Outils de motivation : attention aux effets « wow ! pschitt …. »
Les primes, récompenses, entretiens individuels et campagnes d’incentive, tout comme la gamification, comptent parmi les leviers de management privilégiés pour stimuler et motiver les équipes. Deux psychologues du travail et des organisations nous éclairent sur les bonnes façons d’y recourir.
Les managers et dirigeants disposent d’une vaste palette d’outils pour impliquer et faire en sorte que leurs collaborateurs s’engagent. Mais pour que ces éléments de motivation extrinsèque[1] soient efficaces durablement ils doivent être déployés à bon escient, comme nous l’expliquent les psychologues du travail et des collectivités Valentina Urreiztieta, responsable du pôle conseil et formation d’Empreinte humaine, et Sarah Farbos, fondatrice de H&F Accompagnement.
Les primes et récompenses financières sont les instruments de motivation les plus utilisés pour reconnaître de manière ponctuelle et régulière le travail accompli, mais, selon Sarah Farbos, « les effets ne relèvent pas du long terme, ce sont des effets ‘‘wow, pschitt’’ : ça monte et ça descend tout aussi rapidement ! Dès que l’argent aura été reçu, la satisfaction aura disparu ». Aussi la psychologue installée à Bordeaux leur préfère-t-elle l’intéressement sur le chiffre d’affaires, qui « montre mieux la contribution de chacun à la réussite de l’entreprise ». Valentina Urreiztieta voit les limites des gratifications dans le fait que « la motivation s’arrête quand la récompense n’est plus là ». C’est, selon elle, le facteur d’engagement le plus court-termiste : « Quand la personne n’est attachée qu’à l’aspect financier, elle est susceptible de partir n’importe quand. » Et en l’absence de prime, la démotivation peut vite survenir lorsque les objectifs n’ont pas été atteints, c’est pourquoi la psychologue d’Empreinte humaine préconise de réaliser « une évaluation qualitative », qui tienne compte « de l’énergie et de l’effort » mis en œuvre.
« Incentive » et « gamification » : étudier le terrain et privilégier le sur-mesure
Les campagnes d’incentive et de gamification, qui visent à animer les équipes à travers un challenge ponctuel, sont de plus en plus courantes dans les entreprises françaises : les dirigeants y voient un moyen de développer la créativité de leurs collaborateurs et de renforcer la cohésion des équipes. « Je ne recommande pas de mettre en place des actions d’incentive si je ne prends pas le temps auparavant de connaître qui est en face, déclare toutefois Valentina Urreiztieta. C’est quelque chose qui doit se faire sur mesure. Il faut que les gens se sentent impliqués dans cette stratégie, cela doit être co-construit. Ces challenges sont excellents, mais il faut faire attention à ne pas faire surgir entre les collaborateurs une concurrence négative qui génère une ambiance toxique. Il faut conserver des objectifs collectifs, pas seulement individuels. »
Selon Sarah Farbos, « la gamification est intéressante si elle est maniée avec précaution et ponctuellement, pour éviter l’essoufflement. Par exemple pendant des séminaires annuels ». Elle y voit des effets bénéfiques, notamment parce que « le jeu permet de maintenir l’attention des personnes ». Ces concours internes peuvent offrir « un sas de décompression, de déconnexion, dans la journée », néanmoins « tout le monde n’a pas l’esprit de challenge. Certains salariés vont y trouver du sens, quand d’autres n’auront aucun plaisir à participer à ces petits jeux, qu’il faut éviter de rendre infantilisants. Il n’y a pas de solution miracle, seulement des solutions qui doivent tenir compte du milieu auquel elles s’adressent ».
L’entretien individuel, un excellent outil de motivation
Les deux psychologues s’accordent sur l’efficacité de l’entretien mi-annuel pour apporter une motivation supplémentaire aux collaborateurs, mais seulement si celui-ci est réalisé de manière pertinente. « C’est un excellent outil managérial de compréhension de la collaboration, hélas régulièrement mal exploité et mal utilisé, affirme Valentina Urreiztieta. C’est un espace d’écoute sécuritaire qui permet au collaborateur de s’exprimer sur le passé et sur l’avenir, de faire part de ses attentes et de ses motivations intrinsèques. L’entretien mi-annuel peut être utile au manager pour co-construire des objectifs avec le collaborateur et offre une marge de manœuvre pour booster la motivation interne. »
Même conseil de la part de Sarah Farbos, selon laquelle « c’est long d’attendre encore un an pour savoir si on a progressé sur certains aspects. En revanche, la manière mener les entretiens est primordiale. Les salariés sont parfois évalués par une personne qui ne connaît pas leur travail, qui ne vient pas sur le terrain, et c’est un gros problème. Dans ce cas l’évaluation ne sert à rien. Le salarié doit sentir que son interlocuteur est légitime pour évaluer son travail, qu’il a vu des résultats, des indicateurs factuels. Ainsi le collaborateur va pouvoir entendre ce qu’on lui dit, notamment si la personne qui l’évalue est bienveillante et objective ».
[1] Opposée à la motivation intrinsèque, qui sont les moteurs profonds de chaque personne.