L’IA va accélérer l’émergence du DRH de demain
La fonction RH dispose aujourd’hui d’un vaste champ d’application (SIRH, paie, recrutement…) et de multiples occasions de découvrir et de tester les atouts de l’IA. Pourquoi s’engager sur cette voie ? Pour redonner toute sa place à l’humain dans l’entreprise. Ce n’est plus une option, mais la condition sine qua non de la pérennité, voire de la survie de l’entreprise.
Plus que jamais la guerre des talents fait rage, et le spectre de la « grande démission » se précise. Plus que jamais les individualités s’expriment à travers cette quête de sens et d’unicité, et ce à tous les échelons hiérarchiques. Le monde est aujourd’hui au carrefour de transformations sociétales, sociologiques, économiques, politiques et environnementales qui touchent également l’entreprise et invitent celle-ci à réinventer en profondeur ses fondamentaux, sa mission et sa raison d’être. Ce véritable big bang passe par la fonction RH, qui n’a d’autre choix, à moins de disparaître, que de « se réinventer »[1] elle aussi. Redonner toute sa place à l’humain dans l’entreprise n’est plus une option, mais la condition sine qua non de la pérennité, voire de la survie de l’entreprise.
Comment remplir concrètement une telle condition ?
La fonction RH a longtemps revêtu une définition économique, où l’humain était perçu comme un simple moyen mis à la disposition de l’entreprise (la bonne « ressource humaine » au bon endroit, au bon moment). Il lui faut aujourd’hui impérativement retrouver le sens fondamental de son attribution, à savoir remettre les hommes au cœur de l’entreprise. Pour ce faire, elle va devoir veiller à privilégier les conditions qui favoriseront la réalisation de la mission des collaborateurs en toute autonomie, le déploiement de leurs talents en toute confiance. C’est en disposant d’un management bienveillant, d’un accès aux initiatives, et donc au droit à l’erreur, que les hommes pourront révéler en toute sécurité leur unicité, contribuant ainsi à faire de l’entreprise une œuvre collective.
Afin d’endosser une telle fonction et toutes les responsabilités qui en découlent, le DRH de demain se devra d’incarner l’humain. Il ne pourra plus se contenter de suivre une feuille de route ni de prendre une fonction, il lui faudra l’habiter. L’amour de l’humain sera son moteur, la pérennité de l’entreprise, son objectif.
Mais quelle personnalité pourra incarner cette nouvelle fonction qui revêt une dimension extraordinaire par la pluralité de ses attributions ? « En tant que chef d’orchestre, ce DRH d’exception aura l’oreille musicale pour faire jouer à l’orchestre la symphonie qui lui est présentée tout en laissant place à sa propre inspiration. Il connaîtra parfaitement chacun des musiciens pour leur donner du sens et déterminer leur juste place », comme le définissait, dès 2016, l’étude du Boson Project[2].
Et c’est là que l’IA intervient et trouve toute sa raison d’être…
Pour se concentrer pleinement sur sa mission et dédier la majeure partie de son temps à l’humain, tout en étant à la manœuvre des changements de paradigmes que vit l’entreprise, le DRH ne pourra plus être un expert mais devra s’entourer d’experts. Il devra être capable de lâcher prise, de faire confiance aux experts qui l’entourent. Les experts devront alors à leur tour découvrir tous les atouts de l’IA pour non seulement se libérer de bon nombre de tâches répétitives, mais surtout leur permettre d’utiliser ce temps recouvré à de plus nobles tâches au sein desquelles s’exprimeront tous leurs talents et toute leur expertise.
L’IA offrira donc un double atout à la fonction RH :
- libérer la fonction DRH du carcan de l’expertise pour lui permettre de consacrer ce temps à l’épanouissement des femmes et des hommes qui composent l’entreprise, en faisant en sorte qu’ils soient à la fois valorisés et source de valeur ;
- libérer les experts des tâches fastidieuses qui entourent la fonction RH, ceux dont l’expertise est la raison d’être et qui pourront désormais consacrer ce temps disponible à leur nouvelle mission augmentée.
Où trouver ce nouveau profil de DRH à la fonction sublimée ?
-Si le DRH de demain n’est plus contraint de faire preuve d’une expertise exacerbée dans tous les domaines qui la compose, mais bien plutôt de démontrer son appétence pour le terrain des opérations et le business que sous-tendent la raison d’être de l’entreprise et sa mission ; si ce sont surtout ses talents de chef d’orchestre et de véritable « magicien de l’humain »[3] qui sont recherchés, ne sera-t-il pas plus pertinent d’aller « dénicher » cette personnalité d’exception parmi les femmes et les hommes qui disposent de ces talents et de cette appétence et qui sont issus du terrain des opérations ?
-Cela ne sera-t-il pas plus judicieux, plutôt que de poursuivre un fastidieux processus de recrutement au terme duquel sera choisi un candidat qui certes disposera du master DRH qui rassure mais dont l’expertise de la fonction relèvera avant tout d’une expérience dépassée, appartenant définitivement « au monde d’avant » ?
Pour avoir tenu cette fonction de DRH sans y avoir été formée à l’origine, je confirme qu’elle est l’une des plus exigeantes en matière de compétences douces (soft skills). Car le DRH doit réussir à faire en sorte que l’entreprise dont il a charge d’âmes fasse rêver et qu’elle attire et fidélise toutes les générations. Il n’a pour ce faire d’autre choix que d’aimer l’humain, selon la règle des « 3 c », à savoir :
c comme « cerveau », pour comprendre et accompagner le business de l’entreprise ;
c comme « cœur », pour comprendre et accompagner les hommes de l’entreprise ;
c comme « courage », pour réussir l’alchimie avec les deux premiers c.
Cela exigera de lui une grande empathie et une belle assertivité.
[1] « RH : c’est le moment de se réinventer », de Benoît Serre, dans l’hebdomadaire Entreprise & Carrières no 1568, du 21 au 27 mars 2022.
[2] Le Magicien de l’humain, SAP SuccessFactors et The Boson Project, 2016.
[3] Le Magicien de l’humain, op. cit.