Jouer pour apprendre

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Jouer pour apprendre et non apprendre pour jouer. Au-delà de former une personne,  l’expérience du jeu contribue à former les individus en créant les conditions de réussites collaboratives. Les « règles » adaptées à un univers professionnel permettent de viser un objectif commun, au sein de groupes hétérogènes.

Par Laurent Daufès , Senior Game Designer chez In Media Vita, développeur d’apprentissage durable par le jeu.

Je suis Senior Game Designer, j’ai mis mon expérience au service de la formation. J’aborde donc l’apprentissage ou l’acquisition de nouvelles compétences à travers des solutions ludiques inspirées des jeux vidéo et des sciences cognitives. Mais tout cela ne peut se faire sans l’ancrage émotionnel. Qu’est-ce que cela signifie ?

A l’instar d’un traumatisme lié à la peur ou la violence, une émotion forte va rejouer dans votre cerveau la scène et inscrire durablement cet évènement dans votre mémoire. Si nous créons une émotion positive, celle-ci va avoir le même effet. On appelle cela l’ancrage émotionnel. Le fait par exemple de faire manger à son enfant de la glace au chocolat, en temps normal interdite, en regardant le premier homme marcher sur la lune à la télévision va ancrer durablement ce souvenir allié à l’émotion positive. Il s’agit donc de créer la bonne émotion, avec la bonne action, pour ancrer l’apprentissage.

Si des expériences ou souvenirs difficiles peuvent nous marquer à vie, il a été prouvé qu’une expérience très positive peut nous impacter de la même manière.

Une fois cela posé et compris, il s’agit pour un formateur de créer les conditions d’apprentissage mais toujours avec un sens aigu de l’éthique.

 

A quoi sert le jeu dans une formation professionnelle ?

L’objectif est de se préparer collectivement à ce dont nous aurons besoin dans dix ans en termes de connaissances. Il faut développer les soft skills et aller plus loin que les compétences techniques classiques.

Car, en recevant un « savoir classique », en l’analysant, le reformulant, le rédigeant, ou le calculant, nous ne créons pas les conditions nécessaires à la création d’émotion. Pour cela nous devons faire agir le stagiaire.

 

Une des raisons qui fait évoluer un apprentissage d’une courte durée en un apprentissage durable est la création d’engagement. Si les participants adhèrent volontairement aux valeurs du jeu et souhaitent y participer d’eux-mêmes sans penser à l’objectif d’apprentissage final, alors les connaissances et compétences qu’ils auront acquises seront durables. En effet, ces personnes considèreront que cet apprentissage est utile car nous faisons ainsi vivre de manière collective et collaborative l’empowerment nécessaire pour porter cet engagement.

Ces conditions une fois réunies permettent de dépasser le blocage de l’action souvent présent lors d’enjeux qui nous dépassent.

Toutefois, il faut bien avoir à l’esprit que si l’on explique, avant le jeu, l’objectif de formation, l’ancrage ne se fait pas de la même manière. Si on dit à un enfant qu’il va jouer pour apprendre des mathématiques, il sait à l’avance comment adapter son comportement.

D’où la nécessité de créer des univers fictionnels, des histoires, des enjeux afin de détourner l’attention du joueur/stagiaire pour lui apprendre des compétences à son insu et ensuite les ancrer via un accompagnement par le formateur.