La force de l’intelligence collective
Une stratégie RSE n’est envisageable que dans la coconstruction. Sébastien Darreau, consultant, nous présente la nécessité d’aller au plus proche des compétences de chacun pour définir une démarche RSE ambitieuse.
Associé au cabinet Dans l’ère du temps, qui regroupe autour de sa fondatrice, Marion Bailly, un collectif d’experts en RSE et intelligence collective, Sébastien Darreau intervient auprès des entreprises pour former des responsables RSE aux outils de l’intelligence collective. Ces personnes « ne feront pas la RSE à la place des parties prenantes, explique-t-il, mais faciliteront l’émergence de ce que les collaborateurs peuvent apporter pour améliorer la stratégie et pérenniser le modèle d’affaires de l’entreprise. Ces responsables vont eux-mêmes être capables de former et d’entraîner à la RSE des ambassadeurs, des collaborateurs qui consacrent une partie de leur temps à la RSE, et de les mettre en mouvement ».
La personne qui anime les ateliers se place ainsi dans une « posture de facilitation » : « Elle n’amène pas les solutions, mais potentialise ce qui existe déjà ou ce qui est contenu dans le savoir-faire de chaque service et de chaque personne pour faire bouger les lignes. L’idée, c’est que ça doit être productif d’idées, de plans d’action, pour faire accélérer la prise de décision, mais elle ne met pas son idéologie ou son expertise au service de la problématique. »
C’est ainsi en misant sur l’humain et sur l’échange que ces ateliers sont porteurs de solutions : « Ça fait appel à la personnalité de chacun et de chacune, et c’est pour ça qu’on met en place un contexte de bienveillance, d’écoute, de respect de la parole de l’autre, qui sont les conditions sine qua non pour qu’un atelier en intelligence collective marche bien et que chacun puisse s’exprimer, être rassuré et libre de ses pensées. »
Ne rien imposer, pour aller plus loin
L’utilisation des méthodes d’intelligence collective a de nombreux avantages selon Sébastien Darreau, le premier étant de mettre moins de pression sur les responsables RSE en responsabilisant l’ensemble des parties prenantes des organisations, « pour que chacun puisse prendre sa part et soit acteur de ce qui va être mis en œuvre. La RSE, c’est très transversal, cela ne doit pas être l’affaire que d’un service ou d’une personne. L’idée, c’est que chacun puisse apporter sa pierre à l’édifice et que ça vienne du groupe ».
C’est ainsi en allant « jusqu’au bout de l’identité des services, au plus près des compétences », pour « faire exprimer ce que les gens feraient par rapport à une problématique, qu’ils se positionnent sur ce qu’ils pourraient faire pour changer leurs pratiques », que la démarche RSE recevra l’adhésion du plus grand nombre et limitera « la possibilité d’avoir un retour de bâton » face à des décisions venues uniquement de la direction ou du service RSE : « Quand on utilise l’intelligence collective, avance Sébastien Darreau, on se rend compte que les objectifs sont mieux atteints que si c’est imposé, alors que la problématique de départ et la finalité sont les mêmes. Seulement, c’est humain : quand on impose, ça marche moins bien. »
Faire appel à cette méthode permet aussi d’éviter d’établir une démarche RSE qui soit trop « consensuelle, où on ne va pas toucher là où ça fait mal. C’est plus facile à mettre en œuvre, mais on va beaucoup moins loin ».
La nécessité d’une gouvernance partagée
La bonne marche de la politique RSE dépend évidemment de « la culture de l’entreprise et de l’ouverture des dirigeants » : « Le pilier c’est qu’il y ait une volonté de la gouvernance d’écouter, d’aller vers les parties prenantes, de faire remonter les informations. Si au départ les dirigeants ne sont pas convaincus et s’il n’y a pas de volonté que les collaborateurs puissent influencer la direction, ça ne coule pas forcément de source. C’est vraiment l’idée de partager cette gouvernance pour que ça ne soit pas juste la tête pensante des strates supérieures qui décide pour tous les autres, mais qu’on utilise vraiment la force vive de tous les collaborateurs pour prendre des décisions. »
La vision globale des dirigeants et la recherche de sens sont aussi essentielles à la réussite de la stratégie RSE : « Le but est de dire quel est le sens de l’activité et de regarder, en fonction des piliers de la RSE, ce que l’entreprise peut et doit faire pour être au clair. Il faut que les salariés identifient les valeurs et la culture de l’entreprise, et toutes les entreprises ne les ont pas formalisées. L’intelligence collective peut ainsi amener à se poser des questions sur la raison d’être. »
Les managers intermédiaires jouent également un rôle primordial dans la valorisation, au quotidien, de l’intelligence collective. Mais encore faut-il leur donner les moyens d’employer cette méthode, parfois mise de côté sous la pression du chiffre. « Il est rassurant de voir que de plus en plus d’entreprises mettent en place des atteintes d’objectifs qualitatifs, avec des primes liées aux objectifs RSE, indique Sébastien Darreau. Plus on les intéresse sur des objectifs autres que purement quantitatifs, plus ils auront envie d’utiliser des outils de concertation. »