Comment Wojo secoue l’immobilier d’entreprise

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Si la crise sanitaire et économique a pris de court les entreprises en faisant exploser l’organisation traditionnelle de la semaine de travail, Stéphane Bensimon, professionnel du coworking, remettait en question l’utilité du bureau bien avant 2020.

Par Anne-Cécile Huprelle

Vous êtes aux manettes de Wojo depuis deux ans et demi, mais vous aviez pressenti avant cela l’évolution des modes de travail…

J’y croyais déjà avant et j’y crois encore plus aujourd’hui. Wojo a été créé par Bouygues Immobilier en 2015, sous la marque Nextdoor. En 2017, Bouygues Immobilier et Accor se sont associés à 50-50 au capital. Début 2019, Nextdoor est devenu Wojo et a accéléré son développement, avec l’ambition d’être un des leaders du coworking en Europe. Son offre a été structurée autour de trois types d’espaces de travail : coworking, bureaux, salles de réunion et espaces événementiels. Tous accessibles, au choix, dans l’un des 14 sites en France et en Espagne ou au sein du réseau de 400 tiers lieux Wojo, notamment dans des hôtels du groupe Accor. Nous accélérons le déploiement de ces espaces pour permettre à chacun de travailler à moins de dix minutes de l’endroit où il se trouve. Les nouvelles organisations de travail ne sont pas encore stabilisées, on ne sait pas encore tout ce que la crise va engendrer. Deux tiers des entreprises n’ont pas encore fixé de règles sur le nombre de jours de présence en entreprise, sur la mise en place de flex office ou non. J’ai toutefois la conviction que les choses ne seront plus comme avant. Les salariés veulent aujourd’hui redonner du sens à leur travail.

 

Le coworking demande une certaine ouverture d’esprit. Les dirigeants sont-ils prêts ?

Ce qui va les motiver, ce sont les enjeux financiers, environnementaux et ceux concernant leur « marque employeur ». Ils souhaitent rationaliser les bureaux pour ne plus avoir de mètres carrés inoccupés, alléger l’impact environnemental de leur immobilier et générer de l’attractivité pour attirer et conserver les collaborateurs. L’entreprise doit accepter qu’un collaborateur puisse aller vivre en province et lui donner les moyens de travailler à l’extérieur de son domicile pour éviter l’enfermement et maintenir le lien social. Elle doit aussi assurer le collectif. C’est en cela que les espaces de coworking peuvent être adaptés.

 

Les années à venir vont être passionnantes, avec des tiers lieux qui vont rivaliser d’inventivité. Comment pensez-vous que cela puisse inspirer le bureau traditionnel ?

Le bureau traditionnel a atteint ses limites pour trois raisons. D’une part, il est mono-localisé. Tout le monde ne vit pas à proximité de son bureau et celui-ci doit se réinventer pour se rapprocher du lieu de vie des collaborateurs. Par ailleurs, le bureau à l’ancienne est « mono-culture » : on n’y rencontre que ses collègues. Aujourd’hui, les salariés ont une vraie volonté de redonner du sens à leur travail et de s’ouvrir à d’autres personnes, d’autres entreprises, pour partager et s’enrichir à leurs côtés. Chez Wojo, nos membres se côtoient, échangent entre eux. Je vois du business se faire entre membres de la communauté, il y a un vrai brassage qui multiple les échanges. Enfin, en coworking, il existe un aspect dont peut s’inspirer le bureau traditionnel : celui de la qualité de vie au travail et des services. Ces derniers sont très développés chez Wojo : quand vous entrez, vous êtes accueilli au bar, on vous fait patienter avec un café, il y a des espaces de travail collectifs, des espaces de conférences… C’est une tout autre expérience qui n’a pas encore atteint le bureau traditionnel.

 

Comment boostez-vous les usages ?

Le flex office et les immeubles de bureaux partagés sont des solutions à la rigidité de l’immobilier traditionnel et du bail 3-6-9[1]. Récemment, une entreprise de 40 collaborateurs, que je connais, a résilié son bail et quitté les 500 m2 qu’elle louait. Contrainte de réduire ses charges fixes, elle a décidé de louer des bureaux privatifs et de limiter le nombre de postes fixes à 25. Le télétravail, la réduction de l’empreinte immobilière et le passage à une solution de bureaux flexibles génèrent 30 à 50 % d’économies. De plus, certaines entreprises ont fait le choix, ou y ont été contraintes, de résilier leur bail pendant le confinement. Privées de locaux communs, et pour lutter contre l’affaiblissement de la dynamique collective, ces entreprises privatisent désormais des salles de réunion pour un, deux ou trois jours par mois : des journées de présentiel qui leur permettent de conserver le lien humain entre les équipes. Enfin, le coworking en complément du siège social est aussi une solution pour optimiser la « qualité de vie au télétravail » des collaborateurs de grands groupes. Des abonnements de coworking sont proposés pour permettre aux collaborateurs de travailler dans la configuration de leur choix, à proximité de leur domicile.

