La pause déj’ mise en pause

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Trop souvent écourté, voire zappé, le temps consacré au déjeuner est pourtant un facteur clé de la santé des salariés. L’alimentation au travail s’invite à la table des enjeux de QVT en entreprise.

Par Frédérique Jacquemin

Il y a les deadlines pressantes, les surcharges de travail importantes, le stress, ou encore la volonté de partir du bureau plus tôt… Autant de bonnes mauvaises raisons qui font que la pause méridienne au travail, censée s’imposer comme un sacro-saint moment pour recharger ses batteries physiques et mentales, est de plus en plus délaissée par les salariés.

Or, selon un rapport réglementaire révélé par le journal The Gardian en 2019, 75 minutes seraient nécessaires pour s’assurer une après-midi à 100 % de ses capacités. Fidèles à une culture bien française du manger-plaisir, les salariés de l’Hexagone considèrent pourtant cette pause comme importante. Même s’ils en grignotent une part toujours plus grande pour se consacrer à d’autres activités : 30 % affirment ainsi préférer surfer sur les réseaux sociaux, 21 % gérer des tâches personnelles, 16 % prendre de l’avance dans leur travail et 23 % se détendre ou faire une sieste[1].

Quand la tendance reste trop souvent d’engloutir un sandwich à la va-vite devant son écran, comment inciter les salariés à renouer avec l’essence de cette pause essentielle ?

D’abord, il s’agit de balayer d’un revers de main la principale idée fausse : la pause déj’ n’est une perte ni de temps ni d’efficacité. Prendre la peine de se régaler et de se vider la tête entre midi et deux est au contraire synonyme de temps gagné, de productivité et de bien-être. En nourrissant votre corps, vous lui fournissez le carburant dont il a besoin pour répondre aux dépenses énergétiques de la seconde partie de la journée. Selon les recommandations de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses), le déjeuner est en effet censé couvrir 40 % des apports énergétiques journaliers. Un repas de midi équilibré – comprenant des protéines, un féculent, des légumes et ponctué par un produit laitier ou un fruit – constitue un rempart contre les coups de mou et les manques de concentration, mais aussi contre les grignotages réclamés par un organisme non rassasié et la prise de boissons énergisantes en vue de le doper.

Déjeuner sur son lieu de travail, bien ou pas bien ? Prendre le temps de se poser à la table d’un resto offre une rupture spatiale et psychologique nécessaire et plus qu’appréciée. Reste qu’elle peut vite peser sur le budget. Pour cette raison, mais aussi dans une logique d’optimisation du temps de travail, 27 % des Français ont pris le pli de déjeuner sur leur lieu de travail[2], plébiscitant les repas à emporter. Une bonne chose en soi, pour autant que l’on décroche de son écran et qu’une salle soit réservée à cet effet dans l’entreprise. Selon une étude américaine du Massachusetts Institute of Technology[3], les salariés qui déjeunent ensemble le midi auraient tendance à être plus productifs l’après-midi, la connexion et la cohésion entre collègues étant un réel facteur de bien-être en entreprise. Mais si l’appel au calme se fait ressentir après une matinée agitée, optez pour une pause en solo. Sortez du bureau, prenez l’air, lâchez la pression… et appréciez votre repas dans un éloge rendu à la lenteur. Une bonne digestion en dépend, pour des capacités de productivité et de concentration optimisées. Enfin, accordez-vous autant que possible une micro-sieste de quinze minutes. Réel moment de régénération pour le corps et l’esprit, ce court repos impacte positivement vos performances et la gestion de vos émotions.

 

 

 

REPÈRES

  • 38 minutes, c’est le temps qu’un salarié s’accorde pour déjeuner[4], soit 1 heure de moins qu’en 1975.
  • Dans le monde : 3 travailleurs sur 5 ne prennent pas la peine de s’arrêter pour déjeuner1.
  • En France : 39 % des salariés s’arrêtent au moins 30 minutes pour déjeuner, quand 14 % restent scotchés devant leur poste de travail1.

 

 

Ce que dit la loi

Selon l’article R. 4228-19 du code du travail français, il est interdit de prendre ses repas dans les locaux affectés au travail. Lorsque le nombre de salariés désirant le faire de façon habituelle est au moins égal à vingt-cinq, l’employeur est tenu de mettre à leur disposition un local (réfectoire ou cantine) aménagé à cet effet. Quant à la durée accordée à cette pause sacrée, « dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes », stipule l’article L. 3121-33. S’il peut être allongé selon les conventions collectives des entreprises, ce minimum est jugé insuffisant par nombre de spécialistes. Le côté positif reste que l’alimentation au travail s’est invitée à la table des dirigeants d’entreprises, de plus en plus nombreux à en percevoir les enjeux : 91 % d’entre eux estiment qu’une bonne alimentation contribue directement à la performance de leur structure, à la motivation et à la fidélisation des salariés[5].

 

[1] Selon l’enquête Happiness Index 2018, sur la satisfaction des employés au travail, menée par la plateforme de gestion du travail collaboratif Wrike.

[2] Selon le baromètre Food 2018 du spécialiste des titres-restaurants Edenred.

[3] Productivity Through Coffee Breaks: Changing Social Networks by Changing Break Structure, 2010.

[4] Étude Crisco-Cervia sur les comportements et attitudes alimentaires des Franciliens, 2019.

[5] Selon l’étude Santé et bien-être des salariés, Malakoff Médéric, 2016.