SENIORS : et alors ?
Malgré un marché dynamique de l’emploi des cadres, avec 282 000 recrutements attendus en 2022 (sources chiffres APEC), une catégorie d’actifs ne bénéficie que peu ou pas de la hausse notable des offres d’emploi : les seniors.
Pour limiter les difficultés de recrutement, l’Apec pousse les entreprises à chercher des candidats et candidates parmi les plus de 55 ans. Une priorité selon Marie-Laure Collet, présidente de l’Apec.
Rencontre.
« Seniors », le mot convient-il encore de nos jours pour les plus de 55 ans ?
C’est vrai que le vocable stigmatise un peu les personnes. Et on ne sait pas très bien ce que l’on met derrière. Selon les statistiques, on dit même qu’en France on est senior à partir de 45 ans… Mais quelque part dans l’inconscient collectif, cette terminologie renvoie à quelque chose de négatif et à une sortie précipitée de l’entreprise en raison des départs massifs en préretraite dans les années fin 1980-début 1990. Une période qui a inauguré la stigmatisation des plus de 55 ans. Aujourd’hui, avec les difficultés de recrutement sur le marché du travail, l’employabilité tout au long de la vie et la sécurisation des parcours professionnels sont des enjeux majeurs. Tout le monde détient des compétences jusqu’à la fin de sa carrière, notamment grâce aux parcours de formation. Et cette stigmatisation des seniors perdure, alors que les entreprises gagnent énormément à recruter de tels profils.
Que pourriez-vous dire aux entreprises réticentes à recruter des seniors ?
Les entreprises n’y sont pas toutes réticentes. Il peut y avoir des freins psychologiques, pour autant les seniors constituent une réserve de compétences incroyables. Comme l’ont montré nos études sur le sujet[1] . Ils sont plus à l’écoute des managers, moins dans la revendication. Ils sont autonomes, ils ont de la hauteur de vue et ils sont réactifs lorsqu’on leur demande de passer à l’acte. Depuis des années, on leur répète qu’ils doivent se former afin d’actualiser leurs compétences, ils ont sollicité leur CPF [Compte personnel de formation] pour upgrader leurs connaissances sur les nouvelles technologies, les nouveaux modes managériaux. Ils ont davantage de souplesse qu’on ne le croit.
Certains préjugés existent-ils encore ?
Je n’ai jamais rencontré de dirigeants me dire : « Non, il ne faut pas recruter un senior parce qu’il est trop vieux. » Je le répète, quand on recrute un senior, on est à peu près certain que cette personne sera fidèle à l’entreprise. Si l’on recrute une personne de 55 ans qui doit encore travailler dix années, elle a de fortes chances d’être fidèle à son employeur. Ce dernier va donc capitaliser sur son recrutement, car il va pouvoir s’appuyer durablement et avec sérénité sur ce collaborateur de confiance, c’est un atout majeur.
Évidemment, quand on recrute des populations beaucoup plus jeunes, le zapping peut être une forme de capitalisation, avec la multiplication des expériences. Il est vrai aussi que, d’après les études que nous menons, quand un cadre senior est en recherche d’emploi, il met un peu plus de temps à retrouver du travail. Il y a donc bien des freins à l’embauche. Sur les 700 000 cadres sans emploi, 16 % ont plus de 55 ans, et la moitié d’entre eux mettra beaucoup de temps à retrouver un poste. C’est pour cela que l’’Apec propose des dispositifs spécifiques pour accompagner ces demandeurs d’emploi longue durée sur leur repositionnement professionnel.
Les chiffres
Une étude de Pôle Emploi et de l’Apec a fait le point sur les difficultés rencontrées par les plus de 55 ans pour retrouver un travail
– 700 000 cadres étaient inscrits à Pôle Emploi fin janvier 2021,
– dont 112 000 étaient des seniors et, parmi eux, 6 sur 10 des cadres demandeurs d’emploi longue durée.
Seniors : comment booster vos candidatures ?
- S’adapter aux évolutions du marché du travail.
- Faire de son âge un atout.
- Constituer, entretenir et mobiliser son réseau.
- Être ouvert à d’autres formes d’emploi (management de transition, portage salarial, entrepreneuriat…).
- Se faire accompagner dans sa démarche de recherche d’emploi.
Les dispositifs de l’Apec à destination des seniors
Talents Seniors
Fort de sa connaissance des territoires, l’Apec a mis en place des initiatives telles que Talents Seniors, un dispositif de mentorat qui permet aux cadres de plus de 50 ans de se faire parrainer par des personnalités du monde économique d’une région donnée qui s’engagent à les suivre tout au long de leur recherche d’emploi et à leur faire bénéficier de leur réseau.
En 2021, Talents Seniors a permis à 65 % des cadres seniors de retrouver une activité professionnelle, dont un CDI pour 48 % d’entre eux.
Des ateliers spécifiques
-« Valoriser les atouts de son expérience senior » : animé par un consultant Apec, cet atelier destiné aux cadres ayant plus de dix années d’activité professionnelle leur permet de valoriser leur expérience, de découvrir comment dépasser leurs éventuels préjugés, d’identifier leurs compétences, de tester leur pitch et de progresser.
-« Oser explorer d’autres formes d’emploi » : en webinaire ou en présentiel, cet atelier permet aux cadres de découvrir les formes d’emploi autres que le salariat et d’identifier celles qui leurs correspondent le mieux.
[1] Les cadres seniors : des profils à forte valeur ajoutée, notamment en période de crise – juin 2021.
« Regards croisés sur les cadres séniors en emploi », étude de l’Apec publiée en octobre 2021.