TRIBUNE : Comment faire face à la pollution numérique avec efficience

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Mesurer, réduire, compenser. Face à cette injonction, toute organisation qui souhaiterait conjuguer RSE avec modernisation considérera à un moment ou à un autre les bénéfices potentiels du numérique.

Par Sylvain Letourmy , directeur stratégie applications Europe du Sud, chez Oracle

Pour mesurer, on collecte, on stocke des données. Pour réduire, on dématérialise, on automatise, on calcule. Pour anticiper on modélise, on scénarise, on simule. Pour engager, on consolide l’information et la diffuse sur de multiples canaux numériques.

L’industrie du numérique est la pierre angulaire de toute démarche RSE. En très forte expansion, elle fait certainement partie de la solution, mais aussi du problème. Consommatrice d’énergie, productrice de chaleur… Mathématiquement, son poids dans la grande équation de la planète va devenir de plus en plus important : il est déjà à 4 % des émissions de GES.

Oracle s’engage pour réduire son impact en matière d’émission de GES, et cela passe par plus d’efficience dans les gestes du quotidien et par l’industrialisation de ses services numériques. On le comprend avec les bonnes pratiques développées ci-après.

 

S’il y a bien un usage qui s’est largement démocratisé, c’est la virtualisation des réunions. Chez Oracle, depuis 2020, les 130 000 collaborateurs du groupe ont adopté Zoom. Combinée à d’autres économies sur le chauffage, la climatisation et l’éclairage, l’entreprise a pu réduire ses émissions de CO2 de 47 % depuis 2020.

 

Mais au-delà des solutions et des logiciels spécialisés, le cloud en tant que tel est un élément de réponse aux enjeux de la RSE. Le cloud est la mutualisation de ressources numériques par un prestataire technologique qui en assure l’exploitation, la sécurité et l’évolutivité, au service de multiples clients qui « partagent » un bien commun.

En quoi est-ce important ? Parce que les solutions informatiques historiques sont bien souvent utilisées de façon individuelle, installées sur un serveur d’entreprise plus ou moins bien dimensionné car son usage fluctue dans l’année, avec un hébergement peu optimisé. On pourrait les comparer à un véhicule à l’arrêt, moteur tournant,dans l’attente d’un ou plusieurs passagers. Tandis que le cloud serait une forme de covoiturage du numérique.

 

Un indicateur clé de notre industrie est le PUE (Power Usage Effectiveness). Il s’agit d’un indicateur de performance de nos data centers. C’est le rapport entre le total de l’énergie consommée par le data center et l’énergie réellement utile pour les équipements et les solutions hébergées.

Dans un environnement optimisé, le PUE ne dépasse pas 1,1 – soit 10 % de déperdition d’énergie et environ huit fois moins qu’un environnement numérique standard.

 

La production de chaleur est elle aussi un sujet clé pour les acteurs du numérique et nécessite d’être prise en compte dès la conception du data center, avec une approche holistique de l’intégration de celui-ci dans son environnement immédiat.

 

La technique dite du river cooling est l’une de ces approches créatives que nous utilisons pour notre data center de Marseille. Cela consiste à capter l’eau de ruissellement des anciennes mines de Gardanne, qui est impropre à la consommation et se maintient à 13 °C toute l’année. Acheminée vers le data center, cette eau est utilisée comme liquide de refroidissement. Lorsqu’elle ressort à 50 °C, elle alimente le réseau de chaleur de la zone urbaine à proximité.

 

Économiser l’énergie, rechercher des solutions en dehors du cadre, mais aussi s’appuyer sur des énergies renouvelables, c’est déjà le cas pour 100 % de nos data centers en Europe, et nous avons pris l’engagement d’atteindre 100 % dans le monde dès 2025. Cette circularité vaut pour l’énergie que nous consommons, mais cette logique s’étend aux produits que nous concevons et pour lesquels nous augmentons la durabilité et réduisons l’utilisation des plastiques à usage unique.

 

Au-delà de l’efficience, le défi prépondérant auquel font face nos clients aujourd’hui est celui de l’appropriation des enjeux des démarches RSE par l’ensemble des salariés et des managers de l’organisation, c’est-à-dire leur migration en dehors de la direction RSE. Cette appropriation nécessite d’adresser à la fois la construction d’une vision d’ensemble des objectifs RSE de l’organisation, mais aussi d’être en mesure de les décliner en une mise en action concrète à l’échelle individuelle. La préservation du lien entre la prise d’action individuelle et l’impact global sur les enjeux de l’entreprise contribue à créer du sens et donc à engager les collaborateurs.

 

Créer une vision requiert des référentiels et des données fiables, exhaustives, structurées, lisibles et des moyens de les explorer. La mise en action s’appuie sur des canaux de communication, des périmètres de responsabilité clairs et de l’autonomie. La RSE n’est pas un enjeu de la RH, de la finance, de la production ou de la logistique, c’est un enjeu d’entreprise, qui appelle l’émergence de nouvelles pratiques, transversales, portées par des plateformes numériques d’entreprise, qui ne connaissent pas les silos de nos directions. Elles misent sur des référentiels partagés, des dashboards communs, l’accessibilité, le sentiment d’appartenance et l’intelligence collective.