L’ouverture du capital de l’entreprise à ses équipes : un facteur d’engagement

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Si les grandes entreprises françaises sont rompues depuis des décennies à l’actionnariat salarié, les PME et ETI du pays se montrent encore hésitantes à l’idée de partager leur valeur ajoutée avec leurs équipes. Pourtant, les bénéfices sont nombreux, notamment le renforcement de la fidélité et de la motivation des collaborateurs, ainsi que l’amélioration du dialogue social.

Par Julien Morello

La France est la championne d’Europe de l’actionnariat salarié. Et de loin. Selon le baromètre Amundi, les 3 millions de salariés actionnaires du pays, qui détenaient en 2019 environ 110 milliards d’euros de capital de leurs entreprises, représentent près de 40 % des actionnaires salariés dans l’ensemble de l’Europe. Ces chiffres enthousiasmants, fruits d’une politique sociale lancée sous le président de Gaulle, cachent néanmoins une forte disparité entre les grandes sociétés du pays, cotées ou non, et les PME (petites et moyennes entreprises) et les ETI (entreprises de taille intermédiaire).

 

Selon une étude OpinionWay menée pour Eres, une société spécialisée qui accompagne depuis 2005 les entreprises souhaitant mettre en place cette procédure, les principales craintes des PME face à cette question concernent la méconnaissance et la complexité des dispositifs, la crainte de perte de contrôle de l’entreprise, ou encore les problèmes possibles en cas de transmission familiale de l’entreprise.

 

Des avantages pour toutes les parties

Pourtant, les acteurs de ce secteur mettent en avant les nombreux avantages qu’offre l’ouverture d’un tour de table à une partie – l’équipe dirigeante ou les managers – ou à l’ensemble des collaborateurs. Grâce à la loi Pacte, en place depuis 2019, les dispositifs ont été facilités, et le forfait social, allégé ou supprimé sur les versements d’abondement. En plus des décotes, cela permet ainsi aux salariés de constituer une épargne salariale avantageuse et à moindre risque et d’optimiser leur package de rémunération globale, tandis que la société voit une partie de son actionnariat stabilisée, ce qui peut lui permettre d’assurer son indépendance. C’est l’argument avancé par le groupe industriel Nadia, implanté à Cholet (Maine-et-Loire), qui a commencé à ouvrir son capital à ses cadres il y a vingt ans, et qui vient de réussir une levée de fonds de 1,7 million d’euros mobilisant 90 % de ses salariés, pour 5,84 % de son capital.

Cette ouverture du capital aux équipes est aussi une manière de pérenniser la confiance réciproque régnant entre la direction et ses collaborateurs, qui voient la possibilité d’investir dans leur entreprise comme une récompense plus enrichissante et valorisante qu’une prime annuelle. Elle a aussi le mérite de fidéliser durablement les salariés et de réduire les départs volontaires. Investis de la même mission que leurs dirigeants, les salariés actionnaires se montrent ainsi plus impliqués et plus motivés à donner le meilleur d’eux-mêmes, et leur sentiment d’appartenance à l’entreprise n’en est que renforcé.

 

L’occasion de fonder une gouvernance plus inclusive

En plus du développement de l’image employeur – qui montre ce faisant son attachement au capital humain – ou de la plus grande attractivité de la société pour recruter des profils très recherchés, l’association des salariés à la performance, au développement et à la réussite de l’entreprise donne à ceux-ci une nouvelle place dans la structure ainsi qu’un nouveau statut : celui de copropriétaires. Elle permet également d’établir de nouveaux rapports internes et d’équilibrer le climat social, en renforçant la cohésion des équipes autour des mêmes enjeux. Partageant les mêmes risques que leurs dirigeants, les collaborateurs se fédèrent alors autour d’un avenir commun.

Cette ouverture du capital aux salariés donne, enfin, l’occasion de fonder une gouvernance participative plus inclusive, bénéfique à la fois aux salariés et aux employeurs. Certes, toutes les actions ne donnent pas nécessairement un droit de vote, mais, lorsque c’est le cas et que les collaborateurs sont représentés, directement ou indirectement, au conseil d’administration ou au conseil de surveillance, ils peuvent faire plus facilement remonter leurs difficultés et les réalités du terrain, ce qui aide à résoudre plus efficacement les différents problèmes. Ils ont aussi accès aux résultats de l’entreprise et peuvent être associés aux décisions stratégiques, prenant ainsi une part active à la constitution d’une entreprise plus juste, plus résistante et plus durable.

 

 

REPÈRES

En 2018, 3,17 % du capital des entreprises du CAC 40 était détenu par les salariés[1]. Parmi les très bons élèves de la redistribution des fruits de la croissance, on peut citer Bouygues, Vinci, ou encore Essilor[2]. Et, alors que 50 % des entreprises du CAC 40 ont réalisé un plan d’actionnariat salarié en 2018, on ne compte que 4 % de PME et d’ETI à avoir ouvert leur capital à leurs équipes.

[1] Enquête d’Altedia et de la Fédération français des associations d’actionnaires salariés

[2] Respectivement 17 %, 10 % et 8,5 % du capital sont la propriété des collaborateurs de ces entreprises.