Pourquoi la mixité fait du bien aux entreprises

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Renforcée et encadrée par plusieurs lois votées ces dix dernières années, l’égalité entre hommes et femmes dans les entreprises est aujourd’hui une obligation clairement définie et codifiée. C’est aussi et surtout un atout dont il serait dommage de se priver.

Par Olivier Marbot

Vingt ans après la loi sur la parité et dix ans après la loi Copé-Zimmermann, imposant 40 % de femmes dans les comités d’administration des entreprises, une proposition de loi a été votée le 13 mai dernier à l’Assemblée nationale française.

Pour accroître la participation des femmes au système économique et professionnel, le texte permet, entre autres, de garantir des places en crèche aux familles monoparentales et d’étendre le délai d’accès aux formations pour les mères d’enfants de moins de trois ans. Un nouvel article facilite l’accès au télétravail pour les femmes enceintes dans les douze semaines précédant le congé de maternité.

Par ailleurs, afin de « lutter contre les biais de genre » dans les choix professionnels, le texte prévoit la construction d’un index de l’égalité dans les établissements d’enseignement du supérieur et 30 % de femmes dans les jurys de sélection aux grandes écoles. Enfin, dans la lignée de la loi Copé-Zimmermann, les entreprises de plus de 1 000 salariés sont appelées à instaurer une proportion d’au moins 30 % de femmes chez les « cadres dirigeants et membres des instances dirigeantes » en 2027. Et 40 % en 2030.

Une chose est sûre, ces avancées arrivent à point nommé dans un contexte qui s’est subitement érodé, en raison de la crise sanitaire, révélant que de nombreuses avancées en matière d’égalité professionnelle étaient encore bien fragiles.

 

L’inégalité professionnelle homme-femme demeure. Y compris dans l’esprit de beaucoup de femmes souvent plus timides que leurs collègues masculins à briguer une promotion ou à demander une augmentation. Les chiffres illustrent ces écarts : en France, les hommes gagnent encore en moyenne 18,6 % de plus que les femmes, et l’écart persiste à compétences égales (10 %). En Europe, l’écart de revenus est en moyenne de 16,3 %, avec de fortes disparités : 26,9 % au Royaume-Uni, mais seulement 3 % en Italie et en Espagne. Au niveau continental toujours, un tiers seulement des managers sont des femmes, et, si là encore le taux varie, il ne dépasse 50 % dans aucun pays de l’Union (sources gouvernementales).

 

Et pourtant, la mixité est un atout pour les entreprises. Mêler hommes et femmes permet de faire collaborer des personnalités diverses, des personnes qui travaillent et réfléchissent différemment, se complètent, apportent des idées plus variées et, c’est capital, reflètent fidèlement la clientèle à laquelle l’entreprise s’adresse. La diversité évite le consensus, la reproduction stérile d’idées stéréotypées, permet la confrontation féconde de points de vue différents. Il s’agit aussi d’un cercle vertueux, car la diversité appelle la diversité : une candidate de talent hésitera moins à postuler dans une entreprise où les femmes sont déjà nombreuses à occuper des postes importants. Et les hommes eux-mêmes ont tout à gagner à une évolution des règles, en particulier en ce qui concerne l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Le niveau requis de mixité a d’ailleurs été théorisé par des chercheurs s’intéressant au monde du travail, qui estime qu’il faut au moins 35 % de femmes au sein d’un groupe, quel qu’il soit, pour que des changements d’habitude s’opèrent.

 

La mixité est une nécessité économique. Plus prosaïquement, les grandes institutions internationales, agences onusiennes en tête, rappellent depuis des années que la sous-représentation des femmes dans certains secteurs d’activité ou dans certaines régions du monde se traduit très directement par un manque à gagner. Un rapport de McKinsey assurait ainsi en 2019 qu’une meilleure mixité professionnelle pourrait générer 240 millions de nouveaux emplois à l’horizon 2025, tandis que, selon PWC, si tous les pays de l’OCDE offraient le même taux d’emploi aux femmes que la Suède (80 %), leur PIB global pourrait augmenter de 6 000 milliards de dollars. Pour les entreprises françaises, la marche à suivre est, on l’a dit, précisément définie par les textes. La lutte contre les discriminations commence dès l’embauche (lire encadré), se poursuit dans la gestion des rémunérations, de la formation et de l’évolution des carrières au sens large, doit faire l’objet de discussions annuelles avec les représentants des salariés. Et bien sûr la vigilance face à toute forme de harcèlement est de mise, y compris au stade de la prévention.