Et la Qualité de Vie des Dirigeants (QVD) : on en parle ?

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Le sujet de la QVT est omniprésent, mais qu’en est-il du moral des patrons ? Certains dirigeants se sentent bien seuls face aux multiples transformations du travail dans un contexte de morosité économique, sociale et politique. Supermood, plateforme dédiée à l’écoute des collaborateurs, se veut le porte-drapeau de la QVD, en partenariat avec le MDF. Rencontre avec Kévin Bourgeois, son fondateur.

Par Laure Berckelle

Pourquoi a-t-il fallu créer ce concept de QVD, en parallèle de la QVT ?

 

Si la QVT se focalise principalement sur les conditions de travail des salariés, la QVD (qualité de vie des dirigeants) vient s’intéresser aux fonctions dirigeantes. La QVT sans QVD, c’est comme s’occuper de son corps sans s’occuper de sa tête. On comprend instinctivement qu’un défaut de l’un affectera de façon profonde l’autre. Les dirigeants portent une énorme responsabilité sur l’engagement de leurs salariés, car en tant que « maîtres des horloges » ils définissent les directions, le tempo et le sens de la mission de l’entreprise : autant de leviers qui agissent sur la motivation… ou la démotivation du salarié  !

La QVD permet donc de mesurer objectivement la QVT et de prendre du recul sur ce qui, souvent, la détermine. En se focalisant sur l’amont, on peut travailler sur les actions qui ont le plus d’impact sur les collaborateurs et manier des leviers inaccessibles aux autres fonctions de l’entreprise : gouvernance, objectifs, sens, etc.

 

Pourquoi la QVD est-elle en baisse ?

 

Si la QVD a été fortement affectée par la crise liée au Covid de 2020, on constate une amélioration à partir de juin 2021, avec, à l’époque, un espoir de retour à la normale. Néanmoins cette évolution positive a été stoppée net par les différentes annonces de la guerre en Ukraine et la crise financière en parallèle. On observe donc chez les cadres et les dirigeants une baisse du moral (– 5 % en 2022), notamment chez les 30-40 ans (– 15 % par rapport aux 18-25 ans).

Deux facteurs principaux viennent miner les scores de la QVD aujourd’hui : tout d’abord la fatigue et la lassitude des dirigeants, qui doivent gérer crise après crise. Ce surplus d’énergie qui doit être déployé sur des périodes longues vient augmenter les risques de burn-out, qui n’ont globalement jamais été aussi élevés. Le second facteur vient de l’incertitude sur le futur. Un marché instable couplé à une situation politique incertaine éprouve les nerfs des dirigeants. L’incertitude étant fortement liée au stress[1], on retrouve des dirigeants moins confiants et dans une posture quasi exclusivement défensive.

 

Qu’est-ce qui isole les dirigeants et les cadres ?

 

Dans cet environnement d’incertitude, ils se retrouvent isolés au sein même de leur entreprise. Souvent coupés du terrain, ils ne sont que peu équipés pour avoir des retours objectifs de ce qu’il se passe en interne. Entre les retours managériaux souvent biaisés, le manque de données concrètes et l’inertie de la récolte d’informations, les dirigeants sont forcés de prendre des décisions en sachant que de nombreux angles morts demeurent. Les dirigeants hésitent donc à partager leur incertitude et compensent par une charge de travail accrue.

 

Quels sont les leviers pour renforcer la QVD ?

 

Il faut travailler sur trois dimensions complémentaires : l’équilibre de vie des dirigeants, la relation avec leurs équipes et la santé de l’entreprise. Les deux premiers facteurs disposent d’une solution commune : la création de confiance et d’objectivité au sein de l’entreprise.

Pour baisser la charge mentale du dirigeant, celui-ci doit disposer de certitudes. Cette certitude doit venir de retours concrets et argumentés du terrain, à un rythme suffisant pour pouvoir agir.  À ces retours doivent être ajoutés des processus donnant du rythme et de la clarté : rituels de partage de l’information, clarification des objectifs et de la mission de l’entreprise, métriques de performance, etc. Tous ces outils ne doivent pas être déployés dans une logique de contrôle, mais dans celle d’un accord commun entre les parties afin de définir les directions à suivre et les garde-fous.

 

La QVD peut-elle devenir une certification, un label à part entière ?

 

La QVD aujourd’hui n’a pas vocation à devenir un label ni une certification. Dans une entreprise où les retours ne proviendraient que d’une seule personne ou d’une minorité de représentants, l’évaluation pourrait être fortement biaisée, ce qui compliquerait l’attribution d’un label. La QVD est plutôt une invitation à la prise de recul dans un objectif de bien-être individuel et collectif.

 

ENCADRE

Genèse du mouvement

Début 2017,  le MEDEF a constaté que l’offre pour mesurer la QVT des collaborateurs était très importante mais qu’il n’existait pas d’outil permettant de mesurer la qualité de vie au travail des dirigeants. Le MEDEF a donc proposé à une jeune entreprise un partenariat inédit afin de lancer un indice pour mesurer la Qualité de Vie au travail des top managers. En mars 2019, plus d’une cinquantaine de dirigeantes et dirigeants d’entreprise ont accepté de participer à la phase test de cet indice.

