Organisation engageante et apprenante : les clés de la transformation

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Le défi du futur du travail est de transformer les organisations avec et par tous leurs acteurs et de considérer le développement humain, au même titre que le développement économique.

Par Bernard Coulaty, , Ex-DRH International (Danone, Pernod Ricard), Expert de l’Engagement, Directeur Académique de l’Executive Mastère Spécialisé en Transformation et Développement Humain à l’IÉSEG School of Management

Un monde hyperconnecté mais en quête de sens sur la place de l’humain, c’est l’un des héritages de cette période volatile, complexe, ambiguë, paradoxale au plus haut point. Mais c’est aussi une opportunité de repenser le modèle de développement humain que nous souhaitons construire et les types de transformations nécessaires pour y parvenir.

Impossible aujourd’hui de concevoir une performance durable sans la dimension sociale : le défi du futur du travail est de transformer les organisations ‘avec et par’ tous leurs acteurs, et de considérer le développement humain au même titre que le développement économique.

Dans ce contexte, une organisation se doit d’être apprenante et engageante et j’ai acquis une conviction : c’est par la création d’engagement au travail que les collaborateurs auront envie d’apprendre, et c’est le développement de leurs compétences (professionnelles et humaines) qui favorisera et amplifiera leur engagement.

Transformer pour créer une organisation engageante : dimensions et leviers

Une organisation peut devenir créatrice d’engagement et source d’apprentissage permanent pour sa communauté au sens large (collaborateurs, clients, fournisseurs, institutionnels…) si elle construit une vision holistique des changements nécessaire autour de :

  • 3 dimensions de la transformation: individuelles, managériales et organisationnelles
  • 3 leviers du développement humain: les acteurs, les systèmes, les valeurs.

Ces 3 dimensions de la transformation et ces 3 leviers du développement humain sont bien évidemment totalement corrélés et entremêlés : à chaque croisement correspond une zone de focus et donc une opportunité d’apprentissage pour l’ensemble des acteurs.

Cheminons sur cette matrice pour découvrir les challenges et actions à entreprendre sur les différents leviers de développement humain, en intégrant toutes les dimensions de la transformation à mettre en oeuvre :

 

  1. Apprendre à challenger les systèmes et sortir du ‘tout-process’

 

  • Dimension individuelle : depuis le statut de candidat jusqu’au onboarding et la vie au sein de l’entreprise, chacun vit une ‘expérience collaborateur’ en faisant face soit à des irritants (complexité des systèmes, millefeuille de processus, discrimination, silos entre services, faible autonomie, manque de sens…), qu’il convient d’éliminer ou réduire, soit à des moments précieux (qualité des relations humaines, développement de son talent…) que le manager et toute l’organisation doit générer ou favoriser.

 

  • Dimension managériale : face à la complexité ambiante et aux irritants décrits précédemment, développer des compétences et une posture de leadership agile est la réponse adaptée, et les managers sont bien les protecteurs de leurs équipes face à cette complexité, ils doivent aider leurs collaborateurs à relativiser, prioriser, entreprendre, expérimenter, pratiquer le jeu de jambes en permanence ….
  • Dimension organisationnelle : pas de performance durable sans une forte capacité de l’organisation à remettre en cause les systèmes et processus existants, à être capable de les réduire, les éliminer, les moderniser en permanence, et là on touche à une responsabilité clé des directions générales et aussi d’une capacité des DRH à prendre le pouvoir sur la dimension ‘développement des organisations’ de leur mission, trop souvent oubliée ou laissée aux ingénieurs et cadres opérationnels.

 

 

  1. Apprendre à incarner les valeurs à tous les étages

 

  • Dimension individuelle: on parle souvent des valeurs comme associées à la culture de l’entreprise, mais il faut aussi pouvoir identifier et évaluer les valeurs individuelles des collaborateurs que l’on recrute, de connaître en quelque sorte leur écosystème personnel et surtout de les faire travailler en pleine conscience sur celui-ci pour qu’ils deviennent capable d’évaluer à tout moment le ‘matching’ avec celui de l’entreprise.

