De la communication à l’incarnation : la stratégie ambassadeurs de Saint-Gobain

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Le groupe industriel fondé en 1665, leader mondial des matériaux de construction et des solutions pour une construction durable, a mis en place un programme novateur structuré autour de collaborateurs ambassadeurs. Volontariat, formation, animation et accompagnement : Stéphanie Camus, en charge de ce programme, nous dévoile les clés de cette démarche engageante.

Par Anne-Cécile Huprelle

Comment est né le programme d’Employee Advocacy chez Saint- Gobain, et quels objectifs lui ont été assignés dès le départ ?

Ce programme est né il y a plus de cinq ans, avec pour volonté d’accroître la notoriété de la marque Saint-Gobain, tout en développant son influence, notamment en matière de marque employeur. L’idée était de compléter les canaux de communication corporate traditionnels en y ajoutant une dimension humaine : associer les collaborateurs au pouvoir d’influence de la marque. C’est ainsi qu’est né le programme ambassadeur, qui propose à nos collaborateurs de devenir les « influenceurs » de Saint-Gobain. Le concept d’ambassadeur n’est pas nouveau : il existait déjà aux États-Unis dans les années 1960, chez Disney ou Dell, et plus récemment chez des groupes comme L’Oréal ou BNP. En réalité, tout collaborateur est potentiellement ambassadeur de son entreprise dans son quotidien ; ce programme vise simplement à structurer et cadrer cette prise de parole, notamment sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, les messages portés par des individus suscitent plus de confiance que ceux diffusés directement par une marque. L’enjeu était donc d’adapter nos codes de communication à cette réalité : passer du BtoC ou BtoB au « Human to Human ».

Comment identifiez-vous et mobilisez- vous les collaborateurs ambassadeurs ?

Au départ, nous avons mené une phase pilote en sélectionnant des profils communicants et marketeurs. Puis nous avons étendu le programme, en nous appuyant sur plusieurs leviers : des appels à volontariat via une newsletter interne, l’identification de profils déjà actifs sur les réseaux sociaux et la détection de collaborateurs engagés et positifs envers la marque. Le critère principal reste l’envie. Même un collaborateur peu actif en ligne peut devenir un excellent ambassadeur s’il est motivé, curieux et prêt à progresser. Nous les accompagnons pour les aider à monter en compétences.

 

« Aujourd’hui, les messages portés par des individus suscitent plus de confiance que ceux diffusés directement par une marque. »

« Cette dynamique contribue à la notoriété de Saint-Gobain, tout en renforçant la fierté d’appartenance et les compétences digitales des collaborateurs. »

Quelles sont les grandes étapes de formation et d’accompagnement proposées aux ambassadeurs ?

L’entrée dans le programme passe d’abord par une session de onboarding : présentation des objectifs, du fonctionnement, des thématiques abordées et du planning annuel. Nous insistons sur trois principes : volontariat, sincérité et liberté. Les ambassadeurs sont libres de publier ou non, et de quitter le programme à tout moment. Sur la base du volontariat, ils peuvent ensuite suivre trois formations : les bonnes pratiques de publication sur LinkedIn par exemple, les techniques rédactionnelles, la création d’image et de vidéo. Après un an de programme, nous leur proposons des formations flash (30 à 45 minutes) sur des sujets plus pointus : formats verticaux, élargissement du réseau, TikTok, etc. L’idée est de nourrir continuellement leurs compétences et leur curiosité.

Quel rythme de publication est attendu des ambassadeurs ?

Aucun rythme n’est imposé. Nous proposons en moyenne deux contenus par semaine, mais chacun est libre de publier ou non, selon sa disponibilité et ses centres d’intérêt. Nous les aidons à définir leur ligne éditoriale personnelle : certains préfèrent aborder des sujets business, d’autres des thématiques plus personnelles comme le sport ou la diversité. L’essentiel est que leur communication soit cohérente avec leur image et leur personnalité. Nous les sensibilisons à leur personal branding : publier en tant que collaborateur, c’est aussi travailler son image professionnelle.

Comment gérez-vous les éventuels commentaires négatifs sur leurs publications ?

Nous abordons ce point dans les formations. Nous évitons de proposer des contenus sensibles ou polémiques. Les ambassadeurs sont encouragés à personnaliser les contenus, mais certains sujets restent cadrés. En cinq ans, nous avons eu très peu de commentaires désobligeants. Lorsqu’un cas se présente, nous conseillons à l’ambassadeur de nous en informer, nous suivons alors la situation. L’objectif est de préserver un environnement serein.

Les ambassadeurs sont-ils rémunérés ?

Non, il s’agit d’un engagement volontaire et non rémunéré. Cependant, ils bénéficient de contreparties symboliques et communautaires : formations dédiées, accès privilégié à certains événements internes, participation à des temps forts (comme les Jeux olympiques de Paris 2024). Chaque année, nous organisons également une soirée dédiée à la communauté, bilan de l’année, podium des meilleurs ambassadeurs. Cela nourrit leur sentiment d’appartenance et leur permet d’élargir leur réseau au sein du groupe.

Quels sont les défis pour déployer ce programme à l’international ?

Le programme est déjà implanté dans plusieurs pays (Inde, Pologne, Brésil) et en cours de déploiement au Mexique et aux États- Unis. Chaque pays doit s’approprier la démarche : les contenus doivent être en langue locale et adaptés aux contextes spécifiques (par exemple, une campagne d’alternance en France n’aurait pas de sens au Brésil). Nous fournissons un accompagnement méthodologique et des supports traduits, mais le succès repose sur l’implication des équipes locales et les ressources humaines disponibles pour animer ces communautés.

Quels résultats avez-vous observés depuis le lancement du programme ?

Nous constatons une montée en puissance de profils commerciaux et RH, ils sont conscients de l’intérêt du programme pour élargir leur réseau ou donner de la visibilité à leurs métiers. Nous observons également une forte diversité de profils et de niveaux hiérarchiques, allant de jeunes recrues à des directeurs de la stratégie ou même la CEO de Saint-Gobain à Hong Kong, ambassadrice depuis les débuts. Globalement, le résultat principal de ce programme reste l’engagement durable des ambassadeurs, grâce à la liberté laissée et à la dimension communautaire du programme. Cette dynamique contribue à la notoriété de Saint-Gobain, tout en renforçant la fierté d’appartenance et les compétences digitales des collaborateurs. Encore une fois, l’employee advocacy chez nous est un engagement volontaire, mais qui crée une vraie communauté. Les ambassadeurs deviennent visibles, connectés, et fiers de représenter leur entreprise.