 

 

 

Et la Qualité de Vie des Dirigeants (QVD) : on en parle ?

 

Certains dirigeants se sentent bien seuls face aux multiples transformations du travail. Supermood, plateforme dédiée à l’écoute des collaborateurs, se veut le porte-drapeau de la QVD, en partenariat avec le MDF. Rencontre avec Kévin Bourgeois, son fondateur.

 

Par Laure Berckelle

 

 

Pourquoi a-t-il fallu créer ce concept de QVD, en parallèle de la QVT ?

 

Si la QVT se focalise principalement sur les conditions de travail des salariés, la QVD (qualité de vie des dirigeants) vient s’intéresser aux fonctions dirigeantes. La QVT sans QVD, c’est comme s’occuper de son corps sans s’occuper de sa tête. On comprend instinctivement qu’un défaut de l’un affectera de façon profonde l’autre. Les dirigeants portent une énorme responsabilité sur l’engagement de leurs salariés, car en tant que « maîtres des horloges » ils définissent les directions, le tempo et le sens de la mission de l’entreprise : autant de leviers qui agissent sur la motivation… ou la démotivation du salarié  !

La QVD permet donc de mesurer objectivement la QVT et de prendre du recul sur ce qui, souvent, la détermine. En se focalisant sur l’amont, on peut travailler sur les actions qui ont le plus d’impact sur les collaborateurs et manier des leviers inaccessibles aux autres fonctions de l’entreprise : gouvernance, objectifs, sens, etc.

 

Pourquoi la QVD est-elle en baisse ?

 

Si la QVD a été fortement affectée par la crise liée au Covid de 2020, on constate une amélioration à partir de juin 2021, avec, à l’époque, un espoir de retour à la normale. Néanmoins cette évolution positive a été stoppée net par les différentes annonces de la guerre en Ukraine et la crise financière en parallèle. On observe donc chez les cadres et les dirigeants une baisse du moral (– 5 % en 2022), notamment chez les 30-40 ans (– 15 % par rapport aux 18-25 ans).

Deux facteurs principaux viennent miner les scores de la QVD aujourd’hui : tout d’abord la fatigue et la lassitude des dirigeants, qui doivent gérer crise après crise. Ce surplus d’énergie qui doit être déployé sur des périodes longues vient augmenter les risques de burn-out, qui n’ont globalement jamais été aussi élevés. Le second facteur vient de l’incertitude sur le futur. Un marché instable couplé à une situation politique incertaine éprouve les nerfs des dirigeants. L’incertitude étant fortement liée au stress[2], on retrouve des dirigeants moins confiants et dans une posture quasi exclusivement défensive.

 

Qu’est-ce qui isole les dirigeants et les cadres ?

 

Dans cet environnement d’incertitude, ils se retrouvent isolés au sein même de leur entreprise. Souvent coupés du terrain, ils ne sont que peu équipés pour avoir des retours objectifs de ce qu’il se passe en interne. Entre les retours managériaux souvent biaisés, le manque de données concrètes et l’inertie de la récolte d’informations, les dirigeants sont forcés de prendre des décisions en sachant que de nombreux angles morts demeurent. Les dirigeants hésitent donc à partager leur incertitude et compensent par une charge de travail accrue.

 

Quels sont les leviers pour renforcer la QVD ?

 

Il faut travailler sur trois dimensions complémentaires : l’équilibre de vie des dirigeants, la relation avec leurs équipes et la santé de l’entreprise. Les deux premiers facteurs disposent d’une solution commune : la création de confiance et d’objectivité au sein de l’entreprise.

Pour baisser la charge mentale du dirigeant, celui-ci doit disposer de certitudes. Cette certitude doit venir de retours concrets et argumentés du terrain, à un rythme suffisant pour pouvoir agir.  À ces retours doivent être ajoutés des processus donnant du rythme et de la clarté : rituels de partage de l’information, clarification des objectifs et de la mission de l’entreprise, métriques de performance, etc. Tous ces outils ne doivent pas être déployés dans une logique de contrôle, mais dans celle d’un accord commun entre les parties afin de définir les directions à suivre et les garde-fous.

 

La QVD peut-elle devenir une certification, un label à part entière ?

 

La QVD aujourd’hui n’a pas vocation à devenir un label ni une certification. Dans une entreprise où les retours ne proviendraient que d’une seule personne ou d’une minorité de représentants, l’évaluation pourrait être fortement biaisée, ce qui compliquerait l’attribution d’un label. La QVD est plutôt une invitation à la prise de recul dans un objectif de bien-être individuel et collectif.

[1] « Manipulation de l’intolérance à l’incertitude et aux inquiétudes », S. Grenier et R. Ladouceur, Revue canadienne des sciences du comportement, 2004.

[2] « Manipulation de l’intolérance à l’incertitude et aux inquiétudes », S. Grenier et R. Ladouceur, Revue canadienne des sciences du comportement, 2004.