L’équilibre de vie, un chemin vers la spiritualité

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Dans l’entreprise, on parle peu de spiritualité. Neutralité oblige. En revanche, le monde professionnel s’intéresse de plus en plus à l’équilibre de vie des personnes, considéré à juste titre comme gage d’engagement, de qualité de vie au travail et in fine de performance individuelle et collective. La spiritualité ne serait-elle pas l’une des composantes clés de l’équilibre de vie ?  

Par Jérôme Ballarin , Président de l’Observatoire de la Qualité de Vie au Travail et de 1762 Consultants

À mes yeux, l’équilibre de vie trouve sa source dans la possibilité de se réaliser sur une pluralité de sphères d’épanouissement, qu’elles soient professionnelles, familiales, artistiques, sportives, etc. À chacune et à chacun de trouver son propre cocktail de vie. Pour moi, dans cet ensemble de sphères, la spiritualité tient une place fondamentale. Elle représente l’univers du pourquoi, celle des questions existentielles, des croyances, de la recherche du sens de la vie. Travailler sa sphère spirituelle revient à travailler sa colonne vertébrale intérieure. Confrontées à des choix de vie parfois cornéliens, lorsqu’il faut par exemple choisir une nouvelle orientation professionnelle, les représentations sur ce qu’est une vie réussie, forgées dans la sphère spirituelle, feront office de repères précieux pour s’orienter. De même, face à un accident de la vie – séparation, décès d’un proche, etc. -, c’est la solidité de la sphère spirituelle qui nous aidera à trouver des ressources psychologiques, à donner du sens aux événements et à surmonter les difficultés. Ainsi, la spiritualité nous aide à mieux nous connaître, à travailler sur nous-mêmes, à trouver notre place et à définir un cap. Pour toutes ces raisons et bien d’autres encore, la spiritualité représente l’une des clés de l’équilibre de vie.

La réciproque est également vraie : l’équilibre de vie constitue également un levier de spiritualité.

Spiritualité est un mot-valise. Quand on pense spiritualité, on pense à beaucoup de choses : le sens de la vie, la quête d’absolu, la vocation personnelle, la quête du divin, la place de l’être humain dans l’univers, l’harmonie avec la nature… Cependant, les réponses – souvent évolutives – que chacune et chacun apportent à ces questions sont tellement personnelles que l’on pourrait dire qu’il y a autant de spiritualités que d’êtres humains ! Si une démarche spirituelle peut être influencée par les croyances issues d’une religion, elle s’autorise souvent d’autres chemins. À la différence des religions révélées, une démarche spirituelle laisse la place à la réflexion personnelle, adogmatique, et permet à chaque personne de vivre sa propre quête.

Le verbe « vivre » est ici essentiel, car la spiritualité ne reste pas au niveau intellectuel, mais s’appuie sur l’expérience vécue, c’est-à-dire sur un ressenti, une émotion, un voyage intérieur. Elle se distingue par là même de la philosophie où la raison est aux premières loges, le cœur et le corps étant rarement sollicités. Ainsi, la spiritualité mobilise l’intégralité de l’être, pas uniquement la tête. D’où ce « ternaire » cher à bien des sages depuis l’Antiquité : corps-âme Esprit. Se dessine un chemin de progression pour l’être humain en quête de spiritualité, appelé à travers le ternaire corps-âme Esprit à œuvrer en premier lieu sur le plan matériel (prendre soin de son propre corps), puis sur le plan de l’âme (travailler sur soi pour instaurer un équilibre émotionnel et psychologique), en vue de s’élever ensuite graduellement vers la dimension spirituelle, celle de l’Esprit. Ainsi considérée, la spiritualité constitue une expérience transformatrice, qui se vit au quotidien et finit par se voir dans le comportement de la personne engagée dans cette démarche.

Le « cherchant spirituel » aspire à accéder à l’Esprit, le mot spiritualité dérivant d’ailleurs du mot esprit. Ce que recouvre l’Esprit appartient à chacune et à chacun. Cela peut être la compréhension des mystères de l’univers, cela peut être Dieu, cela peut être le Principe de toutes choses, cela peut être ce qui a le plus de valeur dans la vie… Afin de parvenir à l’Esprit, selon le ternaire corps-âme Esprit évoqué plus haut, il faut d’abord mettre de l’ordre dans son corps et dans son âme – l’âme étant la partie psychologique de l’être humain. « Aplanissez le chemin du Seigneur », nous dit d’ailleurs l’Evangile selon Saint-Jean (Chapitre 1, 23-24). Dès lors, l’être humain doit faire le ménage en lui. Et c’est bien l’objectif du « management de soi ». Au sens étymologique, « management » vient du mot français « ménage » passé dans la langue anglaise au Moyen Âge et transformé en « manage » pour nous revenir finalement sous le terme « management ». Afin d’accéder à son intériorité, l’être humain doit donc désencombrer ses sentiers intérieurs, mettre de l’ordre dans sa vie, dans son corps, dans son âme. Ainsi libèrera-t-il la voie d’une dimension supérieure, celle du sens, de la raison d’être, de la paix intérieure. Mettre de l’harmonie dans sa vie constitue donc un préalable pour questionner l’essentiel au plus profond de soi.

Équilibre de vie et spiritualité : deux impératifs complémentaires pour s’orienter, donner du sens et, par là même, construire un futur désirable.