Adeline Azhari, Directrice des Ressources humaines – Eiffage construction : ces labels qui font la différence

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Directrice des Ressources humaines, Adeline Azhari revient sur les engagements forts de l’entreprise en matière de diversité, d’égalité et de santé mentale. Labels obtenus, inclusion sur les chantiers, écoute des équipes terrain : elle détaille les leviers activés pour faire évoluer la culture d’un secteur encore très masculin.

Par ANNE-CECILE HUPRELLE

Fait rare dans le secteur du BTP, Eiffage Construction a obtenu deux labels Diversité et Égalité, par l’AFNOR. Concrètement, quelles actions RH vous ont permis d’obtenir ces reconnaissances ?

Il ne s’agit pas seulement d’actions RH, mais d’une démarche d’entreprise globale. Nous avons recruté une personne dédiée à ces sujets pour établir un diagnostic, construire une stratégie et sensibiliser les managers. Cette formation a notamment porté sur les stéréotypes, le sexisme (y compris le sexisme bienveillant) et la diversité au sens large. Nous avons également revu nos processus pour garantir leur caractère inclusif et non discriminant, et lancé des campagnes de communication avec des témoignages de collaborateurs, des affiches pédagogiques, etc. Un comité de pilotage diversité a été mis en place avec des référents dans chaque région pour partager les initiatives.

Quel rôle joue la direction des ressources humaines dans la transformation culturelle des chantiers ? Tous les chantiers sont intégrés dans nos politiques RH, sans distinction. Nous adaptons nos outils aux réalités terrain, avec par exemple des kits pour les “quarts d’heure diversité” ou “quarts d’heure égalité” à diffuser directement sur les chantiers. Le but est que l’ensemble des collaborateurs, même éloignés des bureaux, puisse accéder à l’information et participer à la démarche.

 

Quels sont les défis spécifiques à la promotion de la diversité et de l’égalité dans un secteur historiquement masculin comme le BTP ?

Le secteur reste très masculin, statistiquement. Nous avons donc choisi de prioriserla féminisation dans les postes d’encadrement, avec un objectif clair : atteindre 30 % de femmes cadres. Ce chiffre correspond à la proportion de femmes dans les écoles d’ingénieurs du bâtiment. Nous pensons bientôt atteindre cet objectif. Nous travaillons aussi avec des associations comme Elles bougent ou Capital Filles pour encourager les carrières scientifiques chez les jeunes filles, l’objectif étant de casser les clichés de notre secteur et de montrer qu’il se féminise de plus en plus pour donner envie aux jeunes filles de s’orienter dans nos métiers qui sont passionnants. Et nous mettons en lumière des femmes managers ou dirigeantes pour favoriser la projection et la fidélisation.

Comment impliquez-vous les équipes terrain dans cette démarche inclusive ? Avez-vous des retours directs des compagnons ou chefs de chantier ?

Oui, et c’est même essentiel. Nous avons formé nos managers de proximité pour qu’ils deviennent des relais de cette culture inclusive. Nous leur donnons les outils pour sensibiliser leurs équipes directement sur le terrain. Et nous constatons que de plus en plus de retours viennent spontanément d’eux, preuve que la démarche infuse. Vous avez évoqué le sexisme bienveillant.

Pouvez-vous donner un exemple concret ?

C’est lorsqu’une intention positive peut produire une discrimination involontaire. Par exemple, un manager qui suppose qu’une femme revenant de congé maternité souhaite moins de responsabilités, sans lui poser la question. Ce n’est pas forcément malveillant, mais c’est sexiste. Il faut simplement demander, ouvrir la discussion, sans projeter ses propres hypothèses.

En tant que femme dans le BTP, avez-vous observé une évolution des mentalités ?

Oui, les choses évoluent. Aujourd’hui, on peut plus facilement dire “ce que tu viens de dire est sexiste”. La parole s’est libérée et nous avons des repères clairs dans l’entreprise. Mon rôle me permet de porter ces sujets, mais ma plus grande fierté, c’est de voir des managers euxmêmes corriger certains propos. C’est là qu’on mesure vraiment le chemin parcouru.

2025 est l’année de la santé mentale : le groupe Eiffage prévoit-il des actions spécifiques pour sensibiliser ses collaborateurs sur ce sujet ?

Nous avons déjà engagé des actions autour des troubles mentaux et psychiques dans le cadre de nos politiques handicap. Chaque année, nous organisons deux semaines de sensibilisation, avec des thématiques variées. En 2025, nous continuerons à inclure la santé mentale dans nos communications et formations, car c’est un sujet majeur. L’important est d’en parler pour lever les tabous et libérer la parole.

La désignation de 2025 comme « année de la santé mentale » est-elle selon vous arrivée trop tard ?

Il n’y a pas de mauvais moment pour aborder ces sujets. Le COVID a sensibilisé beaucoup de gens à l’importance de la santé mentale. Ce qui compte, c’est de pouvoir en parler librement, sans stigmatisation. Cela rassure, fait tomber les préjugés, et améliore l’environnement de travail pour tous.