Responsabilité : la méthode en question
La responsabilité et la confiance accordées aux collaborateurs sont des critères primordiaux dans le choix d’une organisation par les candidats, comme nous l’explique Koffi Hounnou, coach en entreprise établi à Montréal.
Cette liberté de créer et d’innover est aussi un élément-clé pour fidéliser et favoriser l’investissement et la productivité des meilleurs talents.
L’autonomie et la liberté en entreprise sont aujourd’hui fondamentales et fonctionnent très bien, comme l’ont démontré de grandes organisations comme Google et Facebook », déclare Koffi Hounnou, ancien ingénieur senior devenu coach organisationnel spécialisé dans les approches Agiles. Pour cet expert des entreprises du secteur technologique établi à Montréal, les vieux paradigmes ont cédé la place à de nouveaux principes de management. Ceux-ci sont orientés vers la responsabilisation de l’ensemble des collaborateurs, mais surtout des travailleurs intellectuels : « Au début du siècle dernier, le travail reposait principalement sur les tâches manuelles, telles que le tissage sur des machines, et les méthodes de management étaient basées sur un contrôle strict et une supervision constante. Aujourd’hui, le travail manuel est largement automatisé, et la majorité des collaborateurs sont désormais des travailleurs intellectuels. Il est devenu essentiel de fournir aux collaborateurs l’autonomie nécessaire pour réfléchir, être créatifs, innover et s’adapter aux besoins changeants du marché. »
Il convient, pour Koffi Hounnou, de distinguer l’autonomie de l’indépendance, afin de mettre l’accent sur le sens collectif de la responsabilisation demandée à l’ensemble des équipes : « Tandis que l’indépendance peut être associée à l’isolement, l’autonomie évoque une relation mutuellement enrichissante et équilibrée. Elle symbolise un échange basé sur le respect et la confiance. »
Pour que les organisations mettent en place un environnement de travail dédié, il faut en premier lieu transformer le rôle du manager, qui « doit adopter une posture de facilitateur ». En plus de tenter d’aplanir la hiérarchie et de fluidifier les relations interpersonnelles, de donner des objectifs plutôt que des tâches, il est nécessaire de guider et de soutenir les équipes dans leur travail. Il faut éviter d’intervenir dans leur processus de création et de résolution des problèmes : « Je suis là pour les soutenir, pour balayer devant eux afin qu’ils ne trébuchent pas, et leur apporter des outils. Je leur pose aussi des questions : je fais de la ‘’questiologie’’ pour leur permettre de creuser encore plus et d’aller trouver des réponses par eux-mêmes. Le but est que les équipes soient capables de mener un projet de bout en bout, depuis la captation du besoin jusqu’à la livraison. » Bien sûr, il arrive de tomber sur des nouveaux venus qui semblent perdus et qui demandent : « Qui est-ce qui va nous diriger et nous distribuer les tâches ? » Le coach sait quoi répondre dans ce cas : « Personne ne vous dirigera. Vous êtes autonomes et hautement qualifiés, vous êtes donc complètement capables de faire votre travail en collaborant. »
La liberté et le développement professionnels
comme éléments d’attraction et de rétention
En communiquant à l’extérieur cette culture de la liberté et de la confiance accordées à ses collaborateurs, chaque entreprise qui met en place un environnement favorisant l’autonomie se donne toutes les chances d’attirer les candidats de haute qualité. Ces candidats sont des travailleurs multipotentiels, capables d’être créatifs et d’apporter une grande valeur ajoutée.
« Les gens ont besoin d’autonomie et de liberté pour pouvoir innover, et les personnes les plus qualifiées, celles qui innovent, cherchent des entreprises dans lesquelles on leur donne la liberté de faire leur travail », avance Koffi Hounnou.
« Les meilleurs talents cherchent du sens dans leur mission, ils ont envie de trouver des postes qui ont de l’impact sur la société », poursuit le coach. Et c’est cette garantie de pouvoir faire leur travail de manière autonome qui fait la différence lorsqu’ils doivent faire leur choix. La libre organisation de son temps de travail joue également un rôle très important pour attirer les meilleurs profils. Koffi Hounnou évoque à ce sujet les nombreuses entreprises nord-américaines proposant des congés illimités à leurs collaborateurs, une marque indéniable de confiance : « Vous pouvez techniquement être en vacances toute l’année. Personne ne veut faire ça, évidemment, mais cela fonctionne très bien, avec seulement 3 % des gens qui exagèrent un peu. »
En mettant en place un cadre de travail où chacun peut apporter et partager ses idées et où les équipes œuvrent sans être micro-managées au quotidien, les organisations limitent considérablement le turn-over. Parmi les critères de satisfaction, la possibilité de se développer professionnellement en acquérant de nouvelles compétences joue un rôle très important. Koffi Hounnou cite le fameux exemple de Google, une entreprise pionnière en la matière : « Il y existe la loi des 20 %. Les collaborateurs prennent des tâches pour remplir 80 % de leur temps, et ils ont ensuite 20 % où ils font absolument ce qu’ils veulent, ce qui permet de tester des idées mais aussi de faire des formations. L’accent est mis sur le développement personnel des collaborateurs : on leur donne du temps et de l’argent pour se former ». Koffi Hounnou rappelle que Gmail, l’un des produits phares de l’entreprise, était au départ un projet individuel : « Si un collaborateur se sent bien dans une entreprise qui lui donne du temps et de la liberté, il aura forcément envie de faire quelque chose en retour pour elle. »
Valorisation de la singularité du collaborateur,
appartenance et productivité
Les organisations prônant l’autonomie des collaborateurs performent également parce qu’elles mettent l’accent sur la singularité de chaque collaborateur, qui peut organiser son travail de manière unique, presque sur-mesure. Selon Koffi Hounnou, ce principe se rapproche de la première « loi » de la philosophie agile (« Individuals and interactions over processes and tools ») : « Cela change tout lorsqu’on place l’accent sur les individus, leur autonomie et leurs interactions. »
Cette approche personnalisée, qui valorise la particularité de chacun, apporte in fine plus qu’une simple satisfaction : « Cela nourrit aussi un fort sentiment d’appartenance. Les talents adorent les entreprises qui leur donnent cette liberté, qui laissent leur cerveau travailler, et cela va les rendre automatiquement plus productifs. »
En permettant à tous les collaborateurs d’être acteurs de leur participation à la production et de proposer la meilleure version d’eux-mêmes que se boucle le cercle vertueux de l’autonomie. Selon le coach, le manager n’aurait même pas à jouer de rôle important dans une entreprise où la culture de l’autonomie est profondément ancrée : « Si l’on veut de la bonne production, tout ce qu’on a à faire est d’engager les bonnes personnes, de leur donner de la liberté et des objectifs, de les soutenir, et le manager peut partir en vacances ! Cela fonctionnera obligatoirement, parce que la nature a horreur du vide et que le vide de leadership sera comblé par toute l’équipe. Ils sauront travailler ensemble pour créer de l’intelligence collective. » l