Bien dans ma tête, bien dans mon job
La santé mentale en entreprise ? Sujet tabou il y a peu encore. Avec moka.care, Guillaume d’Ayguesvives et Pierre-Étienne Bidon ont osé
surmonter la gêne sociale. Et le succès est au rendez-vous.
Un Français sur deux serait en situation de détresse psychologique au travail, d’après le baromètre OpinionWay de mars 2023, réalisé pour le cabinet Empreinte humaine. Un état recouvrant des symptômes de grand épuisement. Les chifres sont en hausse de trois points par rapport à juin 2022. Près des trois-quarts des 2 000 personnes sondées ont déclaré que leur mauvais état de santé psychologique était lié partiellement ou totalement au travail. Pour éviter que les salariés ne tombent dans cet état de fatigue émotionnelle extrême, voire en burn-out, l’entreprise moka.care a peut-être trouvé une solution. Dans un contexte d’hypercroissance et de recours accru au télétravail, cette start-up propose aux entreprises un service d’accompagnement de la santé mentale de leurs employés. L’idée remonte à la fn de l’année 2019. Quelques mois avant le début du premier confnement lié à la pandémie de Covid-19, Guillaume d’Ayguesvives et PierreÉtienne Bidon, deux entrepreneurs issus de l’univers du conseil, font un constat personnel : « On avait des amis, des collègues qui enchaînaient les burn-out ou qui commençaient à être totalement désengagés de leur travail, alors qu’ils étaient initialement motivés. De leur côté, les entreprises n’avaient pas du tout les moyens de réagir et restaient les bras croisés, alors qu’elles avaient tout intérêt à faire en sorte que leurs équipes ne soient pas stressées sur le long terme », explique Guillaume d’Ayguesvives. Pour remédier à cette « absurdité » et alors que la question de la santé mentale dans les entreprises est encore très taboue, les deux hommes fondent leur société, en janvier 2020. Sur son site internet, la jeune pousse indique les bienfaits que les salariés peuvent tirer du fait de « parler de tout, avec la bonne personne et au bon moment. Parce que notre santé mentale est trop importante pour être mise de côté ». Concrètement, la société propose aux dirigeants et aux RH des abonnements mensuels qui comprennent des accompagnements individuels pour leurs salariés, des ateliers de groupe ou des programmes digitaux. Elle travaille autour de trois types d’intervention : la prévention primaire pour anticiper les risques psychosociaux inhérents à l’organisation, à travers des formations en petits groupes. La prévention secondaire pour cultiver la résilience des équipes face au stress, à travers des sessions individuelles avec des psychologues, des thérapeutes ou des coachs. Et la prévention tertiaire pour réagir de façon adaptée aux situations d’urgence, à travers notamment une ligne d’écoute 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. « On veut surtout anticiper les risques afn de faire en sorte que les entreprises ne mettent pas leurs salariés dans une situation difcile de manière structurelle », poursuit Guillaume d’Ayguesvives. moka.care propose aussi des outils de micro-learning interactifs et de nombreux contenus digitaux (articles, podcasts, exercices de méditation ou de respiration, vidéos d’experts). En fonction des besoins des clients, les prix varient de 4 à 20 euros par mois et par employé. Gagnant-gagnant. Près de 200 entreprises issues d’une multitude de secteurs (Allianz, L’Oréal, Engie, SNCF, Doctolib, BlaBlaCar, Spendesk, JobTeaser, Qonto, Welcome to the Jungle…) et 40 000 employés ont déjà franchi le pas de la « déstigmatisation » de la santé mentale. « L’un des rares aspects positifs du Covid-19 est qu’il a permis de mettre en avant ce sujet. Chaque personne s’est rendu compte qu’elle pouvait être concernée. De plus en plus d’entreprises veulent ainsi passer à l’action, car elles prennent conscience que ce sera dans leur intérêt », assure Guillaume d’Ayguesvives, qui précise que la question concerne « tous les secteurs », « toute la France », « tous les âges » et « les deux sexes ». Les fondateurs de moka.care en sont convaincus : leurs ofres sont bénéfques à la fois pour les entreprises et pour leurs salariés. Une personne sur trois accompagnée par moka.care, notamment de manière individuelle avec les 150 praticiens partenaires – qui disposent tous d’une certifcation ofcielle et pratiquent depuis au moins trois ans – a déclaré que ce soutien leur avait permis d’éviter un burnout. La start-up veut par ailleurs prouver à ses clients que le mental de leurs équipes peut être un « moteur » de performance. « La deuxième cause des arrêts maladie en France est liée au stress. Or six mois d’arrêt de travail correspondent à une perte de 30 000 euros pour les entreprises. La productivité est diminuée de 30 % lorsque l’employé soufre de problèmes liés à sa santé mentale, tandis qu’un départ sur deux est lié au style de management », rappelle Guillaume d’Ayguesvives. Après une première levée de fonds de 2,5 millions d’euros en février 2021, la start-up a poursuivi son rapide développement en levant pas moins de 15 millions d’euros en mai 2022. l