Tribune : Singulier ou pluriel ?

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La diversité est un vaste sujet. Cela concerne le genre, l’origine, la religion, de handicap… Je crois incarner toute cette notion, ce principe complexe : je suis une femme engagée, féministe, franco-maghrébine et en situation de handicap.

Par Naoual El Alaoui , Coach en accessibilité et démarches inclusives Onepoint

Mes singularités sont ce qui me rend plurielle, ce sont mes forces. Pourtant, trop souvent, ces particularités ou originalités sont perçues par les autres comme des faiblesses : elles renverraient à ce que je ne peux pas faire, à ce que je ne peux pas devenir. Or, j’ai la conviction inverse : ces singularités créent de la valeur.

Femme, franco-maghrébine, en situation de handicap : ce sont autant de facteurs qui pourraient faire naître dans les consciences collectives le mot « différence ».

J’aimerais insister sur le terme différence, terme qui n’est pas toujours aussi évident qu’on le croit. Savez-vous que 80 % des handicaps sont invisibles[1] ? Que tenant compte de ce constat, 20 % de la population française est en situation de handicap et que ce chiffre monte à 40 % si l’on compte les handicaps temporaires[2] ? Malheureusement, beaucoup l’ignorent. Quand j’aborde le sujet du handicap en entreprise, mes interlocuteurs me répondent souvent que leurs locaux ne sont pas accessibles à des fauteuils roulants ! Ils n’ont qu’une vision parcellaire du handicap, limitée au handicap visible. Or, les personnes à mobilité réduite ne représentent « que » 2 % de la population handicapée.

On ne peut plus maintenir la réalité de notre société dans des schémas binaires et simplificateurs : homme ou femme, riche ou pauvre, noir ou blanc, handicapé ou valide… Au fond, est-ce que le quotidien d’une mère célibataire active n’est pas proche, à certains égards, de celui d’un père célibataire par exemple ? Les préjugés, les biais cognitifs, les inégalités et les comportements sexistes ont la sont monnaie courante, nous avons tous déjà souffert de discrimination à un moment donné. Le sujet dans l’entreprise et plus généralement dans la société, n’est donc pas le genre, l’origine, le handicap, mais revient plutôt à se demander « comment se désengager de la narration archétypale » ?

Prenons l’exemple des femmes. En tant que femme, féministe, j’ai du mal à comprendre que, bien que les femmes soient plus diplômées que les hommes et qu’elles représentent 48 % de la population active, elles n’occupent pourtant que 17 % des postes de direction. Comment puis-je accepter que sur les 350 plus grandes entreprises européennes seules 14 sont dirigées par des femmes ?

Or,La loi Copé-Zimmermann de 2011 prévoit que la proportion des administrateurs de chaque sexe ne peut être inférieure à 40 % dans les conseils d’administration des entreprises de plus de 500 salariés pour 2017. Il faudra attendre 3 ans de plus pour que le taux record de 44,6% de femmes membres des conseils d’administration des sociétés du CAC 40 soit atteint[3]. Mais ne crions pas victoire trop vite, ce chiffre ne concerne que les entreprises soumises à ces quotas, suite à l’instauration de la loi Copé Zimmermann et d’une demi-douzaine d’autres lois pour renforcer si ce n’est la volonté au moins l’arrivée d’une parité réelle dans les conseils d’administration. Si le nombre de femmes a augmenté progressivement dans les conseils d’administration des entreprises concernées par les quotas, il reste que les jeunes ont du mal à franchir les portes de ces comités dont la moyenne d’âge s’établit à 54 … Comment, devant ces chiffres, pourrais-je en tant que femme, jeune, maghrébine et handicapée trouver une place avec toutes mes particularités ou diversités[4] qui paraissent aux antipodes des normes actuelles ?

En fait, J’aime beaucoup cette phrase de Verna Myers : « La diversité, c’est d’être invité à la fête. L’inclusion, c’est de se faire inviter à danser. » Autrement dit, la diversité, c’est la juxtaposition des différences, alors que l’inclusion, c’est l’acception et le fait de donner à chacun la possibilité d’apporter sa pierre à l’édifice. C’est ce que j’ai vécu au sein de onepoint, en étant considérée comme bien plus qu’un quota. Onepoint est le modèle témoin d’une société qui va vers le progrès humain.

Enfin, lorsque l’on parle de diversité et d’inclusion, on se concentre sur les enjeux éthiques et moraux et on néglige parfois la dimension business. Mais la diversité, l’accessibilité sont aussi des enjeux de performance. Regardez autour de vous : Le livre audio a été conçu pour les malvoyants, les sous-titres pour les sourds et malentendants… Et ces solutions facilitent la vie de tous. Elles sont donc des leviers de business.

Ainsi grâce à mes multiples facettes, le cabinet m’a confié un rôle supplémentaire et j’ai pu développer la solution « Handi’Cap et Accessibilité Universelle », pour créer des usages inclusifs. Nous avons aussi stimulé l’accessibilité numérique en nous appuyant sur le référentiel RGAA[5].

Finalement, chacun de nous a beaucoup à apporter au collectif en toute légitimité, à condition qu’un dialogue sain, serein et constructif se mette en place dans les entreprises. C’est comme cela que l’on surmonte des préjugés, que l’on découvre des opportunités, et que l’on crée un sentiment d’appartenance de chacune et de chacun à l’entreprise.

[1] Le handicap invisible est un handicap non détectable, qui ne peut pas être remarqué si la personne concernée n’en parle pas. Le trouble dont elle souffre impacte pourtant sa qualité de vie. Le handicap invisible est un concept complexe.  Je porte un handicap invisible, je suis malentendante profonde. Le diabète, les personnes porteuse du syndrome d’Asperger, les troubles de la vision, burn out, dyslexie, l’obésité…

[2] Source : https://www.silvereco.fr/ – avril 2018.

[3] Source : https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/livret_-_10_ans_loi_cope-zimmermann-2.pdf

[4] Agissez sur ce que vous pouvez maitriser : VOUS !

[5] Pour faciliter la mise en œuvre de l’accessibilité numérique, la direction interministérielle du numérique édite depuis 2009 le référentiel général d’amélioration de l’accessibilité – RGAA –, créé pour mettre en œuvre l’article 47 de la loi handicap de 2005 et son décret d’application actualisé en 2019.