Fin du télétravail à 100% : quels changements sont à prévoir ?

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Après plus d’un an passé en télétravail, les Français font leur grand retour au bureau, depuis ce 9 juin. Si le télétravail reste la règle, les salariés appréhendent les nouvelles formes de travail et d’organisation, bouleversées par la pandémie. Rencontre avec Patrick Levy-Waitz, Président de Freeland et de la Fondation Travailler Autrement

Par La Rédaction

Quels changements sont à prévoir dans les rapports au travail et dans l’organisation ?

La crise a créé plusieurs fractures. Tout d’abord, une fracture managériale et sociale entre ceux qui pouvaient travailler et ceux qui ne le pouvaient pas mais aussi, entre ceux en télétravail et ceux qui devaient se rendre sur site. De plus, la fracture sociale à titre individuel est la perte de sens et de repère dans l’entreprise et vis-à-vis de sa propre activité. Pour cela, le management intermédiaire doit se transformer et passer d’un management à la française, très présentiel, de défiance à un management de la confiance. Si nous n’opérons pas ce changement, nous aurons une perte forte de l’affectio societatis dans l’entreprise. Cette crise a mené à des remises en cause individuelles, elle a permis aux individus de comprendre qu’il fallait travailler différemment, que l’entreprise n’était pas tout et que le management intermédiaire peut être repensé. La crise a ensuite accentué la fracture territoriale. Quand vous passez 1h30 le matin et 1h30 le soir dans les transports collectifs ou individuels, il y a un moment donné où vous vous posez la question « quel est le sens pour moi ? ». Dans les territoires il faudra recréer du lien entre les travailleurs.  95% des entreprises sont des TPE.

Donc, comment créer du collectif dans les petites entreprises ?

Nous avons observé quatre grandes révolutions en cours : celle du travail, celle liée à l’écologie, celle liée au numérique et la révolution du faire. Suite à ce constat comment fabrique-t-on du collectif dans les endroits où il n’y en a plus et où on a besoin de recréer du lien social ? C’est un enjeu majeur dans les années qui viennent. N’oublions pas les indépendants, c’est la troisième fracture, elle est statutaire. Quand vous êtes indépendant et que toute l’activité économique s’arrête, vous êtes le premier à ne plus pouvoir travailler. L’économie des plateformes dépend des indépendants, qui ont souvent un salaire faible et sans sécurité. Nous sommes à un tournant : les actifs veulent plus de liberté mais aussi plus de sécurité. Le grand enjeu de demain est de redonner du sens à l’émancipation par le travail. C’est au cœur de la mission des politiques publiques mais également les entreprises.

Quelles sont les craintes des collaborateurs aujourd’hui ?

Dans les mois qui viennent, le visage de l’économie va devoir se réorienter, changer de cap, car les entreprises comme les collaborateurs ont pris conscience d’un certain nombre de nouveaux éléments fondamentaux :

  • les cartes de la mondialisation et de la métropolisation sont rebattues…
  • l’économie à domicile se verra très certainement développée,
  • les mobilités sont repensées,
  • le management devra se réinventer en misant sur l’apprentissage des outils, l’intelligence collective et les nouvelles habitudes de travail : confiance, sens, transparence…
  • les résistances liées au télétravail seront levées. Retour au bureau, certes mais le télétravail en part time sera encouragé.
  • A plus long terme, c’est également la question écologique qui sera également posée.

Comment la crise a-t-elle encouragé les reconversions professionnelles ? La formation pour accompagner le changement va-t-elle devenir indispensable ?

Alors que la crise a heurté de plein fouet l’activité, les priorités affichées par le gouvernement, sont de créer et de protéger l’emploi déjà existant. Ensuite, il faut soutenir la formation (y compris pour les personnes sans qualification) ainsi que la transition professionnelle, dans ce monde du travail en constante évolution. Acteurs publics et privés doivent s’intéresser de plus près aux métiers de demain, qui répondent à la triple révolution à l’œuvre : ceux liés à la transition écologique, à l’adaptation au numérique et au care. Il faut investir dans ces métiers, porteurs d’avenir. La formation professionnelle est la première des sécurités qu’un individu est en droit de percevoir : elle permet l’émancipation par le travail, d’être employable, de pouvoir se donner ou redonner une chance. Accompagner les actifs est la clé de demain.