RSE créatrice de passerelles

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Éthique et même morale, la responsabilité sociale des entreprises est surtout incontournable. Antoine Sire, directeur de l’engagement d’entreprise et membre du Comex de BNP Paribas, le prône depuis longtemps. Rencontre avec un homme de finance et de culture, féru de cinéma autant que de prospective.

Par ANNE CECILE HUPRELLE

Vous êtes directeur de l’engagement d’entreprise depuis 2017. Depuis la crise sanitaire, les sujets que vous portez sont devenus des préoccupations générales. Le périmètre de votre poste s’est-il étendu ?

Quand Jean-Laurent Bonnafé a décidé de créer la direction de l’engagement d’entreprise en 2017, il avait l’idée que tous les sujets en lien avec la société civile et l’impact environnemental et social devaient avoir un porte-voix unique, avec un certain poids dans l’entreprise. Il fallait également qu’il y ait des synergies entre les différentes équipes mobilisées et que tout cela tienne sous la même direction. Ma feuille de route dépassait de beaucoup les sujets d’engagement « classiques » et incluait l’animation du business et de son impact positif. Le périmètre de mes fonctions a donc pris une ampleur considérable au fil des années. Parce qu’il y avait de plus en plus de business à impact positif et parce que la dimension RSE devenait de plus en plus concomitante avec de nouvelles réglementations. Et puis les choses se sont accélérées. J’ai, par exemple, été coprésident du groupe qui a conduit à la création de la Taskforce on Nature-related Financial Disclosures (TNFD), qui crée un cadre méthodologique pour aider les entreprises à l’échelle mondiale à informer sur leurs interactions avec la nature. Ce poste témoigne d’un véritable projet pour la société civile.

Pourquoi l’entreprise (en général) a-t-elle mis autant de temps pour abattre ses murs et comprendre qu’elle avait un impact sur la société ?

Je serais plus nuancé, notamment sur le monde de la banque. C’est un secteur dans lequel il y a historiquement beaucoup d’agences, de présence locale et de collaborateurs très impliqués dans la société. Cela s’explique par le fait que les banques accompagnent leurs clients au quotidien, dans leur existence, dans leurs projets. La banque prend également part aux changements sociétaux. Quand il y a eu la mise en place de l’euro, BNP Paribas a recruté 4 000 jeunes pour accompagner les clients dans les agences. Ce recrutement massif avait été considéré comme une démarche citoyenne par les collaborateurs. Un autre exemple : quand, en 2005, des émeutes ont éclaté en banlieue, BNP Paribas étant le premier employeur privé de Seine-Saint-Denis, nous avons lancé le « projet banlieues », un dispositif précurseur de notre engagement. Depuis sa création, nous avons soutenu 1 200 associations de quartier et avons pu compter sur de nombreux mentors issus de notre corps social. Il est également important de rappeler que la Fondation BNP Paribas fêtera ses 40 ans l’année prochaine : c’est la plus ancienne fondation d’entreprise en France. Notre engagement est donc ancien. Ma nomination a marqué une étape supplémentaire, mais il serait inexact de penser que le groupe a pris conscience récemment du rôle qu’il peut jouer auprès de la société.

Les banques et plus globalement la finance, sont souvent perçues comme imperméables aux valeurs humaines et sociales. Cela vous touche, vous agace ?

Mon tempérament n’est pas d’être agacé, mais je trouve cela tout simplement opposé à la réalité. J’ai la conviction que la banque, du fait de ses missions de proximité, fait largement partie de la vie des gens. Lorsqu’un client expose à son banquier les problèmes auxquels il est confronté, le banquier l’écoute et identifie les meilleures solutions pour l’aider. Au-delà de nos collaborateurs qui sont au contact direct de nos clients, BNP Paribas se caractérise par une très grande diversité de métiers – plus de 300 à travers le groupe. Des milliers de collaborateurs de BNP Paribas sont mobilisés chaque jour autour des enjeux sociétaux et environnementaux.

BNP Paribas accompagne le cinéma européen. C’est aussi le rôle d’une banque, d’une entreprise de soutenir la culture ?

Bien sûr ! Là aussi, il y a un lien profond. La banque, c’est un métier qui est très ancré dans les cultures locales. Chez BNP Paribas, la diversité de cultures est 1 Antoine Sire est également acteur et auteur de Hollywood, la cité des femmes (Actes Sud), un livre qui revisite l’histoire de l’âge d’or de Hollywood, à travers le rôle des femmes. une véritable force. Nous sommes la première banque de l’Union européenne, lorsque le groupe s’implante dans une région ou dans un pays, nos banquiers s’intéressent au territoire qui les accueille. Depuis l’époque où notre directeur général, Jean- Laurent Bonnafé, a dirigé notre activité en Italie, il lit tous les jours La Repubblica. Bien connaître l’actualité et la culture d’autres pays européens que la France l’aide dans son métier de dirigeant de la première banque européenne. En ce qui concerne l’histoire de BNP Paribas avec le cinéma, celle-ci remonte à plus de cent ans ! Nous soutenons la création à travers le financement de productions de jeunes réalisateurs comme de grands noms, et nous soutenons de nombreux festivals à travers l’Europe.

Le soutien à la culture prend donc différentes formes…

Jacques Prévert disait : « Le cinéma est aussi une industrie. » Lorsqu’on est la première banque des entreprises européennes, on est aussi la première banque des entreprises européennes qui font du cinéma. Nous avons d’ailleurs un département spécialisé dans le financement du cinéma. Au travers de notre fondation, nous sommes également présents aux côtés d’artistes de danse contemporaine, de jazz ou encore du cirque contemporain. La culture est inscrite dans l’histoire de BNP Paribas.

Vous êtes directeur de l’engagement : quel est le sens de votre engagement à vous ?

Un des éléments phares de l’engagement, c’est la transmission. Quand vous êtes dans une entreprise, quand vous êtes dans une banque, vous avez envie de transmettre et, en l’occurrence, beaucoup de nos engagements sont des engagements dans lesquels on transmet. Notre programme de mentorat auprès des jeunes de quartiers défavorisés en est un exemple. Moi-même, j’ai fait une partie de ma scolarité dans un collège de banlieue, plutôt défavorisée, à Trappes. C’est là que j’ai compris l’importance de l’éducation et de l’instruction, l’importance du fait qu’on ne démarre pas tous avec les mêmes chances. Nos métiers doivent être nourris de cette conscience, c’est ainsi que je les conçois.

Question subsidiaire : De 2013 à 2017, vous avez quitté BNP Paribas pour vous consacrer à votre passion du cinéma1. Que retenez- vous de cette période ?

J’ai écrit un ouvrage de référence de 1 200 pages en trois ans, et cet exercice cérébral m’a certainement aidé à appréhender par la suite les tâches complexes. Et en même temps, c’était un travail de longue haleine qui m’a fourni une respiration dans ma carrière de cadre dirigeant, qui doit prendre quotidiennement des décisions. l