L’engagement ?

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Être prêt à se donner tout entier à une cause que l’on juge vitale doit répondre à un acte réfléchi, libre et volontaire.

 

Par Olivier Lajous , ancien directeur du personnel de la marine nationale

Les causes de l’engagement peuvent être de toute nature, l’amour, la haine, le désir, la peur, l’appât du pouvoir ou de l’argent, la volonté de promouvoir une croyance politique, philosophique ou religieuse.

 

Ainsi, il peut y avoir dans l’engagement des formes transcendantes, autant qu’aliénantes, nous poussant aux limites extrêmes de notre être. Mais l’engagement peut tout aussi bien être froid, mesuré, contractuel, obéissant à des règles précises de la diplomatie, du droit, de l’économie, de la politique, etc.

 

À vrai dire, tout est potentiellement ambivalent dans l’engagement. Comment ne pas être interrogatif et ému en visionnant le film de Wolfgang Becker intitulé Good Bye Lénine ? L’actrice principale, hospitalisée et coupée de la réalité, est-elle aliénée ou simplement victime d’une idéologie ?

 

Nous sommes bien là au cœur du sujet. Si certains engagements peuvent conduire à des formes d’aliénation, l’absence de conviction, elle, pousse au repli sur soi. Tout n’est plus alors que quête d’un bien-être personnel trop souvent égoïste. Pour éviter ce repli individualiste, il n’est jamais inutile d’amener les membres d’un collectif à réfléchir aux raisons de leur engagement.

 

Dans la marine nationale nous l’avons fait à la fin des années 2000 en mobilisant les marins autour de deux plans fédérateurs : le plan être marin, qui permettait à chaque marin de s’approprier la culture de la vie en équipage, dans l’univers clos d’un navire pendant de longues semaines ; et le plan être combattant, qui leur apportait des éléments de préparation mentale, physique et éthique à la guerre.

 

En choisissant d’être marins combattants, ils s’engageaient à faire la guerre sans jamais succomber ni à la haine ni à la violence, dans le strict respect du droit des conflits armés. Ces deux plans étaient d’autant plus importants qu’une enquête conduite par la direction du personnel de la marine sur plusieurs cohortes de jeunes engagés faisait apparaître des motivations à l’engagement très variées, assez éloignées de cette vision du métier de marin combattant.

 

Lors de discussions avec des jeunes filles et garçons qui venaient de s’engager dans la marine, je me souviens de les avoir interpellés en les invitant à « ne pas être passager clandestin de leur vie ». Par cette formule imagée, je tentais de partager avec eux ma conviction que plus on élève son niveau de conscience, plus on donne de la force à son engagement.

 

Résultat d’un questionnement continu, et non d’un aveuglement ou d’une soumission, issu d’un dialogue exigeant autant que bienveillant avec soi et les autres, l’engagement ne peut être ni irréfléchi ni subi. Il doit être un acte libre et volontaire. Il incite au courage du libre arbitre, et invite à une réflexion exigeante sur le sens que l’on veut donner à sa vie.

 

Pour satisfaire ses désirs, surmonter ses angoisses de vie et de mort, de rapport à la nature et à l’autre, l’être humain est conduit à s’engager, décider, agir. Dans cette quête d’existence, j’encourage chacun à s’interroger sur le sens de ses engagements et de ses actes en s’inspirant de cette pensée de Jean Guéhenno[1] : « la vraie trahison est de suivre le monde comme il va et d’employer l’esprit à le justifier. »

[1] Écrivain et critique littéraire français (1890-1978) dans Caliban parle, 1928, éditions Grasset.