Clarté du discours : jouons-le comme Boileau !
En 1674, il n’y avait pas de managers, mais il y avait des penseurs. Il est pertinent de se replonger dans notre littérature pour appréhender autrement les enjeux RH en 2024. Et grâce à la relecture de Nicolas Boileau, nous pouvons peut-être trouver des clés pour inviter les dirigeants et managers à être de meilleurs communicants afin d’engager leurs collaborateurs.
« Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement… La communication managériale englobe communément l’ensemble des interactions verbales et non verbales entre les dirigeants et les employés. Dans ce contexte, la clarté se réfère à la capacité des managers à transmettre des informations de manière compréhensible, concise et cohérente. Un discours clair, qu’il soit managérial ou non, repose sur trois principes : transparence, accessibilité et pertinence des informations fournies.
Communiquer avec transparence
Est-il possible de tout dire à ses collaborateurs ? Est-ce que tout dire c’est dire la vérité ? Pour Claude Monnier, DRH de Sony Music, la réponse est sans appel : « On le sait, le non-dit fait beaucoup de dégâts en entreprise. » Les informations non stratégiques, essentielles à la bonne compréhension de l’avancée d’une entreprise, qu’elles soient taboues ou non, se doivent d’être divulguées au sein de l’organigramme ou a minima au sein de chaque équipe concernée. C’est une évidence qui est malheureusement de plus en plus difficile à appliquer à mesure que la structure grandit. Les pionniers de la transparence salariale que sont Lucca, Alan ou encore Shine, en sont convaincus : être ouverts et honnêtes dans les échanges avec les employés constitue pour eux un facteur différenciant.
Utiliser un langage simple et accessible
Souvenez-vous, Boileau nous recommande d’éviter des mots superflus et de privilégier la simplicité dans l’expression : « En vain vous me frappez d’un son mélodieux, si le terme est impropre, ou le tour vicieux ; mon esprit n’admet pour un pompeux barbarisme, ni d’un vers ampoulé l’orgueilleux solécisme. »* le manager technocrate se rassure souvent avec les anglicismes et le jargon interne : « pour closer le deal, il faut qu’on target les bonnes créd’ dans la propale ». Pour un nouvel arrivant, il sera plus facile de comprendre : « Pour signer le contrat, il faut qu’on cible les bonnes références de missions à mettre en avant dans notre proposition commerciale ». En évitant les termes trop complexes, on garantit que le message est compris par tous, quel que soit leur niveau de formation ou d’expertise.
Aligner le discours aux objectifs
Un discours managérial clair se doit d’être, avant toute chose, pertinent. Les informations communiquées doivent être directement liées aux objectifs intrinsèques de l’entreprise et aux responsabilités individuelles des employés. L’alignement entre les discours managériaux et les objectifs organisationnels renforce la compréhension des employés quant à leur contribution à la réussite collective. « Il est certains esprits dont les sombres pensées ; Sont d’un nuage épais toujours embarrassées ; Le jour de la raison ne le saurait percer ; Avant donc que d’écrire, apprenez à penser.»*
Lorsque les employés se sentent informés et impliqués, ils sont plus susceptibles de se sentir engagés et investis dans la réussite de l’entreprise.
Renforcer le sentiment d’appartenance par la confiance
« De la confiance naît la performance », c’est le claim RH de Luxury Of Retail, la filiale retail France du groupe L’Oréal. Son directeur général, Thomas Ferton, l’incarne au quotidien auprès de ses 230 collaborateurs : « Quand un collaborateur est en confiance, et qu’il sait que le manager le soutient, il repousse ses propres limites. Le dépassement de soi existe uniquement si on est en confiance. Dans le cas contraire, on est sur la défensive. Et défendre ce n’est pas suffisant pour gagner. » Une confiance solide favorise donc un environnement de travail où les employés se sentent en sécurité pour exprimer leurs idées, poser des questions et contribuer de manière significative au succès de l’entreprise.
Prendre le temps d’écouter et d’être écouté.
Premièrement, il est important que les managers soient spécifiques dans leurs commentaires auprès de leurs collaborateurs, en identifiant clairement les points forts et les domaines à améliorer. Un feedback précis et constructif permet aux employés de comprendre leurs attentes et de progresser dans leur travail.
Deuxièmement, ils doivent aussi se prêter à l’exercice du 360 en recueillant à leur tour les retours de leurs équipes sur leur management avec en premier lieu la question évidente : « Suis-je suffisamment clair dans mon discours auprès de toi au quotidien pour maximiser ton engagement ? ».
Troisièmement, il est primordial que les managers apprennent à perdre du temps pour ensuite en gagner. Relisons ces derniers vers : « Travaillez à loisir, quelque ordre qui vous presse, et ne vous piquez point d’une folle vitesse ; Un style si rapide, et qui court en rimant, Marque moins trop d’esprit, que peu de jugement. » Prendre le temps de saisir les nuances et de développer son discours et sa posture managériale permet inéluctablement d’être au plus proche des salariés.
*Source : « Chant I », L’Art poétique, Nicolas Boileau, éd. Aug. Delalain, 1815, p. 6