Tribune : Motivation, attention au péril jeune !
La plupart des jeunes diplômés de grandes écoles ne se reconnaissent plus dans la promesse des entreprises. Covid ou pas d’ailleurs… Depuis quand ? Pourquoi ? Que cherchent-ils ? Qu’est-ce qui les motivent ? Sur quoi s’engagent-ils ?
« Comme bon nombre de mes camarades, alors que la situation climatique et les inégalités de notre société ne cessent de s’aggraver, […] [je suis] incapable de me reconnaître dans la promesse d’une vie de cadre supérieur, en rouage essentiel d’un système capitaliste de surconsommation. » Voilà comment Clément Choisne commençait son discours lors de sa remise de diplôme à Centrale Nantes, en novembre 2018. La vidéo avait fait le tour des réseaux sociaux, cumulant près de 1 million de vues en quelques jours.
L’événement avait fait d’autant plus de bruit qu’il arrivait peu de temps après la parution du Manifeste étudiant pour un réveil écologique, texte fort signé par près de 30 000 étudiants de grandes écoles réclamant des formations et des métiers à la hauteur des enjeux contemporains.
J’avais intégré Centrale Nantes un an plus tôt, et jusqu’alors nous étions uniquement quelques-uns à tenter de convaincre l’administration de mettre en place le tri sur le campus. Mais en janvier 2019, la majorité des étudiants s’était emparée de la question écologique. Une prise de conscience soudaine qui n’avait rien de surprenant : nous étions formés pour faire confiance à la science, et la science ne lésinait pas sur les données alarmantes. Pour beaucoup, c’était l’incompréhension. Pourquoi, par exemple, dans les cours liés au bâtiment, apprend-on seulement l’usage du béton ? Alors que c’est l’un des composants industriels qui pollue le plus sur Terre… Pour d’autres, débutait alors une remise en question de notre place en tant qu’ingénieurs dans la société.
Depuis quelques années, nous vivons un bouleversement dans les grandes écoles. La nouvelle génération, dont je fais partie, s’empare des sujets écologiques et sociaux avec beaucoup de détermination. Face à l’urgence, décrocher un CDI bien payé dans une entreprise reconnue socialement n’est plus ce qui nous motive. Autour de moi, la priorité des jeunes diplômés est avant tout d’avoir un impact positif dans ce monde qui part à la dérive. Certains choisissent de porter leurs convictions dans les entreprises pour les faire changer de l’intérieur, d’autres se lancent dans l’entrepreneuriat, en politique ou dans l’associatif… Les options sont infinies pour trouver une place en accord avec ses convictions. Et pour ceux qui choisissent la grosse entreprise, inutile de préciser que l’ère du greenwashing est révolue ; désormais, seules les sociétés sincèrement engagées dans leurs démarches environnementales et sociétales les attirent.
Bien sûr, ce changement de cap n’est pas sans conséquences, en particulier dans nos relations avec notre entourage, qui ne comprend pas toujours nos choix. C’est ce décalage générationnel qui m’a poussé à réaliser un film, Ruptures, pour partager ce qu’il se passe dans notre tête lorsque nous tournons le dos aux banques et aux grandes industries. Il est encore difficile de savoir quelle proportion des jeunes diplômés ce mouvement représente. Mais une chose est sûre : les lignes bougent, et la nouvelle génération est plus déterminée que jamais à jouer son rôle dans la transition.