Retour au bureau : ce qui compte
Le retour au bureau inscrit la saison 2021-2022 dans un tournant majeur pour les salariés. La question de la motivation et des raisons de se retrouver physiquement dans les locaux d’une entreprise se pose. Aujourd’hui, de plus en plus de personnes souhaitent rester partiellement en télétravail ou attendent de leurs employeurs que le management soit repensé. Le point avec Rémi Mangin, co-fondateur et PDG de CDB, cabinet de conseil dédié à l’aménagement des espaces de travail et des organisations managériales
’environnement de travail comme levier de changement
En tant qu’expert de l’aménagement des espaces de travail, nous avons longtemps mis en avant l’aménagement de nouveaux bureaux en tant qu’opportunité pour donner une nouvelle dynamique collective. Si on prend un peu de distance, et au regard, bien sûr de la Pandémie, nous analysons les lieux de travail comme faisant partie intégrante de l’organisation. La culture de l’entreprise influence autant les lieux de travail que l’expérience des collaborateurs dans ces lieux influence les grands projets managériaux. Les bureaux sont la forge des liens qui se créent au sein du collectif et c’est de cette diversité de liens, formels et informels, collaboratifs ou interpersonnels, que naît la dynamique de changement nécessaire aux grands projets de l’entreprise. Il est donc indispensable d’intégrer cette dimension d’expérience des lieux dans tout projet de changement.
L’évolution de l’entreprise, suite à la longue période de confinement
L’assignation à résidence durant les périodes de pandémie a laissé des traces notables parmi les équipes de nos clients. Tout d’abord, les enquêtes menées auprès de ces derniers mettent en avant la volonté de maintenir une certaine autonomie gagnée par la force des choses. D’autre part, les responsables des ressources humaines nous font remonter parfois un grand désarroi de la part de certains membres de leurs équipes, qu’on pourrait qualifier de perte de repères. Selon un sondage de CDB et Yougov datant d’août 2021, la préférence pour le télétravail reste notable mais minoritaire (32%) contre 49% qui se sentent plus épanouis au bureau plutôt que chez eux. Nous pensons que la continuité doit être assurée par ce nouveau mode « hybride », semi-présentiel. La présence, même partielle, au bureau permet de créer des points forts, d’entretenir les rituels des équipes et de fait de restaurer un rythme collectif et individuel.
Une nouvelle vision partagée par les collaborateurs en ce qui concerne le télétravail
Dans un ouvrage que nous avons co-écrit avec Michel Ciucci (cofondateur de CDB), nos équipes, nos clients, mais aussi David Autissier (Directeur de la chaire ESSEC du changement) nous nous sommes posé la question inverse : « Pourquoi allons-nous au Bureau ? ». Nous avons tous appris à travailler à distance, accélérant considérablement la transition numérique. L’efficacité et la prédominance des outils numériques dans les modes de collaboration sont difficilement contestables. Mais en partant de l’expérience vécue par nos clients, nous pensons que la question n’est plus « Peut-on travailler à distance et comment ? » mais « Que fait-on quand nous-même ou nos interlocuteurs sommes au Bureau ?». En effet, aujourd’hui les bureaux d’une organisation deviennent un vrai « camp de base ».
Le télétravail, paradoxalement, implique de repenser, en creux, à l’usage que nous faisons des bureaux pour accompagner le management d’équipes maintenant habituées à produire à distance. Il faut créer du rythme, des lieux et des moments de collaboration. Il faut permettre la continuité entre les bureaux, les tiers lieux et le domicile. Tout cela représente, selon nous, l’enjeu majeur soulevé par l’adoption du télétravail dans les entreprises.
Les évolutions du lieu de travail
Cette question est abordée en profondeur dans l’ouvrage que nous venons de faire paraître (« Pourquoi allons-nous au bureau ? », Michel Ciucci et Rémi Mangin aux éditions Eyrolles). Les évolutions managériales, technologiques, organisationnelles n’ont pas attendu la COVID pour challenger la vision un peu classique du bureau comme lieu unique de travail. Notre constat c’est qu’un lieu de travail doit être approprié par des équipes qui peuvent ainsi décider d’occuper des espaces en fonction de ce qu’elles doivent y faire. C’est un écosystème vivant dont l’expérience sera d’autant plus créatrice de valeur qu’il est le résultat d’une co-construction et d’une appropriation par tous ses usagers. La plupart de nos clients sont en train de mettre à l’épreuve leurs accords de télétravail. Cependant il n’y ne peut y avoir d’application uniforme de ces accords, selon les métiers et les équipes, d’une part, mais aussi en fonction de la distance entre le lieu de travail et du domicile, ou des alternatives mises à disposition des collaborateurs individuellement.
Il faut donc construire avec les équipes opérationnelles, les Ressources Humaines, les responsables des environnements de travail, des lieux attractifs et performants qui permettront à tous de retrouver ce rythme perdu, cette collaboration formelle, ces rencontres fortuites qui font la qualité et l’énergie de l’expérience de travail au bureau. Il faut donner envie à tous d’y venir régulièrement pour participer pleinement au collectif de l’entreprise.