 

Quelles sont vos pistes de développement ?

Nous ambitionnons de nous déployer en Europe et d’aller plus loin sur le développement de notre offre. Nous souhaitons notamment mettre en place un nouveau format en nous adressant aux propriétaires ou aux locataires d’immeubles, en leur proposant de nous confier leurs espaces inoccupés pour les commercialiser et ainsi réduire leur facture. Nous souhaitons également aller plus loin sur le mixed-use, en développant les espaces de coworking au sein des hôtels. Notre ambition : 2/3 de chambres et 1/3 de bureaux dans le même bâtiment avec des services communs qui pourraient être partagés. L’idée est de pouvoir proposer des solutions à des entreprises qui cherchent à être un peu partout en France. Par exemple, une entreprise qui a une succursale à Bourges peut bénéficier des espaces du Mercure ou du Novotel de Bourges et y installer des bureaux privatifs. Nous souhaitons également trouver de nouveaux partenaires, développer de nouvelles animations. Nous cherchons actuellement une proposition de valeur pour monter des événements, à la demande de nos membres. Et je suis certain qu’il y a d’autres choses à créer que l’on n’a pas encore identifiées.

 

 

 

L’utilité du bureau en quatre problématiques

La réflexion des entreprises porte désormais sur le moyen de concilier :

  • un coût immobilier qui ne mette pas l’entreprise en péril,
  • des bureaux capables de s’adapter aux besoins de l’entreprise en temps réel,
  • une organisation du travail suffisamment agile pour faire perdurer l’activité sans heurts en cas de crise,
  • les attentes de leurs collaborateurs, qui ne cherchent plus seulement un espace pour travailler, mais des lieux hybrides qui contribuent à leur épanouissement.

 

 

Hyper-adaptabilité

Wojo se met à la disposition des entreprises qui souhaitent construire une organisation du travail dans laquelle le bureau s’adapte à leurs besoins, et non l’inverse. Le principe ? Construire la semaine idéale de travail, en définissant le bon dosage entre trois types d’espaces, sur la base d’offres à la carte, ou sur abonnement…

  • Wojo Coworking : des espaces de travail partagés au niveau de qualité garanti, partout en France.
  • Wojo Office : des bureaux privatifs personnalisables, mono- ou multi-sites, et dont le nombre de postes est révisable à la hausse comme à la baisse.
  • Wojo Meeting : des salles de réunion et de séminaire réservables à l’heure ou à la journée.

 

 

SONDAGE

L’ère du bureau à la carte, scénario abstrait, devient plus que réaliste

  • Pour un salarié sur trois, les lieux de travail doivent profondément changer et proposer de nouveaux espaces, plus attrayants, plus diversifiés, mixant postes de travail individuels, open spaces, lieux où s’isoler pour se concentrer et d’autres, plus conviviaux pour échanger, se détendre…
  • Pour 26 % des salariés de moins de 35 ans, les bureaux devraient aussi être pourvus d’espaces propices aux échanges, afin de recréer du lien social et de « compenser » la solitude causée par le télétravail.
  • Si demain, ils pouvaient travailler trois jours à distance et venir au bureau deux jours par semaine, 62 % des moins de 35 ans et presque un salarié sur deux envisageraient de déménager pour améliorer leur qualité de vie.
  • Pour 56 % des salariés et 60 % des moins de 35 ans, il y aura dans un futur proche des bureaux « à la carte ». En fonction de sa journée de travail, on choisira la ville, la localisation précise de son lieu de travail, sa plage horaire de présence…
  • Pour 70 % des salariés, ces nouveaux espaces de travail donnent une autre vision du management de l’entreprise, plus participatif, réellement préoccupé du bien-être et de l’épanouissement du salarié.

 

Selon une étude OpinionWay pour Wojo, menée auprès de 1 210 personnes.

[1] Bail commercial permettant la mise à disposition de locaux commerciaux, d’un bailleur à un preneur. Il contient une clause précisant que la résiliation du bail peut avoir lieu tous les trois, six ou neuf an