Et si je prenais soin de mes managers ?

10 min de lecture

À notre époque où dépression et burnout professionnel font partie du quotidien de nos salariés, il serait bon de se demander s’il ne serait pas mieux de traiter le problème à la racine. Et si en prenant soin de mes managers, j’éradiquais ce fléau du burnout ? Et si en étant attentif à leurs besoins et en les accompagnant dans leur mission, je rendais en réalité service à tout le monde ?

Par Ludivine Thenard , Thérapeute holistique : pleine conscience, méditation et sophrologue, auteure, consultante en gestion du stress

Pourquoi prendre soin de ses managers ?
Prendre soin de ses managers, c’est tout d’abord être à l’écoute de leurs besoins. C’est également leur donner les outils et les clés pour un management réussi. Enfin, c’est les aider à s’épanouir tout simplement. Car qui dit manager serein, confiant et épanoui, dit automatiquement manager motivé et donc performant. Cette motivation souvent associée à une attitude positive et joviale, se répand dans toute l’équipe, ainsi que dans l’entreprise. La motivation et la bonne humeur, c’est contagieux. Et inversement. Un manager sous pression, épuisé et démotivé reportera la pression sur son équipe favorisant ainsi mauvaise ambiance et épuisement professionnel. En tant que manager, nous avons pour mission de porter notre équipe, c’est à nous de motiver, rassembler et soutenir. Or, comment puis-je rassembler si je n’en ai pas la force ? Comment puis-je motiver si moi-même j’ai perdu la motivation ? Comment puis-je soutenir si moi-même je me sens abandonné et lâché dans la fausse aux lions ? Car oui, le rôle de manager peut être ingrat : souvent positionné entre la direction et les salariés, le manager fait office de tampon. Il écoute et reçoit les insatisfactions de la direction et c’est vers lui que viennent les salariés pour se plaindre. Un rôle complexe donc, et dont nous ne mesurons pas toujours l’importance, ni la difficulté.

 

Burnout en entreprise : le rôle du management.
Durant ces trois dernières années, j’ai accompagné de nombreux salariés et managers en situation de burnout professionnel et j’ai pu constater deux choses : la première est que ces personnes avaient toutes un point commun, elles étaient en effet incapables de s’arrêter, de dire stop et de se mettre des limites. C’est incapacité vient du fait qu’elles étaient déconnectées de leur corps dans un premier temps et que l’écoute de soi ne fait pas partie de notre société occidentale. Car, en prenant conscience de notre mal-être à temps, nous pourrions sans problème prévenir le burnout.

La deuxième chose est que dans de nombreux cas, ces salariés ont affaire à un mode de management pyramidal et c’est précisément le management qui est en cause puisque celui-ci favorise la plupart du temps un travail sous pression, une autorité omniprésente ainsi qu´un manque d’équilibre entre vie personnelle et professionnelle. Autrement dit, le manager joue un rôle très important dans le quotidien d’un salarié et a toujours une part de responsabilité en cas de burnout professionnel : épuisement physique et mental dû au stress, manque de confiance en soi et d’estime de soi, anxiété… tous ces maux sont le résultat d’un manque d’accompagnement, mais j’irai même jusqu’à dire un manque de bienveillance et d’humanité. Nous devrions plutôt manager avec le cœur et donc avec empathie plutôt qu’avec la tête fixée sur des objectifs la plupart du temps irréalisables ou alors atteignables, mais à quel prix pour les managers et les salariés ?  Le COVID aura permis certaines prises de conscience, et beaucoup se sont rendus compte qu’ils s’étaient perdus dans leur travail et leurs responsabilités. Aujourd’hui, en tant que manager et salarié d’une entreprise, nous ne souhaitons plus sacrifier notre bien-être, ni notre vie de famille pour un job, aussi passionnant qu’il puisse être.

 

Dans notre société, manager est une récompense, pas une compétence
Le burnout en entreprise, que ce soit chez les managers ou les salariés, est souvent la conséquence d’un manque d’expérience. Car, dans notre société, dans notre culture, être manager est une récompense pas une compétence. Devenir manager est une promotion. On justifie souvent une hausse de salaire en confiant plus de responsabilités à un cadre, notamment la gestion d’une équipe. Or, ce n’est pas parce que l’on est un excellent ingénieur ou commercial que l’on fera un bon manager. Ne blâmons pas les managers pour leur manque d’expérience en management d’équipe, mais trouvons plutôt le moyen de les y préparer. Car un manager qui n’est pas armé pour cette mission et qui n’a pas forcément les compétences nécessaires fonce droit dans le mur. Il en va de sa santé mentale et physique, et par conséquent de celle des membres de son équipe.

 

Qu´est-ce qui fait un bon manager ?
Manager une équipe requiert des compétences bien précises. Manager une équipe, c’est manager des hommes avant tout, des êtres humains tous différents les uns des autres, qui ont des besoins, expriment et ressentent des émotions, sont parfois heureux, parfois tristes, parfois fatigués.

Le manager, s’il souhaite pouvoir comprendre et guider son équipe d’êtres humains, doit pouvoir faire preuve d’adaptabilité, d’indulgence, de bienveillance, d’écoute et d’empathie. Il doit savoir trouver les bons mots pour rassurer et motiver, mais il doit être également capable de déceler les problèmes avec anticipation. Prenons le cas d’un salarié peu performant et démotivé pendant quelques jours. Certains s’empresseraient de critiquer, de juger et de réprimander. Cependant, il serait bon de privilégier la communication et de faire preuve de bienveillance avant d’émettre toute conclusion, car cet employé est peut-être malade mais a tout de même souhaité venir au bureau. Peut-être a-t-il de graves problèmes personnels et a-t-il besoin du soutien de son employeur ?

