compétences relationnelles, souvent sous-estimé.

« Communication, collaboration, créativité, esprit critique, les 4C, comme explique Jérémy Lamri, chercheur en psychologie sociale sur le potentiel humain, resteront les pierres angulaires de la performance. Mais leur puissance réside surtout dans leur interaction. Si on est brillant mais incapable de se synchroniser avec un collectif, on échoue. Certains profils dits « à haut potentiel » échouent simplement parce que leur potentiel n’est pas activé dans la réalité. Je dis souvent à mes clients : si on définit l’intelligence comme la capacité à s’adapter, alors certains HPI devraient plutôt se considérer comme des Bas Potentiels d’Adaptabilité. »

Les talents, plus sujets à l’ennui ou à la frustration, changent souvent d’environnement si la stimulation, la clarté du cadre ou la reconnaissance ne sont pas au rendez-vous. Pour les fidéliser, l’entreprise doit devenir un espace où l’on peut réellement contribuer et proposer de nouvelles idées. « Quand ces conditions sont réunies, la stimulation intellectuelle vient de la capacité à résoudre des problèmes concrets, pas d’une chasse permanente à la nouveauté », ajoute Jérémy Lamri.

Autre sujet délicat : la reconnaissance. Les managers doivent montrer que ce qu’a fait le talent est utile pour l’entreprise, plus que le complimenter pour sa brillance. Mettre en lumière la valeur ajoutée est la meilleure manière de renforcer son sentiment d’appartenance et de le fidéliser. Un cadre clair avec règles explicites, objectifs définis, rituels de travail et retours réguliers permet de canaliser l’énergie, d’éviter la dispersion et de renforcer la sécurité psychologique.

Coaching et dispositifs d’accompagnement : des leviers clés

L’identification des talents s’appuie sur divers outils : talent reviews, entretiens annuels, logiciels RH, tests psychométriques (Hogan, Big Five, MBTI), ou évaluations 360°. Mais l’enjeu majeur reste leur accompagnement au long cours.

« Le talent n’est ni inné ni figé. Il se construit, s’exprime et s’épanouit », rappelle Colombe Mandula, psychologue clinicienne et co-fondatrice de Simundia. Parcours individualisés, coaching, mentorat, formation, mobilité interne, mise en réseau sont autant de leviers pour nourrir l’évolution des talents. Olivier Wautier insiste aussi sur la nécessité d’un collectif équilibré : « Il ne faut pas chercher à ne recruter que des hauts potentiels. Leur intégration doit s’inscrire dans un ensemble cohérent, où chacun peut trouver sa place. »

 

Deux programmes d’accompagnement individualisé qui ont fait leurs preuves

Accelerate – Sopra Steria (300 talents, 30 pays) : test d’intelligence émotionnelle, bilan personnalisé, six séances de coaching situationnel d’une heure.

Résultats : 98 % se sentent plus performants et motivés, 94 % plus engagés, 98 % satisfaits du coaching.

Révèle – Crédit Mutuel (150 talents) : ateliers collectifs, test d’intelligence émotionnelle, trois séances de coaching situationnel.

Résultats : 1 participant sur 3 devenu manager en moins d’1 an, 90 % se sentent plus performants, 97 % souhaitent accéder à des responsabilités managériales.

 

Les trois priorités de Jérémy Lamri pour accompagner les HiPo

  • Travail identitaire : passer de « je suis différent » à « je suis responsable ».
  • Formation à la gestion de la charge cognitive : prioriser, canaliser l’attention, fermer les boucles cognitives.
  • Management exigeant : un cadre non négociable, de l’initiative toujours orientée vers la valeur ajoutée.

 

À la lumière de l’étude Simundia, la gestion des hauts potentiels s’impose donc comme un investissement essentiel dans un monde en pleine mutation. « Avec l’IA, l’intelligence brute perd son avantage comparatif : ce qui fera la différence, ce sont désormais la maturité, la capacité à collaborer, la stabilité intérieure et l’adaptabilité dans un environnement instable », conclut Jérémy Lamri.

Les HiPo attendent avant tout un accompagnement personnalisé, centré sur le leadership, la communication et l’agilité. En misant sur des dispositifs sur mesure, les entreprises renforceront engagement, performance, image employeur et capacité à traverser les crises.