 

  • Dimension managériale : j’ai depuis longtemps utilisé cette notion de gardien du temple acquise de mes années Danone pour définir le rôle d’incarnation des valeurs et de la culture de l’entreprise que tous les managers devraient porter au quotidien.
  • Dimension organisationnelle : la responsabilité sociale est aujourd’hui incontournable et définit une organisation. Cependant n’oublions pas que les actions sociétales type ‘RSE’ doivent s’accompagner de la dimension sociale, humaine, ‘RH’. Le sociétal ne peut pas remplacer le social, les deux dimensions sont indissociables pour continuer la création de valeur pour une organisation.

 

 

  1. Apprendre à être des acteurs engagés et engageants

 

  • Dimension individuelle : oui la bienveillance est de mise, mais il s’agit aussi de faire grandir les collaborateurs individuellement et donc il faut trouver un chemin, une ligne de crête entre bienveillance qui protège et exigence qui fait grandir. Cela passe par une meilleure connaissance des moteurs individuels, du désengagement vers le surengagement, dans le but de susciter l’auto-engagement et l’appropriation par les collaborateurs, favorisant ainsi la résilience individuelle, la quête de sens, l’intégration des aspirations individuelles.

 

  • Dimension managériale : acteurs par excellence de l’engagement des équipes, les managers doivent renoncer à certaines pratiques toxiques : micro-management, pression et focus sur le quotidien, valorisation de la performance et non de la qualité de l’engagement … pour développer un leadership engageant qui pratique la confiance, le feedback permanent, l’autonomie, et surtout pour donner du sens aux actions quotidiennes de ses équipes afin de naviguer entre enjeux humains et complexité organisationnelle.

 

  • Dimension organisationnelle : si le manager est un pivot central de l’engagement, l’organisation toute entière doit repenser sa capacité à créer une culture de l’engagement, faire vivre un projet qui donne du sens et une culture de l’expérimentation, du ‘test and learn’, du droit à l’erreur, pour devenir une organisation apprenante…. On célèbre les succès, mais il faut aussi célébrer les échecs pour valoriser ceux qui ont essayé et pris des initiatives, en tirer les leçons et les apprentissages et diffuser un état d’esprit apprenant.

 

Organisation apprenante : engager une révolution managériale de la formation

Le facteur clé de succès de toutes ces transformations et d’un apprentissage continu dans l’entreprise est clair et net : l’engagement individuel et collectif. Revenons sur le modèle français qui oscille hélas entre deux rives extrêmes sur l’approche du travail :  on a le choix entre risques psychosociaux ou bonheur au travail ! Bien au contraire l’engagement est une co-production entre collaborateurs, équipes, managers et l’ensemble de l’organisation dont le rôle est clé pour montrer la vision et surtout y engager tous ses acteurs de manière durable.

L’avenir des responsables de formation est en question et ces derniers vivent un véritable changement de paradigme, devenant des stratèges du développement des compétences et de l’organisation toute entière, tout en intégrant les outils technologiques permettant des apprentissages de plus en plus hybrides.

En pratique, il s’agira de mettre en œuvre des actions apprenantes visant à :

  • Co-créer les objectifs et les contenus des formations entre collaborateurs et managers
  • Partager avec les collaborateurs la vision de l’entreprise et leur montrer comment cela se décline en compétences nécessaires à acquérir, puis en actions formatives
  • Partager les compétences et les meilleures pratiques au maximum, par une cartographie précise au niveau de l’ensemble de l’entreprise
  • Décentraliser les actions au plus près du terrain, dans les usines, les filiales etc…
  • Intégrer les clients ou les fournisseurs dans certaines actions formatives pour mieux intégrer la ‘chaine de valeur’ dans laquelle le collaborateur agit
  • Promouvoir l’autonomie et le développement personnel en dehors du temps de travail par des outils digitaux, plateformes e-learning, formations asynchrones etc…
  • (Re)mettre le management au centre du jeu, lui donner les moyens de se positionner en premier formateur de son équipe en temps réel.