Les biais qui biaisent…

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Certains prétendent qu’il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises décisions, seulement des décisions mal assumées. Pour Winston Churchill, «quand survient un malheur, il est tout à fait possible qu’il vous évite un malheur plus terrible encore »… La formule rassure et pourtant, nous ne pouvons nier que l’erreur existe bel et bien et que les processus décisionnels sont rarement optimum.

Par Agnès Duroni , DRH France de SQLI

Il faut reconnaître qu’il existe des personnes compétentes pour la prise de décision. Recrutement, mise en place de méthodes, élaboration de nouvelles offres ou de produits, rachats d’entreprises : par intuition ou par expérience, certains individus sont particulièrement doués et fiables.

Néanmoins, qu’elle soit individuelle ou de groupe, la prise de décision est toujours un acte délicat, d’autant plus que c’est elle qui initie l’action concrète et que nos décisions sont constamment soumises à la prédominance de biais cognitifs.

 

Quelques biais courants qui nous influencent

L’effet de halo

Il s’agit d’un biais qui altère notre opinion sur une personne ou une marque en fonction de notre impression globale ou« première impression ». Qui ne s’est pas laissé influencer, dans le cadre d’un acte d’achat, par l’aspect physique d’un commercial, son timbre de voix, son charisme…? L’effet de halo concerne également le candidat qui, attiré par une marque dotée d’une forte notoriété, ne considérera pas objectivement tous les éléments de l’offre d’emploi mais sera principalement attiré par la marque elle-même.

Le biais d’autocomplaisance

Il consiste à attribuer les causes d’une réussite à nos capacités propres et à justifier les échecs par des facteurs extérieurs. Parfois, cela revient à chercher le ou les « coupables » lors d’une situation d’échec en entreprise. Le risque, avec ce type de comportement, c’est de ne jamais apprendre de ses erreurs et de continuer à les reproduire. C’est un biais qu’il faut absolument chercher à éviter et à enseigner aux managers ainsi qu’aux DRH.

Le biais d’optimisme

L’optimisme est tendance. Servi à toute occasion, sous toutes ses formes, il n’en est pas moins un biais. Être trop optimiste, comme être trop pessimiste d’ailleurs, peut avoir des conséquences désastreuses en matière de décision. L’optimisme voile en effet souvent la réalité. Or, en « gommant » ou en minimisant les points négatifs d’un problème, on perd en objectivité et on se prive d’éléments factuels, indispensables à la prise de décision.

Si, en période de crise, être optimiste est une qualité extraordinaire, attention toutefois aux messages relayés par de nombreux sites comme « il faut croire en soi tous les matins », « fais de ton mieux et ça ira » ou encore « pour contempler un arc-en-ciel, il faut endurer la pluie ».

 Quelles conséquences au sein des organisations ?

Dans l’entreprise, de nombreuses décisions sont actées en réunion. Dans ce contexte, différents scénarios peuvent se dérouler, soumis à des effets de groupe qui biaisent le déroulement de la séance et faussent la qualité du consensus. Par effet de normalisation, il est fréquent d’adopter de façon inconsciente des habitudes, des règles informelles ou des comportements partagés par le groupe. Ou encore il nous arrive de nous plier, volontairement, à l’avis de la majorité pour nous conforter dans notre sentiment d’appartenance au groupe ou pour ne pas risquer de s’en distinguer. C’est le conformisme : on s’accorde aux décisions des autres participants même lorsque l’on sait qu’elles sont irrationnelles, irréalistes ou simplement qu’elles ne sont pas les meilleures, parce que se confronter au groupe serait mal perçu. Et on se laisse aisément convaincre par le fait que le groupe et, au-delà, l’organisation, détient forcément la réponse.

Sous l’égide d’un management autoritaire ou pyramidal, la majorité se rallie parfois à l’autorité, car celle-ci incarne l’organisation. Pourtant, l’intérêt de la concertation collective n’est pas dans l’adoption d’un faux consensus. Il réside dans le partage des compétences et des idées de chacun. La vision des individus dans un groupe composé de profils hétéroclites peut-être très pertinente dans la recherche de solutions.

Le groupe a alors un rôle fondamental, trop souvent négligé : accepter la voix individuelle et faire preuve à son égard d’une écoute active, intéressée. Ne pas catégoriser l’idée originale comme déviante, ne pas la voir comme un danger pour l’organisation. En somme, il revient au groupe de garantir un cadre objectif, productif et de consulter avec intérêt les profils « atypiques ».

Faire preuve de transparence

La qualité du moment décisionnel est d’autant plus fondamentale qu’il est généralement difficile de sortir d’une décision mal pensée. Les individus adhèrent finalement à l’acte de décision lui-même, plutôt qu’aux raisons qui l’ont motivée. C’est ce que Kurt Lewin a appelé « effet de gel », un effet qui nous incite à nous entêter dans l’erreur. Ce qui nous importe d’abord, c’est l’action qui suit et ses résultats. Mais dans ce processus, on ne revient presque jamais en arrière : il apparaît souvent préférable, moins fatigant ou plus économique de poursuivre sur la base d’une mauvaise décision plutôt que d’en remettre en cause les fondements.

Cela est faux. Dans de nombreux cas, il est plus aisé et plus efficace d’admettre nos erreurs et de recommencer. Pas facile lorsque l’on est dirigeant ou manager : risque d’être décrédibilisé auprès de ses équipes, difficulté à se remettre en question et à informer correctement. De fait, une fois l’ego écarté, il faut se pencher sur le vrai problème : comment communiquer et continuer à motiver ses équipes ?

Aujourd’hui, la transparence est de mise. Les collaborateurs attendent des dirigeants un discours clair, honnête, constructif. Ils doivent rester des modèles à suivre et incarner des valeurs auxquelles les salariés peuvent s’identifier. Nier l’erreur ou, pire, la reporter sur les compétences de son équipe reviendrait à se maintenir hors du groupe. Savoir en parler, en revanche, est sûrement la meilleure façon d’avancer avec son équipe.