Prendre soin de ses managers, c’est donc dans un premier temps s´assurer qu’ils aient les compétences nécessaires pour l’être et dans le cas contraire les y préparer grâce à des formations ou du coaching par exemple.

 

Les accompagner en amont puis pendant leur mission
Comme cité précédemment, il est primordial de les accompagner en amont, grâce à des formations, puis régulièrement avec des séances de coaching en management que l’on pourrait assimiler à de la supervision. Il s’agit là d’un espace d’une heure pendant lequel le manager se confie sur certaines difficultés rencontrées et demande des conseils et ceci en toute confidentialité.

Autre élément important, il doit se sentir soutenu et écouté par sa direction. Ayant une place à part dans l’équipe, il arrive en effet qu’il se sente parfois isolé. Faites donc des points réguliers, formels et informels.

 

Bien-être en entreprise

Favoriser le bien-être en entreprise est devenu primordial fort heureusement et de nombreuses entreprises ont déjà progressé sur le sujet. Si l´on s’en tient ici aux managers, veillez à ce qu´eux aussi puissent avoir le temps de profiter des séances de sport, de sophrologie, de méditation que vous pourriez proposer et qu’ils soient également inclus dans les activités de team building, afterworks ou autres.

 

Les éduquer à la gestion du stress et de la pression est également un excellent moyen de les aider à faire face à certaines difficultés de leur quotidien. Double bénéfice ici : ils pourront transmettre ces compétences de gestion du stress à leurs collaborateurs.  Là encore, coachs en gestion du stress et pleine conscience ou encore sophrologues sont de plus en plus nombreux à intervenir en entreprises : séances individuelles ou collectives, workshop… les possibilités sont nombreuses, n’attendez pas la journée annuelle de la QVT pour faire appel à eux. Le bien-être en entreprise doit être une priorité tout au long de l’année et non une seule fois par an.

 

De nombreux progrès ont été fait ces deux dernières années concernant l’instauration de meilleures conditions de travail, en tout cas dans les start-up et grandes entreprises avec par exemple l’autorisation du télétravail, avec des limites bien sûr, des boissons gratuites à volonté voire même des espaces détente intégrés directement dans les locaux. Il est en effet nécessaire que le manager se sente également à l´aise au bureau et qu’il puisse y travailler dans les meilleures conditions. Car ceci a un impact conséquent sur sa motivation.

 

Télétravail et réduction du temps de travail

En ce qui concerne le télétravail occasionnel, il permet de favoriser un équilibre vie pro et vie perso. Cet équilibre est essentiel pour chacun d’entre nous. Comment demander à nos employés de prendre soin de leur santé physique et mentale s’ils n’ont aucune possibilité de pratiquer une activité physique ou de passer du temps en famille ?  Le temps, c’est ce qui nous manque à tous. Quelle place reste-t-il dans une journée si nous consacrons 8 à 10h au transport et à notre activité professionnelle ? Le peu de temps disponible étant dédié aux tâches ménagères ou obligations familiales, il est extrêmement difficile de trouver un moment pour soi. Le télétravail occasionnel peut permettre de dégager du temps, mais si nous allons plus loin, pourquoi ne pas proposer des postes à temps partiel ?

En effet, chez nos voisins allemands par exemple, il n’est pas rare pour des managers, ingénieurs ou encore chefs de projet de ne travailler que quatre jours par semaine. Ainsi, le cinquième jour est une journée libre que l’on consacre à sa famille ou à diverses activités et surtout au repos.

Il est important également d’aborder le cas des parents : connaissez-vous beaucoup de managers qui ont la possibilité d’avoir leur mercredi après-midi de libre ? Ou que l’on ne juge pas s´ils quittent le bureau à 16h pour aller chercher les enfants à l’école ? J’ai la naïveté de penser qu’il est possible de s’épanouir à la fois personnellement et professionnellement.  Laissez vos managers s’épanouir dans leur vie personnelle et ils vous le rendront bien. Car un collaborateur heureux est un collaborateur motivé, impliqué, efficace et performant. N’oubliez pas que la santé physique et mentale de vos managers est la vitrine de l’entreprise : à eux de véhiculer une image positive de la direction et de la culture d’entreprise, que ce soit auprès des salariés ou auprès des intervenants externes tels que des clients.

 

Objectifs réalistes, liberté et confiance

Si nous nous penchons sur les tâches du manager à proprement parler, celui-ci doit la plupart du temps atteindre des objectifs souvent fixés par le manager n+1 ou la direction. Là encore, ses objectifs sont source de stress et de pression s´ils sont surréalistes : fixez donc des objectifs atteignables et adaptez-les en cours d’année si le contexte est particulier. Car la pression ressentie par le manager est automatiquement transmise à son équipe, que ce soit volontairement ou inconsciemment.

Enfin, si vous choisissez de confier un poste de manager à l’un de vos collaborateurs, jouez le jeu jusqu’au bout et laissez-le voler de ses propres ailes. Je résumerais en deux mots : liberté et confiance. Donnez-lui bien-sûr des objectifs à atteindre. Mais faites-lui confiance concernant les moyens utilisés pour y arriver. N’imposez ni les moyens ni la façon de faire, car il n’y a rien de plus difficile ni de désagréable pour un manager que de transmettre des messages qui ne sont pas les siens. Cette mission d’imposer une vision qui n’est pas la sienne est en réalité très complexe pour les managers et ce décalage peut être ressenti par les clients, les fournisseurs, les journalistes ainsi que les salariés.

Ainsi, manager n’est pas chose facile, et il ne tient qu’à vous dirigeants, de redonner envie aux hommes et aux femmes d’endosser le rôle de manager en les accompagnant et en rendant possible leur épanouissement aussi bien personnel que professionnel.